Alors que la situation internationale est plus tendue qu’elle ne l’a jamais été depuis des années, et que la crise systémique du capitalisme engendre des guerres impérialistes, des provocations militaires, des interventions armées et des guerres économiques le risque d’une conflagration mondiale est désormais très élévée. Une étincelles pourrait mettre le feux aux poudres à moins que les travailleurs ne se mobilisent pour défendre la Paix. A travers cet Extrait du rapport sur la situation internationale de Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF, au CC du 12 mars 2017 www.initiative-communiste.fr propose des éléments de réflexions, d’analyses et surtout d’action.
Sur le plan international
A – Donald Trump et la nouvelle situation internationale
Nous en avons dessiné les grandes lignes dans plusieurs textes théoriques parus sur le site du PRCF. Pour ne pas vous prendre trop de temps, je vous y renvoie en rappelant seulement nos conclusions : La crise de suraccumulation du capital liée à la fois à la résistance des peuples et à la baisse tendancielle du taux de profit moyen aggrave les contradictions entre le capital et le camp du travail, entre l’impérialisme et les peuples, et aussi pour une part, entre les impérialismes rivaux eux-mêmes, comme l’attestent le Brexit ou la victoire de Trump :
Disant cela, j’ai en vue l’antagonisme croissant entre la Trilatérale impérialiste USA/Japon/Europe allemande, et les peuples en mouvement : Proche-Orient, Amérique latine, Afrique ; de ce point de vue, l’éviction des USA de la scène syrienne, la victoire commune des forces russes et des forces patriotiques syriennes à Alep et à Palmyre, forces patriotiques parmi lesquelles figurent le PC syrien, sont d’excellentes nouvelles. Cette victoire du peuple syrien sur l’alliance de l’impérialisme, des pétromonarchies et de leurs marionnettes fanatiques, ne peut cependant qu’exciter l’esprit revanchard et antirusse des gouvernants occidentaux, sans en excepter au final D. Trump, dont le slogan, pas si « isolationniste » qu’on veut bien le dire, est « rendre sa grandeur à l’Amérique ».
J’ai en vue aussi l’émergence irrépressible des BRICS, dont le poids croissant menace l’hégémonie US sur l’Europe, l’Afrique et le Pacifique. Cette irruption des BRICS suscite des tensions au sein même de la Trilatérale impérialiste entre ceux qui veulent prioritairement cibler la Russie (en gros le camp Clinton, qu’appuie à fond la mouvance social-démocrate de Macron à Hamon, en passant par Le Monde et Libé), de l’autre ceux qui veulent plutôt cibler la Chine, en particulier Trump aux USA et, pour une part, Fillon, qui ménage davantage Poutine.
La question se pose donc aux marxistes que nous sommes :
Qu’y a-t-il à l’arrière-plan de l’opposition entre, d’un côté, Trump et sa mouvance internationale, et de l’autre le bloc Clinton/Union européenne, qui attend manifestement la fin des élections françaises et allemandes pour relancer le funeste Traité transatlantique et pour enclencher le passage à l’Europe fédérale de Macron, le Parlement de la zone euro cher à Hamon et la « défense européenne » chère à Fillon/Marcon/Hamon ?
Nous avons déjà répondu à cette question : le bloc euro-atlantique est partiellement fissuré, d’une part par la crise aiguë de l’UE qu’a révélée le BREXIT, d’autre part par le déclin industriel des USA qu’a manifesté l’élection de Trump.
