Beyrouth – Quand le peuple libanais a pris la rue, le 17 octobre 2019, la pandémie du Covid 19 n’était pas encore connue ni décelée.
Ce qui avait poussé les Libanais à manifester, c’était la crise économique et financière qui était arrivée à son paroxysme à la suite des politiques socio – économiques et monétaires que l’oligarchie financière libanaise avait pratiquées depuis l’arrivée de feu Rafic Hariri à la tête du gouvernement il y a trente ans ; politiques qui se sont envenimées au fil des années et des conférences « internationales » sur le Liban, surtout depuis l’avènement de Donald Trump et la dernière conférence tenue à Paris en 2018 sous le nom de « CÈDRE ».
Cette crise s’est d’abord exprimée par une inflation galopante que le gouverneur de la Banque centrale avait essayé de camoufler en recourant à une « stabilisation » factice du prix de la livre libanaise face au dollar, faisant ainsi perdre au pays plusieurs milliards de dollars qui sont venus s’ajouter à une dette de plus en plus grande (plus de 200 pour cent du PIB) mais aussi à une corruption jamais vue dans la classe politique. En plus de tout cela, le problème du coût des déplacés syriens (un million et deux cent mille selon le recensement de l’ONU, mais en réalité plus d’un million et huit cent mille), les sanctions étasuniennes contre le Hezbollah, les menaces israéliennes, les crises de la région (dont le conflit entre l’Arabie saoudite et l’Iran) ainsi que la fermeture des frontières terrestres ont eu des répercussions néfastes sur tous les secteurs de l’économie (tourisme, exportation des produits agricoles, marasme dans certains secteurs industriels).
Voilà pourquoi nous avons assisté à la fermeture de beaucoup de petites et moyennes entreprises et, par suite, à l’augmentation du chômage et à une paupérisation plus étendue (on parlait de quelques 30 pour cent de la population sous le seuil de pauvreté), surtout dans la classe ouvrière et les travailleurs dans les campagnes (souvent remplacés par des Syriens moins bien payés et travaillant au noir).
Cette situation, déjà catastrophique dans la première moitié de 2019, a empiré avec la pandémie du Covid 19… Il est vrai que le Liban n’a pas subi une grande propagation du virus, mais les mesures de confinement prises par le gouvernement, ajoutées à la situation financière catastrophique et en particulier à la mainmise sur l’argent des petits épargnants, ont fait que la moitié de la population libanaise a chuté sous le seuil de pauvreté, que plus de onze mille PME ont fermé et que les licenciements ont augmenté dangereusement puisqu’ils ont atteint la moitié de la population active sans travail actuellement… l’industrie du tourisme, surtout, a subi de graves dégâts et la balance commerciale bat de l’aile. Les pertes s’élèvent à plus de 20 milliards de dollars que l’on ajoute à la dette et à la situation financière catastrophique.
Le gouvernement a trouvé la solution en faisant, d’abord, appel à la société Lazare qui a préconisé de baisser les salaires à partir d’une dévaluation tacite de la livre libanaise, ce qui a augmenté les taux de l’inflation, réduisant de 75 pour cent la valeur des salaires puisque le dollar plafonne aujourd’hui à 4000 livres libanaises et plus (contre 1515 L.L.). Quant aux pourparlers nouveaux avec le Fonds Monétaire International ils comprennent aussi des mesures anti-populaires, dont la diminution des salaires et des retraites, la vente (ou ce qu’on appelle la privatisation) des entreprises productives et la création de nouvelles taxes… sans oublier l’augmentation de la TVA et le nivellement par le bas des prestations médicales et sociales.
Ainsi, toutes les solutions préconisées vont dans le sens des intérêts de la classe dominante. D’où la nécessité pour les syndicats et les organisations civiles de revoir leur programme de lutte et de mettre au point des revendications à court et moyen termes pouvant arrêter ou, du moins, diminuer le glissement vers la banqueroute et les désastres qui peuvent s’en suivre, dont la famine qui se profile déjà.
Ceci demande aussi l’unité des forces vives, dont en premier lieu le PCL et les organisations politiques de la gauche libanaise.
Agissons avant qu’il ne soit trop tard. Sauvons notre pays.
Marie Nassif –Debs – 30 mai 2020