Transmis au journal INITIATIVE COMMUNISTE:
organe central du PRCF
1 Près de vingt ans après la chute de la première expérience socialiste dans l’histoire de l’Albanie, quel regard portez-vous sur cette expérience et sur les causes de son effondrement final ?
La question que vous me posez est complexe et il est difficile d’y apporter une réponse exhaustive dans une interview. Pourtant, sur la base des analyses réalisées par le PKSH, je vous répondrai rapidement de la manière la plus complète possible.
D’abord, en Albanie, les premiers conflits politiques et sociaux sont apparus en décembre 1990 avec le mouvement des étudiants qui fut le signal du tournant contre-révolutionnaire. Ils survenaient après les changements intervenus dans les autres pays d’Europe de l’Est lesquels, même s’ils n’étaient pas, au fond, identiques à ceux qui se manifestaient en Albanie, exercèrent une part d’influence.
Ainsi, en Union Soviétique et dans les pays d’Europe de l’Est le révisionnisme avait triomphé dans le pouvoir depuis des années, les Partis Communistes s’étaient transformés en partis révisionnistes, les fondements du système politique, l’ordre social et économique avaient pris toujours plus un caractère bourgeois, capitaliste. Enver Hoxha, sur la base d’un jugement profond et clairvoyant avait prévu pour ces pays les deux possibilités suivantes : la possibilité d’organiser les forces révolutionnaires marxistes léninistes authentiques, leur retour dans la voie du socialisme véritable, et la nécessité, comme le déclarait Enver d’une deuxième édition de la Grande Révolution Socialiste d’Octobre. Ou bien une autre possibilité, celle de déployer les voiles révisionnistes et de proclamer ouvertement, sans retenue, la restauration capitaliste dans ce pays. Malheureusement, la possibilité du retour des partis des pays révisionnistes dans la voie du marxisme léninisme, dans la voie de la révolution et du socialisme sur la base de la destruction du révisionnisme moderne n’a pas eu lieu et c’est la deuxième possibilité qui s’est réalisée.
Dans ces circonstances, et en comparaison avec les autres pays révisionnistes ( la Roumanie à part ), les problèmes se sont présentés de manière totalement différente en Albanie. Dans ce pays, le processus « démocratique », en vérité contre révolutionnaire, prit des dimensions inédites car celui-ci se réalisa par le passage direct du socialisme véritable au capitalisme, sans transition révisionniste. Cela compliqua gravement la situation et créa de grosses difficultés dans la sphère économique, des services publics, dans les relations entre les citoyens, etc… et fut exploité largement de manière spéculative autant par les ennemis de l’extérieur que par les ennemis de l’intérieur qui grossissaient ces difficultés pour diffuser leur influence dans le peuple pour l’éloigner et le séparer de la voie du socialisme et du communisme. La situation intérieure était rendue encore plus difficile avec la fin de la Guerre Froide sur le plan international, par l’incapacité de l’Etat albanais de tirer profit du soi-disant équilibre des forces dans les circonstances de l’époque, ainsi que par l’accroissement dans ces conditions des pressions et des blocus économique, politique et militaire sur l’Albanie et son peuple.
L’Etat albanais et le Parti du Travail d’Albanie ( PPSH ) ne se montra pas à la hauteur des exigences de ce temps pour gérer la situation, affronter les pressions, les difficultés et les problèmes complexes qui s’étaient créés.
Ouvertement ou non, s’ouvrit en Albanie la voie de la « GLASNOST » et de la perestroïka gorbatchévienne et la contre révolution prit des formes brutales.
Face à cette situation, au lieu de soutenir et d’organiser les forces favorables au socialisme, plutôt que d’appliquer une politique éclairée, de convaincre les masses populaires et au contraire de distinguer et d’isoler les éléments criminels et hors-la-loi, d’appliquer rigoureusement la loi à leur encontre et contre les actes fondamentalement hostiles qu’ils commettaient, au lieu de cela, les hauts dirigeants du PPSH ont accepté et officialisé le pluralisme politique bourgeois, ont capitulé et ont déclaré qu’ils renonçaient au socialisme. Pourtant, indépendamment d’eux, en mars de l’année 1991, lors des premières élections pluralistes, le peuple albanais exprima encore une fois son choix pour le socialisme en votant à une écrasante majorité pour le PPSH et non pour l’opposition du Parti Démocratique qui dirigeait la contre-révolution et porta ainsi un coup aux forces de la réaction intérieure et extérieure.
