19 novembre 2019, le parquet suédois a annoncé l’abandon de toutes poursuites contre Julian Assange. “L’enquête n’a pas apporté de preuves” contre Assange, a été obligée de reconnaitre la justice suédoise.
C’est donc un Julian Assange blanchi qui reste prisonnier, torturé d’après l’ONU, dans les geôles britanniques dans l’attente d’une extradition commanditée par les Etats-Unis d’Amérique. Ce même commanditaire, sans aucun doute à l’origine de l’opération de justice politique montée par la Suède pour arrêter le journaliste de Wikileaks dont le seul crime est d’avoir publié des révélations sur les crimes de guerre commis par Washington, sur ses pratiques liberticides d’espionnage massif. En 2010, avec Wikileaks, Assange met à disposition 250 000 notes diplomatiques et 500 000 documents montrant les crimes commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan.
Prétextant des poursuites suédoises, désormais déclarées caduques par le parquet suédois, l’objectif d’embastiller Assange atteint, Londres avait essayé en 2012 d’arrêter Assange, qui avait dû trouver asile politique durant sept ans dans l’ambassade équatorienne à Londres. Le président équatorien félon Moreno, après l’avoir fait espionner, l’avait livré à la police britannique le 11 avril 2019. Dans un procès expéditif Assange était condamné le 1er mai à 50 semaines de prison pour violation de condition de liberté provisoire. Mis sous les verrous, le gouvernement britannique lançait immédiatement la procédure juridique d’extradition.
Dans une prochaine audience de 5 jours fixée le 24 février prochain, Julian Assange risque donc de voir la Grande-Bretagne dans un procès politique livrer le journaliste à Washington. Les Etats-Unis n’ont pas caché qu’il prétendaient le condamner à 175 ans d’emprisonnement pour espionnage, voire à la peine de mort.
La vie de Julian Assange est menacée. Pour autant la défense qui lui est accordée devant une justice aux ordres n’est pas sans inquiéter ceux qui veulent obtenir la libération du journaliste ainsi que la préservation de sa vie et de sa santé. Aymeric Monville, auteur du livre “Julian Assange en danger de mort”, présent à Londres, alerte dans un reportage adressé à Initiative Communiste, en appelant à une défense efficace de Julian Assange et, pour cela, à une mobilisation de l’opinion publique internationale.
Conflits d’intérêts dans la défense d’Assange : nous attendons des explications !
En direct de Londres, invité pour parler du premier anniversaire des gilets jaunes et de l’affaire Julian Assange, notre camarade Aymeric Monville relaie pour la première fois à l’antenne, invité par Russia Today, les thèses de la journaliste Lucy Komisar qui montre un redoutable conflit d’intérêts au sein des cabinets d’avocats qui défendent Assange tout en étant impliqués dans la défense des intérêts de l’impérialisme US, notamment au sujet de l’Affaire Browder-Magnitsky.
Nous savions déjà que la juge Arbuthnot, censée décider du sort d’Assange, a un mari qui travaille avec un ancien directeur du MI6 (les services secrets britanniques). Nous avons appris, cette semaine, que le fils de celle-ci était également impliqué dans ce type d’affaire. Désormais, nous savons que le conflit d’intérêts ne touche pas seulement la juge mais aussi la défense.
Alors que l’on a révélé que la CIA avait espionné Assange lorsqu’il était réfugié à l’ambassade d’Equateur, alors que nous avons appris que les charges dans l’affaire suédoise ont été abandonnées, alors que le monde entier, grâce au rapport de l’ONU de Nils Melzer, puis celui du diplomate britannique Craig Murray, comprend qu’Assange est torturé sous nos yeux, nous devons constater que tout ce dossier, de a à z, prend l’eau.
Force est de constater que notre camarade a depuis longtemps raison lorsqu’il dénonce, dans son livre éponyme, le fait que Julian Assange est « en danger de mort ». Tout doit être fait pour que la vérité éclate. Continuons donc le combat, celui qui compte en dernière instance : celui de l’opinion publique, ou devrait-on dire, du peuple souverain, sur lequel repose toute souveraineté. (n.d.r.)
