Tamara Kunanayakam est économiste et experte en relations internationales, ancienne ambassadrice/représen-tante permanente du Sri Lanka aux Nations Unies à Genève, ancienne haute fonctionnaire internationale aux Nations Unies, et ex-présidente / rapportrice du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement.
Traduction DG pour www.initiative-communiste.fr et Étincelles
1. Introduction
Un principe fondamental du droit international, inscrit dans de nombreux instruments internationaux et régionaux, est la souveraineté permanente sur la richesse et les ressources d’un pays et sur toutes ses activités économiques comme composante de base du droit des peuples à l’autodétermination et à son corollaire, le devoir des États de respecter leur égalité souveraine dans leurs relations avec d’autres États. C’est la reconnaissance qu’il ne peut y avoir d’indépendance politique sans indépendance économique, sociale et culturelle, « libre de toute forme d’ingérence ou de pression, directes ou indirectes, de quelque nature et sous quelque prétexte que ce soit ».[1] Pour que l’indépendance soit complète, toute tentative future de restaurer une influence ou une domination étrangères doit être empêchée à jamais.[2] Cette reconnaissance universelle est le résultat de la lutte historique des peuples colonisés pour la liberté, notamment ceux de l’Afrique et de l’Asie, dont l’indépendance nouvellement acquise est restée purement formelle et fragile, menacée par la détermination des pays capitalistes riches de normaliser et de rationaliser l’économie mondiale pour assurer leur monopole et leur contrôle sur les marchés étrangers.
La reconfiguration néolibérale en cours de l’État afin de faciliter l’expansion globale du capital en imposant un unique modèle de développement et en transférant la prise de décision sur tous les aspects des relations sociales à une poignée d’oligarques occidentaux est contraire à la souveraineté et à l’indépendance des États-nations. Ce projet est soutenu par les intérêts néoconservateurs observés dans le modus operandi du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (dirigé par des néoconservateurs américains), qui promeut une intervention directe, unilatérale, préventive et préemptive, y compris militaire, dans les affaires intérieures d’États souverains.
Lorsqu’on examine le progrès rapide des réformes néolibérales au Sri Lanka, il est essentiel de garder à l’esprit cette complémentarité et cette similitude entre les néolibéraux et les néoconservateurs, et leurs actions qui se renforcent mutuellement : leur but commun est de maintenir l’hégémonie mondiale des États-Unis, et leur ennemi commun est la souveraineté des États, le principe sur lequel est fondé le système multilatéral ;[3] ils défendent les uns et les autres un changement de gouvernance en faveur d’institutions supranationales[4] contrôlées par les grandes entreprises, dont ils affirment qu’elles sont nécessairement objectives et apolitiques, quoique n’ayant aucun compte à rendre au niveau national : ils encouragent les uns et les autres la coopération mondiale des élites au travers de groupes puissants, souvent secrets ; hors de portée de la responsabilité nationale ; ils se réclament d’un « universalisme moral » pour justifier les interventions extérieures, affinant et propageant une novlangue, que le double langage orwellien décrit le mieux, pour promouvoir leur programme.
La souveraineté des nations et des peuples du monde entier est en jeu, et le Sri Lanka ne fait pas exception. Cet article s’oppose à l’affirmation néolibérale que la désagrégation des États-nations et de leur souveraineté est un phénomène naturel progressif et inévitable, et montre comment sa création et sa perpétuation violent en permanence la souveraineté nationale et les droits inaliénables des peuples et des nations à définir leurs systèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ce document commence par examiner la fabrication de l’ordre mondial néolibéral par une restructuration consciente de l’État-nation et la promotion de la coopération internationale des élites pour en assurer sa reproduction par le biais, entre autres, de cercles de réflexion (think tanks). Il examinera ensuite certaines des affirmations et des réalités fondamentales du néolibéralisme et leur influence sur la politique et la société. Enfin, il examinera le cas du Sri Lanka et tentera de démêler le réseau complexe de relations existant entre et, parmi les cercles de réflexion, la « mère de tous les think tanks » – la Société du Mont-Pèlerin (SMP), les grandes entreprises mondiales, l’administration américaine et l’élite transnationalisée du Sri Lanka. Ce chapitre se concentrera sur certains moyens d’intervention, moins connus mais visibles – l’Institute for Policy Studies (IPS), l’Advocata Institute, et la Millenium Challenge Corporation (MCC). Il conclura avec certaines observations sur les principes fondamentaux du droit international qui fournissent une base pour des alternatives au modèle néolibéral hégémonique, pour la restauration de la souveraineté.
2. La réorganisation néolibérale de l’État : un projet politique
Une transformation insidieuse, radicale et globale de l’État-nation est en cours, fondée sur une « société de marché » et des « règles du marché », impliquant la marchandisation de l’ensemble des relations humaines par le biais de multiples processus politiques, économiques, sociaux et culturels.
Il ne s’agit pas d’un processus naturel, autorégulé, inévitable et bien intentionné, mais d’un processus conçu, mis en œuvre et reproduit, souvent au travers d’interventions violentes, par les grandes entreprises mondiales alliées à une partie de l’élite locale, dont le destin et la vision du monde se sont confondues dans les leurs. Son nom est le néolibéralisme, l’expression mondiale du capital dominé par la finance. Son projet principal est la « mondialisation » – l’intégration du monde dans de nouveaux circuits mondialisés d’accumulation pour la maximisation du profit par le capital transnational dominé par la finance, en utilisant le pouvoir de l’État. Il est associé au projet étasunien de maintenir son hégémonie mondiale, si nécessaire par une intervention militaire unilatérale. Contrairement au libéralisme classique, il va au-delà de la simple ouverture des marchés. Sa revendication est globale, un modèle unique pour tous, en imposant la « logique du marché » à toutes les formes d’interaction humaine, économique aussi bien que financière, sociale, politique, culturelle, écologique et même psychologique.
Le néolibéralisme est indissociable du capitalisme. Roberts le décrit comme un « nouveau régime du capitalisme », la réponse politique du capital au militantisme croissant des travailleurs,[5] et Saad-Filho comme « le mode d’existence du capitalisme contemporain »[6] afin de réduire le pouvoir du travail. En tant que tel, il a émergé en réaction à la première crise systémique généralisée du capitalisme mondial en 1973-1974 résultant d’une baisse du taux de profit qui s’exprimait par une crise de surproduction, une crise du crédit aux États-Unis aggravée par l’escalade des coûts de leurs interventions militaires en Corée, à Taiwan et au Vietnam, par l’effondrement du système de Bretton Woods, la stagflation et une crise imminente de la dette dans les pays du Sud.
Depuis lors, il s’est imposé mondialement, souvent violemment, par l’intervention de l’État et sous les auspices de l’hégémonie américaine. La première expérience néolibérale, conçue et mise en œuvre par les Chicago Boys de Milton Friedman, a été appliquée au Chili de 1973 à 1989 sous la dictature militaire du général Pinochet, après le coup d’État soutenu par la CIA et l’assassinat du président démocratiquement élu Salvador Allende. Il n’a gagné en notoriété qu’après l’élection de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et de Ronald Reagan aux États-Unis. Dans l’hémisphère Sud, il a été imposé par des pressions extérieures allant des conditions imposées par le FMI et la Banque mondiale aux menaces et sanctions unilatérales, en passant par le financement d’organisations de la société civile promouvant les valeurs néolibérales, fomentant des troubles politiques et des changements de régime, des agression étrangères et des interventions militaires.
Contrairement aux affirmations néolibérales, les « marchés » ne sont pas des endroits où les producteurs et les consommateurs vendent et achètent librement des biens et des services, mais où de très grandes entreprises dominent sans être entravées par les réglementations ou des forces sociales contraires. Les « marchés » comptent sur un État fort pour créer les conditions favorables au fonctionnement du capital transnational. En fait, le néolibéralisme est basé sur « l’utilisation systématique du pouvoir étatique pour imposer un projet hégémonique de recomposition de la domination du capital »,[7]la « non-intervention » n’en est que l’habillage idéologique. Comme Gramsci l’avait compris, « le laissez faire aussi est une forme de ‘régulation’ étatique introduite et maintenue par des moyens coercitifs. C’est une politique délibérée, consciente de ses propres fins et non l’expression automatique spontanée de faits économiques. »[8] Au lieu de reculer ou de disparaître, l’État est remodelé pour intervenir en son nom propre.
