la droite veut la guerre en Colombie : le NON à l’accord de paix l’emporte de peu dans un referendum boudé par les électeurs. Un referendum auquel étaient appelés ce dimanche les électeurs colombien pour valider l’accord de paix résultat de plusieurs années de négociations à la Havanne avec l’aide de Cuba et sous l’égide de l’ONU et qui a été signé par le président Santos et le leader Timoleon Jimenez Tiomchenko des Forces Révolutionaires Armées de Colombie (FARC-EP) le 26 septembre.
la question posée était la suivante :
» Soutenez vous l’accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable ? »
Dans un contexte de très forte abstention – seuls 13 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes sur les 35 millions d’électeurs inscrits soit 63% d’abstention- le NON poussés par la droite réactionnaire violente d’Uribe l’a emporté de très peu, de seulement 53 894 voix, moins de 0.15% des électeurs inscrits, avec 50.21% de NON ( 6431376 voix) et 497.78% de OUI (6377482 voix).
Dans les zones affectées par le conflit, les Colombiens ont massivement voté oui à la paix. Avec 79% de oui à Choco, de même que l’ensemble de la cote caraïbe. Dans cette dernière région concernant 4 millions d’électeurs, le passage de l’ouragan Matthew a d’ailleurs probablement empêche nombre d’électeurs de se rendre aux urnes alors que beaucoup de bureau de vote y étaient fermés.
Dans la capitale Bogota, le OUI à la paix l’a nettement emporté à 56%.
Le referendum n’est pas juridiquement contraignant et le congrès colombien pourrait toujours voter les lois nécessaires à l’application des accords de paix, cependant la loi d’amnistie reposait sur le referendum et le NON rend l’accord caduc.
Rappelons que les FARC EP ont depuis toujours plaidé pour la convocation d’une assemblée constituante plutôt qu’un referendum, une assemblée constituante étant la seule capable de représenter les populations les plus marginalisées et les plus affectées qui n’ont même pas accès au vote oui ou non. Pour autant, dès les résultats connus, le FARC EP se sont engagé a poursuivre et défendre le processus de paix, pour faire prévaloir la paix.
Le président Santos – affaibli par ce résultat – est indiqué qu’il n’abandonnerait pas le combat pour la paix, renfoyant des négociateurs à la Havane pour rouvrir des consultations avec les négociateurs des FARC. Il a surtout indiqué que le cessez le feu entre les FARC EP et le gouvernement de Bogota reste en vigueur.
La campagne contre la paix et le NON était mené par l’ancien président Alvaro Uribe et les grands propriétaires terriens qui écrasent le paix en toute impunité depuis des années. En s’appuyant sur le soutien des médias, l’extrême droite a répandu une campagne de peur contre la paix dans tous le paix.
Les FARC-EP toujours mobilisées pour la paix contre le parti de la guerre de Uribe soutenu par les USA
Le chef des FARC EP Timoleon Jimenez a expirmé sa profonde déception que le NON ait gagné le referendum en Colombie lors d’une conférence de presse dans la nuit de dimanche à la Havane. Réafirmant l’engagement pour la paix des FARC.
Les FARC EP s’engagent à n’utiliser que les mots comme armes pour la paix » « La lutte pour la paix continue » « il y a toujours de l’espoir ». »Quiconque souhaite la paix en Colombie peut compter sur les FARC EP. La paix vaincra ».
Pour le chef des FARC, la victoire profondément regrettable du NON est le résultat d’une campagne « de puissances destructrices semant les graines de la haine et du ressentiment parmi le peuple Colombien ».
Quelques minutes après cette conférence de presse, depuis Bogota, le président Santos a « reconnu une très courte majorité de NON » , « alors que l’autre moitié a voté OUI ». « je suis le garant de la stabilité du pays et mon devoir est de maintenir l’ordre public tout en continuant à chercher la paix pour le pays » confirmant que le cessez le feu reste en vigueur. « Nous voulons tous la paix, sans exception ».
Qui a voté non à la paix
Alors que les sondages prédisaient que le OUI l’emporterait à une majorité des deux tiers, le non l’a emporté de quelques dizaines de milliers de voix, sur 35 millions d’électeurs. L’examen de la distribution géographique des votes démontre que le camps du NON l’a emporté dans les zones qui ne sont pas affectées par la guerre. En revanche, les zones pauvres, rurales, ou vivent les afros colombiens ou les indigénes, situées aux confins du pays se sont massivement prononcées pour une solution politique à un conflit armé dont elles continuent de payer l’essentiel du prix. Dans les grandes villes, Bogota et Cali ont voté OUI tansi que Medellin – fortement lié au narco traffic et à la mafia paramilitaire de l’oligarchie capitaliste – a voté NON.
En vert les zones ayant voté OUI? en orange, NON
interviewé par le journal El Tiempo au mois de Juin dernier, le sociologue Daniel Pecaut expliquait que » Prétextant le conflit armé, la Colombie s’est exemptée pendant des années de répondre au fortes protestations et exigences sociales » « Le conflit armé a contribué au maintien de la structure social et politique du pays, et même d’accroitre la concentration de la propriété des terres, ainsi que l’inégalité de distribution des revenus ». « dans de nombreux secteurs, non seulement parmi les élites gouvernantes, il apparait que le conflit armé ne perturbent pas tant que cela les villes mais seulement la périphérie du pays »
Surtout, la guerre conduite par le régime de Bogota a conduit à l’élimination de plusieurs génération de leaders sociaux, en particuliers avec les attaques menées par les groupes paramilitaires, entravant le développement de mouvement sociaux pacifiques dans les milieux urbains aussi bien que dans les zones rurales : la répression et les violences interdisant toute manifestation d’ampleurs aux étudiants, syndicalistes,militants des droits de l’homme ou des paysans contre les politiques du gouvernement. Par conséquent, alors que la Colombie a bénéficié d’une solide croissance économique ces 30 dernières années, elle a conservé le même niveau d’inégalité sociale que celui existant dans les années 1930. La famine frappe actuellement 6 millions de personnes en Colombie selon les chiffres de l’ONU et de la FAO.
