entretien exclusive avec le Président de l’Union des Démocrates Socialistes de République Démocratique du Congo, le Camarade Crispin Kabasele Tshimanga Babanya Kabudi.
La République Démocratique du Congo est le deuxième plus grand pays d’Afrique, le troisième par sa population et le premier pays francophone de la planète. Après avoir obtenu son indépendance en 1960, la RDC est écrasée par la dictature Mobutu de 1965 à 1997 – installée par les Etats-Unis tandis qu’au Congo Patrice Lumumba est assassiné. La RDC se voient ravagée par les première et seconde guerre du Congo, provoquant des millions de morts, où les armées du Rwanda et de l’Ouganda interviennent massivement dans le nord et l’est du pays, permettant aux multinationales occidentales de conserver la main mise sur les très importantes ressources naturelles du pays.*
Alors que Macron se trouve en grande difficulté en Afrique, après que ses potentats ont été renversés au Mali, au Burkina Faso ou encore en Centrafrique et que l’armée française a été expulsée, il s’est lancé dans des visites diplomatiques en Afrique qui l’ont notamment menée à Kinshasa le 3 mars 2023. S’il a défrayé la chronique par la diffusion d’image le montrant dans une position très débrayée à l’oeil particulièrement brillant en soirée, c’est surtout son recadrage vigoureux par le président de la RDC suite à ses propos néo-coloniaux détestables qui ont largement résonné dans toute l’Afrique.
Quelle est la situation en République Démocratique du Congo aujourd’hui ?
La République Démocratique du Congo traverse une crise multiforme qui ne date pas d’aujourd’hui. Même si elle défraie la chronique à cause des guerres cycliques et des agressions répétées de ses voisins, le Rwanda et l’Ouganda, dans sa partie orientale, la RD Congo est en faillite très avancée.
La dictature de l’ancien Président Mobutu mis en place et soutenu par l’impérialisme américano-européen, a détruit toutes les structures économiques et sociales héritées de la période coloniale en 32 ans de gestion prédatrice et chaotique.
L’assassinat de son tombeur et successeur, M’Zee Laurent-Désiré Kabila a mis fin à l’espoir suscité par son avènement à la tête du pays à la suite d’une courte rébellion victorieuse.
Les 18 ans de règne de son fils, Joseph Kabila Kabange, ont replongé la RD Congo dans l’abîme pour avoir renoué avec les pratiques mafieuses de la Deuxième République mobutiste.
D’où le mandat de l’actuel Président, le social-démocrate Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, se place sous le signe du redressement national et de la reconstruction du pays. La tâche est tellement éprouvante pour l’actuel régime qu’il faut repartir à zéro dans tous les domaines de la vie nationale.
Comment réagissez-vous à la venue de Macron en RD Congo et au sujet de ses propos face au Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo ?
Ce voyage ne se justifiait pas. Il était inutile. D’ailleurs, il est inacceptable et révoltant de voir le Président Macron s’ériger en donneur de leçons au Président Tshisekedi, surtout sur des matières électorales qui relèvent de la souveraineté nationale.
L’Union des Démocrates Socialistes, notre parti de gauche révolutionnaire congolaise, a totalement désapprouvé l’attitude néocolonialiste du Président français. Par contre, la réplique cinglante que lui administrée par le Président Tshisekedi a été chaleureusement applaudie par tous les patriotes congolais et africains. C’est rare de voir sur notre continent un Président africain répliquer sèchement et publiquement contre un Chef d’Etat européen ou américain sans porter des gants comme l’a fait le Président Tshisekedi. Sa réaction musclée annonce l’avènement d’une nouvelle génération des Présidents africains décomplexés.
Quelles sont les solutions politiques pensez-vous nécessaires aux problèmes en RD Congo ?
La crise congolaise étant multisectorielle et née de la mainmise de l’impérialisme qui régente tout en République Démocratique du Congo, la solution passe par la refondation de l’Etat congolais. Pour le moment, nous vivons dans un non-Etat. Partant de cela, tout est à reconstruire.
