Christophe-JRCF – À l’époque où les médias français dominants évoquent le Venezuela pour nous parler, l’air d’avoir des sanglots dans la voix, de la supposée dictature éhontée de Nicolás Maduro qui écraserait le peuple vénézuélien, ainsi que de l’impérialisme des états-uniens et de ses alliés qui seraient les libérateurs et si bons pour la démocratie avec l’aide de Juan Guaído, cet article va tenter de faire un état des lieux de la situation économique et sociale au Venezuela depuis 2013.
Disons d’emblée que le Venezuela traverse depuis 2013, l’année de la mort de Hugo Chávez et de l’élection de Nicolás Maduro, une situation de plus en plus critique à cause de la guerre économique que lui livrent non seulement les États-Unis et ses alliés atlantistes mais aussi l’opposition intérieure, en grande partie issue d’une bourgeoisie droitière et rentière nostalgique du néolibéralisme que connaissait le pays dans les années 1980 et 1990. Dès 2013, l’opposition de droite au gouvernement chaviste s’agite à la suite de sa défaite électorale et incite la population à se rebeller contre le gouvernement légitime de Maduro, élu avec un peu plus de 50 % des voix. Ces soulèvements se sont traduits par des assassinats en pleine rue de partisans chavistes en 2013 et en 2014. Pendant cette période, il était déjà question de la censure et de la déformation de la réalité exercées par les grandes agences médiatiques internationales vis-à-vis des tenants et des aboutissants de ces soulèvements, présentés en Europe comme étant nécessaires et salutaires pour le peuple vénézuélien. Selon ces médias internationaux qui essaiment leur prose dans d’innombrables journaux à l’échelle mondiale, l’opposition vénézuélienne serait persécutée alors qu’elle est, en réalité, elle-même l’initiatrice des violences (1) ; par ailleurs, la démocratie n’existerait pas au Venezuela, qui organise pourtant régulièrement des élections dans un cadre républicain. En résumé, les médias atlantistes, n’ont eu de cesse de soutenir l’opposition vénézuélienne contre le gouvernement Maduro et contre le peuple vénézuélien lui-même, en omettant de mentionner les saccages des lieux publics (ou non publics) et les exécutions meurtrières causés par les partisans de ladite opposition. On peut également lire que le Venezuela serait un narco-État, ce qui ne manque pas de sel lorsque l’on s’aperçoit que ces accusations proviennent notamment de journaux de Colombie, premier pays producteur mondial de cocaïne dont les nombreux trafiquants disposent de la complaisance de leur gouvernement, et de certaines autorités des États-Unis (2), premier importateur de cette drogue.
Comme le rapporte Romain Migus, les États-Unis commencent, dès la fin 2014, à envisager de nouvelles mesures économiques, financières et commerciales à l’encontre du Venezuela, le tout en partenariat avec ses alliés colombiens et de l’Union européenne (3). Les archives en ligne états-uniennes, malheureusement incomplètes, font état des sanctions imposées au Venezuela, notamment au nom des droits de l’homme et de la liberté de la presse tout en assurant que l’ensemble des mesures « ne visent ni le peuple ni l’économie du Venezuela » (4). Que visent-elles donc, si ce n’est à empirer la situation et mettre le pays à genoux ? En 2015, Barack Obama publie un ordre exécutif instituant l’état d’urgence et déclarant que le Venezuela représente une « menace sérieuse pour la sécurité des États-Unis ». Tout cela n’est pas sans rappeler d’autres déclarations états-uniennes similaires, au sujet, par exemple, du Nicaragua (5), en proie également à des années d’ingérence états-unienne. L’ordre en question continue d’évoquer les droits de l’Homme au Venezuela et le droit de l’opposition à manifester « pacifiquement », omettant, comme on peut s’y attendre, le rôle décisif de cette dernière dans la montée de la violence au sein de la population et contre le gouvernement de Maduro (6).