On attend de l’État qu’il intervienne énergiquement pour déréguler (libéraliser, dépolitiser, privatiser, externaliser, flexibiliser et tout marchandiser) et appliquer l’austérité fiscale et monétaire en vue de couper du domaine politique de toutes les activités économiques et financières et d’autres activités rentables, y compris sociales et culturelles, pour que des secteurs vitaux soient soumis au contrôle du capital transnational et que ses intérêts prioritaires prennent le pas sur le bien commun, isolant celui-ci des choix des populations, paralysant les syndicats et privant l’État de sa capacité d’agir. Une fois déréglementé, on attend de l’État qu’il réglemente à nouveau pour protéger la propriété privée ainsi acquise par les grandes entreprises mondiales afin de la protéger de la résistance populaire et de l’action syndicale. La « bonne gouvernance » (et l’« État de droit » qui lui est associé) est le terme obscur désignant un nouveau système de droit et de gouvernement incluant une réforme juridique, politique et institutionnelle, mettant en place des instruments de contrôle social – coercitifs et idéologiques – pour maintenir l’« ordre social stable » exigé par le capital mondial, et donc limitant la capacité des peuples et des nations à faire des choix, et celle de l’État de mettre en œuvre ces choix et de promouvoir la justice sociale, voire de remplir ses obligations internationales en termes de droits de l’homme et du travail.
Implicite dans le dogme d’un libre marché autonome comme optimum pour atteindre la liberté humaine et de la menace que constituerait un État collectiviste, il y a l’idée que ce n’est pas la société qui détermine le système économique, mais le système économique qui détermine comment est organisée la société.[9] Cette notion d’entité mystique hors de tout contrôle humain prive les gens ordinaires de la possibilité de décider et fait d’eux des objets passifs, et non des sujets de leur propre destinée. Elle permet donc l’imposition d’un modèle de société étranger aux peuples et aux nations, usurpant leur droit inaliénable à déterminer le système politique, économique, social et culturel dans lequel ils choisissent de vivre.
Le néolibéralisme est essentiellement un projet politique conçu pour empêcher l’émergence de forces d’opposition et permettre au capital transnational de passer outre les processus démocratiques, de définir l’économie nationale et les priorités sociales et de contrôler la valeur de ce que la nation produit, sa richesse, ses ressources naturelles, ses activités économiques, sa main-d’œuvre et sa monnaie. Cela implique, de la part de ses alliés locaux, l’abdication du pouvoir de l’État et de son devoir d’agir au nom de la nation et de son peuple.
3. Un réseau mondial des élites pour la reproduction du néolibéralisme
Le capital transnational a mis en place un impressionnant réseau mondial des élites pour soutenir son expansion et sa reproduction mondiales. Ses débuts remontent à la fondation de la Société du Mont-Pèlerin (SMP) en 1947 par Friedrich von Hayek, de l’École autrichienne d’économie, avec Milton Friedman, de l’École de Chicago, devenu conseiller économique du président américain Ronald Reagan, Allan Walters devenu conseiller économique de la Premier ministre britannique Margaret Thatcher, et d’autres néolibéraux membres de l’oligarchie étasunienne et de l’aristocratie européenne. Le financement venait de millionnaires et de leurs fondations. Ce n’est qu’un quart de siècle plus tard, cependant, que l’occasion s’est présentée pour ses idéologues d’occuper des positions de pouvoir dans l’État avec l’école monétariste associée à Milton Friedman et aux « Chicago Boys », gagnant le soutien de la classe dirigeante au début des années 1980 pour restructurer le système capitaliste et rétablir l’accumulation du capital.
La SMP est un puissant réseau mondial de planification politique dirigé par une élite de plus de 500 groupes de réflexion et de nombreuses écoles de commerce, de fondations soutenues par des entreprises, de médias et de départements universitaires d’économie transformés en centres idéologiques de la stratégie néolibérale. Parmi eux, on trouve l’Atlas Economic Research Foundation (Atlas Network), l’American Enterprise Institute, Heritage Foundation, le Cato Institute, l’Institute of Economic Affairs, le Centre for Policy Studies et l’Adam Smith Institute. La plupart ont été financés et dirigés avec l’aide d’au moins un membre de la SMP.[10]
Atlas, un réseau de quelque 500 organisations dans 96 pays, assure le lien stratégique avec la SMP et les groupes de réflexion néolibéraux et constitue la pierre angulaire du déploiement organisationnel, de la diffusion et de l’activation de l’idéologie néolibérale dans le monde. Il a été créé par le membre de la SMP Antony Fisher avec le soutien de Milton Friedman et de Margaret Thatcher; sa mission, « jeter des groupes de réflexion favorables au marché libre partout dans le monde » et diffuser un schéma organisationnel pour activer l’idéologie avec des ambitions mondiales.[11] Atlas a été impliqué dans des changements de régime et des déstabilisations, en particulier en Amérique latine[12] et en Europe de l’Est, fonctionnant comme une extension de la politique étrangère américaine. Les grandes entreprises sont une importante source de financement pour Atlas.[13] Une membre importante d’Atlas, Judy Shelton,[14] qui a été conseillère pour la campagne présidentielle de Trump, préside le National Endowment for Democracy créé en 1983 par le président américain Reagan comme un mécanisme de financement permanent pour soutenir les organisations privées qui s’engageraient dans la propagande et l’action politique que la CIA avait organisée et financée secrètement par le passé.[15] Atlas est également membre associé du State Policy Network (SPN), un réseau de groupes de réflexion de droite largement financé par les entreprises internationales.[16]
Ces « brocanteurs d’idées », comme les appelait Hayek, produisent diffusent, ancrent et, dans les périodes de crise, défendent le dogme néolibéral, contribuant à créer un cadre idéologique omniprésent qui représente de manière trompeuse et justifie la perpétuation du néolibéralisme[17] pour le rendre légitime. Selon Mirowski (2009), ils « se soucient non seulement de la diffusion des idées néolibérales, mais aussi de jeter un doute sur des sujets controversés, comme le réchauffement climatique. Ils nient certaines réalités et cherchent à semer la confusion sur d’autres ».
4. Les affirmations néolibérales et la réalité
Malgré plus de quatre décennies de néolibéralisme dans le monde, celui-ci a échoué à faire la preuve de ce qu’il affirme, c’est-à-dire la supériorité du marché sur toute autre forme d’organisation sociale en termes d’efficacité, de croissance, de prospérité mondiale et de liberté des personnes ; il n’a pas non plus atteint son objectif de maintenir l’accumulation du capital, détruisant ses conditions d’existence mêmes.[18]
La marchandisation de secteurs auxquels les entreprises internationales n’avaient pas accès auparavant, comme la santé, l’éducation, la justice, la police, les affaires étrangères, et leur numérisation avec une priorité absolue mise sur le court terme et la rentabilité, entraîne une concentration sans précédent de richesse, augmentant les inégalités, le chômage, la pauvreté, l’insécurité, la destruction de l’environnement et la transformation des êtres humains en objets commerciaux.
