Haïti, c’est la première République noire ayant conquis son indépendance après deux siècles d’esclavagisme. Elle subit depuis plus d’un siècle l’occupation, les violences ou les ingérences de l’impérialisme américain.
Le 28 février dernier, des manifestations gigantesques ont eu lieu pour le départ du dictateur Jovenel
www.initiative-communiste.fr reproduit ci-dessous pour information une analyse diffusée et partagée par des militants haitiens.
1 – CONTEXTE.
Haïti traverse une crise mondiale, une crise structurelle depuis longtemps. Cette crise touche tous les secteurs de la vie nationale depuis de nombreuses années. Mais c’est devenu catastrophique, insupportable depuis l’arrivée du régime PHTK au pouvoir avec Joseph Martelly dans la première phase et Jovenel Moise dans une seconde. Il faut rappeler rapidement que Martelly a été classé en 4e ou 5e position lorsque l’OEA (Organisations des États américains) a exigé que le CEP mette cet homme en deuxième position pour qu’il puisse participer au second tour avec Myrlande Manigat, figure importante de l’élite intellectuelle haïtienne. Martelly n’était donc pas le choix du peuple haïtien. Il a été parachuté par la communauté internationale lors d’élections de manigances de l’OEA.
Martelly, après avoir prêté serment, a déclaré que le pays était ouvert aux affaires. C’était une façon, à notre avis, de dire : le pays est à vendre. Il était devenu président notamment pour liquider les ressources naturelles du pays. En effet, il a déjà créé la zone franche industrielle de Caracole dans le Nord-Est ainsi que la zone franche agricole au nom de Jovenel Moise à titre de marketing politique. Le slogan de la campagne de Jovenel était : NEG BANNANN LAN (PLANTAIN MAN). À l’Île à Vache au sud, des familles paysannes sont chassées de leurs terres pour créer une zone touristique gratuite. Il est prévu de reprendre l’Île de la Gonâve pour créer une zone financière libre (Tax Paradise). Il y a un autre projet de zone franche industrielle à Turtle Island dans le nord-ouest. La dernière action de Jovenel est la création d’une zone franche agro-industrielle à Savane Diane. Une savane de 30 000 hectares qui s’étend sur les départements de l’Artibonite, du Centre et du Nord. Cette zone franche a été publiée au journal officiel Le Moniteur le 8 février, au lendemain de la fin du mandat de Jovenel le 7 février. Elle couvrira 14 000 hectares concédés à la famille Louis Dejoie et Andy Apaid. Apaid est le chef de file de ce projet qui produira de la Stevia, spécialement pour Coca Cola.
Martelly, avant son départ, avait signé au moins 8 accords avec des sociétés minières aurifères des États-Unis et du Canada. Un groupe de sénateurs a bloqué la ratification au Parlement. Mais Jovenel vient de négocier un accord scandaleux avec Washington pour rester au pouvoir. Il s’agit d’un accord secret avec VCS Mining Company qui recevra des concessions minières qui pourraient rapporter au pays 190 milliards de dollars en 25 ans. Jovenel est en train de conclure un accord pour la misérable somme de 500 millions de dollars en 3 ans. Le PHTK est en train de vendre le pays.
Jovenel, dont le mandat a pris fin le 7 février 2021 conformément à la constitution amendée dans son article 194-2 et au décret de loi électorale du 2 mars 2015, mais il bénéficie de la protection de l’administration Trump qui l’a utilisé comme une marionnette. Il apparaît pour des actions anti-démocratiques contre le Venezuela et d’autres pays de la région. Tous les secteurs de la vie nationale en Haïti se sont prononcés très clairement sur la fin du mandat de Jovenel le 7 février 2021. Les lois sont claires mais Jovenel s’accroche au pouvoir grâce au soutien intéressé de certains secteurs de la communauté internationale contre la volonté de la Peuple haïtien.
2 – POURQUOI JOVENEL DOIT PARTIR ?
