Comme l’avait annoncé notre camarade Gastaud dans un texte récemment publié (sans son autorisation soit dit en passant) dans l’Humanité, l’éclatement programmé de la Belgique est en marche avec, potentiellement, de graves conséquences réactionnaires à la clé, non seulement pour ce pays, mais pour tous les peuples d’Europe, y compris et surtout pour la France.
Avec la victoire de la droite dure, séparatiste et crypto-raciste de la NVA en Flandres,
que n’équilibre nullement la victoire du PS francophone avec sa politique dénuée de tout tranchant anticapitaliste, les perspectives de dépeçage de l’Etat belge sont plus préoccupantes que jamais. Le but des séparatistes de droite, qui cultivent un racisme anti-wallon et anti-musulman même pas déguisé, est « d’évaporer » la Belgique, c’est-à-dire de vider l’Etat fédéral de tout contenu, si possible avec la caution du PS francophone, puis de claquer la porte une fois que la coquille Belgique aura été vidée de sa chair au profit du grand patronat flamand.
L’objectif politique poursuivi n’a rien à voir avec la reconnaissance des identités linguistiques néerlandophone et francophone: il suffit d’aller à Anvers ou à Liège, sans même parler de Bruxelles, pour constater que la langue qui triomphe partout, c’est, comme en France le « tout-anglais patronal ». L’aéroport de Liège ne s’appelle-t-il pas, avec la bénédiction de di Rupo, le chef du PS, « Liège Airport »? Pendant que la belette wallonne et que le lapin flamand se disputent, le Raminagrobis anglo-saxon s’apprête à les manger tous les deux et c’est déjà en bonne voie à Bruxelles où l’UE s’acharne à anglophoniser toute sa communication, alors même que la capitale belge est la seconde ville francophone d’Europe!
En réalité, les marxistes doivent repérer les objectifs de classe poursuivis par le grand capital, même si ce n’est pas sans contradictions, car il est vrai qu’une partie du patronat belge, proche de la monarchie, n’abandonnera pas de gaieté de cœur la « marque » Belgique connue à l’international. Mais même dans ces milieux, l’idée qu’un bon divorce vaut mieux qu’un mauvais mariage ne tardera pas à faire son chemin, le patriotisme n’ayant jamais étouffé les milieux d’affaires.
A l’intérieur de la Belgique, le puissant patronat flamand, qui est largement phagocyté par les monopoles états-uniens et allemands qui « tiennent » le port d’Anvers, veut dynamiter la sécurité sociale belge et se défaire des dettes wallonnes (la Wallonie a connu un grand déclin industriel organisé, comme le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais) de manière à abaisser le fameux « coût du travail » et à augmenter ses profits. Bénéfice non secondaire en période de crise systémique du capitalisme, et alors que la grande industrie licencie à Anvers, le nationalisme flamand, dirigé par la grande bourgeoisie cléricale, celle-là même qui collabora avec Hitler, permet d’opposer les ouvriers flamands aux ouvriers wallons tout en unissant les premiers aux patrons flamands. Encore une fois, quand les souris se disputent, il est plus facile au chat de les manger l’une après l’autre…
Mais l’éclatement sous influence de la Belgique est surdéterminé internationalement et on peut même penser qu’il ne se joue pas principalement sur le sol belge. Il suffit d’observer que les deux phénomènes concomittants, délitement du camp socialiste (URSS, Yougoslavie, etc.) et intégration capitaliste européenne ont fonctionné en parfaits vases communicants à l’intérieur d’un seul et même processus contre-révolutionnaire de remondialisation du capitalisme. Ainsi, pendant que le camp socialiste s’écroulait, l’UE impérialiste s’enflait démesurément et se ruait vers l’est, portée par l’extension de l’OTAN, aujourd’hui en passe d’absorber la Géorgie et peut-être l’Ukraine. Bizarrement, pendant que l’Allemagne capitaliste annexait la RDA et devenait le poids lourd politique de l’Europe, ses voisins explosaient l’un après l’autre et se retrouvaient satellisés par les Konzern en plein redéploiement est-européen: les gouvernements germanophiles et ultra-atlantistes des pays baltes servaient d’abord de cheval de Troie pour éclater l’URSS. Les réactionnaires tchèques imposaient peu après, sans même un référendum, le divorce d’avec la Slovaquie. Chacun sait que c’est sur pression conjointe de l’Allemagne et du Vatican que la Croatie a lancé unilatéralement le processus d’éclatement sanglant de la Yougoslavie: et aujourd’hui plusieurs « républiques » de l’ex-Yougoslavie sont en réalité des protectorats allemands et/ou américains dont la monnaie est le mark (la France impérialiste cherchant à ne pas trop perdre de plumes dans ce repartage, même si elle court après l’Allemagne). Des forces sécessionnistes qui regardent vers le grand voisin du nord travaillent aussi à faire éclater la République italienne (le Milanais appartenait historiquement à l’empire des Habsbourg…) en séparant le nord riche du Mezzogiorno, traité avec mépris par le fasciste Bossi.