Enfin et surtout, le redéploiement géopolitique de l’impérialisme est précipité par la déstabilisation de l’accord hyper-impérialiste tacite sur le partage financiaro-monétaire du monde qui existait dans les années 90/2000 entre Washington et Berlin, entre la zone dollar et la zone euromark. En effet, quand le Traité de Maastricht est venu couronner l’annexion ouest-allemande de la RDA au début des années 90 et la recolonisation de fait des pays de l’Est par l’impérialisme occidental (le point final sanglant étant apporté par le repartage impérialiste de la Yougoslavie), l’accord s’est d’abord fait entre Washington et Berlin sur l’idée d’un euro fort, ancré sur le mark, et d’un dollar faible et non convertible. On avait alors, d’un côté, l’hyper-rigueur germano-européenne, de l’autre la planche à billets et l’hyper-endettement états-unien. Comme je l’ai montré dans Etincelles, cet accord monétaire germano-américain était en fait « crypto-protectionniste ». Sous le masque de la « concurrence libre et non faussée », il s’agissait pour Berlin et Washington de se répartir les zones d’influence sans trop se marcher sur les pieds. L’euro fort empêchait les marchandises « made in Germany » d’affluer sur le marché américain, abandonnait aux USA le rôle de monnaie mondiale, et en même temps, il permettait à la puissance industrie ouest-allemande adossée aux réserves de main d’œuvre des pays de l’Est, ainsi que sur les loi Hartz détruisant les acquis sociaux allemands, d’écraser à la fois l’Europe du Sud tout en satellisant la France bourgeoise en voie de désindustrialisation volontaire. En effet, l’euro fort, précédé par le « franc fort » des années Mitterrand-Beregovoy, interdisait à l’Italie, à l’Espagne, à la Grèce, et même à la France, d’exporter sur le marché allemand en pratiquant ce qu’on appelle la « dévaluation compétitive », qui abaisse mécaniquement le prix des denrées exportables et qui permettait périodiquement aux pays plus faibles de rattraper le peloton de tête. Cette politique de casse nationale, que soutenait l’oligarchie française désireuse depuis longtemps, notamment depuis Mai 68, de liquider sa classe ouvrière traditionnellement rouge, a fort bien marché au départ si l’on se place au point de vue des capitalistes « français ». L’Allemagne capitaliste, que nous ne confondons pas avec la grande classe ouvrière allemande qui a donné au monde Marx, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin, s’est ainsi réservé plus de la moitié de la production industrielle européenne, ce qui lui a permis d’enterrer sa défaite de 1945 et de redevenir un acteur politico-militaire régional, voire mondial (la même chose est d’ailleurs en passe de se produire pour l’autre vaincu de 1945, le Japon impérial).
Seulement, les pays du Sud européen, Grèce, Portugal, Espagne, mais aussi France en voie de déclassement mondial, ont été très vite asphyxiés, voire ruinés, d’autant que la BCE, cette machine à endetter les Etats auprès des banques privées, était conçue pour interdire toute politique nationale d’industrialisation. La question s’est donc posée à l’Allemagne capitaliste : comment écouler ses productions alors que nos clients du Sud sont ruinés et cessent d’être solvables ? La politique germano-européenne a donc évolué vers un euro-mark moins fort, si bien que l’accord hyper-impérialiste, – comme il arrive toujours au final dans ce système capitaliste où l’harmonie ne peut jamais régner longtemps, ni entre les forts et les faibles, ni même entre les forts – a été torpillé par Berlin et la BCE. Les milliards de liquidités fictives émis par Francfort ont à la fois relancé comme jamais le financement public des monopoles privés (répétons que le prétendu « libéralisme » actuel n’est qu’une nouvelle forme du capitalisme monopoliste d’Etat redéployé à l’échelle transcontinentale) et fait baisser l’euromark. Pour les pays de l’Est et du sud européen, cela n’a rien changé dans leur subordination à Berlin, mais pour les produits allemands dévalués par la baisse de l’euro, la possibilité s’est ouverte d’envahir le marché américain. Et c’est sur ce point que porte la contre-attaque de Trump et sa dénonciation virulente des excédents allemands dans les échanges euro-américains. Voilà la source profonde des tensions entre Trump et l’UE sous hégémonie berlinoise. Bien entendu, il existe aussi des contradictions au sein de l’impérialisme états-unien où certaines fractions du capital financier n’ont que faire des usines et des « cols bleus » américains… du moment que l’US Army peut continuer à piller la production mondiale que les USA continuent de payer en monnaie de singe. Du moment aussi que le surprofit impérialiste permet de verser un revenu de survie permettant de tenir en laisse les classes dominées à la manière d’une nouvelle plèbe romaine…
Si l’on tire les conclusions pratiques de tout cela, on voit que les forces populaires ne doivent rien espérer du camp Trump/Nigel Farage/Le Pen, dont le protectionnisme affiché est une variante de l’impérialisme, et dont la confrontation avec la Chine, sous couvert de « punir » la Corée du Nord, peut mener le monde à l’autodestruction. Les progressistes ne peuvent pas davantage soutenir le camp Clinton-Obama-Macron, dont le pseudo-progressisme n’est qu’un masque pour cacher la marche à la guerre antirusse. Aucun soutien populaire, donc, à l’OTAN, à la guerre antirusse et à la « défense européenne ». Ajustons plutôt à notre temps le « défaitisme révolutionnaire » de Karl Liebknecht, et déclarons haut et fort que pour nous, « l’ennemi principal est sur notre propre continent ». Pas un sou pour la « défense européenne », combat frontal contre Macron, qui veut offrir l’arme nucléaire française à l’hégémonisme berlinois résurgent. Car une France Franchement Insoumise à l’UE aurait besoin d’une défense nationale, et même de ce que Jaurès appelait une « Armée nouvelle », si demain un gouvernement progressiste se trouvait pris en étau entre Wall Street et Francfort. Il faut donc refuser d’accéder au commun diktat d’Obama et de Trump, qui veulent forcer chaque Etat européen à dépenser 2% de son PIB pour l’OTAN ! Au contraire, faisons le lien entre les luttes sociales contre l’euro-austérité et la défense de la paix mondiale contre les prédations de l’impérialisme français, de sa « Françafrique » et de l’OTAN ! Alors que nous approchons du 100ème anniversaire d’Octobre 1917, réactualisons le mot d’ordre de Maurice Thorez qui, dans les années 50, en plein « équilibre au bord du gouffre », avait le courage de déclarer « le peuple français ne fera jamais la guerre à l’Union soviétique ». Appelons haut le peuple français à se souvenir de Stalingrad et à refuser tout ce qui conduit à une guerre fratricide et suicidaire contre le peuple russe ami !
