Beyrouth – 16 février 2020 – À quoi va nous mener l’insistance de la classe dominante libanaise, toutes fractions confondues (8 et 14 mars et, surtout, les leaders des grandes banques et sociétés financières), à demander le secours du « Fonds Monétaire International » (FMI) et à l’appeler à s’immiscer dans nos affaires économiques et financières à un moment où la livre libanaise s’enfonce devant le dollar (quotté à 2500 contre 1500 il y a trois mois) ?
Et pourquoi ceux qui sont au pouvoir font – ils la sourde oreille quand on leur rappelle les « bienfaits » passés et présents de ce même FMI au Brésil, en Turquie, au Maroc, en Jordanie ou en Grèce, pour ne citer que ces pays, vu que la liste est longue ?
Et le pire, c’est qu’ils nous demandent de donner sa chance au nouveau gouvernement! Et certains vont même jusqu’à proposer de l’aider à amadouer le FMI, oubliant que ce fonds, créé en 1944 dans le but de garantir la stabilité et d’empêcher les guerres, est actuellement sous la coupe du capitalisme mondial, ou, plutôt, de l’État le plus puissant du monde capitaliste, à savoir les États-Unis d’Amérique, qui l’ont transformé rapidement en outil visant à imposer leur domination économique, tandis que toutes les machines de la guerre traditionnelle qu’ils ont créées entretiennent des guerres sans fin dans le but de se rendre maîtres de la planète. Et notre région comme notre pays en pâtissent depuis plus de soixante-dix ans.
C’est pour cela que nous avions refusé et que nous refusons toujours aujourd’hui l’appel au secours que le gouvernement libanais a lancé au FMI afin de nous « aider » à organiser notre économie et à statuer sur la façon de payer les dettes contractées par les gouvernements libanais qui se sont succédé depuis trente ans. Comme nous refusons aussi les directives de restructuration présentées par l’organisation « McKinsey and Compagny » et les diktats des pays capitalistes, et de leurs organismes monétaires et financiers, lors de la « Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE) » qui s’était tenue à paris le 6 avril 2018…
Pourquoi ces refus ? Parce que les expériences vécues par les pays endettés qui ont eu recours au FMI (mais aussi par la Banque mondiale) montrent que les conditions qui leur furent imposées se résument toujours à des politiques de privations et de privatisations suivies par une inflation galopante ; ce qui ne résorbe nullement la dette, mais l’augmente… Sans oublier les conséquences sociales dont la paupérisation, le chômage et la disparition de la sécurité sociale et médicale… et, surtout, l’interférence de cet organisme et de ceux qui sont derrière lui dans les affaires intérieures des pays pris au piège.
D’ailleurs, nous ne prédisons rien qui ne nous fut dit, il y a de cela deux ans ou presque, lors de la dite « Conférence CEDRE ». En effet, les représentants du FMI nous avaient « demandé » expressément une restructuration de notre situation, d’abord par la privatisation des entreprises productives du secteur public, telles les télécommunications et l’électricité, ensuite par la diminution des effectifs dans le secteur public, des salaires et des retraites. Sans oublier leur appel au gouvernement sortant d’augmenter la TVA et d’élargir son champ à des produits de consommation nouveaux, ni, surtout, de baisser le taux de change de la livre libanaise face au dollar, ce qui fut fait il y a deux mois… Et, en plus, nous avons des exemples concret autour de nous : la Grèce, mais surtout la Jordanie (dont la dette augmenta de 800 pour cent), la Tunisie ou le Zimbabwe.
Toutes ces raisons nous poussent à ne pas accorder notre confiance au nouveau gouvernement qui suit de près les politiques ruineuses et incompétentes de ses prédécesseurs. À cela s’ajoutent la violence par laquelle le ministre de l’intérieur fit face aux manifestants, mais aussi les déclarations du nouveau ministre des Finances (ex-conseiller économique au parlement) disant que notre monnaie ne pourra plus remonter la pente ou du nouveau ministre de l’Énergie (ex-conseiller de plusieurs ministres dans ce domaine) qui ne prévoit pas le retour de l’électricité avant des années… Ajoutons à cela que certains ministres sont accusés d’avoir fait main basse sur des parties du littoral ou d’avoir été « congédiés » à cause de certains larcins !!!
On dit chez nous que « le contenu d’un message se trouve déjà dans son titre » ; alors, pourquoi attendre ?
Il nous faut prendre la rue une fois de plus et donner au soulèvement un nouvel élan. Peut-être pourrions – nous sauver notre pays de la descente aux enfers qui se profile tout près de nous, puisque le gouvernement a refusé de mettre au point un programme économique d’urgence et qu’il a commencé à parler de « grands sacrifices » que les Libanais (entendre les travailleurs et les classes moyennes) doivent se résoudre à faire.
Il nous faut, donc, prendre la rue afin de faire tomber le gouvernement actuel avant qu’il ne soit trop tard, c’est-à-dire avant que le Liban ne sombre au fond du précipice qui l’attend.
Marie Nassif-Debs