wwww.initiative-communiste.fr se fait le relais de cette très pertinente traduction francophone par nos confrères belges d’investig’ action d’un article posant une question très utile : comment se fait-il que des vociférations accablantes se produisent lorsque la Chine procède à des manœuvres militaires sur son sol et dans sa zone aérienne et maritime, y compris à Taïwan, mais qu’un silence assourdissant se fasse lorsque les États-Unis procèdent à des manœuvres maritimes dans le détroit de Taïwan menançant directement la Chine ?
Au-delà de la visite de Pelosi à Taïwan, les manœuvres agressives des États-Unis en mer de Chine méridionale sont passées sous silence
Pourquoi n’y a-t-il eu pratiquement aucune couverture des exercices maritimes menés par les États-Unis en mer de Chine méridionale au moment même où la multimillionnaire Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, était en visite à Taïwan ? Dans les reportages occidentaux sur les actions navales de la Chine autour de Taïwan, il faut à la fois considérer ce qui est dit et ce qui est totalement omis.
L’exercice militaire étasunien RIMPAC (Rim of the Pacific Amphibious Assault Training) a organisé des manœuvres impliquant 170 avions, 38 navires, 4 sous-marins et 25.000 militaires de tous les pays impérialistes du G7. Quelque 19 autres pays de la région Asie-Pacifique ont été invités à participer à titre symbolique. RIMPAC est le plus grand exercice maritime international du monde [réalisé tous les deux ans].
La dernière édition de cette agressive action maritime s’est déroulée du 29 juin au 4 août, c’est-à-dire au moment où la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, était en visite à Taïwan.
Le façonnage de l’information est omniprésent. Qu’il s’agisse de FOX News, CNN, AP, du New York Times ou du Washington Post, les médias des milliardaires sont totalement imbriqués avec les industries militaires US. Ils collaborent à la dissimulation des plans de guerre et des provocations des États-Unis. Ils négligent également l’Histoire. Or, elle suggère que les États-Unis n’ont jamais eu à cœur les meilleurs intérêts du peuple taïwanais.
Le rappeur taïwanais et commentateur anti-impérialiste Zhong Xiangyu explique : « Le gouvernement américain n’a jamais été un protecteur de Taïwan. La marine américaine a été le premier pays à attaquer Taïwan avec un navire de guerre en 1867. La marine américaine a aidé le Japon à envahir Taïwan en 1874. Le gouvernement américain a vendu des armes au Japon pendant la guerre sino-japonaise, ce qui a entraîné la défaite de la Chine et l’a obligée à céder Taïwan au Japon en 1895. Aujourd’hui, le séparatisme de Taïwan n’implique pas une véritable indépendance. Cela signifie simplement servir les intérêts des États-Unis dans une relation hégémonique et inégale. »
Le droit de la Chine à l’autodéfense
La couverture médiatique des exercices militaires de la Chine autour de Taïwan ne les décrit jamais comme de l’autodéfense. Affichant une unité absolue, les médias bloquent toute mention du droit de la Chine à sauvegarder sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale.
Chaque déclaration ou action de la Chine est inlassablement décrite comme « menaçante », « provocatrice » ou « expansionniste ». Les mêmes mots sont utilisés encore et encore dans les articles de presse et les déclarations des politiciens.
Il n’y a qu’une seule ligne politique acceptée. Les médias répètent que la Chine est irrationnelle, paranoïaque, belliqueuse, menaçante et qu’elle réagit de manière excessive.
Les actions des États-Unis, même les manœuvres militaires au cours desquelles des milliers de soldats utilisent des bombardiers à réaction et des porte-avions, sont décrites comme des « patrouilles de routine » ou des programmes normaux. Si tant est que les grands médias en parlent.
Les médias chinois sont toujours décrits comme des instruments de propagande contrôlés par l’État. En comparaison, les médias mainstream US sont toujours définis comme libres et démocratiques.
Le matraquage est tellement implacable qu’il affecte même les forces sociales qui s’opposent au militarisme et aux guerres sans fin des États-Unis.
Menaces habituelles de l’U.S. Navy
RIMPAC est planifié et coordonné par la troisième flotte de la marine US. Selon son commandant, cet entraînement à grande échelle est destiné à dissuader l’escalade de l’armée chinoise.
Seule une partie de la troisième flotte est engagée dans RIMPAC. La taille totale de la flotte représente une force prête au combat de plus de 68.000 personnes, 100 navires et 400 avions.
Lors de la visite de Mme Pelosi à Taïwan, la Septième flotte de la marine US s’est mise en place. C’est la plus importante des flottes US projetées. À tout moment, elle compte 50 à 70 navires et sous-marins, 150 avions et plus de 27.000 marins et marines. La Septième flotte est dirigée par l’USS Ronald Reagan, accompagné de destroyers à missiles guidés, de sous-marins nucléaires et d’avions à réaction. Ce navire a maintenant été rejoint par les groupes de combat des porte-avions USS Nimitz et USS Theodore Roosevelt.