Une comparaison des taux de croissance et de la croissance par habitant dans les pays de l’hémisphère Sud (sans la Chine) montre qu’ils étaient beaucoup plus lents dans la période de 20 ans entre 1980 et 2000, lorsque le néolibéralisme était à son apogée, que durant les 20 années précédentes allant de 1960 à 1980 (5.5% et 3.2% en 1960-1980 contre 2.6% et 0.7% en1980-2000).[19] Il en va de même pour les pays développés.[20] Les indicateurs de qualité de vie et de bien-être humain révèlent également une amélioration plus rapide dans la période précédente.[21]
Le trait distinctif du néolibéralisme est une augmentation spectaculaire des inégalités de revenus et de richesse dans et entre les pays, un phénomène qui était en déclin depuis 60 ans. Le chômage, le sous-emploi et l’insécurité de l’emploi se sont généralisés, détériorant les conditions de vie et de travail de la majorité, dans le monde entier. La richesse et les revenus n’ont pas « ruisselé », mais ont crû, malgré une croissance économique beaucoup plus lente pendant la période néolibérale. Le taux d’exploitation a considérablement augmenté avec la financiarisation, ce qui se reflète dans la baisse correspondante de la part salariale du revenu national dans la plupart des pays. Depuis 1980, l’augmentation du revenu annuel du 1% supérieur atteint 205%, et 636% pour le 0.001% du haut de l’échelle, alors que pour le salaire annuel moyen des 50% inférieurs elle a été de zéro.[22] Depuis 2015, les plus riches du 1% possèdent plus de richesse que les 99% restants.[23]
Sayer montre comment la financiarisation néolibérale a remplacé le revenu du travail par un revenu non gagné durant les quarante dernières années, provoquant un transfert de richesse non seulement des pauvres aux riches, mais de ceux qui produisent des biens ou des services à ceux qui contrôlent les actifs existants et qui récoltent la rente, les intérêts ou les bénéfices du capital. Comme dans le cas de la privatisation des services publics, par exemple en Grande-Bretagne, où les postes de péage font payer un loyer à l’État et à la population pour des biens essentiels, l’endettement croissant des pauvres et des classes moyennes a accru les revenus des banques ainsi que le contrôle de l’oligarchie sur un autre bien essentiel, l’argent.[24]
4.1 Le mythe de l’efficacité du secteur privé
La plus importante étude menée sur l’efficacité des entreprises publiques privatisées de tous les États européens entre 1980 et 2009 a révélé que leurs performances étaient moins bonnes que celles des entreprises restées publiques.[25] C’était vrai même pour le secteur extrêmement concurrentiel des télécommunications, où la performance du secteur privé s’est avérée « nettement moins bonne ».[26] Une étude réalisée en 2015 par le PNUD n’a pas trouvé de modèle de propriété (publique, privée ou mixte) intrinsèquement plus efficace que l’autre, et a attiré l’attention sur les villes d’Europe qui reprenaient des services publics au secteur privé dans des secteurs tels que l’eau, les transports, l’électricité, la collecte des ordures, etc.[27]
Un cas révélateur est celui du British Metronet Rail devenu insolvable avant l’échéance de l’accord de partenariat public-privé (PPP) de 5 ans, et qui a été placé sous administration judiciaire, ce qui a coûté plus de £400 millions aux contribuables. La Commission des transports de la Chambre des communes britanniques, qui a examiné le PPP en 2008, a conclu :
« Le contrat Metronet n’a fait que garantir des prêts, dont 95% étaient de toute façon souscrits par le Trésor public, à un coût exagéré (…) L’incapacité de Metronet de fonctionner efficacement ou économiquement prouve que le secteur privé ne peut pas remplir son mandat, cela dans des proportions spectaculaires. »[28]
Elle a fait éclater le mythe de l’efficacité du secteur privé :
« Nous sommes enclins à penser que le modèle lui-même était défectueux et probablement inférieur à la gestion traditionnelle du secteur public. Nous pouvons d’autant plus nous fier à cette conclusion que le potentiel d’inefficacité et d’échec dans le secteur privé a été si clairement démontré. En comparaison, quelles que soient les inefficacités potentielles du secteur public, un contrôle public approprié et la possibilité d’un contrôle important sont susceptibles d’offrir une meilleure rentabilité. De plus, il offre aussi une protection contre les défaillances catastrophiques. Il ne faut pas oublier que lorsque les entreprises privées ne réussissent pas à réaliser de grands projets publics, elles peuvent s’en aller – le contribuable est inévitablement contraint de payer les pots cassés. »[29]
4.2 Transfert de richesse et de pouvoir aux entreprises internationales ; émergence d’une élite transnationalisée
Les dernières décennies ont été marquées par un transfert massif de richesse, de ressources et de pouvoir des institutions publiques aux grandes compagnies étrangères. En 2016, les 10 plus grandes sociétés transnationales (STN) ont gagné plus que tous les pays dans le monde, leur valeur totale s’élevant à 285 milliards de dollars US, soit l’équivalent de la richesse de 180 pays, Walmart, Apple et Shell seules gagnant à elles seules plus que la majorité.[30] Selon un rapport d’Oxfam de 2017, 8 hommes possédaient autant de richesse que les 3.6 milliards de personnes qui constituent la moitié de la population mondiale.[31]
Une étude réalisée en 2011 par l’Ecole polytechnique fédérale suisse auprès de 43 000 sociétés transnationales a révélé que moins de 2% de la plupart des institutions financières contrôlaient 80% de la valeur de toutes les entreprises du monde, moins de 1% (0,34%) détenant des participations croisées et contrôlant ensemble 40% de la richesse du réseau.[32] Parmi les 20 premières, on trouvait la banque Barclays, J. P. Morgan Chase & Co et le groupe Goldman Sachs.[33] Le pouvoir de la finance est tel que durant la crise de 2008, plusieurs gouvernements ont été contraints de nationaliser certaines des plus grandes institutions financières mondiales et d’injecter de l’argent public dans l’économie.[34]
L’influence des grandes entreprises, dans les pays de l’hémisphère Sud en particulier, se manifeste par leur pouvoir économique absolu, leur capacité de manipuler les prix de transfert par le biais du commerce entre entreprises (en gonflant les prix à l’importation et en sous-évaluant les exportations pour éviter la taxation ou contourner les limites au rapatriement des bénéfices), et par leur capacité d’exercer leur influence dans les affaires politiques d’États souverains. En conséquence, la capacité d’action de l’État dans l’intérêt public s’en trouve fortement affaiblie et pouvoir des citoyens est usurpé.
Robinson (2011) décrit comment le néolibéralisme a provoqué un changement dans les relations de pouvoir au sein de États, les élites nationales devenant des élites transnationales, ces dernières s’intégrant par-dessus les frontières pour former une nouvelle classe capitaliste transnationale fondée sur des circuits mondialisés d’accumulation avec, à leur tête, une élite gestionnaire transnationale. C’est cette évolution, explique-t-il, qui sous-tend le passage à un discours qui ne définit plus le développement comme industrialisation nationale ou consommation accrue, mais comme intégration aux marché mondiaux.[35]
4.3 Répression, manipulation and régression
Pour assurer l’ordre social stable exigé par les grandes entreprises, les partisans du néolibéralisme ont développé, en plus de l’appareil d’État répressif, des outils sophistiqués pour dissimuler le projet néolibéral antipopulaire, intimider les critiques et manipuler la majorité pauvre.
Pour gérer la résistance, les régimes néolibéraux ont utilisé l’économie comportementale, une nouvelle théorie apparue avec la montée du néolibéralisme dans les années 1980. Selon cette théorie, les gens se comportent souvent de manière irrationnelle ou stupide, qui va contre de leur propre intérêt en raison de préjugés psychologiques ou neurologiques, et ils ont besoin d’être poussés à penser.[36] Les critiques sont rejetés comme des « théoriciens du complot » ou des « paranoïaques », ceux qui défendent la souveraineté ou l’intervention de l’État dans l’intérêt commun sont accusés de totalitarisme, et sont parfois réduits au silence avec succès.
Le projet néolibéral est toujours identifié à des objectifs nobles comme la civilisation, les droits de l’homme, la liberté, la démocratie, le développement, le progrès, le modernisme, l’indépendance, l’objectivité et la prospérité. Ce qui n’est pas dit, c’est que ces termes sont pris dans le sens correspondant au point de vue d’une oligarchie mondiale. Vu depuis l’autre bout de la société, où dominent pauvreté, chômage, sous-emploi et insécurité, cela signifie exactement le contraire.
Nous l’avons vu plus haut, « marchés » ne constituent pas des espaces où des biens et des services sont librement achetés et vendus par des producteurs et des consommateurs, mais des espaces où les très grandes entreprises dominent, sans être entravées par la réglementation ou des forces sociales contraires. Ainsi, par « bien social » ; on entend ce qui facilite la reproduction capitaliste ; par « développement » et « investissement », ce qui profite aux actionnaires et à l’oligarchie occidentale ; par « libre marché » ou « non-intervention », on entend un marché réglementé par les États au nom du capital transnational ; par « relations internationales », les moyens de créer une infrastructure politique, économique et sociale favorable dans l’hémisphère Sud ; par « indépendance », la dépendance au financement par les entreprises ; quant à « objectif » et « impartial », ce sont les opinions qui promeuvent les intérêts oligarchiques occidentaux.