Pour lire la vidéo, n’hésitez pas à activer les sous-titres en français.Yellow Vests Gilets jaunes / Julian Assange (sous-titres en français)
Conflits d’intérêt dans la défense d’Assange : nous attendons des explications !
C’est à Jacques Vergès et à son expérience d’avocat pro-indépendantiste pendant la guerre d’Algérie qu’on doit principalement la théorie, dans son livre « De la stratégie judiciaire » (1968), de la défense de rupture. Il est vrai que l’avocat communiste Marcel Willard, dans son ouvrage au titre si révélateur, « La Défense accuse. De Babeuf à Dimitrov » (1938), en avait déjà intuitivement développé le concept.
La défense de rupture considère que le juge n’a pas compétence ou que le tribunal n’est pas légitime et consiste à prendre l’opinion à témoin. Elle s’oppose en cela à la défense dite de connivence.
On commence à le comprendre : la stratégie adoptée par les principaux avocats de Julian Assange depuis les plaintes déposées dans le cadre du dossier suédois (2010) n’est pas une défense de rupture mais une défense de connivence.
L’enquête de la journaliste états-unienne Lucy Komisar, spécialiste des réseaux Stay Behind de la CIA, ne laisse pas place au doute : sur les 210 cabinets d’avocats que compte Londres, ce sont les cabinets Doughty Street Chambers et le Matrix Chambers qui ont été choisis. Par qui ? La chose est incertaine, même s’il nous semble, au vu de l’enquête actuellement menée par l’association de Défense des Droits de l’Homme Wikijustice regroupée autour de Véronique Pidancet-Barrière, que l’architecte de tout cela ait été l’ex-mentor d’Assange, Gavin MacFadyen, décédé en 2016. Quoi qu’il en soit, l’important est de comprendre que ces cabinets sont l’un et l’autre impliqués dans la défense des intérêts de l’impérialisme états-unien, notamment l’affaire Browder-Magnitsky pour le premier et une affaire d’extradition pour le compte des Etats-Unis pour le second. Cette affaire Browder-Magnitsky est l’une des clefs de la nouvelle guerre froide qui se joue entre les Etats-Unis et la Russie. Elle sert de prétexte au gouvernement US pour appliquer un droit extraterritorial autorisant celui-ci « à sanctionner ceux qu’il voit comme contrevenant aux droits de l’homme, à geler leurs avoirs, et à les bannir du territoire » alors qu’elle repose sur une affaire dont même la Cour européenne des Droits de l’Homme a montré l’aspect mensonger.
Pour davantage d’explications, on se reportera à l’article de Lucy Komisar (https://off-guardian.org/2019/11/08/assange-lawyers-links-to-us-govt-bill-browder-raises-questions/ ! et aux développements, en français, qu’en a tiré l’excellent journaliste qui signe basicblog : https://blogs.mediapart.fr/edition/liberez-assange-ethiques-et-medias/article/201119/avocats-d-assange-le-scandale-des-conflits-d-interets-se-repand-j.
L’on verra que ce conflit d’intérêt touche les cabinets des principaux avocats d’Assange : Jennifer Robinson, Geoffrey Robertson et Mark Summers.
En revoyant le documentaire très révélateur d’Andreï Nekrassov sur l’Affaire (ou plutôt le canular) Browder-Magnitsky, nous avons également vu Mark Stephens aux côtés de Browder ; Stephens fut également, un temps, l’un des avocats d’Assange à partir de 2010.
Le conflit d’intérêts est diversement appréhendé dans le droit anglais. A notre connaissance les avocats appelés « solicitors » sont démis dès que cela est prouvé. Mais ce n’est pas le cas de ceux qu’on appelle « baristers ». Alors que le « solicitor » représente ses clients et postule pour leur compte, le « barrister » est le plus souvent mandaté par le « solicitor » pour plaider pour son client lors des débats oraux devant une cour.