Jovenel doit quitter le pouvoir pour les raisons suivantes :
a) Son mandat prend fin le 7 février 2021 conformément à la constitution et au décret-loi électoral en vertu duquel il a été élu. Ce sont les outils juridiques qu’il a utilisés sur Twitter pour limoger un tiers du Sénat en janvier 2020. La loi est une pour tous. La constitution doit être respectée. Tous les secteurs de la vie nationale exigent le respect de la constitution et de la loi électorale.
b) Depuis janvier 2020, le pays est dirigé par un seul homme qui a publié 41 décrets et 120 arrêtés en 2020 alors que la constitution n’autorise pas la direction par décret.
c) Pour créer un climat de peur parmi les masses populaires, des massacres ont été perpétrés par des fonctionnaires du gouvernement de Jovenel dans plusieurs quartiers populaires de la capitale. Il s’agit de bloquer les mobilisations populaires contre les actes criminels du pouvoir du PHTK.
d) Le pouvoir de Jovenel utilise des bandes armées pour établir son pouvoir dictatorial. Il a fait quelque chose sans précédent dans l’histoire du pays en créant officiellement un réseau de gangs appelé G9. Ces gangs sont dirigés par un ancien policier appelé Jimmy Cherizier alias Barbecue. Ces gangs tuent, pillent tout sur leur passage. Le nom de Barbecue apparaît dans tous les rapports des organisations de défense des droits de l’homme, y compris le rapport de l’ONU. Mais il circule librement à Port-au-Prince, il organise la production de cartes électorales pour le pouvoir.
e) L’enlèvement est devenu une forme de gestion pour maintenir la population dans une peur constante. Dans le passé, les couches riches de la population ont été supprimées. Désormais, les enfants et les jeunes des quartiers populaires ne sont pas épargnés. Les familles qui ne peuvent pas payer les rançons requises trouvent les cadavres de leurs enfants dans des tas de détritus. La semaine dernière, une enfant de 5 ans d’un vendeur d’arachides grillées a été étouffée et jetée dans la rue parce que sa mère ne pouvait pas payer la rançon demandée par le gang.
f) La Constitution de 1987 prévoit le processus de son amendement. L’article 284.3 de la constitution se lit comme suit : toute consultation populaire visant à modifier la constitution par référendum est strictement interdite. Jovenel, avec le soutien des Nations Unies, est en train de préparer une constitution qu’il entend faire ratifier par référendum en juin.
g) La constitution prévoyait les secteurs qui doivent désigner leurs représentants pour constituer un conseil électoral provisoire. Jovenel a mis en place un conseil électoral provisoire avec des secteurs qu’il a lui-même créés. La Cour de cassation n’a pas accepté le serment constitutionnel de ce CEP illégal et illégitime mais Jovenel a décidé de l’installer afin d’organiser des élections en faveur du PHTK qui veut à tout prix rester au pouvoir pour bloquer les procès des différents crimes financiers et crimes de sang commis par le régime PHTK.
h) Jovenel a créé une Agence nationale de renseignement qui rappelle étrangement le corps des escadrons de la mort créé par François Duvalier pour arrêter, jeter en prison et détruire les opposants au régime. Ces agents n’ont pas à respecter les droits de l’homme. Ils peuvent violer la résidence des citoyens comme ils le souhaitent.
i) L’opposition a cité les noms de 3 juges de la Cour suprême, dont l’un serait choisi comme président pour diriger la transition. Un coup d’État imaginaire a été organisé par les autorités pour arrêter l’un de ces juges Ivikel Dabresil. Il a été arrêté à son domicile le 7 février à 2 heures du matin en tant que coupable sans aucune preuve. Légalement, la police n’est pas autorisée à entrer dans le domicile d’un citoyen avant 6 heures du matin. Mais lorsqu’il s’agit d’un juge de cassation, personne n’a le droit de l’arrêter. Aucun tribunal ordinaire ne peut le juger. Seule la Haute Cour de justice peut juger un juge de la Cour de cassation. Le juge a été menotté et jeté illégalement en prison. L’ensemble de la société s’est levé pour faire libérer le juge.
j) Les juges de la Cour de cassation sont inamovibles pendant toute la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être ni licenciés ni mis à la retraite. Jovenel a décidé de retirer les 3 juges en violation flagrante de la constitution.
k) Le PHTK a démantelé toutes les institutions du pays. Le Parlement n’existe plus, le pouvoir judiciaire est sous la domination de l’exécutif. La police nationale est devenue une police politique. L’indépendance de la Cour suprême des comptes est réduite. Le pays est sous un régime totalitaire.
l) La situation socio-économique de la population est catastrophique. Les gens sont devenus 3 fois plus pauvres au cours des 10 dernières années. Plus de 500 000 Haïtiens sont contraints de quitter le pays pour se rendre au Chili, au Brésil et dans d’autres pays. Le pays ne produit plus rien.
m) Les paysans ne peuvent plus produire leur nourriture. Ils sont laissés à eux-mêmes. L’environnement est totalement dégradé. Le pays dépend de plus en plus de la République dominicaine et des États-Unis pour sa nourriture. Environ 70% de la nourriture consommée par le pays provient de ces deux pays alors que le pays était complètement autosuffisant pour sa nourriture jusqu’en 1986. Nous ne pouvons accepter qu’un président hors-la-loi continue d’appauvrir le pays.