L’imposition de ce point de vue a été rendu possible par la légitimation, en tant que « bon sens », du projet néolibéral dissimulé comme « mission civilisatrice », où la civilisation occidentale est associée au progrès et au développement. À la fin du XIXe siècle, les États-Unis et la Grande-Bretagne justifiaient le colonialisme et le génocide culturel, leurs « guerres sauvages pour la paix », comme « le fardeau de l’homme blanc » afin d’apporter « la civilisation et le progrès » aux « peuples barbares non occidentaux, non chrétiens, non blancs ». Sa version moderne est la Responsabilité de protéger (R2P dans son acronyme anglais), une notion controversée promue par Washington pour légitimer l’intervention unilatérale, préventive et préemptive, y compris militaire, dans les affaires intérieures d’États souverains sous prétexte de protéger les citoyens d’autres pays. C’est la notion qui sous-tend les actions contre le Sri Lanka au Conseil des droits de l’homme.
Associée aux droits de l’homme, aux missions humanitaires et à la « bonne gouvernance », qui à part des fanatiques, des fous ou des inconscients peuvent s’opposer à une mission aussi civilisatrice ? Le caractère inévitable est le fil conducteur de tout discours néolibéral. Ainsi, on promeut une doctrine promettant la possibilité de choix et la liberté avec « Il n’y a pas d’alternative » (ou TINA), une expression popularisée par Margaret Thatcher pour combattre les ouvriers.
5. Sri Lanka: la reproduction néolibérale
C’est dans ce contexte global que nous examinerons l’intervention néolibérale au Sri Lanka. Le néolibéralisme y a été introduit en 1978 déjà, lorsque le président J.R. Jayawardene a ouvert le pays à l’économie du « libre marché » mondialisée et l’a incluse dans une Constitution qui limitait la portée de la gouvernance et réduisait les citoyens à des consommateurs ou à des travailleurs, ce qui permettait que les choix économiques et sociaux soient définis par les besoins du capital des entreprises. Les gouvernements suivants, même ceux de centre-gauche, ont poursuivi sur cette voie, bien que de façon moins agressive, sans proposer d’alternative, leurs positions étant dictées par les circonstances plutôt que par une vision stratégique. C’est en janvier 2015, alors même que le néolibéralisme était contesté dans les centres du capital des entreprises, et à l’échelle mondiale, qu’il a connu un nouvel élan avec l’arrivée du président Maithreepala Sirisena et de son nouveau gouvernement dirigé par le membre de la SMP Ranil Wickramasinghe[37], sur un programme néolibéral de Bonne gouvernance.
Cette partie tentera de démêler le réseau complexe et entrelacé d’acteurs engagés dans la restructuration de l’État, se complétant et se renforçant mutuellement pour assurer la reproduction du néolibéralisme dans le pays. Il s’agit, pour reprendre Robinson, de l’élite transnationalisée du Sri Lanka, de l’administration américaine, d’entreprises transnationales et de sociétés de conseil, ainsi que de groupes de réflexion locaux soutenus par les entreprises liées à la SMP et à son vaste réseau. Elle se concentrera sur trois institutions moins connues, quoique visibles, qui revendiquent leur indépendance et leur impartialité : l’Institute for Policy Studies (IPS), l’Advocata Institute et la Millenium Challenge Corporation (MCC). Il ne faut cependant pas oublier le tableau d’ensemble : l’intervention directe de Washington, du FMI et de la Banque mondiale et de l’Union européenne se poursuit, en plus de l’érosion de la souveraineté nationale découlant de la résolution 30/1 du Conseil des droits de l’homme dirigé par les États-Unis. La collaboration active et ouverte de l’élite dirigeante transnationalisée du Sri Lanka, sous le couvert de la « bonne gouvernance », est importante dans ce processus.
5.1 Réseau de relations : cercles de réflexion, entreprises mondiales, gouvernements occidentaux et élite transnationalisée au pouvoir au Sri Lanka
L’IPS, Advocata et la MCC revendiquent tous trois leur « indépendance » et leur « impartialité », ces groupes de réflexion se disent également « sans but lucratif ». Ces affirmations ne peuvent paraître vraies que du point de vue du capital transnational : à la manière orwellienne, elles veulent dire « dépendance » à l’égard des grandes entreprises, partialité en faveur du « modèle unique » et de l’hégémonie américaine, et maximisation des profits pour l’oligarchie occidentale.
L’IPS était au départ co-financé par le gouvernement néerlandais, mais ses donateurs directs et indirects se sont élargis pour inclure le Canada, le Royaume-Uni et la Norvège, ainsi que des entreprises, des banques et des fonds d’investissement en actions américains, par le biais de la Fondation Hewlett et la Fondation Bill & Melinda Gates. Ils financent ses activités de base par l’entremise de The Think Tank Initiative (TTI), un projet du Centre de recherches sur le développement du gouvernement canadien qui vise à promouvoir des cercles de réflexion dans les pays du Sud afin d’influencer les changements politiques.
Son président, Razeen Sally, et les membres de son conseil d’administration occupent des postes clé dans le gouvernement : Sally est le principal conseiller du ministre des Finances Mangala Samaraweera, Indrajit Coomaraswamy est gouverneur de la Banque centrale, M.I.M. Rafeek est secrétaire du ministère de la Planification politique et des Affaires économiques, S.S. Mudalige est directeur général du département de la Planification nationale et Sarath Rajapathirana, au sommet du pouvoir, est membre du Conseil de la présidence en sa qualité de conseiller économique du président Sirisena. Rajapathirana est également chercheur invité émérite à l’American Enterprise Institute, un institut considéré comme « le poste de commande intellectuel de la campagne néoconservatrice pour le changement de régime en Irak ».
Advocata a été lancé à l’Institut Lakshman Kadirgamar avec comme invité principal celui qui était alors vice-ministre du Développement des industries publiques, Eran Wickramaratne, actuellement ministre des Finances. Il ne révèle pas ses sources de financement. L’information disponible sur ses activités révèle cependant une dépendance à l’égard de fonds provenant des grandes entreprises mondiales par le biais de leurs fondations. En 2017, par exemple, pour accélérer le processus de réforme au Sri Lanka, Advocata s’est joint à deux institutions financées par des entreprises et liées à la SPM – Atlas Network, dont elle membre[38] et qui reçoit et verse à son réseau d’énormes fonds venus des entreprises,[39] ainsi que le Fraser Institute, financé par des entreprises[40] – pour lancer le rapport de ce dernier, Economic Freedom of the World Report, qui est à son tour financé par le Charles Koch Institute des frères milliardaires Koch.[41] En 2018, Advocata a accueilli Ricardo Hausmann, directeur du Centre pour le développement international (HCID dans son acronyme anglais) de l’université Harvard, financé par George Soros, spéculateur de devises pour plusieurs milliards de dollars, dont le « mentor spirituel » Karl Popper était un fondateur de la SMP.[42] Hausmann, un ressortissant vénézuélien, a été accusé de chercher à déstabiliser les gouvernements de l’ancien président du Venezuela Hugo Chavez et de son successeur Nicolas Maduro, le président actuel. Récemment, il a appelé à une intervention militaire des États-Unis au Venezuela pour mettre fin à ce qu’il prétend être « une crise humanitaire ».[43] McKinsey & Company,[44] l’entreprise américaine très controversée qui domine « la propagande dans le secteur public »[45] s’est jointe à l’événement Advocata. Il convient de noter que l’entreprise avait été engagée par le Premier ministre pour 2.3 millions de dollars US pour créer une Unité centrale de gestion des programmes au sein de son cabinet afin d’« accélérer la transformation économique » et contribuer à la préparation d’un Programme de réalisation économique de trois ans pour 3 millions de dollars.[46] En 2019, Advocata accueillera l’Atlas Asia Liberty Forum financé par la fondation de l’investisseur milliardaire et chrétien fondamentaliste John Templeton, un important mécène d’Atlas.[47]
La MCC, comme l’IPS et Advocata, revendique aussi son indépendance même si elle est une agence d’aide bilatérale américaine présidée par le secrétaire d’État, avec un conseil de direction qui comprend le secrétaire au Trésor, l’administrateur d’USAID et le représentant américain au Commerce. Son but est d’influencer l’environnement réglementaire et la primauté du droit dans le Sud. La MCC a une Unité de projet au sein de l’Unité de développement de la politique stratégique nouvelle créée dans le cabinet du Premier ministre.[48]
5.1.2. Le réseau SMP
Un acteur clé de l’expansion néolibérale au Sri Lanka est le président d’IPS, Razeen Sally, qui habite Singapour et qui est à la fois membre actif de la SMP (et titulaire d’une médaille Hayek) et lié à des groupes de réflexion américains et européens importants ainsi qu’aux sociétés qui les appuient, « mentor » d’Advocata « depuis le tout début »,[49] conseiller principal du ministre des Finances et proche associé du Premier ministre « mont-pèleriniste » Ranil Wickramasinghe.
