Sélectivité de la mémoire historique ou propagande délibérée ? Qui n’entend pas parler chaque année et tout particulièrement actuellement de Tienanmen ? Et qui a déjà entendu parler de Gwangju en Corée du Sud . C’était il y a 40 ans.
Retour sur cette « commune » avec un dossier emprunté à nos amis de Jolie Môme.
Que s’est-il passé entre le 18 et le 27 mai 1980 en Corée du Sud et à Gwangju en particulier ? Petit aperçu (et filmographie à la fin).
(Extraits choisis et traduits de cet article : https://fpif.org/the_lasting_significance_of_kwangju/)
Le soulèvement de Gwangju a commencé à la mi-mai 1980, lorsque des milliers d’étudiants sud-coréens ont envahi les rues de Séoul et d’autres grandes villes pour dénoncer l’intervention de l’armée dans la politique coréenne. Les manifestations avaient commencé après le terrible assassinat de Park Chung Hee. En six semaines, un groupe de commandants de l’armée dirigé par le général de division Chun Doo Hwan, le chef du renseignement militaire, avait pris le contrôle de l’armée et était clairement déterminé à prendre le pouvoir total. Mais, à la surprise et à la consternation de la CIA et du département d’État, des étudiants, des travailleurs et des hommes politiques de l’opposition ont cherché à bloquer l’armée sud-coréenne par des manifestations de rue et des appels directs aux États-Unis.
Le 17 mai, après avoir été avisé que Washington ne s’opposerait pas à l’utilisation de troupes pour réprimer les manifestations, Chun a mis fin au mouvement croissant de démocratie en proclamant la loi martiale sur l’ensemble du pays et en envoyant des forces armées dans les villes et les campus pour arrêter les dirigeants du mouvement. La répression a été efficace à Séoul et dans d’autres villes. Mais à Gwangju, ville de la province de Cholla, dans le sud-ouest de la Corée, réputée pour sa résistance à un régime centralisé et autoritaire, les étudiants ont continué de défier les lois de la loi martiale. Le 18 mai, apparemment prévenus par leurs commandants qu’une révolution communiste soutenue par la Corée du Nord était en train de se dérouler, les troupes de Chun ont entamé un saccage de deux jours à travers la ville.
Ces troupes n’étaient pas des soldats ordinaires de l’armée. C’étaient des forces spéciales entraînées à tuer les Nord-Coréens lors d’une guerre de contre-insurrection qui suivrait tout conflit armé entre le Nord et le Sud. En plein jour, les parachutistes ont commencé à frapper, frapper à la baïonnette et tirer sur quiconque osait se tenir debout face à la loi martiale. Les troupes ont également attaqué des passants, les poursuivant jusque chez eux et les tuant. Horrifiés et irrités par les actions des troupes d’assaut, les habitants de Gwangju – des hommes qualifiés dans le maniement des armes à feu en raison de leurs «mandats obligatoires dans l’armée» – ont formé une milice citoyenne et ont commencé à riposter. Après deux jours de bataille et de combats au corps à corps, au cours desquels des dizaines de personnes ont été tuées et blessées, les forces spéciales de Chun ont fait demi tour et se sont retirées de la ville.
À Gwangju et dans d’autres villes voisines de la région de Cholla, la rébellion a marqué le début d’une semaine de partage collectif et de solidarité citoyenne, que certains activistes et historiens ont comparée à la Commune de Paris en 1871. Les citoyens de Gwangju espéraient et attendaient que l’administration Carter, qui s’était engagée publiquement à faire des droits de l’homme un élément central de la politique étrangère des États-Unis, serait de leur côté plutôt que de celui de la junte militaire haïe de Chun (des rumeurs disaient même qu’un porte-avions américain était en route avec ordre d’aider à la ville).
