Comme le soulignent nos camarades québecois, le mouvement populaire est fort quand il associe conscience de classe, conscience nationale et défense de la langue nationale, le français. Et il s’affaiblit quand ce lien se défait. Chez nous aussi la classe ouvrière était forte quand le PCF défendait l’indépendance nationale contre l’Europe atlantique et le tout-anglais impérial ; en attendant, solidarité avec les luttes des communistes et du syndicalistes du Québec (et, faut-il le dire, de tout le Canada).
Québec : Contre l’austérité : Pour une convergence des mouvements étudiant, syndical… et national !
10 avril 2015
Marc Laviolette et Pierre Dubuc
Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre
Il faut saluer le courage, la détermination et la mobilisation du mouvement étudiant en réaction aux mesures d’austérité du gouvernement Couillard. La hargne des forces policières, le mépris de certains commentateurs politiques et les provocations du ministre de l’Éducation illustrent la volonté de ce gouvernement d’en découdre avec les opposants et, par le fait même, de la nécessité pour les forces progressistes d’établir un véritable rapport de forces.
De toute évidence, le gouvernement compte sur l’essoufflement et l’étiolement du mouvement de grève, sur les divisions au sein du mouvement étudiant et entre celui-ci et les organisations syndicales pour revenir éventuellement à la charge avec l’augmentation des droits de scolarité de 2012.
Une défaite du mouvement étudiant serait une défaite pour l’ensemble du mouvement d’opposition aux politiques d’austérité. D’où notre appel à la coordination et à la convergence des luttes entre les mouvements étudiant et syndical.
Une contre-révolution
Il faut regarder les choses en face. Le gouvernement Couillard a pour objectif de compléter la Révolution néolibérale des années 1980, suivant en cela les préceptes développés dans The Fourth Revolution, le livre de deux journalistes britanniques du magazine The Economist, présenté par le premier ministre Couillard comme étant la bible de son gouvernement.
Les prescriptions de ses auteurs sont simples : réduction de la taille de l’État, tout en reconnaissant que les syndicats constituent l’obstacle majeur à cette opération; déréglementation et privatisation; gel des salaires dans la fonction publique et plus grand recours à la charité privée; baisse des impôts et hausse de la tarification; soutien à l’école privée; accent sur les droits individuels plutôt que collectifs.
Cette contre-révolution est aussi antinationale. Que ce soit du point de vue fiscal, environnemental ou de la politique étrangère, avec l’appui à l’aventure guerrière au Moyen-Orient, le gouvernement Couillard accorde son violon sur celui de Stephen Harper.
Il redécoupe, retaille, raccourcit l’État québécois pour lui enlever toute spécificité nationale afin d’en faire une province comme les autres. Sa volonté, exprimée au cours de la campagne électorale, que tout ouvrier sache l’anglais au cas où un patron étranger s’amènerait sur le plancher de l’usine était annonciatrice de sa politique linguistique.
Priorité à la lutte contre la pauvreté
Depuis quelques temps, des commentateurs se gaussent du fait que les inégalités sociales seraient moins accentuées au Québec que dans le reste de l’Amérique du Nord.
Voilà une bien mince consolation pour le tiers de la population de la Ville de Montréal qui vit dans la pauvreté et ce 45% de la population québécoise trop pauvre pour payer de l’impôt sur le revenu.
Avec un taux d’endettement sur le revenu disponible, qui dépasse la barre des 146%, des milliers de ménages québécois peinent à joindre les deux bouts et la grande majorité n’a d’autre horizon que de finir ses jours dans l’indigence, faute de pouvoir bénéficier d’un régime complémentaire de retraite.
Quant aux 530 000 « gras durs » du secteur public, à qui le gouvernement offre des augmentations de 0% pour les deux prochaines années, 35% d’entre eux sont à statut précaire et gagnent moins de 25 000 $ par année. Avec les personnes travaillant à temps partiel, c’est 52 % des employés du secteur public qui occupent un emploi atypique et touchent un salaire annuel moyen de 28 035 $.
Devant une telle situation, il n’est pas étonnant que, « lorsqu’on sonde les Québécois sur le projet qui frappe leur imaginaire, un seul se démarque : mettre fin à la pauvreté », comme le révélait un sondage CROP réalisé pour La Presse+.
« Presque 40 % des répondants considèrent que l’élimination de la pauvreté est le projet politique qui les fait davantage rêver. C’est loin devant la création de la richesse (18 %), l’amélioration de l’environnement (16 %) et la souveraineté (11 %). » (La Presse+, 29 mars 2015).
Les péquistes interpellés
Les résultats de ce sondage constituent un formidable carburant pour la mobilisation étudiante, syndicale et populaire contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard.
Mais ils devraient également interpeler les militantes et militants du Parti Québécois qui vont bientôt élire leur nouveau chef.
De toute évidence, la « création de la richesse », qui a constitué le cœur du projet politique du Parti Québécois sous André Boisclair et Pauline Marois, ne mystifie plus grand monde. Partout, à travers le monde, « créer de la richesse » a servi d’étendard au néolibéralisme et s’est traduit par une formidable augmentation des inégalités sociales.
Plus inquiétant encore pour les militants péquistes, le projet qui « frappe l’imaginaire des Québécois » n’est pas l’indépendance et celle-ci n’est plus, dans l’esprit de la majorité, associée, comme elle l’a déjà été, à « mettre fin à la pauvreté ». Autrement dit, le parti politique porteur du projet souverainiste n’est pas au diapason du peuple et de ses organisations!
André Boisclair avait retenu du New Labour de Tony Blair la nécessité d’une rupture avec le mouvement syndical. La réponse de l’électorat a été sans équivoque : le Parti Québécois a été relégué au rang de tiers-parti.
Après avoir fait, dans un premier temps, de « l’enrichissement individuel » son credo, Mme Marois a opéré un virage à 180 degrés pour épouser la cause étudiante le temps d’une campagne électorale. Cela lui a permis de prendre le pouvoir, mais la division du vote souverainiste l’a privée d’une majorité.
À l’élection suivante, mécontents du retour à droite à la faveur du budget Marceau et de la candidature improvisée de l’anti-syndicaliste Pierre Karl Péladeau, les progressistes boudèrent les urnes et le Parti Québécois enregistra son pire résultat depuis 1973.
Croit-on sérieusement aujourd’hui que le Parti Québécois renouera avec le peuple en se donnant comme chef un candidat à l’anti-syndicalisme assumé qui, avec une rémunération annuelle de près de 8,3 millions $ en 2013, fait partie du 0,1% des plus riches au Canada, et dont l’article premier de son programme, si on en croit le titre de l’entrevue qu’il a accordée au Journal de Montréal, est : « Des millionnaires au Québec, j’en veux » ! (Journal de Montréal, 14 mars 2015)
La règle d’or
Historiquement, la force du Parti Québécois a toujours été son enracinement dans le peuple. S’il est devenu, aujourd’hui, « un champ de ruines », un parti « sans âme » avec une « absence de vision », comme l’affirme Jacques Parizeau, c’est parce que ses récents chefs ont tourné le dos au peuple en privilégiant la « création de la richesse » à « l’élimination de la pauvreté ».
Le Québec a été victorieux quand les mouvements syndical et national ont fusionné en un seul et même mouvement de libération nationale et d’émancipation sociale. La lutte contre l’austérité n’échappera pas à cette règle d’or.