La vision de la société de Sally, qu’il promeut à travers l’IPS (mais aussi à travers Advocata) en recourant souvent à des arguments ad hominem, est une régression civilisationnelle. Selon lui, l’égalité économique est « téméraire » et de l’« atavisme collectiviste » qui fait subir aux pauvres « le secteur public et la domination des syndicats ».[50] Dans la même veine, il a traité les ONG qui proposaient l’intégration dans la Constitution des droits économiques et sociaux comme droits fondamentaux de « compagnons de route et d’idiots utiles des collectivistes irréductibles », et leur proposition d’« idée épouvantable » à laquelle « tous les citoyens lucides et dotés d’un esprit civique » sont opposés.[51] Sally faisait référence aux droits fondamentaux de l’homme et du travail, tels que l’instruction, la nourriture, l’eau, un logement convenable, la sécurité sociale, un salaire permettant de vivre, un travail décent et sûr, l’absence d’expulsions forcées et un environnement sûr, propre et sain, garantis par les instruments internationaux de défense des droits de l’homme et les conventions de l’OIT, que le Sri Lanka est juridiquement tenu de respecter.
Razeen Sally a été nommé président de l’IPS par le Premier ministre en avril 2015, seulement trois mois après la propre nomination de ce dernier. Il est étroitement lié au Cato Institute, le plus important cercle de réflexion néolibéral américain fondé par le membre de la SMP Ed Crane, dont il est chercheur associé, membre du conseil d’administration de son Centre d’études de la politique commerciale, et fondateur et co-directeur du Centre pour l’économie politique internationale associé à Cato, qui a des liens avec le cercle de réflexion néoconservateur américain le plus influent, la Brookings Institution.[52] Sally siège également au conseil d’administration d’autres cercles de réflexion influents créés par le membre de la SMP Antony Fisher : l’Institute of Economic Affairs (IEA) qui a joué un rôle essentiel dans le gouvernement de la Premier ministre Margaret Thatcher[53] et le Centre for Independent Studies in Sydney.[54]
Pour ce qui concerne Advocata, les intérêts stratégiques étasuniens sont garantis par la présence de Franklin L. Lavin à la tête de son conseil d’administration. Lavin a été directeur politique et secrétaire exécutif adjoint du président Reagan, membre du personnel du Conseil de sécurité sous Carlucci, un ancien directeur adjoint de la CIA, sous Colin Powell.[55] L’appartenance d’Advocata à Atlas, qui a été impliqué dans des changements de régime et des déstabilisations dans des pays d’intérêt stratégique pour Washington, témoigne aussi de cette affinité. Le membre de son conseil d’administration Suri Ratnapala a fait partie du conseil directorial de la SMP de 2008 à 2010;[56] il fait partie du groupe d’intellectuels nommés par le Premier ministre pour conseiller le comité directeur de la nouvelle Constitution. Fredrik Erixon, également membre du conseil d’administration, a co-fondé et co-ridige avec le président de l’IPS Razeen Sally le Centre européen pour l’économie politique internationale.[57] Le professeur d’économie invité, Christopher Lingle, figure dans l’annuaire 2010 de la SMP.[58]
La MCC travaille en étroite collaboration avec le cercle de réflexion néoconservateur Brookings Institution et Heritage Foundation, l’un des plus influents cercles américains, cofondé par le membre de la SMP Edwin Feulner, parmi les premiers à être nommés dans l’équipe de transition du président Donald Trump.
5.1.3 Au nom du néolibéralisme
L’IPS et Advocata, qui ont on projet idéologique fort, « consacré au développement économique par l’économie de marché »[59] fournissent au gouvernement une justification pour pratiquer une réforme néolibérale accélérée. Quelques mois après sa nomination à la présidence de l’IPS, Sally a appelé à « un tournant décisif vers les marchés et la mondialisation », instaurant « une nouvelle stratégie économique globale » et « un paquet de réformes du marché » comme éléments d’un « programme plus grand pour limiter l’État et étendre la liberté économique ».[60] Les réformes gouvernementales ont suivi de près cet agenda néolibéral et ont été intégrées dans la Vision 2025 du Premier ministre.
Le rapport profondément biaisé d’Advocata, The State of State Enterprises, dont Razeen Sally était un contributeur important,[61] lancé en même temps que le cercle de réflexion, joue un rôle crucial à cet égard. Il est largement utilisé pour justifier un large éventail de réformes néolibérales – économiques, financières, politiques, institutionnelles et gestionnaires. Selon Atlas, son affilié est « très influent dans ce processus de réforme » et a « stimulé » les « plans de privatisation ambitieux »[62] du gouvernement, comprenant la privatisation de toutes les entreprises d’État et des services publics ainsi que leur « marchandisation » : Selon Kabir Hashim, ministre du Développement des entreprises publiques, un projet de loi sur le Conseil des entreprises publiques, conçu sur le modèle de Temasek,[63] « dépolitisera » les entreprises publiques et « les rendra financièrement viables ».[64] Le conseil d’administration sera habilité, entre autres, à « vendre ou à aliéner des biens appartenant à l’entreprise publique ou à en disposer, à les estimer ou à effectuer toute autre action ».[65] La « dépolitisation » fera passer sous le contrôle des entreprises toutes les activités publiques dont on peut tirer profit, commercialisera les biens publics et supprimera toute possibilité de décision sur les activités essentielles, les mettant hors de portée de la population et de la responsabilité nationale.
La motivation qui sous-tend ce rapport est suspecte. Non seulement il a été préparé avant l’existence d’Advocata mais, plus important, il est basé sur l’examen superficiel de moins de 14% des entreprises d’État pour lesquelles les données étaient disponibles pour la période avant 2010 (34 sur 245 entreprises), et même là, il est sommaire. La préface du rapport l’admet : « Il n’existe pas de document unique dont on puisse tirer des informations sur leur taille ou leurs performances » ; et pourtant, les partisans du néolibéralisme le proposent comme la « référence » pour l’action du gouvernement. [66]
S’appuyant sur le rapport biaisé auquel il avait participé, le président de l’IPS Sally a plaidé en faveur du remplacement des membres de la direction de la Commission des services publics par des « directeurs indépendants ». Son interview à Advocata précisait que Sally voulait dire par là non sri-lankais : « Trouver quelqu’un d’indépendant au Sri Lanka est très difficile en ce moment », selon le modèle à suivre, les entreprises de Temasek dirigées par des PDG étrangers.[67] Le projet néolibéral de Sally ne qualifie pas comme tels les ressortissants chinois, qui ont une économie centrée sur l’État. [68] S’exprimant lors d’un forum d’Advocata en décembre 2016, il a soutenu que la libéralisation encouragerait les investissements occidentaux ou indiens, ou bien « le Sri Lanka pourrait devenir excessivement dépendant des investissements des entreprises publiques chinoises sans investissements productifs du secteur privé d’Occident ou d’Inde ».[69]
Advocata a également fourni l’argumentation idéologique pour le programme de la prétendue « réforme agraire » du gouvernement, impliquant la création d’une banque foncière afin d’identifier les terres préalablement défrichées en vue de projets d’investissement privés, l’examen des titres fonciers, la suppression de lois prétendument « archaïques » et un bilan global de l’utilisation des terres et du mélange des cultures.[70] « Réactivation du capital mort », telle était la raison donnée par ce document, une doctrine développée par l’économiste péruvien et membre de la SPM Hernando de Soto, de la Property Rights Alliance, un partenaire d’Advocata. [71] Par « capital mort », Advocata entendait les 987 000 acres dévolus à la Commission pour la réforme agraire, en particulier les « blocs immobiliers de premier ordre », occupés par des écoles, des ministères et d’autres établissements, qui « surpassent largement leur valeur économique », y compris des biens fixes occupés par l’armée, qui devraient être gérés par « un organisme indépendant libre de toute influence politique afin de minimiser la corruption ».[72] Pour valider ce processus, Advocata a organisé le lancement du rapport annuel susmentionné de l’Institut Fraser sur la liberté économique dans le monde, dans lequel le Sri Lanka était classé au bas de l’échelle pour « ses faiblesse dans le système juridique et les droits de la propriété ».[73]
