Le XIIIe amendement à la Constitution des États-Unis d’Amérique a aboli l’esclavage et la servitude involontaire aux États-Unis, sauf en cas de punition pour un crime. Le système carcéral étant largement privatisé, ce sont de véritables camps de travaux forcés dirigés directement par la bourgeoisie. Environ 1% de la population est en prison aux USA, ce qui représente la plus grande population carcérale mondiale. En valeur absolue, les États-Unis comptent plus de prisonniers que la Chine et la Russie réunies, ses deux grands adversaires invectivés comme dangereusement autoritaires.
Les manifestations contre les crimes racistes de la police américaine sont l’expression d’une révolte contre une véritable guerre que subissent les catégories populaires, souvent noires, hispaniques, amérindiennes et bien sûr blanches.
La folie capitaliste régnant aux USA et probablement plus que partout dans le monde, a conduit l’Union à privatiser les prisons américaines (les prisons françaises suivent).
À partir du milieu des années 80, des sociétés privées ont commencé à posséder et à exploiter des établissements pénitentiaires entièrement privatisés ; ces prisons privatisées fonctionnent comme des hôtels, elles sont engagées par l’État pour loger les prisonniers et sont payées par les prisonniers (« pay to stay ») qui en sortent souvent gravement endettés. Contrairement aux prisons publiques, qui peuvent sous-traiter la nourriture, l’entretien ou les services médicaux à des sociétés privées, les prisons privées sont entièrement gérées par de grandes sociétés dans un but lucratif. La grande majorité des prisons privées aux États-Unis sont la propriété de deux grandes sociétés : CCA (Corrections Corporation of America) et le groupe GEO. En 2012, ces deux sociétés gèrent plus de 250 prisons, qui accueillent plus de 100 000 détenus, pour un chiffre d’affaires de près de 3 milliards de dollars.
Contrairement aux prisons classiques, les prisons privées sont gérées dans un but lucratif, de sorte que le profit de la société est, par définition, un gaspillage administratif. L’expansion récente des prisons privées dans le sud des États-Unis n’a pas grand-chose à voir avec leur efficacité, mais elle pourrait avoir un rapport avec le fait qu’elles dépensent plusieurs millions de dollars par an en lobbying et en contribution aux campagnes des politiciens.
Le problème des incitations perverses dont souffre le secteur des prisons privées est simple : elles gagnent de l’argent en emprisonnant des personnes et en réduisant les coûts, donc elles gagnent plus d’argent en s’assurant que plus de personnes sont emprisonnées et en réduisant la qualité des conditions de vie à l’intérieur de la prison. Comme les entreprises augmenteront toujours leurs profits lorsqu’on leur en donne la possibilité, il existe une incitation perverse qui pousse ces entreprises à faire pression pour obtenir des mesures destinées à emprisonner plus de personnes.
En plus des méthodes légales par lesquelles les prisons privées augmentent leurs profits, il y a eu des cas où elles ont eu recours à des méthodes complètement illégales. En Pennsylvanie, des juges de tribunaux pour mineurs ont été soudoyés par des prisons privées afin de condamner des enfants à des établissements pénitentiaires privés. C’est l’exemple parfait de la manière dont cette incitation perverse fausse le système judiciaire. Plusieurs juges ont été payés par la prison privée locale pour condamner des mineurs innocents ou en première infraction à des peines de prison importantes ; le fait que ces juges aient été payés par le directeur a conduit à ce que l’affaire soit appelée le scandale des « enfants contre de l’argent ». Bien que les juges dans cette affaire aient été découverts, radiés et inculpés, la prison privée fonctionne toujours à ce jour.
Comme toute entreprise, les prisons privées cherchent à réduire les coûts et à maximiser les revenus afin d’augmenter les profits des actionnaires. Pour les prisons privées, les mesures de réduction des coûts comprennent l’emploi de gardiens non syndiqués, la réduction de la qualité des services offerts aux prisonniers et la diminution de la qualité des biens utilisés dans le fonctionnement de la prison. Les gardiens non syndiqués sont moins bien payés que les gardiens syndiqués, ce qui permet aux prisons privées de réduire le coût de la dotation en personnel au détriment de la qualité de leur main d’œuvre. Les prisons privées achètent souvent les biens et services les moins chers disponibles pour la garde de leurs prisonniers afin de réaliser un profit maximum. Les prisonniers étant littéralement un marché captif, ils ne peuvent pas sortir et obtenir des biens supérieurs si ceux qui leur sont donnés sont inférieurs ; de ce fait, les prisons privées ne fournissent que le strict minimum prévu par la loi afin de réduire leurs dépenses. Les programmes d’éducation et de soin dans les prisons privées sont pratiquement inexistants en raison de leurs coûts plus élevés. Comme les prisons privées sont gérées dans un but lucratif, elles ne se soucient pas de la réhabilitation ou du confort de leur population, elles ne font donc que le minimum requis pour remplir leur contrat avec l’État.