PLus profondément et stratégiquement encore, ce qui affleure avec éclat en Belgique, c’est le processus souterrain de délitement des Etats nationaux ou multinationaux historiquement constitués, et cela au profit d’une Europe des régions remodelée sur des bases ethniques, le pouvoir réel restant aux mains des eurocrates de Bruxelles et de Francfort derrière lesquels les monopoles capitalistes tirent les ficelles. DEmain à qui le tour? L’Espagne, avec le départ de la Catalogne et du Pays basque? La Grande-Bretagne? Seul l’Etat supranational européen, pourtant massivement rejeté par les peuples partout où ils ont été consultés, peut tirer profit de cet éclatement-émiettement en anéantissant la force de résistance au capital que représentaient les Etats-nations constitués, dans lesquels les classes ouvrières avaient construit leur intervention politique et conquis leurs droits sociaux. Rien d’extravagant à imaginer que si la Flandre devient nominalement indépendante, Bruxelles pourra devenir le « district fédéral » de l’Etat supranational européen et impérial, en étant détaché de feue la Belgique, sur le modèle juridique de Washington CD ou du district de Mexico… Bref, l’Europe fédérale se construit dans la dé-fédéralisation de la Belgique!
Quant à la France, il faut être un nationaliste aveugle ET un bien mauvais patriote républicain pour ne pas voir qu’elle court elle-même un très grand risque à l’éclatement belge. Si la Flandre se détache, le « rattachisme wallon », aujourd’hui encore marginal (l’idée du rattachement à la France, contre lequel évidemment le Français moyen n’a rien à objecter, bien au contraire, tant le peuple belge en plein désarroi nous est cher) ne pourra que croître étant donné les difficultés prévisibles énormes de la région wallonne. Mais ce rattachement ne serait pas un cadeau dans les conditions actuelles, ni pour les travailleurs belges, ni pour les travailleurs français: il est clair que ce rattachement sur des bases linguistiques serait immédiatement exploité, dans le climat politique actuel, par les euro-séparatismes réactionnaires qui agissent de plus en plus sur notre territoire de la Bretagne à la Corse. Ces euro-séparatismes ne demandent qu’à être activés dans les régions françaises anciennement non francophones et leur programme est le détricotage de la « République une et indivisible » instituée par la Révolution française et dans laquelle le mouvement ouvrier a conquis son droit à l’existence. Clair aussi que la Wallonie demandera sans doute un statut spécial, notamment sur le plan religieux. Or le régime sarkozyste, et sa pseudo-opposition socialiste ne savent déjà plus que faire pour déliter la nation, contourner la séparation de l’Eglise et de l’Etat et majorer le pouvoir des régions. Et n’oublions pas que tout cela se passe dans un contexte continental où le séparatisme montent très fort chez les voisins de la France, Espagne, Italie, Grande-Bretagne (où doivent se tenir des référendums sur l’indépendance de l’Ecosse et de Galles). Cela ne signifie pas que les revendications nationales des Catalans et des BAsques écrasés par Franco soient en rien méprisables, mais les marxistes ne peuvent pas les traiter « en soi », en oubliant le contexte général qui est la mise en place ultra-réactionnaire de l’Empire européen du capital, avec son découpage en euro-régions faciles à manipuler et à mettre en concurrence.
N’oublions pas d’ailleurs qu’une partie de la bourgeoisie strasbourgeoise rêve ouvertement de détacher Strasbourg du territoire et d’en faire une ville « européenne », retrouvant en quelque sorte le statut qui fut le sien en tant que ville « libre » du St-Empire germanique.
Tous ces processus séparatistes renforceraient objectivement l’Allemagne, seul pays que la construction européenne ait « unifié » et… aggrandi, et aussi le tyrannique Etat supranational européen copiloté par Washington et Berlin, Sarkozy faisant viser chaque année le budget français par ses mentors de Bruxelles et de Francfort; alors que la France est dramatiquement affaiblie par vingt ans de politique ultra-maastrichtienne qui ont cassé son industrie, appauvri son agriculture, ruiné sa pêche, dévasté ses services publics, fortement déstabilisé sa langue et sa culture, la « digestion » éventuelle de la Wallonie, -dont tout le monde riait hier mais qui est déjà annoncé comme une piste crédible par certains-, risquerait fort de tuer l’avaleur et l’avalée… tout en créant un nouveau désarroi dans la classe ouvrière.
Mais nous n’en sommes pas là et nous devons pas aller dans ce sens, ni nous les travailleurs de France, ni vous les travailleurs de Belgique. Par bonheur les drapeaux belges ont fleuri aux fenêtres ces derniers jours; dans les conditions actuelles, c’est là un acte citoyen, aussi patriotique qu’anti-nationaliste qui signifie que la majorité de la population refuse l’implosion à haut risque, qu’on lui présente désormais comme un aimable divorce après lui avoir expliqué que ça n’arriverait jamais!
Par bonheur aussi, le Parti du Travail de Belgique, qui est bilingue, classiste et NATIONAL, a enregistré un progrès significatif dans ces élections.
Alors, dans l’intérêt de la classe ouvrière de France et de Belgique, dans l’intérêt des luttes de classes en Europe, dans l’intérêt du combat anti-impérialiste mondial qui n’a rien à gagner à voir un Etat supranational renforcé et dangereux émerger de la crise belge en faisant exploser tout ce qui s’oppose à lui, dans l’intérêt de la paix civile en Belgique et sur tout le sous-continent, NOUS SOMMES TOUS aujourd’hui DES CITOYENS BELGES.
Non le patriotisme ne consiste pas pour les républicains français à rêver prématurément d’un rattachement de la Belgique francophone à la France, mais à lutter de toutes nos forces pour SORTIR la France de ce mouroir des peuples qu’est l’Union européenne de Maastricht.
DE-MAASTRICOTONS LEUR EUROPE AVANT QU’ELLE N’AIT DETRICOTE CHACUNE DES NATIONS EUROPEENNES HISTORIQUEMENT CONSTITUEES et avec elles, l’ensemble des acquis sociaux que nos anciens ont mis des siècles à construire.