Cette situation peut être comparée à un scénario dans lequel des destroyers chinois entreraient dans le golfe du Mexique, au large des côtes de la Nouvelle-Orléans et de Houston.
La flotte US du Pacifique compte environ 200 navires et sous-marins, près de 1.200 avions et plus de 130.000 marins et civils. L’U.S. Navy maintient 11 groupes d’attaque de porte-avions dans les eaux internationales.
Se cacher à la vue de tous
N’est-ce pas agressif et menaçant ? Pourtant, cette gigantesque et mortelle armada est cachée au grand jour. Elle est à peine mentionnée, et même lorsque des centaines de navires et d’aéronefs sont impliqués, ils sont décrits comme participant simplement à des exercices de « routine », « Business as usual ».
Ces assauts continus ne font pas la une des journaux, mais ils sont rapportés dans les médias d’information militaire, tels que le Navy Times.
Lorsque le destroyer à missiles guidés USS Benfold a effectué son troisième transit en mer de Chine méridionale en une semaine, le gouvernement chinois a été amené à qualifier ce mouvement de provocation.
Depuis le début de l’année, la Septième flotte de l’US Navy a envoyé en moyenne un destroyer à missiles guidés par mois dans le détroit de Taïwan pour défier la Chine.
Selon le Navy Times, le ministère chinois des Affaires étrangères a protesté : « Les actions de l’armée américaine ont gravement violé la souveraineté et la sécurité de la Chine, gravement compromis la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale, et gravement violé le droit international et les normes régissant les relations internationales. »
La position de longue date de la Chine est que « les deux rives du détroit de Taïwan appartiennent à une seule Chine et doivent travailler ensemble à la réunification nationale« .
Le détroit de Taïwan fait partie de la mer de Chine méridionale, et la Chine a revendiqué cette zone comme ses eaux territoriales. Cependant, les États-Unis ont toujours affirmé qu’ils considéraient le détroit comme des eaux internationales.
Liberté de navigation ou piraterie impérialiste
La « liberté de navigation » est semblable à la grande expression « libre-échange ». Il ne s’agit pas de liberté. De tout temps, la liberté de navigation voulait dire en fait l’accès sans restriction des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et du Japon au pillage de la Chine.
Peu de gens aux États-Unis sont conscients du fait que, il y a plus d’un siècle, la marine US a envoyé des flottes de navires blindés pour patrouiller les rivières et les eaux côtières chinoises.
Des flottes spéciales de canonnières de la marine US et des marines ont patrouillé les rivières chinoises jusqu’à 1.600 km à l’intérieur des terres. Ils étaient là pour faire respecter les intérêts commerciaux des États-Unis et réprimer les soulèvements. Les armées d’occupation des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne et du Japon étaient stationnées dans les villes chinoises.
Des « concessions » ont été imposées à la Chine par une diplomatie brutale de canonnière. Elles ont en outre été consacrées par des traités onéreux et inégaux qui obligeaient la Chine à payer aux pays impérialistes d’énormes indemnités. La Chine devait ainsi accorder des « concessions » telles que le contrôle de ses villes, de ses principaux ports et de ses plus grandes voies navigables.
La Grande-Bretagne, avec la participation des États-Unis et de la France, a mené deux guerres de l’opium en Chine pour faire valoir son « droit » de vendre de l’opium. Les marchands appelaient cela « défendre le libre-échange » et « protéger la liberté de navigation ».
C’est la victoire du Parti communiste chinois en 1949 qui a finalement mis fin à cette invasive « liberté de navigation » dans la partie continentale de la Chine, ouvrant la possibilité de reconstruire une Chine forte et unie, de plus en plus capable de défendre ses eaux côtières et de résister aux exigences impérialistes US.
Les anciennes forces militaires corrompues et vaincues, défendant les droits de l’ancienne classe des propriétaires, se sont retirées, avec la protection de la marine US, dans la province insulaire de Taïwan. Il ne s’agissait pas d’un processus démocratique. Il s’agissait d’une occupation US totalement militarisée de l’île.
La Chine a adopté une position cohérente et bien comprise sur sa souveraineté et son intégrité territoriale. Cette position est reconnue internationalement par tous les organismes mondiaux. La Chine a affirmé à plusieurs reprises son droit à régler cette réunification nationale inachevée.
Les États-Unis violent les accords signés
Washington viole ouvertement trois accords différents qu’ils ont pourtant signés. Ces communiqués conjoints conclus avec la Chine en 1972, 1979 et 1982 reconnaissent que la Chine est un seul pays et que Taïwan est une province chinoise.
Si les médias occidentaux s’intéressaient aujourd’hui à ces accords signés en faveur d’une « Chine unique », ils découvriraient que les États-Unis n’ont pas tenu leur promesse de ne pas interrompre les efforts de la Chine pour réunifier l’île pacifiquement.
De temps en temps, la vérité se glisse. Roger Waters, cofondateur de Pink Floyd, un groupe de rock anglais formé à Londres en 1965, effectue actuellement une dernière tournée aux États-Unis intitulée « This is not a drill ». Dans une interview accordée à CNN le 7 août, Waters a réfuté le récit sur Taïwan.