Au passage, il faut constater que, non seulement, Fillon, mais tout l’arc social-démocrate de Macron à Hamon en passant par Le Drian, s’inscrit dans cette marche social-impérialiste (socialiste en paroles, impérialiste en fait !) vers la mise en place d’une nouvelle Communauté européenne de défense (C.E.D. comme on disait dans les années 50) qui porterait le coup de grâce à toute forme d’indépendantisme français progressiste.
Notons au contraire qu’objectivement, et ce n’est pas rien, Mélenchon est dans le « camp de la paix » puisqu’il revendique la sortie immédiate et unilatérale de l’OTAN. Ce qui rend d’autant plus hypocrites les appels du PCF-PGE à fusionner les candidatures Hamon et Mélenchon : car alors que Mélenchon se dit « indépendantiste » et qu’il conteste l’OTAN, le candidat PS s’inscrit à 100% dans l’OTAN, dans le relèvement du budget militaire, dans la mise en place d’un « parlement de l’euro » et dans la « défense européenne ». Je le dis avec gravité, et nos amis encore cartés au PCF doivent en avertir solennellement leur compagnons de cellule : après avoir renié le léninisme dans les années 70, avoir s’être réjoui de l’implosion du camp socialiste en 91 et avoir rallié la « construction européenne » dans les années 2000, le PCF-PGE est en train, par son rabattage pseudo-« unitaire » sur Hamon, de déserter le camp de la paix pour rallier le camp du social-impérialisme déclaré !
Concernant les BRICS, il faut éviter deux erreurs symétriques.
La première, gauchiste, serait de mettre les BRICS dans le même sac que l’impérialisme états-unien en parlant d’ « impérialisme russe » ou d’ « impérialisme chinois » sans saisir QUI est l’agresseur et qui est l’agressé dans les conflits qui déchirent l’Ukraine, la Péninsule coréenne, la Mer de Chine, l’Afghanistan et le Proche-Orient. Or ce ne sont pas les troupes russes qui menacent Washington en stationnant à Montréal ou au Costa-Rica. Ce sont au contraire les troupes yankees qui affluent par pont aérien en Pologne et dans les ex-Républiques soviétiques de la Baltique, à quelques encablures du district de Leningrad !
L’erreur symétrique, opportuniste et droitière, serait d’encenser les dirigeants des BRICS. Des Etats qui peuvent devenir franchement impérialistes selon leur évolution interne, et dont il ne faut surtout pas « rougir » les chefs de file actuels.
- Poutine défend certes la Russie encerclée quand il soutient le Donbass et la Syrie ou quand, après référendum, il restitue la Crimée à la Russie. Mais outre qu’il martèle sottement que Lénine était un agent allemand, qu’il réprime les syndicalistes russes et qu’il regrette ouvertement l’Empire tsariste, son projet de constitution syrienne viole grossièrement la souveraineté de Damas. Tout en soutenant le peuple russe contre l’encerclement engagé par l’OTAN, nous devons réserver notre soutien politique aux communistes et aux travailleurs russes en réactivant à leur égard ce qu’on appelait naguère l’internationalisme prolétarien.
- Concernant la Chine, nous devons nous en tenir aux appréciations de notre conférence nationale. La situation interne de ce pays est instable. D’un côté la bourgeoisie capitaliste nationale ne cesse d’y gagner des positions, y compris dans le PC chinois. D’un autre côté, des traits socialistes subsistent en Chine et les forces patriotiques, y compris bourgeoises, savent qu’il n’y a pas d’alternative nationale possible, pas d’unité territoriale des diverses nationalités chinoises, pas de développement possible d’un marché intérieur fort, en un mot pas de Chine forte et unie en dehors du rôle unificateur du PC chinois. N’oublions pas en même temps que, face aux grèves ouvrières et aux augmentations salariales qu’elles arrachent, les autorités publiques et privées réagissent par l’exportation des capitaux chinois dans les pays africains où le coût de la main-d’œuvre est encore plus bas qu’en Chine. C’est là un comportement pour le moins « pré-impérialiste », pour rester prudents dans nos formulations. La Chine populaire n’en reste pas moins un obstacle majeur à la tyrannie du capital japonais et transatlantique et il est hors de question de renvoyer dos à dos la Chine et l’impérialisme américain, encore plus agressif et antichinois depuis l’élection de Trump.