Il est à noter que toutes les solutions imposées de l’extérieur ont lamentablement échoué dans notre pays parce qu’elles ne tiennent pas compte de notre culture, de notre mentalité et de nos réalités. Les instruments de l’impérialisme américano-européen, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, ont plongé davantage notre Peuple dans la pauvreté et dans la misère noire. La corruption généralisée a dépassé les limites au point où la dignité de l’homme congolais n’existe plus.
Dans cette œuvre de refondation, il y a lieu de signaler que la gauche révolutionnaire congolaise est appelée à jouer un grand rôle. Nous devrons nous inspirer des règles de notre vie communautaire pour proposer des solutions réellement congolaises à nos propres problèmes. Autrement dit, nous devrons inventer notre propre mode de gestion conforme à notre mode de vie.
A mon humble avis, les mesures les plus importantes devraient être prises pour redonner confiance à notre Peuple. Il faut, entre autres mesures, mettre fin à la privatisation sauvage et inhumaine des entreprises publiques à caractère social (électricité, eau), poursuivre la prise en charge du secteur de l’enseignement par l’Etat, revisiter la libéralisation de l’enseignement, renforcer la lutte encore timide contre la corruption, supprimer les privilèges accordés à certaines catégories de nos concitoyens, mettre en place la politique de redistribution des richesses nationales, rompre avec le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, et d’autres mesures rigoureuses et draconiennes du même genre.
Le secteur sécuritaire n’est pas à oublier. Il devra exiger une attention particulière des pouvoirs publics. Autrement dit, nous devrons créer une véritable armée nationale et révolutionnaire comme le préconisait le Président de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Nous avons l’obligation d’avoir une police nationale reformée et chargée réellement de la sécurisation du Peuple congolais. Sans oublier la réforme des services de renseignement professionnels.
Comment analysez-vous la guerre en Ukraine entre l’OTAN et la Russie?
Au départ, je condamne avec la dernière énergie l’hypocrisie et la perfidie des Etats-Unis d’Amérique et de l’Europe Occidentale qui n’ont pas respecté les engagements pris vis-à-vis de la Russie après la disparition de l’ex-Union Soviétique en ce qui concerne l’entrée des pays de l’ex-COMECON dans l’OTAN et la présence des troupes ennemies aux frontières de la Russie.
Par conséquent, j’appuie sans réserve toutes les mesures préventives prises par la Fédération de Russie pour la défense de sa souveraineté et de l’intégrité de son territoire.
En allant démilitariser et dénazifier l’Ukraine, la Russie n’a fait qu’appliquer la théorie classique de la guerre préventive inventée par les Américains et au nom de laquelle ils ont envahi l’Irak, l’Afghanistan et la Syrie.
Cette guerre russo-ukrainienne aura certainement des effets bénéfiques pour l’humanité. Il sera question, au lendemain de cette guerre, de redessiner un nouveau monde, d’en finir avec l’ONU actuelle qui a montré ses limites et son injustice comme cela été le cas avec la SDN (Société des Nations), mettre fin à l’hégémonie des Etats-Unis d’Amérique et fonder un nouvel ordre mondial multipolaire.
Avez-vous un message pour les travailleurs et le peuple français qui protestent contre le régime macroniste ?
En toute vérité, je vous dirai que tous les camarades de l’UDS sont solidaires avec le vaillant peuple révolutionnaire français qui lutte pour le recouvrement de son indépendance et la défense de ses droits inaliénables. Faut-il rappeler que le retour de la France au sein de l’OTAN a été une erreur stratégique grave de la part de certains politiciens français qui ont hypothéqué la souveraineté de la France et l’ont sous-traitée par les Etats-Unis d’Amérique.
L’Union des Démocrates Socialistes, notre parti politique de gauche révolutionnaire congolaise, soutient les travailleurs français et toutes les forces progressistes françaises dont le Pôle de Renaissance Communiste en France, PRCF, notre partenaire. Nous les encourageons à poursuivre la lutte jusqu’à la victoire finale. Ils peuvent compter sur nous.