Avec 55% des voix selon les sondages sortis des urnes, Jokowi bat largement le général Prabowo, multimillionnaire et gendre du dictateur Soeharto, et obtient un second mandat comme président de l’Indonésie, 4e pays le plus peuplé du monde.
Enfant d’une famille pauvre de Java et né dans un village bastion du PKI, les réformes sociales qu’il a menées – notamment pour l’accès à l’éducation et à la protection sociale – lui ont valu, lors de son premier mandat, de nombreuses accusations de communisme. Une accusation qui prêterait à sourire au regard de sa politique économique mais qui ne doit pas être prise à la légère dans un pays où le communisme est interdit depuis 1965. Date du coup d’État du général Soeharto et du début d’un génocide anticommuniste responsable de millions de morts et de prisonniers pour liquider ce qui était alors le 3e plus grand parti communiste du monde.
Alors qu’il avait promis de s’emparer de la question des droits de l’homme, Jokowi n’aura au final rien fait pour faire avancer les enquêtes et le rétablissement des droits des victimes du génocide anticommuniste de 1965-66 et de la répression qui se poursuit encore aujourd’hui.
Élections en Indonésie
Commission internationale du PRCF 16h20 17/04/2019
L’élection présidentielle qui se tenait aujourd’hui mercredi en Indonésie a opposé le
président sortant Joko Widodo, un « homme du peuple » qui cultive le
consensus, à un ancien général au passé sanglant, Prabowo Subianto,
qui voulait diriger le pays avec plus de « poigne ».
Tout au long de son mandat, Jokowi a cultivé sa
popularité en se rendant sur le terrain et en menant une politique de
redistribution et de développement des infrastructures
avec la construction de routes, d’aéroports et de liaisons ferroviaires
dans l’archipel de 17.000 îles. Il a aussi renforcé la couverture
sanitaire et sociale de la population et fourni une aide aux
agriculteurs les plus pauvres.
Cela n’empêche en rien les arrestations de militants du mouvement populaire et la promulgation de nouvelles lois qui permettent
d’interdire les organisations de masse ou limitent la liberté
d’expression sur internet.
Le choix du prédicateur islamiste ultra-conservateur Ma’ruf Amin pour être son candidat à la vice-présidence apparaît comme une caution islamique destinée à convaincre l’électorat musulman réactionnaire.
Prabowo Subianto a été handicapé par ses liens avec le régime de l’ex-dictateur Suharto et son passé militaire. Issu d’une famille aisée, Prabowo Subianto a étudié quelques années à la prestigieuse école internationale American School à Londres et s’est lancé dans une carrière militaire, devenant un général dont les agissements sous le règne du dictateur Suharto (1967-1998) restent une tâche indélébile aux yeux des démocrates indonésiens : l’enlèvement et l’assassinat de militants démocrates à la fin de l’ère Suharto, massacres au Timor oriental. Depuis la chute de la dictature, il est devenu homme d’affaires fortuné. Il s’est rapproché des groupes islamistes parmi les plus radicaux et a aussi joué sur la fibre nationaliste et anti-chinois.
C’est
sans doute ce passé et ses propositions de durcissement d’un régime
déjà très autoritaire qui semble en passe de permettre la victoire du
président sortant. Élection qui ne règlera aucun des problèmes
fondamentaux du pays.
Les communistes restent interdits en Indonésie, un pays où prononcer le mot « marxisme » est susceptible de vous envoyer en prison. Cependant la lutte populaire s’organise, des syndicats de lutte ouvriers et paysans mènent le combat de classe, le système de terreur s’effrite et les exigences démocratiques se font plus fortes parmi les masses populaires et la petite-bourgeoisie.
Jokowi, un trublion dans la Reformasi des oligarques
par R. Madinier, chercheur au CNRS, un article de la revue Archipel