Installé dans sa voie de la trahison et avançant dans cette ligne, Ramiz Alia encouragea ses partisans dans l’idée de changer le nom du PPSH en Parti Socialiste d’Albanie, lequel adopterait un programme social-démocrate, se transformerait en parti bourgeois, tournerait le dos au marxisme-léninisme, à la dictature du prolétariat et au socialisme.
Un an plus tard, dans ces circonstances et dans ces conditions, avec le soutien des puissances étrangères, les USA en tête avec les autres grandes puissances européennes, par une propagande mensongère intensive, par la violence et la terreur et par la manipulation à grande échelle des bulletins de vote, le Parti Démocratique parvint à battre le Parti Socialiste lors de la deuxième élection pluraliste pour le parlement du 22 mars 1992.
Cette situation contre-révolutionnaire n’est pas tombée du ciel et ne s’est pas créée en un jour. Elle est issue de facteurs objectifs et d’un certain nombre de facteurs subjectifs parmi lesquels les limites que montra le PPSH dans sa vie interne et dans son rôle dirigeant. En vérité, la ligne générale du PPSH était juste, marxiste-léniniste. Mais ses directives particulières, même pour les problèmes importants, de même que les pratiques liées à leur application avaient un caractère subjectif, entraînaient des conséquences indésirables dans leur application, créant ainsi des difficultés dans la construction du socialisme.
Dans cet ordre d’idée, il faudrait étudier ce qui s’était passé avant en URSS, mais nous ne sommes pas parvenus à en tirer toutes les leçons, sans ignorer l’autre aspect de la question, la trahison révisionniste. Dans la politique de développement industriel, il aurait fallu définir et appliquer des rythmes d’avancée plus bas, en faisant davantage pour assurer les produits de consommation. . On sait que les rapports de propriété constituent l’aspect fondamental des rapports socialistes de production. Mais l’application de plusieurs mesures dans cette direction, tout au moins dans les dimensions où elles furent appliquées, montra qu’elles furent sans effet. Dans le domaine de la coopération dans l’agriculture, des réformes dans l’élevage et dans le processus de conversion des coopératives artisanales dans le secteur socialiste d’Etat des pas prématurés furent faits. Ainsi fut appliquée, amenant des conséquences négatives, la suppression des parcelles individuelles des travailleurs des fermes agricoles, la suppression des basses-cours des coopérateurs, dans les coopératives agricoles, des manifestations de subjectivisme dans l’organisation du travail, l’égalitarisme dans la répartition du travail et dans les salaires, etc, de même que de la désinformation ou un embellissement de l’information de bas en haut, sur la situation et la réalisation des directives.
Quoi qu’il en soit, les limites, les défauts et les erreurs ne constituent pas les traits majeurs de la période de construction du socialisme en Albanie. A cette époque le principal fut les fondements, les objectifs grandioses, et les grands succès. A l’exception des activités et des visées ennemies, les défauts, les insuffisances et les fautes eurent des conséquences limitées dans l’espace de la connaissance de l’ordre socialiste et de son édification ; car marcher dans une voie inexplorée, disait Enver Hoxha, comporte des conséquences de caractère mineur pour l’expérience socialiste de développement et pour les pratiques qui ne donnent pas de résultats, puisqu’ on les applique avec de bonnes intentions, en pensant qu’elles sont justes pour le socialisme et dans l’intérêt du peuple. En conclusion, je voudrais dire qu’en Albanie, le socialisme ne s’est pas effondré. Il a été renversé par une contre-révolution bourgeoise et j’exprime une conviction profonde et inébranlable dans la rationalité et le caractère scientifique universel de la théorie marxiste-léniniste et de l’ordre socialiste et communiste auxquels appartient l’avenir. C’est l’ordre capitaliste, qui a fait son temps et qui va vers sa destruction inévitable.
2 Quelles ont été les conséquences de la restauration capitaliste pour la population albanaise et comment les tentatives de criminaliser le communisme et son histoire se manifestent-elles en Albanie ? Comment votre parti y réagit-il dans la perspective de la campagne mondiale en préparation autour du 9 novembre 2009 ?