Mais de Washington, ces événements étaient perçus avec crainte et dégoût. Les États-Unis comptaient près de 40 000 troupes de combat en Corée du Sud et ces troupes de base-avant munies d’armes nucléaires constituaient un élément clé de la stratégie américaine de la Guerre froide consistant à encercler l’Union soviétique et la Chine avec ses bases militaires. Quelques mois auparavant, Carter avait accepté d’annuler sa promesse de 1976 de retirer ses troupes américaines de la Corée, après que d’énormes pressions ont été exercées par les législateurs conservateurs et le Pentagone inquiets de modifier la position militaire des États-Unis envers la Corée du Nord et l’Asie de l’Est.
Au plus fort du soulèvement – lors d’une réunion à la Maison-Blanche le 22 mai 1980 -, l’administration Carter prit sa décision finale. Elle permettrait à Chun de déployer des troupes de l’armée régulière sous le commandement militaire américano-coréen pour réprimer la rébellion et pousser prudemment Chun vers la « modération ». Une fois la situation résolue, l’équipe de la sécurité nationale de Carter s’accorda pour dire que des relations économiques normales pouvaient se développer y compris un important prêt de 600 millions de dollars de la Banque Import-Export à la Corée du Sud pour l’achat d’équipements nucléaires et de services techniques américains.
Répression d’un étudiant à Kwangju le 20 Mai 1980
En quelques heures, les troupes de Chun ont commencé à marcher sur Gwangju. Un cordon militaire étroit avait déjà coupé toute communication vers les villes environnantes. Des hélicoptères militaires ont commencé à survoler la ville pour exhorter l’armée urbaine de Gwangju – qui avait pris position dans le bâtiment de la capitale provinciale au centre de la ville – à se rendre. À un moment donné, un conseil de citoyens de Gwangju a demandé à l’ambassadeur des États-Unis, William Gleysteen, d’intervenir pour obtenir une trêve négociée. Mais son bureau a froidement rejeté la demande.
Tôt le matin du 27 mai, les troupes coréennes du commandement conjoint se sont introduites dans la capitale de la province et ont rapidement mis fin à la résistance. Les soldats ont fermé la commune de Gwangju et arrêté des centaines de personnes qui y avaient participé. Début juin, l’équipe de Carter a approuvé le prêt Eximbank et la Corée du Sud a concrétisé son plan d’achat de la technologie nucléaire américaine, une somme qui a été investie dans les poches des géants américains Westinghouse et Bechtel. En septembre 1980, Chun était président et, en janvier 1981, le nouveau président Ronald Reagan a choisi Chun comme premier chef d’État étranger à se rendre à la Maison-Blanche. Les relations américano-coréennes ont été rétablies et une crise évitée.
Mais pas pour le peuple de la Corée du Sud. La prise de contrôle de Chun a marqué le début de huit années de règne militaire. Cela a également déclenché un mouvement de lutte pour la démocratie qui a duré tout au long des années 1980, et qui a culminé en 1987 avec d’énormes manifestations à Séoul et dans d’autres villes qui ont entraîné des millions de personnes dans la rue pendant des semaines. En 1997, le mouvement atteignit son apogée lorsque Kim Dae Jung, leader dissident de longue date (et originaire de Gwangju), fut élu président de la Corée du Sud. L’une des revendications du mouvement était de demander justice pour les actions de l’armée à Gwangju. En 1996, l’administration de l’ancien dirigeant d’un parti d’opposition, Kim Young Sam, a jugé et condamné Chun et ses co-conspirateurs pour leurs crimes à Gwangju. Kim Dae Jung a commué leur peine lors de son entrée en fonction.
Petite sélection de films qui parlent de cet événement :
Sur la commune de Gwangju ou ses conséquences sur la vie de ceux qui y ont participé :
– A Taxi Driver – Jang Hoon – 2017 (notre préféré !!!)
– May 18 – Kim Ji-hoon – 2007
– Le vieux jardin – Im Sang-soo – 2006
– Peppermint Candy – Lee Chang-dong – 1999
– A Petal – Jang Soon-woo – 1996
À voir aussi sur les mouvements sociaux et la répression des années 80 :
– The Attorney – Yang Woo-seok – 2013
– 1987, When the Day Comes – Jang Joon-hwan – 2017