Discours du président Bolivien Luis Arce à l’assemblée de l’ONU, 23 septembre 2021
Nous rappelons que Luis Arce a été élu en 2020 comme président de la Bolivie après le coup d’état fasciste perpétré par l’extrême droite bolivienne avec le soutien d’éléments corrompus de la police et de l’armée et celui de l’OEA et des États-Unis. Le régime d’Añez avait été contraints d’organiser les élections et de respecter ses résultats face à l’immense vague de protestations et de résistance (allant jusqu’à la lutte armée) du peuple bolivien plus conscient et organisé que jamais pour défendre ses droits et sa liberté. Arce avait été ministre de l’économie (2006-2019) sous le gouvernement de Evo Morales et considéré comme le responsable du « miracle » bolivien en mettant place des politiques de nationalisations (transports, énergies, sols, éducation, santé, etc.) et d’industrialisation du pays, en assainissant les finances publiques, en diminuant la corruption, en luttant efficacement contre la culture de la « coca » pour le compte du narcotrafic, etc. On peut contraster cette politique économique, pratiquement « planifiée », qui visait sur le long terme et la diversification de l’économie bolivienne avec la politique du chavisme au Venezuela qui avait pourtant 6 ans d’avance et qui a débouché en partie sur l’impasse dans laquelle il se trouve actuellement ; cette politique avait suscité des critique des marxistes et communistes vénézuéliens qui, pourtant, ont toujours tenu compte de la guerre économique et de l’impact des sanctions infligées par les États-Unis, tout en appuyant le régime bolivarien dans sa résistance contre l’impérialisme états-unien.
Le président de la Bolivie, Luis Arce, a réitéré jeudi 23 septembre 2021 devant l’Assemblée générale des Nations Unies l’implication du secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA), Luis Almagro, ainsi que d’autres acteurs étrangers comme le « représentant de l’Union européenne », dans le « coup d’État » fasciste dénoncé par l’ancien chef d’État Evo Morales de 2019. Au cours de son discours, l’actuel président bolivien a également évoqué la revendication de son pays pour l’accès à la mer, et avec une forte critique du capitalisme et de l’impérialisme, il a appelé à un nouvel ordre économique mondial.
Il a dressé un bilan du coup d’état fasciste orchestré en 2019 et dénoncé ses soutiens internationaux :
« La rupture de l’ordre constitutionnel dans mon pays a compté avec la participation d’acteurs nationaux, d’hommes politiques qui n’ont pas l’appui du peuple dans les urnes, d’agents de la police et des forces armées corrompues, de comités civiques, la hiérarchie catholique et les médias hégémoniques », a-t-il indiqué. Et il a ajouté : « Mais il a également compté avec la participation de l’OEA, par l’intermédiaire de son secrétaire général, Luis Almagro (sur lequel nous avons déjà écrit récemment, voir article OEA JRCF); d’autres gouvernements, comme Macri en Argentine, qui ont envoyé des armes et des munitions aux putschistes (en toute impunité du droit international), mais aussi du soutien du représentant de l’Union européenne et d’autres organisations non gouvernementales d’origine internationale » (ONG made in USA).
Arce a rappelé le décompte (toujours en cours) de 38 victimes assassinées par le régime d’Añez en Bolivie et a condamné les exactions et les « graves violations des droits de l’homme » qui auraient été commises par le « gouvernement de facto » de l’ex-dictatrice autoproclamée Jeanine Áñez, qui rappelons-le a été emprisonnée à la demande de la justice bolivienne. « L’État plurinational de Bolivie, à la suite d’un regrettable coup d’État en novembre 2019, a retrouvé sa démocratie en octobre dernier, grâce à l’unité, à la lutte et à la conscience du peuple bolivien, confirmée par les urnes », a déclaré le président bolivien. Loin des gémissements des États-Unis et de ses « employés » de l’UE qui pleurent au chevet de l’ex-dictatrice Añez (qui n’a pas eu le temps de fuir la justice comme les membres de son cabinet gouvernemental) jours et nuits en ce qui concerne ses prétendues « mauvaises » conditions de détentions, et état de santé, la réalité montre qu’elle serait plutôt traitée de manière privilégié, situation qui va jusqu’à provoquer une protestation massive de ses codétenues dans la prison où elle réside,[1] montrant bien la détermination du gouvernement d’Arce à respecter scrupuleusement les droits de l’homme.
Arce a également défendu le droit des peuples à « déterminer librement leurs propres systèmes politiques, économiques et sociaux » et critiqué d’ »immoral » les grandes puissances qui cherchent à imposer leur « hégémonie » à travers des « actions et des mesures unilatérales ayant des effets négatifs sur la vie, la santé, l’alimentation et l’éducation de millions de personnes ». A cet égard, il a fustigé « le blocus commercial et financier inhumain et criminel » contre Cuba, « un crime contre l’humanité » qui met en danger la vie de 11 millions de personnes sur l’île en pleine pandémie.