De fait, alors que récemment les grèves des travailleurs agricoles ont paralysé la Colombie, la classe capitaliste craint une extension des revendications sociales et que la paix ouvre la possibilité pour créer les conditions pour que le peuple impose de telle réforme. Les FARC EP n’ont d’ailleurs pas renoncé à la défense de la démocratie, du progrès et de la justice sociale et de la liberté en déposant les armes, en annonçant que leurs mobilisations sur le terrain politique continuerait.
Représenté par l’ancien président Uribe – un président ultra autoritaire et lié au groupes paramilitaires fascistes de l’AUC responsables de l’exécution de dizaines de milliers de militants de gauche et des droits de l’homme – ces secteurs de la dictature capitalistes sont ceux qui ont mené la campagne de peur et de terreur pour faire gagner le NON à la paix. Car ils ont besoin de maintenir la guerre pour continuer à écraser sous une dictature militaire le peuple colombien. Comme ils le font depuis désormais plus de 70 ans et l’assassinat en 1948, du chef du parti libéral Jorge Elicér Gaitán qui suivi du regroupement des partis libéraux et conservateur en un pouvoir violent et autoritaire à la fin des années 1950 sous la bannière du Frente nacional avait obligé une partie des forces progressistes à entrer en résistance avec la création en 1964, de l’Armée de libération nationale (Ejercito de Liberacion Nacional, ELN) puis en 1966, des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), deux regroupements révolutionnaires prônant la guérilla contre le pouvoir en place, alors que la classe capitaliste déchainait ses milices paramilitaires contre-révolutionnaire et anti-communiste de l’AUC.
Si le camps de la paix, avec les FARC EP, bénéficient d’un large soutien international, il faut rappeler que Uribe – un homme de main à la botte de Washington – et une bonne partie de la classe capitaliste colombienne – et le camps de la guerre bénéficient d’un très fort soutien de l’impérialisme américain. C’est ainsi que Uribe a bénéficié d’une aide de près de 8 milliards d’euros de Washington pour mener la guerre contre les FARC-EP. Et l’oligarchie capitaliste qui écrase le pays entend bien poursuivre la guerre. Et elle peut bénéficier pour cela de l’appui des milices paramilitaires qui au cœur du dispositif de répression des forces progressistes, verraient avec la paix disparaitre leurs juteux trafic de drogues.
Les paramilitaires et narcotrafiquants au cœurs du vote NON à MEDELIN, le quartier général de Pablo Escobar
Medellin, seconde ville de Colombie et ancien quartier général du cartel de la drogue de Pablo Escobar a massivement voté à 63% pour le non, 13 points de plus que la moyenne nationale
La campagne du non – menée nationalement par Alvaro Uribe l’ancien président dont les liens avec les groupes paramilitaires ont été très bien documentés ces dernières années – y a été conduite par l’ancien condamné pour trafic de drogue Jhon Jairo Velasquez dit « Popeye ».
Velasquez est l’ancien chef des tueurs d’Escobar, qui a reconnu avoir tué plus de 300 personnes – il avait fait sauter le vol Avianca 2013 dans un attentat tuant plus de 100 personnes – et ordonné d’exécuter 3000 personnes, y compris des journalistes, des juges ou des militants politiques. Libéré il y a deux ans sur parole il s’est immédiatement impliqué dans la politique nationale, évoquant dès le mois de juin sont ambition de devenir sénateur, pour représenter selon ses mots « l’extrême droite ».
Dans une interview, il s’est revendiqué du parti conservateur d’Uribe, mais il a naivement avoué qu’il n’y serait probablement pas accepté du fait de son passé de condamné, tout en déclarant » Je rejoindrai le sénateur Uribe s’il me le demande » à la radio W. Avec plus de 130 000 abonnés sur sa chaine YouTube et 10 millions de visitors, Velasquez a engagé une violente campagne contre les négociations de paix cet été.
Rien de surprenant quand on sait que Velasquez lorsqu’il était le chef des escadrons de tueurs d’Escobar a participé à la campagne d’extermination des membres de l’Union Patriotique – composée de nombreux anciens combattant des FARC EP démobilisé à la suite d’un processus de paix et devant participer aux élections. Entre 1985 et 2002, deux candidats à la présidentielle de l’UP ont été assassinés, de même que 8 sénateurs, 13 députés, 11 maires, 70 conseillers municipaux et au minimum 5000 membres du parti par les groupes paramilitaires, l’armée ou la police colombienne, les narcotrafiquant y compris le cartel de Pablo Escobar. En 1980, Escobar avait participé à la construction du principal groupe paramilitaire colombien, les sinistres AUC, pour combattre les rebelles des FARC. Fidel Castano, l’un des fondateurs de l’AUC était un ami proche de Escobar et avait commencé sa carrière comme dealer pour le cartel de Medellin.
Le processus de paix en Colombie présente les même dangers que ceux ayant conduit à la liquidation de l’UP dans les 1980, puisque les groupes paramilitaires ont déclaré faire des militants démobilisés des FARC des cibles militaires et continuent de cibler les leaders paysans les syndicalistes et les militants des droits de l’homme, en toute impunité.
A l’évidence, lorsque des figures ayant un passé tel que celui de Velasquez se font entendre contre les FARC et sont suivies par 62% des électeurs, selon montre toute la difficulté pour le futur de la Colombie.