Cette même année 2015, les sanctions économiques se renforcent nettement. Les agences de notation, dont le rôle financier est bien connu depuis la crise de 2008, commencent à viser la première industrie du Venezuela, socle de l’économie du pays, représentée par PDVSA (Petroleo de Venezuela, S.A.), entreprise publique dont les revenus sont redistribués pour l’amélioration économique et sociale des habitants du pays depuis les débuts de la révolution bolivarienne en 1999. Ainsi, des agences de notation telles que Moody’s, Standard and Poor’s et Fitch Rating, entre autres, dégradent fortement la réputation financière du Venezuela, qui devient, pour l’impérialisme économique, un des pires endroits de la planète, soit un « pays à haut risque » (7), sans doute en prévision de ce qui allait être causé à dessein les années suivantes. En effet, dès 2016, se met en place un véritable blocus financier fomenté par les États-Unis, ses alliés et par l’opposition vénézuélienne : annulation des contrats pétroliers (étranglement de l’économie du Venezuela), limitation et fermeture de comptes de certaines institutions et de PDVSA à l’étranger, restriction des paiements en dollars, retards d’approvisionnement des billets de banque (3)… Plus tard, en 2017, ce sont les achats de semences agricoles qui seront bloqués alors qu’une série de restrictions et d’interdictions de commerce avec le Venezuela continueront à se mettre en place et à se renforcer. Nous le voyons bien ici, il s’agit d’un étranglement en règle du peuple vénézuélien non par le gouvernement de Maduro et par sa prétendue répression, mais par une volonté intérieure et extérieure d’asphyxie économique et sociale de la part de l’impérialisme mondialisé qui rêve de voir s’effondrer tout système a minima socialiste, populaire et patriotique. Si « répression » il y a, elle s’adresse aux violents agitateurs de l’opposition dont nous avons décrit quelques-unes des méthodes un peu plus haut (destruction de biens publics et non publics, assassinats…).
En 2018, Maduro est réélu avec 67,8 % des voix (8), alors que la participation est relativement basse par rapport aux élections présidentielles précédentes. Les membres de l’opposition expliqueront que la faible participation est due à leur appel au boycott et au fait que le peuple ne souhaite pas se déplacer pour cette élection. Cela peut être vrai pour une partie de la population. Mais à ce moment, le Venezuela se trouve dans une situation économique et sociale, pour toutes les raisons que nous avons évoquées, très difficile et épuisante. La population traverse en effet depuis plusieurs années une crise provoquée par des acteurs qui cherchent à la dominer et à la diviser à tout prix sur plusieurs plans : alimentaire, économique et social. Comment mobiliser la plus grande partie de la population dans ces conditions? La réélection de Nicolás Maduro en 2018, comme cela n’est guère surprenant, est contestée voire complètement non reconnue par la plupart des pays inféodés aux États-Unis. Quel contraste avec l’élection quelques mois plus tôt du fasciste Jair Bolsonaro au Brésil, immédiatement applaudie par les représentants des États-Unis et de la plupart des pays de l’Union européenne, tout comme sera applaudi en 2019 l’autoproclamé président Juan Guaído alors que la grande majorité des autres pays ne le reconnaîtront pas ou soutiendront Maduro.
Durant toute l’année 2019, les mesures économiques criminelles contre le Venezuela se sont démultipliées mais le peuple continue de résister et ne cède pas aux pressions énormes des États-Unis. Le blocus économique s’attaque à tous les produits, services et activités : pétrole, alimentation, médicaments, services informatiques, activités sportives… De plus, tout pays, toute entreprise ou organisation commerçant avec le Venezuela seront immédiatement interdits de commerce avec les États-Unis. La liste des secteurs touchés et des sanctions imposées est longue (3). Par ailleurs, le programme du CLAP (Comité Local de Abastecimiento y Producción) fournissant le nécessaire alimentaire, hygiénique et médical à l’ensemble de la population vénézuélienne est très affecté par le blocus économique et l’interdiction de commerce. En effet, le Venezuela importe une grande partie de la nourriture et des produits de première nécessité qu’il consomme. La République bolivarienne insiste donc de plus en plus sur la nécessité de recouvrer la souveraineté alimentaire, pour ne parler que d’elle, évoquée depuis 2008 (9).