La complicité entre Advocata, l’IPS et la MCC est flagrante. En avril 2017, l’IPS a aidé la MCC à identifier « les contraintes pesant sur l’accès à la terre » en réunissant « des experts et des actionnaires » autour d’une table ronde sur la politique de l’utilisation des terres afin d’identifier les problèmes rencontrés par les investisseurs pour accéder à des terres commercialement viables.[74] Il est significatif que Brad Cunningham, « l’expert en terres » de la MCC soit membre de l’institution néoconservatrice américaine Brookings, à laquelle Sally est aussi associé. Cunningham a travaillé avec le Centre pour le développement international (HCID dans son acronyme anglais) qui a contribué à la conception de la Vision 2025 du Premier ministre Ranil Wickramasinghe.[75]
L’IPS et Advocata, en étroite collaboration avec le HCID, ont aussi fourni au gouvernement des arguments en faveur de la modification de la Loi sur l’immigration,[76] qui permet de contourner l’opposition de la population à la libéralisation du marché du travail.[77] Hausmann, le directeur du HCID, a décrit les associations professionnelles nationales comme des obstacles au passage des « experts étrangers » d’une entreprise à l’autre.[78] Pour appuyer son argumentation, il a sournoisement présenté les constructeurs automobiles américains, Ford, General Motors et Chrysler, et Silicon Valley comme des « réussites » à imiter, dissimulant le fait que durant la crise économique de 2008-2010, le gouvernement américain avait dû renflouer les trois grands constructeurs automobiles avec plus de 80 milliards de dollars d’argent public[79] (et que les ventes de voitures avaient de nouveau chuté) ;[80] et que la bulle dot.com de la Silicon Valley avait entraîné l’effondrement boursier de 2002 et qu’elle était encore plus grosse aujourd’hui.[81]
5.1.4 Adhésion à l’ambition hégémonique de l’Amérique
L’adhésion de Sally à la cause de Washington, l’hégémonie mondiale, n’apparaît pas seulement dans son discours néolibéral mais également dans ses écrits et ses discours publics, ce qui pose la question de son indépendance et de son impartialité. Peu après sa nomination à la présidence de l’IPS, il a plaidé pour qu’un accord de libre-échange avec les États-Unis ait la priorité absolue, entre autres parce que « géopolitiquement, il cimenterait une alliance avec l’unique superpuissance mondiale et ‘puissance équilibrante’ en Asie, qui est aussi une démocratie libérale civilisée ».[82] Dans un récent article, il a défendu avec plus de force encore l’objectif stratégique des États-Unis de contenir la Chine,[83] qualifiée dans la Stratégie nationale de défense du Pentagone de 2018 de rivale potentielle de leur hégémonie mondiale.[84]
Quant à Advocata, les intérêts stratégiques des Américains sont représentés par Franklin L. Lavin, numéro un de son conseil d’administration. (voir 5.1.2 ci-dessus)
6. Quelques remarques pour conclure
Il ressort clairement de ce qui précède que la mondialisation (ou le néolibéralisme) n’est pas un phénomène naturel progressif et inévitable, une force mystique hors de portée de l’intervention humaine ; il est délibérément conçu et imposé par une oligarchie pour restreindre le pouvoir des travailleurs, par la violence si nécessaire, dans sa quête de l’accumulation du capital. Le plus grand obstacle auquel il est confronté est la souveraineté nationale, mais pas l’État lui-même, qu’il cherche à restructurer et même à renforcer pour servir ses propres intérêts et non le bien commun.
Le recours à la fois au pouvoir « doux » et « dur » est le moyen par lequel le néolibéralisme est imposé et reproduit sous le haut patronage d’une puissance hégémonique, dans ce cas les États-Unis. Ses armes vont des conditions économiques et politiques imposées par le biais des institutions supranationales qu’ils contrôlent (comme le FMI et la Banque mondiale, l’OMC, des mécanismes quasi judiciaires de règlement des différends intégrés aux accords bilatéraux de libre-échange), aux sanctions, aux menaces, aux agressions et aux interventions militaires. Son mécanisme le plus insidieux est son vaste appareil idéologique (comme les écoles et les systèmes éducatifs, les médias, la propagande, les cercles de réflexion et les organisations de la société civile promouvant les valeurs néolibérales) diffusant l’idée qu’il est inévitable et le dogme « il n’y a pas d’alternative ».
Pourtant, bien que les médias le cachent, partout, de plus en plus de peuples et d’États réalisent que leur souveraineté est en jeu, que leur espace politique de décision a été énormément réduit par la marchandisation, faisant d’eux des objets et non des sujets de leur destinée et que, par conséquent, aucune indépendance politique n’est possible sans indépendance économique. Partout dans le monde, des peuples et des États expérimentent activement, de façon concrète et originale, de nouvelles formes de production, de distribution, d’échange et de consommation, basées sur les principes de la coopération, du partage et de la solidarité ; son expression politique se reflète dans des mouvements pour l’autonomie nationale. Au niveau international, l’hégémonie étasunienne est remise en question au fur et à mesure que des pays de l’hémisphère Sud et la Russie instaurent de nouvelles formes de coopération basés sur le multilatéralisme, la coopération, la complémentarité et la solidarité ; et que la dédollarisation gagne du terrain.
Il est tout aussi impératif que le peuple du Sri Lanka trouve les moyens de restaurer sa souveraineté et son indépendance, le meilleur exemple étant la lutte des patriotes, qui ont combattu pour la reconnaissance internationale du principe le plus fondamental du droit international, la souveraineté permanente sur la richesse de la nation, ses ressources et ses activités économiques, comme composante fondamentale du droit des peuples et des nations de déterminer les systèmes économiques, sociaux, politiques et culturels les mieux adaptés à leurs besoins et à leurs aspirations.
Ce sont ces principes qui sous-tendent l’instrument international exceptionnel adopté en 1986 par l’Assemblée général de l’ONU, la Déclaration sur le droit au développement, qui définit le développement comme « un processus économique, social, culturel et politique global, visant à l’amélioration constante du bien-être de l’ensemble de la population et de tous les individus sur la base de leur participation active, libre et concrète au développement et à la distribution équitable des bénéfices qui en découlent ». Son adoption marque un tournant historique, une nouvelle conception du « développement », qui a reconnu l’échec généralisé du modèle occidental de libre marché, d’exportation, de dépendance à la dette extérieure, centré sur la croissance à atteindre le progrès social et le bien-être pour tous. Elle rejette l’idée d’un « modèle unique » imposé de l’extérieur et basé sur la supériorité de la civilisation occidentale en tant que définition du progrès et du développement, et appelle à une alternative fondée sur des principes diamétralement opposés au néolibéralisme – la justice sociale, l’égalité, la non-discrimination, la solidarité et la coopération, et non la croissance, la concurrence, les marchés ou le profit – dans lesquels les personnes sont les sujets centraux et les architectes de leur propre destin, et non des objets producteurs et consommateurs.
La Déclaration s’oppose donc aux politiques néolibérales, à la tendance à la « marchandisation du monde » imposée sous couvert de « lois du marché », comme s’il s’agissait de lois naturelles. Elle conteste l’individualisation et la segmentation de la société, conditions nécessaires à la création des marchés et à la maximisation du profit, ainsi qu’à l’individualisation et à la fragmentation des droits humains émanant d’un seul et même processus. Elle considère la personne humaine comme partie intégrante et inséparable de son environnement socio-économique, politique et culturel, rendue vulnérable aux changements économiques, financiers et politiques mondiaux.
Dans la société contemporaine, le néolibéralisme a, malgré lui, contribué à unir de larges couches de la société, par-delà les différences politiques, dans une grande lutte nationale pour l’indépendance politique par la souveraineté économique. Le Sri Lanka ne fait pas exception.
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Notes
[1] Déclaration de l’ONU sur l’octroi de l’indépendance au pays et aux peuples coloniaux, Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960.
[2] Pour un examen plus détaillé des principes pertinents contenus dans les documents des Nations unies depuis 1944, voir Tamara Kunanayakam, Historical analysis of the principles contained in the Declaration on the Right to Development, document ONU HR/RD/1990/CONF.1, Genève, 1990; Tamara Kunanayakam, The Declaration on the Right to Development in the context of United Nations standard-setting, Realizing the right to development : essays in commemoration of 25 years of the United Nations Declaration on the Right to Development. Nations unies, 2013; and, Quel développement? Quelle coopération internationale?, Centre Europe–Tiers Monde (CETIM), Genève, 2007.