Les conséquences de l’instauration du capitalisme en Albanie ont été catastrophiques pour le peuple. D’abord il faut dire que l’Albanie et son peuple ont perdu leur liberté et leur indépendance et ne jouissent ni de l’intégrité ni d’une véritable souveraineté nationale. Notre patrie est devenue pratiquement un protectorat où l’OTAN et l’UE font la loi. Servile jusqu’à l’écoeurement, et mise totalement au service de l’étranger, la bourgeoisie albanaise a vendu le pays avec toutes ses richesses : le sol et le sous-sol, le ciel et la mer, sous le mot d’ordre vil « l’Albanie pour un euro ». Les mafias dominent le pays avec une poignée d’individus enrichis avec les richesses volées au peuple, créées par son travail, ses peines et sa sueur pendant plus de quatre décennies de socialisme. Le respect, la dignité, la fierté, l’histoire de l’Albanie et des Albanais, leurs droits de citoyens sont bafoués et niés ; Notre pays a sombré dans une pauvreté et un chômage terribles, conséquences de la crise générale économique, politique et sociale. Combien d’émigrants albanais errent à travers le monde à la recherche d’ une bouchée de pain tandis que l’Etat de notre pays est incapable de faire quoi que ce soit pour eux ! Tout l’héritage du socialisme : l’industrie, l’agriculture, la culture, les traditions, la morale socialiste et ses valeurs, tout a été détruit, pour la « raison » que cela avait été construit, créé et réalisé à cette époque ! ?
L’Albanie est un pays qui a résisté à l’impérialisme et au social-impérialisme plus longtemps que les autres pays ex-socialistes. Tant que le pouvoir a été dirigé et que les décisions furent guidées par Enver Hoxha, ni la bourgeoisie internationale ni la réaction intérieure étroitement liées entre elles ne purent dompter la petite Albanie. Après la mort d’Enver Hoxha le 11 avril 1985, le Parti du Travail dirigé par Ramiz Alia ( qui remplaça Enver Hoxha ) changea son cours, il capitula devant les pressions de l’impérialisme et engagea le pays dans la voie du capitalisme, il mit les freins et la direction du pays entre les mains des forces de la bourgeoisie dirigées par le Parti démocratique de l’ex-communiste Sali Bérisha.
La nouvelle bourgeoisie albanaise complètement constituée maintenant comme classe oppressive et exploiteuse, son Etat et ses partis n’ont pas cessé de parler et d’agir contre le communisme, le socialisme et le pouvoir populaire en Albanie. Ils ont faits tous les coups pour criminaliser le communisme et les communistes, pour changer et réécrire leur histoire et celle de l’Albanie en général. Les forces de droite de la bourgeoisie, d’orientation clairement fasciste et représentées par le Parti Démocratique, en sont arrivées à nier jusqu’à la Lutte Antifasciste de Libération Nationale ( LANC ) et son commandant général, Enver Hoxha, en recevant le soutien des dirigeants nazifascistes et de leurs collaborateurs traîtres au pays. De manière macabre, ils ont exhumé et tiré de leur tombe du Cimetière des Martyrs de la Nation tous les dirigeants communistes héros de la lutte antifasciste et de la construction socialiste du pays, ils ont enlevé des musées et des livres d’histoire tous les témoignages sur le PKSH ( PPSH ) et Enver Hoxha comme dirigeant légendaire de la LANC et de la construction du socialisme. Ils ont enlevé les noms des martyrs de la nation porté par les écoles, les fabriques et autres institutions culturelles, éducatives et sociales et les ont remplacés par les noms de traîtres à la nation et de collaborateurs du fascisme et du régime semi-féodal antérieur maintenant complètement réhabilités. Sans hésiter, ils ont jeté à la rue chaque communiste et chaque personne qui soutenait Enver Hoxha et le PKSH, l’ordre socialiste et le pouvoir populaire, même leurs enfants et leurs proches, ils ont nié les droits les plus élémentaires des citoyens.
Dans toutes ses activités, avec son journal « LA VOIX DE LA VERITE » et sous d’autres formes, le PKSH a démasqué touts les efforts de la bourgeoisie, de l’Etat et de ses partis pour criminaliser le communisme et salir son histoire en Albanie et en général. Il a donné à l’opinion publique d’une manière continue les chiffres, les faits et documents concernant les crimes perpétrés par la bourgeoisie albanaise et les bourgeoisies impérialistes contre le peuple albanais et les peuples du monde.
Au plan international, face à la propagande de la bourgeoisie, à ses violences, et à ses mensonges, comme partie du mouvement communiste international, le PKSH a soutenu sans aucune équivoque les actions révolutionnaires des partis frères et il donne sa contribution au marxisme-léninisme et aux luttes contre l’impérialisme. En Albanie il lutte pour renverser la bourgeoisie et pour réinstaller le socialisme.