3 – LA SITUATION DU PAYS EST INSOUTENABLE.
Le pays est plongé dans une insécurité chronique. La peur envahit tous les secteurs de la vie nationale. La majorité de la population est au chômage. La majorité de la population souffre de la faim. Les soins de santé sont pratiquement inexistants pour les masses populaires. Les ressources financières de l’État sont pillées. Le régime PHTK continue de vendre le pays. Les jeunes sont désespérés. De nombreuses personnes sont forcées d’abandonner leurs maisons, situées dans des quartiers contrôlés par des gangs. Il y a actuellement de nombreux réfugiés internes en Haïti. La vie des gens est dure. Des gens sont arrêtés, jetés en prison pour s’être mobilisés contre les dictatures. Des gens sont tués quotidiennement dans les quartiers populaires. Les enlèvements se multiplient dans tous les secteurs. Vivre en Haïti est de plus en plus difficile. C’est inacceptable.
La communauté internationale, contre toute logique, soutient la dictature de Jovenel Moise en l’aidant à violer la constitution et les lois du pays. Elle refuse de reconnaître la fin du mandat de Jovenel. Elle soutient le projet d’une nouvelle constitution. Il soutient l’organisation de nouvelles élections qui pousseraient le pays plus loin dans la crise mondiale. Les pays dits amis d’Haïti défendent leurs propres intérêts. Ils ne défendent pas les intérêts du pays.
Le peuple haïtien doit s’unir pour faire comprendre qu’Haïti est un pays indépendant. Le peuple a le droit à l’autodétermination. Ce sont les Haïtiens qui doivent défendre les intérêts du pays.
L’opposition politique, malgré la création de nombreux regroupements, malgré la convergence de toutes les propositions pour sortir de la crise, ne peut pas encore s’entendre pleinement sur la manière de travailler ensemble pour évincer Jovenel du pouvoir qu’il continue de détenir de manière inconstitutionnelle. Il est urgent que l’opposition parvienne à mettre en place une équipe pour mener les négociations qui devraient conduire au départ de Jovenel du Palais national et installer un gouvernement de transition qui doit mener les activités suivantes :
• Une conférence nationale souveraine pour établir un plan d’action pour le développement du pays pour les 25 prochaines années.
• Lutter contre l’insécurité, en particulier les gangs, les enlèvements.
• Les procès contre les gaspilleurs de fonds publics, contre les auteurs de massacres dans les quartiers populaires, contre les criminels.
• Apportez les modifications nécessaires à la constitution.
• Mettre en place un processus électoral crédible pour réaliser de véritables élections dans un délai de deux à trois ans.
• Adopter des mesures socio-économiques urgentes pour soulager la population.
• Adopter des mesures urgentes pour la protection de l’environnement et la relance de la production nationale.
4 – EN CONCLUSION.
Le peuple haïtien est condamné à combattre la dictature de Jovenel. Il est condamné à mettre fin au régime criminel PHTK qui met en danger l’avenir du pays, l’avenir de la démocratie. Pour y arriver, il doit continuer :
• Discussions entre la société civile et la société politique pour parvenir à un accord politique pour mettre fin à la crise. Cet accord doit inclure la formation d’une équipe pour mener les négociations avec tous les acteurs impliqués dans la crise, notamment les États-Unis.
• Renforcer les structures organisées pour travailler sur des stratégies contre la dictature, aider les victimes de la dictature de Jovenel, défendre les prisonniers politiques.
• Mobilisation pacifique permanente pour bloquer l’avancement de la dictature de Jovenel par référendum ou élections frauduleuses. Aucune élection n’est possible avec le PHTK qui a refusé d’organiser les élections à temps.
5 – SOLIDARITÉ INTERNATIONALE.
Dans la situation actuelle, le pays a besoin de la solidarité des autres peuples pour :
• Diffuser des informations réelles sur la crise haïtienne à l’étranger.
• Faire pression sur les gouvernements étrangers, dont les États-Unis, le Canada et la France, pour qu’ils suspendent leur soutien à la dictature en Haïti.
• Aider les organisations en Haïti dans les activités de mobilisation contre la dictature et l’aide aux victimes du régime PHTK.
Veuillez noter. Nous écrivons au nom du Front patriotique populaire (FPP), qui regroupe plus de 40 organisations sociales et politiques comprenant des paysans, des ouvriers, des femmes, des étudiants, des quartiers populaires, etc.
traduction PG pour la commission internationale du PRCF et www.initiative-communiste.fr