[3] On peut voir les attaques contre la souveraineté dans le corpus de la théorie économique néoclassique et la philosophie néoconservatrice qui a influencé le développement du néolibéralisme.
[4] Qui existent déjà, comme l’Organisation mondiale du commerce, le FMI/Banque mondiale, les accords internationaux de libre échange, etc.
[5] Voir Michael Roberts, The Great Recession, 2009.
[6] See Alfredo Saad-Filho, Crisis in neoliberalism or crisis of neoliberalism?, Socialist Register, 2011. See also Ben Fine and Alfredo Saad-Filho, Thirteen Things You Need to Know About Neoliberalism, Critical Sociology, 43 (4-5), 2016 & Damien Cahill and Alfredo Saad-Filho, Introduction: Neoliberalism Since the Crisis, Critical Sociology Vol. 43 (4-5), 2017.
[7] See Alfredo Saad-Filho, Crisis in neoliberalism or crisis of neoliberalism?, op.cit.
[8] Antonio Gramsci, « Le Prince moderne », Cahiers de prison
[9] Karl Polanyi l’a décrit comme un système dans lequel « l’économie n’est pas ancrée dans les relations sociales, mais ce sont les relations sociales qui sont ancrées dans le système économique ». Voir K. Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps. Gallimard, 2009.
[10] Pour les études sur les groupes de réflexion de la SMP, voir Bernhard Walpen, Die offenen Feinde und ihre Gesellschaft : Eine hegemonietheoretische Studie zur Mont Pelerin Society, VSA Verlag, Hamburg 2004; Dieter Plehwe, Bernhard Walpen et Gisela Neuhöffer (dir.), Neoliberal Hegemony: A Global Critique, Routledge, London and New York, 2006; Philip Mirowski et Dieter Plehwe (dir.),op.cit.; et Marie Laure Djelic, Spreading Ideas to Change the World – Inventing and Institutionalizing the Neoliberal Think Tank, ESSEC Business School, 8 September 2014.
[11] Voir Marie-Laure Djelic et Reza Mousavi, Constructing an Organizational Architecture for the Transnational Diffusion of Ideologies — The Case of Atlas and Neoliberalism, ESSEC Business School, 2016; David Harvey, A Brief History of Neoliberalism, Oxford: Oxford University Press, 2005; et
Ola Innset, Reinventing Liberalism
: Early Neoliberalism in Context, 1920 – 1947, these de doctorat présentée à l’Institut universitaire européen, Florence, 2017.
[12] Voir Lee Fang, Sphere of influence: how American Libertarians are remaking Latin American politics, The Intercept, 9 August 2017; and, Aram Aharonian, Álvaro Verzi Rangel, The Atlas Network’s Insidious Impact on the Ground, News Click, 3 September 2018. https://www.newsclick.in/atlas-networks-insidious-impact-ground
[13] Pour ne étude de cas, voir The atlas network: a “strategic ally” of the tobacco industry, par Julia Smith, Sheryl Thompson and Kelley Lee, in The International Journal of Health Planning and Management, 2017. Publié en ligne, 28 April 2016 in Wiley Online Library.
[14] Voir National Endowment for Democracy, https://www.ned.org/experts/dr-judy-shelton-chairman/; Judy Shelton: Trump, the Next Fed Chair and the Gold Standard, Gold Investing News, 1 November 2017 https://investingnews.com/daily/resource-investing/precious-metals-investing/gold-investing/judy-shelton-trump-gold-standard/; https://www.atlasnetwork.org/about/people/judy-shelton-ph.d
[15] Voir Robert Parry, Reagan Documents Shed Light on CIA ‘Meddling’ Abroad, Mintpress News, 15 September 2017. https://www.mintpressnews.com/reagan-documents-shed-light-on-cia-meddling-abroad/232047/ , William Blum, Trojan Horse: The National Endowment for Democracy, https://williamblum.org/chapters/rogue-state/trojan-horse-the-national-endowment-for-democracy
[16] Voir Exposed: The State Policy Network The Powerful Right-Wing Network Helping to Hijack State, Politics and Government, Center for Media and Democracy/Alecesposed.org, 2013.
[17] Voir Damien Cahill, The End of Laissez-Faire? On the Durability of Embedded Neoliberalism, Cheltenham, Edward Elga, 2014.
[18] Voir Alfredo Saad-Filho, Crisis in neoliberalism or crisis of neoliberalism?, op.cit.
[19] World Bank, World Development Indicators, 2001 CD-ROM; Robert Pollin, Contours of Descent (Verso, 2003) 131.
[20] World Bank, World Development Indicators, 2001.
[21] Mark Weisbrot, Dean Baker et David Rosnick, The Scorecard on Development, Center for Economic and Policy Research, Washington, September 2005.
[22] 2018 World Inequality Report.
[23] Crédit Suisse (2016) „Global Wealth Databook 2016‟. http://publications.credit- suisse.com/tasks/render/file/index.cfm?fileid=AD6F2B43-B17B-345E-E20A1A254A3E24A5
[24] Andrew Sayer, Why We Can’t Afford the Rich, Bristol University Press, 2014.
[25] PSIRU, Public and private sector efficiency, May 2014, nin.tl/PSIRU-efficiency ↩
[26] https://impact.vice.com/en_us/article/bjx543/european-cities-are-taking-back-public-services-from-private-companies
[27] UNDP, Is the private sector more efficient? A cautionary tale, The Global Centre for Public Service Excellence, UNDP, 2015.
[28] Report of the UK House of Commons Transport Committee, January 2008, HMSO.
[29] Ibid.
[30] Sputnik news, 13 Sept 2016.
[31] Une économie au service des 99%, une étude d’Oxfam, janvier 2017.
[32] The 147 Companies That Control Everything, Forbes, 22 October 2011.
[33] Andy Coghlan and Debora MacKenzie, Revealed – the capitalist network that runs the world, New Scientist, 19 October 2011.
[34] Voir Alfred Saad-Filho, Crisis in Neoliberalism or Crisis of Neoliberalism?, Socialist Register, 2011.
[35] Robinson, W. I. Global Capitalism Theory and the Emergence of Transnational Elites, Critical Sociology, 1–15, 2011.
[36] Les économistes comportementalistes les plus connus sont Richard Thaler, Daniel Kahneman, Amos Tversky, Robert Shiller, Senthil Mullainathan et Cass Sunstein. Voir Richard H. Thaler et Cass R. Sunstein, Nudge: Improving Decisions about Health, Wealth and Happiness, Yale University Press, 2008.
[37] Voir Eamonn Butler, A short history of the Mont Pelerin Society. En 2004, la SMP a tenu une réunion spéciale à Kandalama sous l’influence de M. Wickramasinghe, qui était alors Premier ministre. Voir aussi https://www.montpelerin.org/past-meetings-2/
[38] Global Directory–Atlas Network, https://www.atlasnetwork.org/partners/global-directory/south-asia
[39] See https://www.sourcewatch.org/index.php/Atlas_Network
[40] See https://www.sourcewatch.org/index.php/Fraser_Institute
[41] See https://www.sourcewatch.org/index.php/Fraser_Institute; and
https://www.sourcewatch.org/index.php/Charles_Koch_Institute
[42] Soros prône un « Nouvel ordre mondial » dans lequel « la souveraineté des Étatsdoit être subordonnée au droit international et aux institutions internationales », finançant les révolutions de couleur et les changements de régime dans le monde entier. Voir George Soros, The Crisis Of Global Capitalism: Open Society Endangered, Public Affairs, New York,1998.
[43] Matias Vernengo, Talk of military intervention in Venezuela is absurd, aljazeera.com, 20 February 2018. https://www.aljazeera.com/indepth/opinion/talk-military-intervention-venezuela-absurd-180220074231779.html . Hausmann a été ministre vénézuélien de la Planification de 1992 à 1993, sous la présidence de Carlos Andres Perez et le conseiller économique de ce dernier en 1989 lorsque de dures réformes néolibérales ont conduit aux émeutes de Caracazo où quelque 3000 manifestants ont été tués.
[44] Voir https://www.advocata.org/media-archives/2018/6/17/ricardo-hausmann-on-accessing-know-how-for-development-video-lecture-and-qa .
