Un héroïque dirigeant communiste de Transnistrie a été assassiné par des forces obscures objectivement fascistes et bellicistes. Le PRCF s’incline devant la mémoire de ce héros du prolétariat et de la paix. Ajoutons cependant que l’heure n’est plus depuis longtemps à se lamenter sur le fait que le PCF a rallié de facto le camp de l’UE et de l’OTAN, de la Russie à la Chine en passant par la Syrie. À un moment il faut mettre en pratique le conseil de Lénine en 1917 à ceux qui hésitaient à l’infini à rompre avec la social-eurocratie faillie : « Camarades, il faut enlever la chemise sale et mettre une chemise propre ».
C’est à dire retrousser les manches et RECONSTRUIRE.
GG
Texte de Danielle Bleitreich, publié sur son blogue, histoire et société :
J’apprends à l’instant qu’Oleg Khorzhan a été assassiné. Nous l’avions rencontré Marianne et moi et avions discuté durant plusieurs heures avec lui lors de notre voyage en Moldavie et en Ukraine. Encore un communiste assassiné, est-ce que les communistes français le sauront ?.. Ce serait déjà un pas important s’ils n’envoyaient pas dans ces pays des journalistes qui sont dans le camp des assassins…
Comme nous le racontons dans notre livre (URSS vingt ans après, retour de l’Ukraine en guerre, Delga, 2015), nous revenions d’Odessa, le secrétaire du Parti d’Ukraine dans cette ville avait téléphoné à Oleg pour qu’il nous reçoive en Transnitrie. Je revois les locaux du parti communiste de Transnistrie, cet adolescent curieux, responsable de la JC qui voulait tant savoir ce que devenait la jeunesse communiste française… Il aurait tant voulu être en contact… Les inviter… À ses côtés, un vieux militant nous parlait de Maurice Thorez et Georges Marchais, de la Commune de Paris, en attendant qu’Oleg nous reçoive…
Oleg était un homme jeune, qui nous attendait avec un grand sourire, au sommet de l’escalier qui menait à son bureau. Un géant débonnaire et bon vivant avec une confiance totale dans ses engagements communistes et qui nous a accueilli avec amitié et joie. C’est d’ailleurs pour cela, parce que je sais combien le fait de se présenter comme communiste vous ouvre la porte, le cœur de gens qui risquent leur vie et combien il est criminel de leur envoyer avec une recommandation “officielle” des gens dont on est rien que moins sur. On peut pas jouer avec ça.
Khorzhan a travaillé à l’hôpital militaire de Dubăsari après la fin de la guerre de Transnistrie en juillet 1992, la guerre de Transnistrie avait opposé la Transnistrie qui vouait rester Russe à la Moldavie, en fait aux troupes roumaines , il y avait eu près de mille morts dont nous n’avons jamais entendu parler. Il a rejoint le parti communiste local à l’âge de 18 ans et a joué un rôle actif dans la reconstruction de l’aile jeunesse du parti. En avril 1995, il a été élu au conseil municipal de Tiraspol. De 1997 à 2000, il a été président de la commission juridique parlementaire. Khorzhan a ensuite reçu un diplôme honorifique du conseil municipal pour son travail. En mai 2003, il a rejoint le Parti communiste Pridnestrovie (PCP) nouvellement créé et a été élu président après l’emprisonnement du premier dirigeant du parti. En mars 2007, Khorzhan a été arrêté et détenu pour avoir organisé une manifestation à Tiraspol contre la hausse des prix et des taxes. Il a ensuite été condamné à un an et demi de probation. C’est non seulement un militant et dirigeant communiste mais quelqu’un de très actif tant dans la vie politique de la Transnistrie que dans la reconstitution d’un espace soviétique.
Lors des élections législatives de 2010, Khorzhan est devenu le premier candidat du PCP à être élu au Conseil suprême. Au cours de son premier mandat, il a été affecté à la commission de l’éducation, de la science et de la culture. Khorzhan s’est présenté à l’élection présidentielle de 2011 en tant qu’indépendant avec le soutien du PCP, et est arrivé quatrième avec 5,09% des voix. À l’occasion de l’anniversaire de la fondation de la Transnistrie en 2014, le président de l’époque, Evgueni Chevtchouk, a décerné à Khorzhan la médaille « Pour la valeur du travail ». Pour ses efforts dans le développement et le renforcement des relations entre la Transnistrie et l’autre république séparatiste d’Ossétie du Sud, il a reçu un diplôme honorifique du Parlement d’Ossétie du Sud. Khorzhan a également reçu l’Ordre de la Valeur du Parti par le Parti communiste de la Fédération de Russie pour son travail à Moscou. Khorzhan a été réélu lors des élections législatives de 2015, prenant la première place dans la circonscription n ° 40 avec 43,62% des voix. Il s’est présenté à nouveau à l’élection présidentielle de Transnistrie 2016, cette fois en tant que candidat du PCP. Il s’est classé troisième avec 3,17% des voix.
Khorzhan était marié et il a deux fils et même si comme les dirigeants communistes il était très discret sur sa vie de famille, il nous avait laissé entendre qu’ils militaient en “famille”.
