L’agence Chine Nouvelle a rapporté ce matin le décès à 96 ans des suites d’une leucémie de Jiang Zemin, ancien Président de la République Populaire de Chine et Secrétaire général du Parti Communiste Chinois[1].
Né le 12 août 1926 à Yangzhou, cet ingénieur de formation rejoint le parti communiste dans la clandestinité en 1946 et prend part aux activités révolutionnaires dans les milieux étudiants. Après la révolution, il poursuit sa carrière d’ingénieur avant d’être élu maire de Shangaï en 1985, puis secrétaire général du PCC en 1989 et Président de la République Populaire de Chine de 1993 à 2003. Appelé à la direction du parti suite aux émeutes contre-révolutionnaires de 1989, il a contribué au maintien du système socialiste chinois malgré les nombreuses transformations opérées par la société chinoise sous son mandat. Applicateur zélé de la politique de « réforme et d’ouverture », reconnu pour les efforts de modernisation menés sous son mandat, il est également le dirigeant qui, en assistant à la rétrocession de Hong Kong et Macao, apportera une grande contribution à l’effacement des derniers stigmates de la colonisation de la Chine par les puissances impérialistes britannique et portugaise.
Développant les thèses de Deng Xiaoping sur la réforme et l’ouverture, à travers la théorie des « trois représentations » Jiang Zemin mit pleinement en pratique l’économie de marché socialiste au cours des années 90. Cette politique économique laissant une plus large place au secteur privé -tout en maintenant de forts secteurs étatiques et coopératifs- a enregistré des résultats contradictoires, voyant d’une part le renforcement de la croissance économique chinoise (suivie par les salaires) et d’autre part l’affaiblissement d’un certain nombre de conquêtes ouvrières, telles que l’emploi garanti à vie (dit « bol de riz en fer ») mais aussi un fort développement de la corruption sur la base de la privatisation d’entreprises publiques au profit des anciens gestionnaires étatiques.
Une question se pose alors à tout communiste qui se respecte : Pourquoi la RPC, sous la pression de cette nouvelle bourgeoisie émergente, n’est-elle pas devenue un pays capitaliste comme cela a été le cas pour l’URSS dans des conditions similaires ? Des éléments de réponse peuvent être apportés par Jiang Zemin lui-même, dans un discours jadis rapporté par feu notre camarade Henri Alleg, dans son ouvrage Le siècle du dragon, consacré à la Chine des réformes :
« Si, au lieu de maintenir le socialisme et, comme certaines personnes le préconisent, nous retournions en arrière vers la voie du capitalisme, si nous entretenions de nouveau et si nous contribuions à faire prospérer une bourgeoisie grâce au sang et à la sueur des travailleurs, nous ne pourrions rien faire d’autre qu’abandonner à nouveau la majorité de la population à la pauvreté, puisque la situation actuelle de notre pays est toujours caractérisée par une population nombreuse et un niveau des forces productives extrêmement bas. Ce capitalisme n’est autre qu’un capitalisme “comprador” primitif qui signifierait que le peuple chinois multiethnique serait voué à retomber dans l’esclavage sous la double pression du capitalisme étranger et de la classe exploiteuse du pays. En un mot, comme le camarade Mao Zedong et le camarade Deng Xiaoping l’ont indiqué, le socialisme est bien le seul et unique système capable de sauver la Chine et d’assurer son développement.[2] »
Bien que mettant de côté la lutte de classe (sans toutefois nier son existence) au profit de la priorité accordée au développement des forces productives, Jiang Zemin a, dans la continuité des thèses de Deng Xiaoping, affirmé l’orientation socialiste du PCC et de la République Populaire de Chine. Il convient de rappeler que nous parlons d’une époque où, du fait de la récente défaite temporaire du socialisme en URSS et dans les démocraties populaires d’Europe orientale, cela n’allait pas de soi !
C’est dans ce cadre qu’une entreprise de formation idéologique contre le libéralisme bourgeois a été entreprise au sein du PCC pour rappeler les fondamentaux communistes aux nombreux cadres et militants issus de la génération post-« révolution culturelle », d’une manière assez semblable au mouvement que l’on peut observer de nos jours sous la direction de Xi Jinping[3], venant rectifier cette fois-ci certaines déviations liées à la politique de réforme :
« Cependant, dans l’application des politiques choisies, en particulier dans le développement d’une économie marchande planifiée socialiste, les membres du Parti doivent garder intacte leur foi en la réalisation du communisme, conserver leur idéal et leur moralité communistes, veiller au renforcement de leur capacité à contrecarrer l’action corrosive de l’idéologie bourgeoise et autres conceptions non prolétariennes[4]. »
« Pour nous montrer dignes du nom de communistes, nous devons toujours persévérer dans l’idéal du communisme. Nous avons pour tâche sacrée d’édifier une société communiste, ce qui constitue, dans le passé, le présent et le futur, le support moral de tous les communistes chinois […].Tout au long de la réforme, de l’ouverture sur l’extérieur et du développement de l’économie de marché socialiste, les communistes doivent résister consciencieusement à l’influence perverse des idéologies capitalistes décadentes[5] »
« Le camarade Deng Xiaoping est bien entendu le concepteur général et le guide de la politique de réforme et d’ouverture. Cependant, il faut préciser que la politique qu’il a formulée et que nous appliquons scrupuleusement est aussi celle qui recommande de maintenir la voie socialiste, la dictature de démocratie populaire, la direction du Parti communiste, le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong. Par contre, les soi-disant “réforme et ouverture” professées par ceux qui affichent obstinément leur libéralisme bourgeois ont pour but d’introduire en Chine le capitalisme à l’occidentale, de chercher à rompre avec la dictature de démocratie populaire, à supprimer la direction du Parti communiste, à trahir le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong. Cette orientation de “réforme et ouverture” est en fait centrée sur la mise en place du capitalisme, ce que le Parti et le peuple ne peuvent en aucun cas admettre[6]. »
30 ans après l’élection de Jiang Zemin au poste de secrétaire général du PCC, de nombreuses rumeurs, répandues notamment par la presse bourgeoise, évoquent sa soi-disant « disgrâce » ainsi que celle des responsables du parti shanghaïen, dans le cadre des campagnes anti-corruption.
Plus concrètement, Xi Jinping présidera le comité funéraire[7] responsable de « l’organisation de la cérémonie pour la mémoire du camarade Jiang Zemin », dans le cadre du processus de deuil national.
30 novembre 2022
[1] http://french.xinhuanet.com/20221130/738ace41f1df4ca5936a34a82c78d9ed/c.html
[2] Conclusions tirées de 40 années d’histoire, Œuvres choisies, Tome I, p.76, accessible ici
[3] Cf. les nombreuses allusion du dirigeant chinois concernant l’importance de « garder à l’esprit notre engagement initial » http://en.qstheory.cn/2022-08/10/c_772079.htm
[4] Transformer notre parti en un détachement d’avant-garde, Œuvres choisies, tome 1, p.106
[5] Se montrer digne du nom de communiste, Œuvres choisies, tome 1, p.46, 47
[6] Intervention faite au 4e plénum du XIIIe Comité Central, Œuvres choisies, Tome I, p.69
[7] http://french.xinhuanet.com/20221130/aca95073f3e04ca9b0241994a55d2fc5/c.html