Le 25 juin 1950 marque le déclenchement de la guerre de Corée – conflit civil internationalisé qui a causé des millions de morts et s’est conclu par un simple accord d’armistice, et non un traité de paix qui aurait posé les bases pour prévenir une nouvelle guerre. Dans ce contexte, l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) et le Comité international de liaison pour la paix et la réunification en Corée (CILRECO) ont organisé une manifestation à Paris place de la Sorbonne, le 24 juin 2017, pour dénoncer l’escalade militaire en cours en Corée (avec le déploiement du système de missiles THAAD), exiger le retrait des troupes américaines du Sud de la péninsule, et permettre la conclusion d’un traité de paix en Asie du Nord-Est, comme le prévoyait l’accord d’armistice du 27 juillet 1953, resté sur ce point lettre morte. La manifestation intervenait à l’issue des travaux de la conférence internationale de Paris pour la paix et la réunification en Corée, qui se sont tenus pendant deux jours (les 23 et 24 juin) et ont réuni les participants de treize pays africains, américains, asiatiques et européens. Nous reviendrons dans nos prochaines éditions sur les travaux de la conférence de Paris.
En instituant le mois de solidarité avec le peuple coréen (du 25 juin, déclenchement des hostilités, au 27 juillet, date de conclusion de l’accord d’armistice), le CILRECO soulignait la nécessité d’encourager la paix en renouant le dialogue et en cessant une course aux armements déstabilisatrice en Asie du Nord-Est et, au-delà, dans le monde. Cette exigence a été portée lors de la manifestation qui a eu lieu place de la Sorbonne le 24 juin 2017, animée par Olivier Bouchard, au cours de laquelle des représentants belge, français et haïtien ont pris la parole, en présence de délégués britanniques, bulgares, finlandais, suédois et suisse. Le CILRECO était également représenté, ainsi que le Pôle de renaissance communiste en France (PRCF).
Des tracts ont été distribués et des discussions enrichissantes engagées avec les personnes présentes, faisant apparaître le besoin d’une culture de la paix qui passe par la reconnaissance des différents pays, de leurs civilisations et de leurs cultures, au-delà des différences de systèmes politiques et sociaux, pour bâtir ensemble un monde d’où seront bannies les armes de destruction massive.
Si les échanges intercoréens redémarrent en dehors des circuits intergouvernementaux, les autorités de la République de Corée (au Sud) et de la République populaire démocratique de Corée (au Nord) ont formulé des propositions de reprise des discussions qui, au-delà de leur rejet par l’autre partie, témoignent que les deux Etats explorent bien la voie d’un nouveau dialogue.
Lorsque Moon Jae-in dénonce la RPD de Corée comme « irrationnelle« , il faut y voir une réaction après que le Nord eut décrit le Président sud-coréen comme le « porte-parole » de Washington – alors qu’une rencontre au sommet entre Donald Trump et Moon Jae-in doit intervenir la semaine prochaine. Au regard des échanges très vifs, de part et d’autre, sous les présidences conservatrices à Séoul, ces propos, pour peu diplomatiques qu’ils soient, restent somme toute modérés.
La première proposition de reprise du dialogue est venue du Sud, lorsque Moon Jae-in a déclaré que la cessation par Pyongyang de ses « provocations » permettrait une reprise sans conditions des discussions entre le Nord et le Sud. Ces propos ont été particulièrement mal accueillis par la RPD de Corée, qui cherche à découpler les questions de sécurité (tenant selon elle à ses relations avec Washington) du dialogue intercoréen.
La RPD de Corée a ensuite mis sur la table un moratoire de ses essais nucléaires si Washington et Séoul arrêtaient leurs manoeuvres militaires. La proposition n’est pas nouvelle (elle avait déjà été formulée en janvier 2015), mais elle se rapproche d’une suggestion de Pékin vis-à-vis des Etats-Unis (suspendre les exercices militaires des Etats-Unis et de leurs alliés en contrepartie d’un gel par la RPD de Corée de ses activités balistiques et nucléaires). Plus encore, Moon Jae-in pense que la dénucléarisation de la péninsule coréenne exige d’abord un moratoire des activités nucléaires de Pyongyang, et son conseiller spécial pour la diplomatie et la sécurité, Moon Chung-in, a proposé lors d’un forum à Washington la diminution de l’ampleur des exercices militaires menés conjointement avec les Etats-Unis, en contrepartie d’une suspension par la RPD de Corée de ses essais nucléaires et balistiques.