Il nous a longuement raconté l’évolution de la Transnistrie, la manière dont la volonté de paix des communistes, était systématiquement traquée non seulement par les fascistes qui sous l’influence de l’OTAN étaient encouragés partout mais y compris des militaires “pro-Russie unie”, ultra-nationalistes qui avaient pris le pouvoir en Transnistrie et voulait se débarrasser des communistes qui réactivaient le souvenir toujours vivace de l’URSS. Dans le Donbass et partout, nous avions rencontré ce “trio post-soviétique”: les fascistes de l’OTAN, hommes de main des oligarques ukrainiens, les communistes et tous ceux qui se réclamaient de l’URSS en combattant les premiers mais qui étaient également soumis à des forces ultra-nationalistes qui pactisaient en sous-main avec les oligarques qui se disputaient les territoires. Nous avons vu assassiner les meilleurs d’entre eux parce que les oligarques locaux voulaient se débarrasser d’eux…
Quelques mois après notre rencontre, nous avions appris qu’il avait été arrêté par les autorités de Transnistrie et nous vous avions avisé à diverses reprises des quatre ans d’emprisonnement qu’il a subi. Il n’y avait rien à lui reprocher au contraire mais il a du faire la totalité de sa peine après une longue grève de la faim et de multiples interventions russes du KPRF et internationalistes en sa faveur.
Même si la Transnistrie est un cas particulier, il faut bien mesurer qu’être communiste dans l’espace post-soviétique est un combat pied à pied avec des dirigeants et militants qui sont sur tous les terrains et empêchent le parti officiel d’en user comme ils le souhaiteraient. Quand ils subissent une répression, ils ne peuvent compter que sur les communistes et quand il s’agit malheureusement du parti communiste français, celui-ci ne s’intéresse qu’aux forces libérales corrompues et financées par la CIA.
Arrestation et emprisonnement en 2018
Le 2 juin 2018, Khorzhan a organisé un rassemblement à Tiraspol, au cours duquel un certain nombre de participants ont été arrêtés par la police. Plus tard dans la soirée, Khorzhan s’est rendu au bâtiment des affaires internes de la ville pour rencontrer le directeur et se porter garant de la libération des détenus. Des policiers l’ont empêché d’entrer dans le bâtiment et une altercation physique aurait eu lieu. Khorzhan a écrit une déclaration à la police par la suite, dénonçant les actions de la police comme un usage disproportionné de la force et une violation de ses droits en tant que membre du Conseil suprême. À son tour, sur recommandation du procureur en chef Anatoly Guretsky, Khorzhan a été privé de son immunité parlementaire et arrêté le 6 juin 2018. Plusieurs autres membres du parti avaient été arrêtés par les autorités avant Khorzhan, y compris sa femme, son fils et le député du conseil municipal de Tiraspol, Alexander Samoniy. L’arrestation de Khorzhan a immédiatement été condamnée par les membres de l’UPC-PCUS (les communistes des différentes ex-républiques d’URSS regroupées au sein du PCUS), qui ont dénoncé sa détention comme illégale et politiquement non motivée. Le 3 novembre 2018, la Cour suprême de Transnistrie a reconnu Khorzan coupable d’agression contre les forces de l’ordre et l’a condamné à quatre ans et demi de prison. Il a également été condamné à payer une lourde amende. Le président moldave pro-russe de l’époque, Igor Dodon a exprimé son désaccord avec la décision et a exhorté le bureau du procureur moldave à répondre, mais aucune mesure n’a été prise par ce dernier. Khorzhan a été libéré de prison le 6 décembre 2022 après avoir purgé l’intégralité de sa peine.
Voilà l’article que nous avons publié récemment sur lui, un interview “d’un homme fidèle à son peuple”, un communiste :
Sitôt sorti de prison, ce communiste avait engagé un processus d’unité d’opposition aux forces de l’OTAN et aux néo-nazis, en Transnitrie comme en Moldavie, et il faut mesurer comme nous l’avons fait tout au long de ce voyage combien ces forces sont puissantes. Combien la politique actuelle de l’OTAN et de l’UE est en train de créer les conditions d’une guerre civile en entretenant des bandes d’assassins sans autre idéologie que leurs intérêts, des soldats de fortune avec des trafiquants d’armes.
Dans la nuit du 16 juillet 2023, Oleg Khorzhan a été poignardé à mort dans son propre bureau. Le chef du Congrès civil, Mark Tkachuk, a écrit à ce sujet sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui 17 juillet, le dirigeant du PCRF, Gennady Zyuganov, a également annoncé que Khorzhan avait été tué.
Il faut que vous vous rendiez compte des conditions de la lutte de ces communistes et du fait que nous ne pouvons pas les mettre en danger en leur envoyant des gens qui de fait les désignent à l’assassinat et à la répression. Puisque qu’aujourd’hui nous apprenons avec beaucoup de chagrin que cette nuit Oleg Khorzhan a été assassiné, poignardé dans le bureau où il nous avait reçu… Est-ce qu’il y aura dans l’Humanité un mot sur ce communiste tombé pour que la paix et le progrès revienne en Moldavie et dans toute l’Europe déchirée par des guerres fratricides ?… Ce n’est pas la tasse de thé de Kamenka et de ses liens en Ukraine et sur le terrain où l’on paye le prix disons de la “légèreté”… Hélas, les communistes français ignorent encore trop ce qu’il advient des leurs tant qu’ils accepteront d’avoir comme journalistes des gens qui sont de l’autre côté…
Danielle Bleitrach