L’institut de sondage TNS a interrogé les ukrainiens. Et sans surprise ils disent massivement leur opposition aux lois de décommunisation. Dans le même temps à Odessa, les autorités pro européenne viennent d’interdire en cette 70e années de la victoire contre le fascisme l’utilisation du drapeau de la victoire, le drapeau planté au sommet du Reichstag par l’Armée Rouge victorieuse du nazisme, décision symbolique s’il en fallait une de la nature de ce régime installée et soutenu par l’axe euro-atlantique.
Dans le Donbass au contraire, la classe ouvrière affiche sa nostalgie de l’URSS. Ce qui n’est pas sans surprendre des journalistes de la télévision belge (RTBF) qui seraient moins étonnés s’ils faisaient l’effort de s’arracher à la propagande capitaliste occidentale anticommuniste pour faire l’effort de ce se souvenir que les soviétiques – et en particulier en Ukraine – s’étaient prononcé par référendum à une très large majorité pour la poursuite de l’URSS.
L’utilisation de la Bannière de la Victoire est interdite à Odessa (Ukraine)
La branche locale du parti néonazi Svoboda a réussi a faire interdire, par les tribunaux, l’utilisation officielle de la Bannière de victoire – article et traduction Nico Maury
Les néonazis de « Svoboda » ont obtenu la suppression d’une décision du Conseil municipal d’Odessa, qui vise à hisser des bannières rouges sur les bâtiments officiels de la ville le jour de la libération d’Odessa (10 avril) et le Jour de la victoire contre le nazisme (9 mai).
Cette décision de justice est entrée en vigueur le 19 octobre, elle invalide et annule la décision du Conseil municipal d’Odessa № 398-VI du 28.02.2011 « Sur l’utilisation de la Bannière de la Victoire lors des commémorations visant à perpétuer la mémoire de la victoire dans la Grande Guerre patriotique et saluer la libération de la ville-Héro d’Odessa face aux envahisseurs nazis ».
Pour « Svoboda » la loi de décommunisation interdit les symboles du régime communiste. Loi sur la décommunisation est entrée en vigueur le 15 mai 2015, après la validation de cette dernière par le putschiste Petro Porochenko, président de l’Ukraine.
Le groupe TNS (dont la branche française s’appelle TNS-Sofres) vient de publier un sondage qui montre que la majorité des ukrainiens s’oppose à la « décommunisation » des villes – traduction Nico Maury
Plus de la moitié des Ukrainiens sont opposés au changement de nom des villes selon une enquête réalisée par TNS. 53% des personnes interrogées évaluent négativement cette initiative du gouvernement. Dans le même temps, ils ne sont que 28% a approuver la « décommunisation » des villes.
30% des sondés sont fortement opposés à la « décommunistion » et 23% jugent cette démarche négative. Se sont les habitants de l’est de l’Ukraine qui jugent à 44% cette « décommunisation » extrêmement négative alors que dans la région occidentale 26% des sondés jugent cela très positif (contre 13% nationalement).
Sondage réalisé entre le 12 et 19 août 2015 selon la méthode des quotas auprès de 1000 personnes.
Nostalgie de l’URSS chez les rebelles de l’Est de l’Ukraine
Lundi 19 Octobre 2015
Un article de la RTBF qui parle de l’orientation idéologique des Républiques populaires de Donetsk et Lugansk. Cet article de la RTBF, bien qu’orienté, démontre ce que je décrivais là bas, comme disait Boris Litvinov, le « prolétariat du Donbass est en train d’accomplir une révolution populaire »
Trois portraits de Staline trônent dans le centre de Donetsk, « capitale » des rebelles de l’est de l’Ukraine. Dans les régions prorusses en conflit avec Kiev, la nostalgie de l’URSS est bien visible et l’atmosphère parfois très « Back in the USSR ».
« Les portraits de Staline, je trouve ça bien. C’est notre histoire et beaucoup de gens ont oublié qui il était », commente Ekaterina, une étudiante de 22 ans.
Ekaterina ignore manifestement tout de l’horreur des répressions staliniennes et notamment de la famine organisée au début des années trente qui a fait entre 2 et 5 millions de victimes en Ukraine, selon les historiens.
Sous ces portraits grand format dressés devant l’Opéra de Donetsk, est inscrit un slogan célèbre lancé par Staline au début de la Seconde guerre mondiale: « Notre cause est juste. L’ennemi sera détruit. La victoire sera à nous ».
Des portraits de Staline
Dans l’est de l’Ukraine, où la guerre a fait plus de 8000 morts, les journalistes de l’AFP ont souvent vu des portraits de Staline dans le bureau des responsables prorusses.
Le vice-ministre de la défense des rebelles de Donetsk, Edouard Bassourine, qui donnait vendredi une conférence, arborait comme d’habitude sur son uniforme un discret badge avec le profil de Staline.
« Génocide moral »
Le contraste est saisissant avec l’Ukraine où de nouvelles lois promulguées en mai interdisent les symboles soviétiques au même titre que les symboles nazis et prévoient le démantèlement des monuments à la gloire des responsables soviétiques de même que le changement de nom des localités, rues ou entreprises faisant référence à l’époque communiste.
De nombreuses statues de Lénine ont déjà été déboulonnées en Ukraine, suscitant des réactions indignées chez les rebelles: « Vandalisme et barbarie », pour le ministre de la Culture de la « République populaire de Donetsk » Alexandre Paretski. Le « président » de l’autre région séparatiste, la « République populaire de Lougansk », Igor Plotnitski, a dénoncé un « génocide moral ».
