Un rapport de la CIA affirmait en 1968 que le massacre des communistes indonésiens (Partai Komunis Indonesia, PKI), en 1965-66, constituait l’un des événements les plus tragiques de ce siècle, mais aussi l’un des plus ignorés. Pourtant l’ampleur de la tuerie reste exceptionnelle: on peut parler sans exagération de génocide anticommuniste.
« Le bilan de ce crime de masse est estimé entre 500.000 et un million de morts » estime Le Monde, sans doute davantage.
Le résultat 40 ans après les faits continue à se faire sentir : les Indonésiens sont parmi les peuples les plus exploités. Anticommunisme rime toujours avec exploitation forcenée du travail par le capital.
Pourtant le peuple indonésien a relevé la tête. Cet article de Solidarité Internationale PCF, ci-après, montre que, quelle que soit la répression, les travailleurs continuent la lutte pour le pain, la dignité et la liberté.
1 million de grévistes en Indonésie, 50 000 personnes dans les rues de Djakarta pour le SMIC … à 200 €
L’Indonésie, ce sont les catastrophes naturelles et aériennes qui occupent les écrans à Noël. La catastrophe humaine d’un pays soumis à un capitalisme mondialisé prédateur, héritier d’une dictature sanglante, est cachée. Mais les esclaves modernes ne se résignent plus à leur sort.
Il est fini le temps où les patrons indonésiens – souvent sous-traitants ou fournisseurs de multi-nationales – pouvaient compter sur une main d’œuvre docile, terrorisée et abrutie par les trente honteuses de la dictature sanglante et corrompue de Suharto.
Une grève nationale pour finir 2014
L’Indonésie a connu une fin d’année 2014 agitée, sous le signe de la lutte, ponctuée par une grève nationale massive le 10 décembre dernier. 1 million de travailleurs ont répondu à l’appel des syndicats KSPI, KSBSI et KSPSI.
A Djakarta, la capitale, 50 000 personnes ont défilé en direction du Palais présidentiel pour exprimer leur colère, après des manifestations qui avaient déjà rassemblé plusieurs milliers de travailleurs à la fin du mois de novembre.
La période de grâce du président normal Joko Widodo est terminée. Lui qui est présenter en Occident comme amateur de hard-rock, préférait en Indonésie se revendiquer fils du peuple, champion de la transparence, le candidat de l’Indonésie de la rue.
Une hausse de 30 % du prix de l’énergie pour satisfaire les marchés
L’Indonésie ordinaire va payer cher son soutien. Pour satisfaire les marchés, il vient d’annoncer des coupes drastiques dans les subventions sur l’énergie, ce qui va augmenter le prix de l’essence de 30 %, soit le litre à 0,55 €. Dans un pays où 50 % de la population vit avec moins de 2 € par jour.
C’est une deuxième déception pour les syndicats de travailleurs. La première, c’est la faiblesse de la hausse du salaire minimum promise pour 2015, en particulier à Djakarta, dans un pays où le salaire minimum est fixé à l’échelle des provinces.
Le gouverneur de Djakarta a ainsi accordé une hausse du salaire minimum de 10 %, pour atteindre les 182 € par mois. Les syndicats exigeaient une hausse comprise entre 22,5 et 30 %, pour dépasser la barre des 200 € par mois.
Le SMIC à 200 € : l’objectif des travailleurs indonésiens
Souffrant pourtant du coût de la vie le plus élevé, les habitants de la capitale indonésienne sont loin de bénéficier du salaire minimum le plus avantageux. A Bekasi, la ville de l’automobile, les travailleurs ont obtenu une hausse du salaire minimum à plus de 200 € par mois. Un exemple.
L’inflation officielle pour l’année 2013 en Indonésie est de 8 %. Mais l’Indice pour une vie décente, élaboré par l’Institut de Statistique central, est sous le feu des syndicats. Il sous-estime grandement le coût de la vie réel des Indonésiens, en particulier des travailleurs de Djakarta.
Certains indicateurs frisent le grotesque. L’Institut de statistique considère qu’un Djakartais peut vivre décemment en dépensant 0,5 € par mois d’eau (pour boire, se laver, sans compter la vaisselle !), 3 € de viande pour une consommation de moins de 100 g (!) et 0,10 € pour les loisirs.
Comme le soulignent les critiques, une estimation prudente des simples dépenses en eau montre qu’elle avoisine les 8,5 € par mois – 12 fois le chiffre officiel – tandis qu’il est nécessaire de la faire bouillir, ce qui implique des dépenses en énergie, pour la rendre potable.
Par ailleurs, les syndicats demandent que soient incorporés 24 nouveaux domaines vitaux pour les Indonésiens, à ajouter aux 60 déjà intégrés.
Vers une Sécurité sociale universelle en Indonésie ?
Toutefois, les syndicats comptent exploiter la nouvelle conjoncture politique dans un pays qui a subi de décennies de dictature terroriste guidée par la politique de la « main d’œuvre bon marché » et la théorie des « masses flottantes », qu’il conviendrait de décourager de toute action collective.
Ainsi, une nouvelle Réforme des retraites devrait être mise en place en juillet 2015, qui devrait accorder à 44 millions de travailleurs le droit à une retraite. Cependant, le flou le plus total existe sur la mise en œuvre concrète de la réforme.
La loi existe, font remarquer les syndicats, mais le décret d’application attend toujours.
De la même manière, le gouvernement promet une couverture médicale pour tous les Indonésiens. Une problématique qui pose moins de problèmes idéologiques qu’aux États-Unis mais qui rencontrent encore de nombreux problèmes pratiques.
Ce système de couverture maladie devait s’appliquer à tous, mais 110 millions d’Indonésiens n’ont encore aucune couverture. Les syndicats demandent la couverture universelle d’ici 2015, la presse économique parle de l’horizon 2019.
C’est trop peu, trop lent dans un pays qui est désormais la 16 ème puissance mondiale mais près de la moitié de la population vit avec moins de 2 $ par jour. Mais les luttes qui ne cessent de se développer laissent des perspectives d’espoir pour la classe ouvrière indonésienne.