Premier chef de l’État bolivien auprès de l’Organisation des Nations Unies, Arce a réitéré devant la communauté internationale la revendication de son pays pour la sortie de la mer : « L’État plurinational de Bolivie revendique dans cette instance mondiale son droit d’obtenir une sortie souveraine, digne et utile dans l’océan Pacifique, par le dialogue et la concertation avec la République du Chili, conformément à l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice le 1er octobre 2018, dans lequel la Cour a exhorté le Chili et la Bolivie à continuer d’œuvrer en faveur d’un règlement significatif du problème ». Le vieux contentieux depuis la guerre du pacifique (1879-1884) entre la Bolivie et le Chili subsiste (où la Bolivie perdit ses territoires donnant accès à la mer) sans pour le moment trouver de solution surtout avec la négative à toute discussion ou négociation du gouvernement néolibéral et autoritaire de Piñera au Chili (situation qui devrait changer avec les élections présidentielles de novembre 2021 et la nouvelle constituante permettant une éventuelle entre les deux pays)
Ensuite le président Arce a sévèrement critiqué le capitalisme et appelé à un nouvel ordre économique mondial. À cet égard, il a proposé un allégement, voir annulation, de la dette extérieure des pays les plus pauvres à un moment où ils doivent tenter de reconstruire leurs économies profondément affectées par la crise sanitaire du coronavirus. Il est nécessaire, a-t-il souligné, de parvenir à un accord avec les organismes financiers pour le « refinancement ou l’allégement de la dette extérieure » ainsi que pour l' »activation des prêts concessionnels » si l’on veut que les pays pauvres soient en mesure d’atteindre les objectifs du Programme 2030.
« Les Etats doivent donner la priorité à l’élimination de l’extrême pauvreté, à la réduction des inégalités dans toutes leurs dimensions, à l’accès des populations aux services basiques, et nous devons assumer avec responsabilité le défi de construire un avenir fondé sur la solidarité et la coopération », a-t-il expliqué. Toutefois, il a regretté que, tant que l’ordre économique mondial actuel se poursuivrait, « injuste de tous les points de vue », comme en témoigne la répartition inégale et l’accaparement des ressources médicales et sanitaires pendant la pandémie, « Peu de progrès seront faits pour réduire ou éliminer ces indicateurs sociaux ». Situation également dénoncée par les militants franchement communistes du PRCF et de nombreux PC dans le monde entier.
Le président Arce a ensuite plaidé en faveur de la levée des brevets des vaccins au niveaux mondial :
« Selon les données disponibles, à ce jour, seulement 30 % de la population mondiale ayant besoin de vaccins a reçu au moins une dose d’anti-covid-19, et seulement 15,5 % d’entre eux ont été complètement vaccinés. Dans le même temps, seulement 1,1 % de la population des pays à faible revenu a reçu au moins une dose. Le capitalisme a mercantilisé tous les domaines de la vie sociale et la santé n’échappe pas à ses tentacules. La science médicale doit être au service de l’humanité, sans aucune discrimination géographique, politique, sociale ou en raison de la nationalité. L’accès au vaccin doit être considéré comme un droit humain, nous ne pouvons pas être indifférents et encore moins tirer profit de la santé en temps de pandémie », a déclaré Arce.
Dans ce contexte, il a déclaré que la pandémie pourrait être surmontée « avec une plus grande couverture vaccinale », tout en notant que « l’accès aux vaccins, principalement pour les pays de la périphérie, est limité ». C’est pour cette raison qu’il a exigé que « les multinationales productrices de médicaments libèrent les brevets et partagent leurs connaissances et leur technologie pour la production de vaccins contre le covid-19. Concernant le changement climatique, un thème commun abordé par presque tous les dirigeants qui ont participé à la 76ème session de l’Assemblée générale de l’ONU. Arce a directement accusé le capitalisme comme « l’une des principales causes » de cette crise, car c’est ce système qui encourage « le consumérisme et la prédation démesurée des ressources naturelles ».
De son gouvernement, il a proposé « un nouveau modèle de coexistence pour le bien-être », un changement d’horizon qui laisse derrière lui « la prédation, la concurrence irrationnelle, le consumérisme démesuré et cette recherche insatiable d’accumuler des profits au détriment de la Terre-Mère et de la vie sur notre planète ». « S’il y a une chose que le capitalisme met en danger, c’est l’humanité et la nature », a souligné Arce, qui estime que ce devraient être « les pays capitalistes » (développés) qui « assument la dette climatique » et « la compensation historique » au reste du monde à travers la « coopération financière, transfert de technologie et renforcement des capacités ». Le président Arce a conclu son discours en appelant au multilatéralisme pour faire face aux « défis de plus en plus complexes » que la planète a devant elle. « Il est de notre devoir de construire un monde plus juste, plus démocratique et plus solidaire. Travaillons pour endiguer la crise climatique et construire l’égalité ».
Par ce discours le président Arce montre la continuité de sa ligne politique et de son l’engagement avec celui d’Evo Morales contre l’impérialisme et le capitalisme et en faveur de la souveraineté des peuples latinoaméricains pour pouvoir établir et définir leurs orientations de développement et leurs systèmes politiques. Dans le cas de la Bolivie est réaffirmé l’orientation vers une société pluriethnique anticapitaliste (où l’horizon du socialisme est revendiqué par moment) avec toutes les difficultés que présentent un tel choix dans le cadre du sous-développement et des agressions constantes des États-Unis.
[1] Reportage vidéo qui défraie la chronique, en espagnol (possibilité de sous titres) :https://www.youtube.com/watch?v=N_G0ljCdb9A