En plus de réduire les coûts, les prisons privées font souvent payer aux détenus des services supplémentaires et mettent en place des programmes de travail carcéral afin d’augmenter leurs profits.
Les appels téléphoniques sont un exemple de service que les prisons privées vendent à des tarifs exorbitants; un exemple de cette situation est présent dans une prison de Géorgie, où les détenus doivent actuellement payer 5 dollars par minute pour leurs appels téléphoniques (y compris ceux passés au conseiller juridique des détenus). En surfacturant massivement des biens tels que les appels téléphoniques, les prisons privées sont en mesure d’accroître leurs profits bien au-delà de leur contrat de base avec l’État, ce qui augmente encore le coût total de ces prisons pour la société dans son ensemble.
La plupart des prisons privées utilisent le travail des détenus afin de réaliser des profits supplémentaires. Les prisons privées passent des contrats avec d’autres sociétés, voire avec l’État, pour fournir une main d’œuvre extrêmement bon marché (moins de 10 dollars par semaine dans certains cas). L’agriculture, l’aménagement du territoire, le service à la clientèle et la construction sont quatre domaines de l’industrie dans lesquels les prisons privées ont fourni une main-d’œuvre carcérale importante. En payant aux prisonniers une très faible fraction du salaire minimum, les prisons privées sont en mesure de réduire les coûts et de garantir des profits accrus.
Les droits civils des prisonniers dans les prisons privées ne sont pas aussi bien protégés que ceux des prisonniers dans les prisons publiques. Dans l’affaire récente Minneci contre Pollard, la Cour suprême a décidé que les prisonniers des prisons privées ne peuvent pas poursuivre la société propriétaire d’une prison si celle-ci viole leurs droits ; ces prisonniers peuvent poursuivre les gardiens individuels de la prison, mais ni l’État ni la société pénitentiaire ne sont responsables des dommages. Combinée à l’incitation perverse à emprisonner davantage de personnes et à réduire les coûts, l’irresponsabilité pénale des prisons privées crée une situation où d’énormes profits sont réalisés en emprisonnant une partie importante de la population américaine. Ces sociétés font pression sur les politiciens par le biais de dons afin de modifier les lois pour emprisonner davantage de personnes, indépendamment de l’impact social. Les immigrés en situation irrégulière, les pauvres et les minorités sont souvent les plus touchés par les politiques mises en place pour augmenter les profits des prisons privées. Une fois que les gens sont emprisonnés, ils ont peu de recours lorsque leurs droits sont violés. Le cercle vicieux de l’emprisonnement et du profit vise ceux qui ont le moins de voix dans la société, au profit de ceux qui possèdent les sociétés de correction et les gens se taisent parce que ces personnes ne sont « que des criminels » et « le méritent » ; la plupart ne réalisent pas que tant que les gens tirent profit de l’emprisonnement d’autres personnes et que les politiciens sont prêts à vendre leur vote, ce cycle se poursuivra et pourrait un jour piéger même ceux qui font de leur mieux pour respecter la loi.
Rédigé par Collectif relations internationales des JRCF – 19 juin 2020
Quelques précisions complémentaires par Philippe, militant du PRCF à San Francisco
Je voudrai ajouter quelques chiffres a cet article et en particulier, clarifier cette économie politique du système carcéral-industriel. La question raciale est inévitable.
- Il y a aux États Unis (2018) 670000 prisonniers Blancs pour une population Blanche de 250 millions, soit 0.2% de la population alors qu’il y a 645430 prisonniers Noirs pour une population Noire de 43 millions, soit 1.5%.
- Un bébé qui est né Noir a 16% de chance d’atterrir en prison pendant sa vie, une bebe qui est né Hispanique a 9.4% de chance et un bébé Blanc a 2,5% de chance.
- Le problème racial est une réalité définitivement associée au niveau économique (classe sociale et sans emploi). Ainsi un étudiant Noir est suspendu 4 fois plus souvent q’un étudiant Blanc et les individus Noir se font arrêter a un bien plus grand taux que les Blancs.
- Un individu Noir aura une sentence en moyenne 19,1 % plus longue qu’un Blanc pour le même fait illégal.
- Les recherches concluent que l’exploitation capitaliste (dans le système carcéral prive et en dehors) et la pauvreté sont la cause principale de la violence de cet univers carcéral mais aussi le racisme institutionnel du système de Justice lui même qui jugera plus violemment et sévèrement les Noirs que tout autres groupes, même si en effet la plupart sont le plus souvent pauvres.
- Si l’on peut tirer des conclusions de la violence de l’univers carcéral dans le capitalisme américain, il ne faut jamais oublier la réalité que le système ne cible pas souvent les Noirs américains, il les cible toujours!
Merci encore pour votre article
Philippe (San Francisco, PRCF)