Dans le même temps, nous devons soutenir la contre-offensive des peuples de l’ALBA. C’est d’abord le deuil de combat et de masse du peuple cubain à l’occasion du décès de notre grand Fidel, figure de proue de la résistance populaire mondiale. C’est aussi la contre-attaque du Vénézuélien Maduro, qui prend des mesures justifiées contre la réaction. C’est enfin la percée du progressiste équatorien « Lénine », qui devrait succéder à Correa à Quito.
En Europe, l’euroscepticisme de droite, voire d’extrême droite, joue de plus en plus le rôle de soupape de l’autocuiseur bruxellois. Mais même si les médias occultent la chose, l’euro-rupture communiste et progressiste, que le PRCF fut le premier à proposer en 2004, monte aussi en puissance en Europe.
B – La crise de l’UE est en effet explosive :
destruction de la Grèce, tensions de l’UE avec les USA, Brexit de droite, rejet populaire croissant, tout montre que la « construction européenne » est à la croisée des chemins.
Bien entendu, les euro-dictateurs ne renoncent jamais et comme d’ordinaire, avec le plein soutien du destructif Hollande, ils pratiquent la fuite en avant vers l’Europe fédérale sous la houlette de Berlin avec au menu, la répression anticommuniste à l’Est, la relance de la guerre en Ukraine et le « partenariat stratégique » UE/OTAN. Nous devons tout particulièrement dénoncer la marche vers une nouvelle CED remettant la force de frappe française aux mains de la RFA, cette CED que les gaullistes et les communistes avaient fait échouer ensemble en 1953 à l’appel de Jacques Duclos.
Face à cette UE fédérale, qui signifie la résorption rapide de ce qui reste de l’Etat-nation français, il faut accentuer notre propagande pour ce que nous appelons le « Frexit progressiste ». A ce sujet, ce serait une erreur gauchiste que de faire de la révolution socialiste un préalable au Front antifasciste, patriotique, progressiste et écologique. A l’inverse, ce serait une impasse droitière, celle qui caractérise certains groupes qui se disent « ni droite ni gauche » que de ne pas saisir la portée anticapitaliste et antifasciste de ce « FR.A.P.P.E. » et la conséquence pratique qui en résulte pour nous tous : la nécessité d’affirmer le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans le Frexit progressiste, ce qui implique de reconstruire un parti franchement communiste centré sur le monde du travail et associant le drapeau rouge au drapeau national. Contrairement à ce que disent les souverainistes dit « interclassistes », qui nient le rôle propre de la classe ouvrière et la nécessité pour elle d’avoir son propre parti communiste, une authentique rupture progressiste avec l’UE ne pourrait que provoquer une série d’affrontement de classes dont l’issue positive ne saurait être que la révolution socialiste et, n’en doutons pas quand nous regardons les foules réactionnaires réunies par les Le Pen, Fillon et Cie, que la dictature du prolétariat. D’un côté, nous avons la classe capitaliste, prête à liquider le pays des Sans Culottes, des Communards, des FTP et de la plus grande grève de l’histoire, celle de Mai 68. De l’autre, nous avons la classe travailleuse qui ne peut mener à bien le Frexit et la reconstruction de notre pays qu’en brisant la domination mortelle du MEDEF sur notre patrie. Cette perspective révolutionnaire, non pas fondée sur d’inoffensives incantations à la Nathalie Arthaud, mais sur rassemblement populaire majoritaire contre Le Pen et l’UE, ne peut qu’effrayer la petite bourgeoisie. Mais elle ne peut que rendre espoir aux prolétaires qui cherchent un chemin. Car, comme disait Lénine, « on ne peut avancer d’un pas si l’on craint d’aller au socialisme ».
Cette conscience du caractère intrinsèquement contre-révolutionnaire de l’UE, donc de la portée symétriquement révolutionnaire du Frexit progressiste, implique de pointer le rôle indécent du PGE. Certes, Pierre Laurent a été rétrogradé du rang de vice-président de ce « machin » bruxellois, mais le président du PGE est désormais le sieur Gregor Gysi, qui joua un rôle central dans l’auto-liquidation de la RDA et du SED (le parti des communistes est-allemands) et qui n’est même pas clairement opposé à l’OTAN. L’affiliation du PCF au PGE n’est donc pas une « bricole » politique car le PGE est aux partis ouvriers ce que la C.E.S. est aux syndicats : une courroie de transmission de la Commission de Bruxelles dont le rôle est de corseter l’Europe des luttes dans le carcan de la défense de l’euro et de la « construction » supranationale !
Georges Gastaud – 12 mars 2017