Il se peut donc que, dès 2010 où le Doughty Street Chambers commence à chapeauter la défense, une stratégie consciente et donc légale ait été adoptée, celle d’une possible négociation entre deux parties en contact au sein d’un même cabinet, laquelle aurait duré tout le temps de la réclusion d’Assange à l’ambassade d’Equateur et continue aujourd’hui.
Cela expliquerait l’extrême silence de la défense d’Assange, au contraire de la stratégie de rupture qui ne peut qu’en appeler à l’opinion publique, ou encore le fait que la plupart des communiqués passent par Wikileaks et son représentant Kristinn Hrafnson, y compris lorsqu’il s’était agi, en juillet dernier, de justifier le difficilement justifiable, à savoir que les avocats ont abandonné l’idée de faire appel pour l’emprisonnement pour rupture de liberté conditionnelle pour une prétendue faute de temps et de moyens. Ce refus de faire appel avait même suscité les commentaires ironiques de la juge Baraitser en septembre dernier.
Le problème, c’est qu’aujourd’hui, l’on comprend que Julian Assange est soumis à une forme de torture par isolement. Au point qu’il avait du mal, le 21 octobre dernier, à se souvenir de sa date de naissance.
L’ONU, par l’intermédiaire de son rapporteur sur la torture Nils Melzer, avait déjà alerté l’opinion mondiale. Le diplomate Craig Murray, responsable d’enquêtes sur les tortures en Ouzbékistan et donc apte à savoir si quelqu’un y a été soumis ou non, s’est lui aussi récemment rangé à ce verdict : Assange est torturé sous nos yeux.
On aurait pu comprendre que la défense d’un individu isolé, abandonné par la plupart des médias, ait choisi délibérément de négocier avec la plus redoutable puissance impériale de tous les temps, afin d’atténuer la répression. Certes, mais dans ce cas, la négociation consiste précisément, pour celui qui la mène, à préserver l’essentiel, à commencer par l’intégrité physique et mentale du client. Nous ne pouvons qu’approuver la demande, faite par Gareth Peirce devant nos yeux, le 18 novembre dernier, de fournir à Julian Assange un ordinateur qui fonctionne. N’y avait-il, cependant, pas matière à d’autres demandes?
Et pourquoi rien n’a été mené par la défense pour libérer Assange pour raisons de santé ? Alors que la chose avait été possible pour le tristement célèbre Pinochet ?
Recourir à une stratégie dite de connivence n’est pas en soi un crime, c’est d’ailleurs permis et, de fait, encouragé par le droit anglais. Il n’empêche que cette stratégie n’a rien donné, et ce, depuis l’affaire suédoise. Cela n’a rien donné, si ce n’est à prouver, comme tous les Diafoirus, que le patient est mort guéri.
Sans préjuger de l’honnêteté ou des intentions de tel ou tel, il nous faut tout de même rappeler, et notamment à l’attention de ceux qui ne manqueront pas de dire que nous sommes dans la « division », que l’avocat de Georges-Ibrahim Abdallah, Jean-Paul Mazurier, avait écrit, juste après le procès, un livre où il révélait avoir été un agent de la DGSE. Cela n’est certes plus de la connivence mais de la trahison, mais cela devrait en tout cas nous inciter à la prudence et à ne pas considérer automatiquement les avocats d’un homme que nous voulons tous défendre de notre mieux pour des vaches sacrées.
En direct de Londres, un jour avant de me rendre au Westminster Magistrates’ Court à l’audition d’Assange, j’ai alerté pour la première fois à l’antenne (du moins à ma connaissance) sur ce que j’avais pu déduire de l’article de Lucy Komisar sur les conflits d’intérêt de la défense. C’était sur la chaîne RT international, dans l’émission de l’ancien député George Galloway. La chose commence à se savoir et nous ne sommes pas les seuls à nous poser des questions. Nous attendons des réponses.
Aymeric Monville, auteur de « Julian Assange en danger de mort » (2019)
Ci-dessous une vidéo de Ruptly (filiale de RT) devant le Westminster Magistrates’ Court, où notre camarade prend la parole pour dénoncer la torture.UK: Pro-Assange activists gather outside London court during hearing