Lorsque l’animateur de CNN Michael Smerconish a déclaré dans l’interview que « la Chine est trop occupée à encercler Taïwan », Waters a immédiatement répondu : « Ils n’encerclent pas Taïwan, Taïwan fait partie de la Chine, et cela a été absolument accepté par l’ensemble de la communauté internationale depuis 1948. »
Smerconish a essayé d’interrompre Waters, en disant que la Chine est « en haut de la liste des contrevenants aux droits de l’homme. » Waters a immédiatement répliqué : « Les Chinois ne sont pas allés en Irak en 2003 et n’ont pas tué un million de personnes ».
Pelosi et le délit d’initié
Les médias mainstream US sont unis dans leur hostilité envers la Chine. Dans le même temps, différents médias peuvent favoriser une présidence démocrate ou bien républicaine.
Par exemple, Fox News, coupable d’un barrage quotidien de stéréotypes racistes à l’encontre de la Chine, était en première ligne pour exposer le délit d’initié du mari de Nancy Pelosi. Paul Pelosi aurait ainsi investi plusieurs millions de dollars dans une entreprise de semi-conducteurs, juste avant que le Congrès ne vote la loi CHIPS, octroyant 52 milliards de dollars aux fabricants de puces aux États-Unis.
Malgré ce scandale et son rôle de présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi a rencontré le président de la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde qui bénéficie également de la législation étasunienne.
TSMC prévoit de construire une usine de puces de 12 milliards de dollars aux États-Unis. L’industrie des semi-conducteurs est une priorité pour l’ « endiguement » de la Chine par les États-Unis. Dans le même temps, le gouvernement US utilise diverses sanctions pour éliminer les entreprises chinoises de haute technologie et briser les chaînes d’approvisionnement en puces de la Chine.
Des efforts pour inverser le déclin des entreprises US
Wang Peng, chercheur à l’Académie des sciences sociales de Pékin, a expliqué : « Les États-Unis utilisent la loi CHIPS pour d’une part obliger les entreprises des pays et des régions ayant un statut clé dans les chaînes industrielles et d’approvisionnement en puces du monde entier à respecter les règles étasuniennes, et d’autre part pour encercler et supprimer les industries de puces des marchés émergents. »
Le projet de loi exige que les entreprises n’aient que deux choix : des liens commerciaux avec la Chine ou des subventions du gouvernement US.
Le problème auquel les impérialistes étasuniens sont confrontés est de savoir comment forcer les pays de la région à agir contre leurs propres intérêts économiques.
Les exportations annuelles de Taïwan vers la Chine s’élèvent à 126,2 milliards de dollars, soit près du double de ses exportations vers les États-Unis (65,9 milliards de dollars). Les exportations de la Corée du Sud vers la Chine, qui s’élèvent à 132,5 milliards de dollars, dépassent de loin les 74,4 milliards de dollars d’exportations vers les États-Unis. Les exportations du Japon vers la Chine s’élèvent à 163,8 milliards de dollars, contre seulement 135,9 milliards de dollars d’exportations vers les États-Unis.
Afin de forcer les entreprises de haute technologie à se découpler de la République populaire de Chine, l’impérialisme US a besoin d’une crise politico-militaire avec la Chine. Chaque plan étasunien de sanctions contre la Chine commence ainsi par une crise fabriquée sur Taïwan.
La stratégie de l’impérialisme US consiste à restructurer et à déformer l’économie mondiale pour servir ses propres intérêts à court terme de maximisation des profits immédiats. Cette stratégie a conduit à une expansion agressive de l’OTAN et à des provocations en Ukraine.
La menace immédiate pour l’hégémonie US était le commerce de l’Union européenne avec la Russie, qui représente 260 milliards de dollars par an, soit 10 fois plus que le commerce avec les États-Unis.
La rupture de cette intégration économique croissante de l’UE avec la Russie, et à un niveau encore plus élevé avec la Chine, sert les intérêts stratégiques de domination à long terme des entreprises US qui sont en place depuis la Seconde Guerre mondiale.
En 2021, le PIB de la Chine était environ 10 fois supérieur à celui de la Russie. La Chine est la première économie commerciale du monde et le premier exportateur de produits manufacturés. Elle est dans une position de plus en plus forte pour résister aux exigences des États-Unis.
La stratégie impérialiste désespérée visant à inverser le déclin de la position mondiale des États-Unis sera beaucoup plus perturbatrice pour l’économie mondiale.
Ces informations sur les provocations étasuniennes doivent être portées à la lumière du jour par toutes les forces déterminées à empêcher une autre guerre impérialiste.
Le rôle des médias mainstream US est de faire en sorte que les menaces impérialistes semblent acceptables et tout à fait raisonnables. Cela n’est possible qu’en occultant toute l’histoire passée des guerres étasuniennes tout en utilisant le racisme pour salir et diaboliser les réponses et contre-mesures légitimes, raisonnables et légales de la Chine.
Source originale: CovertAction Magazine
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action
Photo: Flickr Stuart Rankin – CC