3 Les communistes albanais viennent de se réunifier. Quelles sont les bases politiques de cette réunification ? Comment est-elle accueillie par les classes populaires ? Comment voyez-vous les perspectives de remise en marche du Mouvement communiste International ?
Comme partout dans le monde, le mouvement communiste n’est pas unifié en Albanie. Pour le moment, il existe trois parti de type communiste : le Parti Communiste d’Albanie ( PKSH ), qui est le continuateur du PKSH fondé le 8 novembre 1941 par les communistes albanais avec Enver Hoxha à leur tête, le Parti Communiste « 8 novembre » et le Parti du Travail d’Albanie Reconstruit, ces deux derniers étant séparés du PKSH pour des raisons non fondamentales. Cependant, il faut dire qu’en Albanie il n’existe pas de grande inimitié entre les partis communistes, c’est pourquoi les efforts pour s’unifier dans un seul parti ne manquent pas. En 2006, un pas en avant a été fait : le PKSH et le PPSH se sont réunis dans un Parti Communiste portant le nom de PKSH. Contrairement aux deux autres, il s’étend et agit sur tout le territoire de l’Albanie. Il a son électorat et est représenté par près de 70 conseillers dans les conseils communaux et les mairies à l’échelle du pays. Maintenant non plus, il ne manque pas d’efforts pour s’unir dans un Parti Communiste. Il n’est pas rare que des actions conjointes soient organisées contre la bourgeoisie et le capitalisme, pour défendre les intérêts des masses populaires, le socialisme et le marxisme-léninisme. La base idéologique et politique sur laquelle s’appuie l’union des communistes albanais dans un Parti Communiste est la marxisme-léninisme et les enseignements d’Enver Hoxha.. Un Parti qui ne reconnaît pas, Qui n’accepte pas ou qui n’ applique pas les enseignements de Marx, Engels, Lénine et Staline ne peut pas être un parti communiste.
Les masses populaires en Albanie condamnent les querelles et les divisions entre communistes et soutiennent chaque pas qui va vers leur unification dans un seul Parti Communiste. Ce titre signifie en vérité qu’un tel parti soit fort, conduit par les leçons du marxisme-léninisme, qu’il ait le soutien total de la classe ouvrière et des autres couches du peuple, qu’il soit capable de les préparer, les organiser et les conduire dans des victoires sur la bourgeoisie, pour rétablir le socialisme et le construire avec succès, et qu’il ne sera pas un autre parti avec le nom de communiste.
Pour nous, il est clair que la bourgeoisie n’arrête jamais ses attaques pour créer un parti proclamé communiste, afin d’entraver l’existence d’un véritable Parti Communiste, de diviser et de saboter ses activités révolutionnaires.
Sans être le moins du monde pessimiste, la perspective de mettre dans la voie juste le mouvement communiste international n’est pas proche.
La bourgeoisie de chaque pays en particulier et la bourgeoisie internationale ont investi tout ce qu’elles ont pu contre le communisme, le marxisme-léninisme et les partis communistes, pour semer les plus grandes divisions qu’a connues l’histoire humaine dans la classe ouvrière et dans les autres masses exploitées et opprimées par le capital. La chute du socialisme en Union Soviétique et dans les ex pays socialistes d’Europe de l’est ( l’ Albanie mise à part ), les déviations de la Chine et d’autres pays de la voie du véritable socialisme ont ébranlé gravement la confiance et les attitudes des masses populaires à l’égard du communisme et des Partis Communistes. Indépendamment des contradictions qui la minent de l’intérieur, la bourgeoisie internationale et ses organismes continuent à faire preuve d’unité dans la lutte contre le communisme et n’économise aucun moyen pour le détruire jusque dans ses racines.
Au contraire, les prolétariats, les partis communistes dans leurs pays respectifs, et le mouvement communiste international n’ont pas réalisé, de fait, leur unité de pensée et d’action révolutionnaire ni leur unité dans la lutte contre l’impérialisme international. Sous l’influence des situations provisoirement favorables à l’impérialisme, des pratiques, des idées et des lignes opportunistes, révisionnistes et sectaires se sont introduites au sein du mouvement communiste. Celles-ci continuent à maintenir la division et à nuire au mouvement communiste international. Cette situation ne doit pas se prolonger. Comment organiser et réaliser l’unité du mouvement communiste international, cela assurément ne peut s’exprimer en deux mots ni se faire avec peu de travail. Le principe est que nous travaillions pour parvenir à ce but et que la base de ce processus soit la théorie et la pratique marxiste-léniniste.