La revue italienne en ligne Contropiano a publé le 26 Décembre un article bien documenté de l’économiste italien Pasquale Cicalese sur les salaires chinois qui donne au passage quelques précieuses indications sur la Sécurité Sociale en République Populaire. Pasquale Cicalese a publié récemment un livre Piano contro Mercato – ¨Per un salario sociale di classe (Plan contre Marché – Pour un salaire social de classe) non traduit en français qui pose le débat de fond sur la voie chinoise.
D’autre part un document très complet sur la sécurité sociale chinoise a été établi par un organisme public français le CLEISS.
Le Cleiss (Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale) est un établissement public national, notamment chargé d’informer sur la protection sociale dans un contexte de mobilité internationale. Il est placé sous la double tutelle du ministère chargé de la sécurité sociale et du ministère chargé du budget.
La sécurité sociale en Chine : https://www.cleiss.fr/docs/regimes/regime_chine.html
Ce document mérite d’être connu car on retrouve dans la sécurité sociale chinoise une vision globale de la protection sociale des travailleurs chinois trés directement inspirée des pricipes fondateurs ayant guidé les travaux de l’équipe Croizat et les lois votées en 1947.
La France prenant acte de la mise en place complète du système chinois de Sécurité Sociale a signé en 2016 à Pékin un accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine et le 16 septembre 2019 à Paris l’Arrangement administratif relatif aux modalités d’application de l’Accord de sécurité sociale.
Pour base de référence, le salaire minimum pour un temps plein en France est de 1258 € net et 1589.47 € brut. D’après l’insee le salaire net médian en France (plus de 50% des salariés gagnent moins) est de 1940 net. Le loyer moyen d’une habitation en France est de 723 €, mais de 1300€ à Paris.
Les salaires chinois ? Si seulement nous les avions…
par Pasquale Cicalese, traduction française Comaguer
On dit souvent en Italie que lorsqu’un travailleur gagne très peu et est payé une misère, qu’il a un « salaire chinois ».
Mais quels sont les niveaux de salaire en Chine ?
Dans le livre « Plan contre marché », je vous dis que le gouvernement – à travers le salaire social global de classe – a décidé ces dernières années, à différents moments, d’établir puis d’étendre les déductions pour les frais médicaux, le logement, ainsi que d’autres déductions fiscales. Des recherches récentes montrent que les salaires dans une métropole moyenne sont loin d’être bas par rapport au coût de la vie. En partant évidemment du principe que les salaires en Chine diffèrent considérablement selon les provinces que les salaires à Pékin et Shanghai sont les plus élevés, et que le coût de la vie – tout aussi différencié – est encore loin de celui de l’Europe, même si la distance diminue.
Vérifions les salaires d’une métropole moyenne de l’est du pays. Un ouvrier gagne 576 euros, un employé 1088 euros, net. Son salaire comporte des déductions : fonds de pension 54 euros, assurance médicale 14 euros, chômage 2 euros, fonds de logement 34 euros. Son salaire brut est de 681, après déduction de ces déductions il est de 576.
De son côté, l’employeur verse au salarié 123 euros pour le fonds de pension, 61 euros pour l’assurance médicale, 5 euros pour le chômage, 7 euros pour la maternité et 34 euros pour le fonds de logement, ainsi que deux euros pour l’assurance accident. Nous avons mentionné que le gouvernement accorde des déductions fiscales pour le logement. En Chine, un travailleur peut utiliser en partie le fonds d’aide au logement – pour lequel lui-même et son employeur cotisent – pour payer son loyer. Dans une ville de taille moyenne, cela coûte 347 euros (si la maison est neuve), 111 euros pour une maison vieille de plusieurs années.
Le Fonds pour le logement peut être utilisé par le travailleur à 100 % pour l’achat d’une maison (coût moyen de 1 800 euros par mètre carré) ou, s’il n’est pas utilisé, il peut être versé à la fin de l’emploi comme indemnité de licenciement.
En ce qui concerne le coût de la vie, un bon dîner dans un restaurant qui n’est pas de luxe coûte 6,87 euros par personne. Les services ménagers – eau, électricité, gaz – représentent 28 euros, un trajet en métro 0,69 euros.
Ces salaires se réfèrent à cinq jours de travail par semaine et n’incluent pas les heures supplémentaires. La situation est différente à Pékin et à Shanghai, où un ouvrier gagne 873 euros nets et un employé 1296. Dans la métropole moyenne, les salaires peuvent sembler bas, mais ils doivent être comparés au coût de la vie.
La reflation salariale chinoise(1), qui a commencé il y a 20 ans et qui bat toujours son plein, a donc eu un fort effet sur la demande intérieure, qui représente désormais 70 % du PIB, et sur le bien-être des Chinois, qui sont uniques au monde en ce qu’ils ont la perspective, et c’est ce qu’ils pensent, d’améliorer de plus en plus leurs conditions de vie. Comme on peut le voir, dans le paquet de salaire, il y a tous les institutions du bien-être, seulement partiellement financées par les travailleurs, qui correspondent au faible coût de la vie et aux dépenses des ménages.
Entre le salaire direct et le salaire global de classe, garanti par le gouvernement – pensons aux logements sociaux à prix réduits ou à la prise en charge de l’assurance moyenne par les déductions – les salaires chinois affichent un niveau respectable. C’est nous qui avons des salaires de famine, pas eux. L’ère des salaires ultra-bas en Chine est révolue depuis longtemps.
(1) Par reflation il faut entendre la politique nationale des salaires visant à augmenter les salaires plus vite que le PIB global
Photo by Xi Wang https://unsplash.com/photos/vevOKBpCI5E