Les nombreuses années de lutte au Venezuela, accablé par l’impérialisme états-unien et de ses alliés, ne sont pas terminées. En Europe, de nombreux articles infamants et niant l’existence d’une guerre économique dirigée contre le Venezuela (10) sont diffusés très régulièrement dans des médias qui semblent tous être très divers de par leurs opinions, mais qui, au final, possèdent les mêmes sources d’information imposées par une bourgeoisie mondialisée et prête à tout pour écraser la République bolivarienne et la révolution. Car, en effet, le Venezuela est un pays en révolution, riche de ses ressources naturelles très convoitées (eau, pétrole, bois, terres…) et de son peuple qui lutte quotidiennement contre la guerre économique, la désinformation et la manipulation intérieure et extérieure. Le Venezuela subit une véritable guerre de classes, pour toutes les raisons évoquées, dirigée contre son peuple et, de manière générale, contre toute forme de socialisme pouvant émerger au sein de ce que les pays atlantistes, trop centrés sur eux-mêmes – ou plutôt sur une fraction d’eux-mêmes – considèrent comme leur basse-cour. Il est temps d’en finir avec cette vision impérialiste et infantile que possède la plupart des représentante des Etats atlantistes, rongés par le capitalisme et le néolibéralisme au détriment des peuples.
Cet article se base en grande partie sur les travaux de Romain Migus, journaliste spécialiste de l’Amérique latine, et particulièrement du Venezuela où il réside depuis 2005. Il a écrit de nombreux articles sur le processus bolivarien au Venezuela, notamment pour son blog Venezuela en vivo, le Grand Soir et son site Les 2 Rives.
1. ¿Qué pasó el 12 de febrero de 2014 en Venezuela? [en ligne]. [Consulté le 23 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.telesurtv.net/news/Conozca-que-son-las-guarimbas-en-Venezuela-y-quienes-estan-detras-20140312-0050.htmlLas protestas golpistas de 2014 dejaron 43 muertos y más de 800 heridos en Venezuela.
2. REUTERS, avec. Le président du Venezuela Nicolás Maduro inculpé aux États-Unis pour « narco-terrorisme ». Ouest-France.fr [en ligne]. 26 mars 2020. [Consulté le 23 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.ouest-france.fr/monde/venezuela/le-president-du-venezuela-nicolas-maduro-inculpe-aux-etats-unis-pour-narco-terrorisme-6792891
3. MIGUS, ROMAIN. Chronologie des sanctions économiques contre le Venezuela (actualisé). [en ligne]. [Consulté le 21 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.romainmigus.info/2019/01/chronologie-des-sanctions-economiques.html
4. Venezuela-Related Sanctions. [en ligne]. [Consulté le 21 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://2009-2017.state.gov/e/eb/tfs/spi/venezuela/index.htm
5. Text of a Notice on the Continuation of the National Emergency with Respect to the Situation in Nicaragua. The White House [en ligne]. [Consulté le 23 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/text-notice-continuation-national-emergency-respect-situation-nicaragua/
6. FACT SHEET: Venezuela Executive Order. whitehouse.gov [en ligne]. 9 mars 2015. [Consulté le 21 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2015/03/09/fact-sheet-venezuela-executive-order
7. Moody’s baisse la note du Venezuela. La Presse [en ligne]. 13 janvier 2015. [Consulté le 24 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.lapresse.ca/affaires/economie/international/201501/13/01-4834658-moodys-baisse-la-note-du-venezuela.phpL’agence de notation financière Moody’s a annoncé mardi avoir abaissé de deux crans à «Caa3» la note de dette du Venezuela, estimant que le risque de faillite de cet…
8. Divulgación Electoral 2018. [en ligne]. [Consulté le 1 décembre 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.cne.gob.ve/ResultadosElecciones2018/
9. Leyes de Interés | Banco Agrícola de Venezuela. [en ligne]. [Consulté le 23 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : http://www.bav.com.ve/index.php/leyes-de-interes/
10. DEBRAY (*), Laurence. POINT DE VUE. Quand finira donc la crise au Venezuela ? Ouest-France.fr [en ligne]. 27 novembre 2019. [Consulté le 23 juillet 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.ouest-france.fr/monde/venezuela/point-de-vue-quand-finira-donc-la-crise-au-venezuela-6627440
un article à retrouver sur le blog des JRCF : http://jrcf.over-blog.org/2020/07/la-lutte-du-venezuela-contre-l-imperialisme.html