Si les termes du dialogue restent différents, ils n’en tendent pas moins à se rapprocher. Reste à savoir si, sur ces questions où Séoul ne se désolidarise jamais totalement des Etats-Unis, quelle pourrait être la réaction de l’administration Trump.
Le 7 juin 2017, le Président de la République de Corée Moon Jae-in a annoncé la suspension du déploiement en Corée du Sud du système américain de missiles antimissile THAAD, dans l’attente que soit menée une étude d’impact environnemental. Cependant, deux jours plus tard la Maison Bleue – siège de la présidence sud-coréenne – a annoncé que le déploiement du THAAD se déroulera « comme prévu« . Décryptage.
Militante dans le comté de Seongju, site retenu pour le déploiement de THAAD, fait signer une pétition contre THAAD.
L’annonce du Président Moon Jae-in a été saluée par tous ceux qui veulent la paix et refusent la course aux armements en Asie du Nord-Est : le déploiement du très controversé dispositif THAAD est suspendu dans l’attente des résultats d’une étude d’impact, qui pourrait durer plus d’un an, qui devrait notamment mesurer l’impact sur la santé du champ magnétique du radar AN/TPY-2. Une telle étude d’impact était obligatoire, mais avait été omise dans le but manifestement d’accélérer la mise en place de THAAD avant l’élection présidentielle du 9 mai, remportée par l’opposition démocrate, pour mettre le nouveau chef de l’Etat devant le fait accompli.
Non seulement il s’agissait de passer en force contre l’opinion publique, mais la réalité même du déploiement de THAAD a été cachée par l’armée sud-coréenne au Président Moon Jae-in : fin mai, un rapport qui lui avait été transmis afin de préparer sa rencontre aux Etats-Unis avec Donald Trump, en juin, avait délibérément supprimé un passage indiquant l’arrivée de quatre camions lanceurs de missiles sur le sol sud-coréen. Il ne fait guère de doute que cette indiscipline de l’armée, qui a entraîné le renvoi du vice-ministre de la Défense en charge des affaires politiques, conjuguée aux efforts déployés par le ministère de la Défense pour empêcher l’étude d’impact environnemental, a pesé dans l’annonce du Président Moon Jae-in sur la suspension de la mise en oeuvre de THAAD.
Mais suspension ne signifie pas démantèlement de THAAD, comme l’a souligné le surlendemain Chung Eui-yong, chef du bureau de la sécurité nationale à la présidence sud-coréenne :
Le gouvernement gérera le déploiement du THAAD selon ses principes tout en étant pleinement conscient des menaces nucléaires et balistiques de la Corée du Nord (…) Le gouvernement n’a pas l’intention de changer fondamentalement ce qui a été promis dans le cadre de l’alliance Corée – États-Unis.
L’administration Moon Jae-in marche sur des œufs. Elle ne peut pas se permettre une remise en cause immédiate et radicale de THAAD, surtout à la veille d’un sommet américano-sud-coréen, vu la relation militaire entre Séoul et Washington. Le président sud-coréen ne peut pas non plus afficher une autre attitude que la fermeté face aux lancements répétés de missiles par la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), au risque sinon de perdre toute crédibilité dans l’opinion publique sud-coréenne.
L’étude d’environnement a aussi le mérite de laisser du temps au temps, tout en freinant l’escalade engendrée par le déploiement de THAAD : Moon Jae-in a adopté, de manière courageuse et prudente, la seule position réaliste et crédible pour abaisser les tensions qu’avait attisée l’administration conservatrice dans la péninsule coréenne.