« L’histoire est formée par les actions et les évènements qui interrompent le cours incessant du temps quotidien, par ces « choses qui doivent leur existence uniquement aux hommes ».
Hanna Arendt
Alors que nous apprenons qu’une grande majorité des pays qui siègent à l’ONU reconnaissent enfin le droit d’exister à CUBA SOCIALISTE, que l’ONU reconnait Maduro comme représentant légitime du Venezuela, et que le Parti Communiste de Colombie est enfin reconnu dans la plus grande légalité, le bloc hégémonique anti-impérialiste regarde de très près la montée d’un courant progressiste en Amérique latine, d’autant que l’Europe vit une recrudescence de la fascisation.
Cela peut inspirer les peuples d’Europe et les motiver dans leurs choix face à une droite réactionnaire, qui voudrait aller à contre-courant de l’esprit des Lumières, et en France anéantir tout ce que le Conseil National de la Résistance avait construit dans l’après-guerre au bénéfice du peuple. Alors, plein feu sur l’Amérique latine !
L’Amérique latine s’est convertie en épicentre des plus grandes luttes politiques du XIXe siècle car elle a été l’épicentre du néolibéralisme dans le monde. C’était la région du monde où il y a eu les gouvernements les plus néolibéraux, sans compter les dictatures. Pour ne citer que celles de Stroessner au Guatemala, de Somoza au Nicaragua, de Trujillo en République dominicaine, de Pinochet au Chili, de Odría au Pérou, de Videla en Argentine, de Batista à Cuba, etc.
Pour autant, elle est devenue la région où se sont développé les gouvernements anti-néolibéraux, et s’est ainsi convertie en scénario fondamental des querelles les plus importantes au XXIème siècle.
La première décennie fut marquée en Amérique latine par la naissance d’un groupe de gouvernements anti-néolibéraux, qui ont mis en pratique un ensemble de mesures qui ont attaqué le principal facteur qui touche le continent : les inégalités sociales.
La seconde décennie a vu le renouement d’initiatives de la droite, qui a rétablit des gouvernements néolibéraux dans des pays comme l’Argentine, le Brésil, l’Équateur, soit au moyen de coups d’État, soit au moyen d’élections en Argentine et en Équateur.
Y compris, à la fin de cette décennie, dans certains pays- l’Argentine et la Bolivie– au moyen des élections démocratiques on a rétabli des gouvernements anti-néolibéraux. Pendant ce temps, le Mexique s’est uni au groupe de gouvernements anti-néolibéraux et d’autres pays ont commencé à vivre des querelles au grand jour, tels que le Pérou et le Chili.
Le continent entre dans la troisième décennie du XXIème siècle avec une perspective optimiste, si Lula est élu au Brésil, il permettra pour la première fois, que les trois plus grands pays du continent aient des gouvernements convergents, anti-néolibéraux, qui pourraient reprendre le processus de l’intégration latino-américaine de manière plus large que les tentatives antérieures.
Même si cette projection vient à se confirmer, le continent sera encore victime d’instabilités et de batailles hégémoniques, qui l’ont marqué tout au long de ce siècle. Cela arrive à cause de nombre de raisons, internes et externes aux pays et au continent lui-même.
Au niveau international, la naissance de gouvernements anti-néolibéraux en Amérique Latine a toujours dû coexister avec un marché marqué par l’hégémonie de gouvernements et d’institutions néolibérales. Cette coexistence a toujours été un facteur de tensions et d’instabilités, ce qui a rendu difficile la consolidation de ces derniers.
Ainsi donc, les politiques du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, entre autres facteurs, ont joué contre les tendances majeures dans les gouvernements anti-néolibéraux, outre l’action des États-Unis, avec tout le poids qu’ils représentent sur le continent.
Dans un pays comme le Brésil, cinq années d’instabilité et de querelles politiques ardues, entre gouvernements néolibéraux réinstallés au moyen d’un processus de guerre hybride, tel une nouvelle forme de coup d’État et une rupture de la démocratie de l’intérieur. Ainsi donc, le candidat Lula devra faire face aux pressions de son adversaire et résister au risque de perdre toute crédibilité, et ce dès le premier tour des élections d’Octobre 2022.
L’Argentine, un pays qui a donné mandat à Mauricio Macri, un chef de gouvernement qui a révélé des brèches pour réinstaurer le modèle néolibéral, avec son incapacité à résoudre les principaux problèmes du pays -taux d’inflation éminemment élevé – et gagner le soutien du peuple auquel il n’a rien lâché. C’est ainsi qu’il a perdu les élections présidentielles et que l’Argentine a repris la voie anti-néolibérale avec l’élection à une majorité relative du Président Alberto Fernández.
Dans le cas de la Bolivie, la victoire de l’ex-ministre de l’Économie d’Evo Morales, Luis Arce, qui avait occupé cette fonction durant 13 ans, déplait à l’opposition qui récemment a tenté d’éliminer physiquement la personne du président avec l’aide des États-Unis. Élu dès le premier tour, alors que l’Europe avait empêché le président sortant, Evo Morales de se présenter, ce dernier ayant dû se réfugier à l’ambassade du Mexique. Nul doute que le Président Arce saura faire face aux problèmes économiques et sociaux de son pays.
Le Pérou vit des conditions difficiles d’exercice du pouvoir car son président a été élu avec une marge de manœuvre étroite. Pedro Castillo, bien que soutenu par Pérou Libre, des citoyens péruviens venus de nombre de pays européens et du Japon, doit faire face à un Congrès ou Parlement hostile, qui met les bâtons dans les roues du président, et doit procéder, ici et là à des remaniements ministériels.
Le Chili a vécu un processus de mobilisations populaires depuis 2019, qui a débouché sur la création d’une Assemblée Constituante, pour laquelle il a élu une majorité de parlementaires composée d’indépendants et du « Frente Amplio », le Front élargi, la nouvelle gauche du pays. À noter la présence de sept Indiens Mapuches, et fait symbolique à la tête de l’Assemblée Constituante, une femme Mapuche. Cette assemblée enterre l’héritage des survivants du Pinochetisme, n’en déplaise au Président Piñera.
Bien que Kast, fils de Nazi, ait devancé de trois points le candidat du Front Large Boric, le peuple chilien va se ressaisir car en l’état actuel, Boric est donné vainqueur dans les sondages. L’instabilité politique que vit le pays devrait céder le pas à un projet de société qui peut compter sur l’appui des forces de gauche et des forces progressistes au Chili.
La question posée en Amérique latine est en quelque sorte celle qui a été posée par Simón Bolívar, avec le panaméricanisme dans le continent latino-américain.
Nul doute que Cuba qui a déjà des liens de coopération économique et politico-stratégique pourra tisser des liens très forts avec un marché en expansion et des voies de communication nouvelles entre le Panama et Cuba.
Les élections au Chili, au Brésil et en Colombie devraient mettre un terme à l’hégémonie des valeurs néo-libérales et ouvrir la voie au socialisme aux couleurs de l’Amérique.
Antoine LUCI Pôle Hispanique-Commission Internationale du PRCF-