[45] Christine Ceridwen Davis, Consultants at work: the propaganda war, University of Warwick, 2009. La société a été impliquée dans plusieurs scandales, dont Enron, l’effondrement de Swissair, le cas du fonds spéculatif Raj Rajaratnam Galleon et, plus récemment, « l’affaire Eskom » en Afrique du Sud, également nommée « capture de l’État » ou « coup d’État silencieux ». Elle conseille activement les parties impliquées dans les grandes faillites d’entreprises et enfreint régulièrement l’obligation légale de dénoncer les conflits d’intérêt, y compris les investissements de ses fonds de retraite internes. Voir Inside McKinsey, Financial Times, 25 November 2011; and, How McKinsey lost its way in South Africa, New York Times, 26 June 2018; McKinsey is Big in Bankruptcy – and Highly Secretive, Wall Street Journal, 27 April 2018, Turnaround Veteran Jay Alix Sues Consulting Giant McKinsey, Wall Street Journal, 9 May 2018; and, McKinsey Investments Weren’t Disclosed in Bankruptcy Cases, Wall Street Journal, 19 June 2018. See also Duff McDonald, The Firm: The Story of McKinsey and Its Secret Influence on American Business, Simon & Schuster, 2014.
[46] Cabinet appoints Committee to fast track economy, Daily News, 31 March 2017.
[47] Pour les liens entre Atlas, John Templeton Foundation et Liberty Forum, voir Marie-Laure Djelic et Reza Mousavi, Constructing an Organizational Architecture for the Transnational Diffusion of Ideologies — The Case of Atlas and Neoliberalism,op.cit.
[48] Cabinet approves establishment of Millennium Challenge Corporation Project Unit in SL parKeshala Dias, Newsfirst, 15 March 2017. https://www.newsfirst.lk/2017/03/cabinet-approves-establishment-millennium-challenge-corporation-project-unit-sl/ Le MCC gère le US Millenium Challenge Account, qui est principalement une initiative politique pour influencer l’environnement réglementaire et la primauté du droit dans le Sud. La Vision 2015 du gouvernement n’a été dévoilée que quelques mois après l’approbation par le Cabinet de la création de l’unité.
[49] Friedrich-Naumann Stiftung für die Freiheit, An Idea Whose Time Has Come: Sri Lanka’s Advocata Think Tank to Host Asia Liberty Forum 2019, https://southasia.fnst.org/content/idea-whose-time-has-come
[50] Razeen Sally, State of the State, LMD, 2018. https://lmd.lk/state-of-the-state/
[51] Razeen Sally, Economic and social rights in the new constitution: A terrible idea, Daily FT, 4 October 2016.
[52] See https://lkyspp.nus.edu.sg/docs/default-source/faculty-cv/razeen-sally-cv-aug-2018.pdf?Status=Master&sfvrsn=f37b6e0a_2 ; &
https://www.atlasnetwork.org/academy/course/webinarthink-tanks-role-in-driving-market-competitiveness-with-razeen-sally
[53] For IEA’s influence on Thatcher’s triumph and policies, see Marie-Laure Djelic, op.cit.
[54] See https://www.sourcewatch.org/index.php/Antony_Fisher
[55] https://www.advocata.org/profiles/
[56]https://www.advocata.org/profiles/ ; Mont Pelerin Society, World Heritage Encyclopedia, http://self.gutenberg.org/articles/eng/mont_pelerin_society
[57] European Centre for International Political Economy, http://ecipe.org/person/fredrik-erixon/ http://ecipe.org/person/fredrik-erixon/ ; See also Between network and complex organization: The Making of Neoliberal Knowledge and Hegemony by Dieter Plehwe and Bernhard Walpen for direct Mont Pelerin Society link with Timbro where Erixon was Chief Economist ; Thinking allowed?
How think tanks facilitate corporate lobbying, Corporate Europe Observatory, 5 July 2016.
https://corporateeurope.org/power-lobbies/2016/07/thinking-allowed
[58]https://www.desmogblog.com/sites/beta.desmogblog.com/files/Mont%20Pelerin%20Society%20Directory%202010.pdf
[59] https://www.advocata.org/about/
[60] Razeen Sally, A new global economic strategy for Sri Lanka, Daily FT, 17 September 2015.
[61] The State of State Enterprises in Sri Lanka – Inaugural Report 2016, The Advocata Institute, 5 May 2016.
[62] Voir https://www.atlasnetwork.org/news/article/reforming-and-privatizing-state-owned-enterprises-in-sri-lanka; https://www.atlasnetwork.org/partners/global-directory/libertad-y-progreso; et https://www.atlasnetwork.org/news/article/ten-wins-in-ten-countries-how-atlas-networks-investments-in-economic-freedo ; and Govt. to go whole hog in privatizing all public enterprises, Mirror Business, 4 August 2016.
[63] Une société d’investissement mondiale basée à Singapour, qui est présentée comme un modèle pour « dépolitiser » les entreprises d’État en les gouvernant par l’intermédiaire de holdings financières dont l’unique but est de maximiser les bénéfices.
[64] Sri Lanka création du Public Enterprises Board pour gérer les entreprises d’État , LBO, 30 March 2017.
[65] Voir Draft legislation of Public Enterprise Development Act ready, The Sunday Times, 17 July 2016 pour la déclaration d’Eran Wickramaratne, vice-ministre du Développement des entreprises publiques.
[66] Voir https://www.atlasnetwork.org/news/article/ten-wins-in-ten-countries-how-atlas-networks-investments-in-economic-freedo
[67] Reforming State Owned Enterprises – Q & A with Razeen Sally, in The State of State Enterprises in Sri Lanka – Inaugural Report 2016, The Advocata Institute, 5 May 2016. Notez que le terme « indépendant » est également utilisé dans la Resolution 30/1 pour désigner la participation étrangère à un tribunal hybride.
[68] Un projet pilote en Chine pour visant à permettre aux conseils d’administration plutôt qu’au Parti et au gouvernement de nommer cadres supérieurs, est au point mort parce qu’il renforce la tendance aux « faux » investissements qui génère des profits en transférant de l’argent entre des actifs existants sans produire de nouvelle activité économique. Voir China rejects Singapore model for state-owned enterprise reform, Financial Times, 20 July 2017. Sally plaide en faveur d’une plus grande libéralisation pour encourager les investissements de l’Occident ou de l’Inde ; sinon, « le Sri Lanka pourrait dépendre excessivement des investissements des entreprises publiques chinoises sans que le secteur privé productif occidental ou indien n’investisse. » Voir Razeen Sally, Sri Lanka drifting, window for economic take-off narrowing, EconomyNext, 21/12/2016.
[69] Razeen Sally, Sri Lanka drifting, window for economic take-off narrowing, EconomyNext, 21/12/2016.
[70] ‘Vision 2025′ development programme gets going, Sunday Times, November 26, 2017.
[71] Pour le rapport complet, voir Sri Lanka should improve climate for export FDI’s, trim mega state, free trade: Advocata, EconomyNext, 9 November 2016.
[72] Ibid.
[73] Sri Lanka, forum to boost economic freedom, EconomyNext, 11 October 2017.
[74] IPS assists MCC in identifying binding constraints on access to land, The Island, 10 April 2017.
[75] Brookings Institution, https://www.brookings.edu/experts/brad-cunningham/
[76] Immigration and Emigration Act to be amended, Hiru News, 10 May 2018. http://www.hirunews.lk/190419/immigration-emigration-act-to-be-amended
[77] No Indian workers under ETCA but entry possible through SL Immigration rules, Sunday Times, 4 March 2018.
[78] Ricardo Hausmann, The knowhow path to Sri Lankan development, DailyFT, 5 September 2018.
[79] Kimberly Amadeo, Auto Industry Bailout, The Balance, 30 September 2018. https://www.thebalance.com/auto-industry-bailout-gm-ford-chrysler-3305670
[80] Car Sales End a 7-Year Upswing, With More Challenges Ahead, The New York Times, 3 January 2018.
[81] Why the end is coming soon for the biggest tech bubble we’ve ever seen, says Villanova professor, MarketWatch, 23 May 2018. https://www.marketwatch.com/story/why-the-end-is-coming-soon-for-the-biggest-tech-bubble-weve-ever-seen-2018-05-22 . See also The Entire Economy Is MoviePass Now. Enjoy It While You Can, The New York Times, 16 May 2018.
[82] Razeen Sally, A new global economic strategy for Sri Lanka, op.cit.
[83] Razeen Sally, Why Global Order still needs America in Asia, Quadrant, July-August 2017.
[84] Summary of the 2018 National Defense Strategy of The United States of America. Sharpening the American Military’s Competitive Edge.