A Novoazovsk, à 30 km à l’est de Marioupol sur la mer d’Azov, les rebelles ont solennellement remis sur pied une statue de Lénine déboulonnée quelques mois auparavant quand la ville était sous contrôle des forces ukrainiennes.
Les deux régions rebelles ont fait le choix de s’appeler « République populaire », reprenant l’appellation qui était à l’époque soviétique des pays communistes satellites de Moscou: Bulgarie, Mongolie, Roumanie…
Un avenir radieux
La « République de Lougansk » s’est en outre dotée d’un emblème qui rappelle furieusement celui des anciennes républiques soviétiques: des épis de blé qui se rejoignent au-dessus d’une étoile rouge, sur fond de soleil éclatant, promesse d’un avenir radieux.
« L’URSS était un grand pays et c’est une grande erreur qu’elle ait été détruite par la CIA et d’autres services secrets. L’Europe et d’autres pays en avaient une peur panique », a déclaré le président de la « République de Donetsk » Alexandre Zakhartchenko dans une interview à l’AFP.
L’URSS sert manifestement de modèle dans divers domaines. A Lougansk, le ministre de la famille et de la jeunesse, Stanislav Vinokourov, a demandé aux organisations de jeunesse de s’inspirer « des principes des pionniers et des jeunesses communistes » de l’époque soviétique. Et pour la première fois, Donetsk a officiellement fêté cette année le 19 mai, jour des Pionniers de Lénine.
« C’était bien mieux à l’époque »
Quant aux services de sécurité des deux républiques rebelles, ils s’appellent MGB (ministère de la Sécurité d’Etat), comme la police secrète de Staline de 1946 à 1953.
Lougansk et Donetsk ont par ailleurs célébré en mai le 80e anniversaire de l’exploit du mineur Alexeï Stakhanov qui en 1935, selon la version officielle, avait fourni 102 tonnes de charbon en un jour au lieu des 7 tonnes exigées par la norme.
A Donetsk, une exposition de peintures dans le style du réalisme socialiste rend actuellement hommage à Stakhanov, dont le record a été par la suite mis en doute et considéré comme un moyen de pousser les ouvriers à augmenter la production.
« C’était bien mieux à l’époque. C’était une toute autre vie », soupire Galina, 73 ans, devant les portraits de mineurs sur fond d’usines et d’ouvriers rayonnants en train de lire la Pravda, l’organe du parti communiste soviétique.
Même dans la justice
Dans le domaine de la justice, c’est encore l’URSS qui sert de référence: « C’est le modèle soviétique du Parquet que nous avons adopté à Donetsk », a indiqué début octobre Andreï Spivak, le responsable par intérim de cette institution chargée de veiller au respect des lois et de la Constitution.
Cet engouement pour un passé soviétique idéalisé va de pair avec l’élimination de ce qui dérange: les autorités de Donetsk ont décidé en août le démontage d’un monument aux victimes de la grande famine des années trente en Ukraine érigé dans la ville de Snijne. Et à l’Université de Donetsk, en mai dernier a été enlevé un monument à la mémoire du dissident Vasil Stous, poète et militant pour la culture ukrainienne, mort dans un camp en 1985 à 47 ans.
« Un acte criminel », estime Maria, une retraitée dont la protestation semble bien isolée.
Le « Lénine noir » Ayo Beness s’exprime sur le Donbass
Ayo Beness a 35 ans, il est chercheur en microbiologie. De mère russe et de père ougandais, cet homme public s’est mis à la tête de la branche locale du parti non enregistré l' »Autre Russie » après son déménagement à Londres. Dans son pays natal, en Lettonie, il militait activement pour les droits de la population russophone. Il se considère socialiste, bolchevique et communiste; dans la presse, on l’appelle le « Lénine noir ». Après le début des événements en Crimée, il s’y est rendu avec d’autres membres de son parti. Après le rattachement de la Crimée à la Russie, il est allé dans le Donbass où il lutte maintenant du côté de la République autoproclamée de Lougansk.
En tant que citoyen de la Lettonie, pays membre de l’Union européenne, vous avez passé plusieurs années à Londres. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous rendre d’abord en Crimée puis dans le Donbass?
J’ai appris des médias et de mes camarades du parti l' »Autre Russie » qu’il y avait eu un coup d’État en Ukraine et qu’en février 2014, les participants du soi-disant Euromaïdan avaient renversé le gouvernement légitime de Ianoukovitch. La population de la Crimée, dont 90% est Russe, n’a pas voulu se soumettre à Kiev et a décidé de tenir un référendum sur l’indépendance. Or, les autorités ukrainiennes ont déclaré qu’elles ne prendraient pas en compte les résultats du vote et y répondraient par une action de force. Les unités d’auto-défense ont été rapidement créées en Crimée, et je me suis rendu là-bas pour soutenir la population.
D’où viennent les armes des insurgés?
Au cours des trois premiers mois du conflit, l’armée de Kiev était très faible et agissait de façon maladroite. À cause de ces actions non professionnelles, l’armée ukrainienne a perdu la plupart de ses avions et 65% du matériel militaire. Toutes les armes lourdes que nous avons ont été saisies de Kiev. La plupart se trouvait déjà sur le territoire de la République populaire de Lougansk — il y avait bien des unités militaires. Une partie en est à nous, une autre prise de Kiev.
Quelle est la composition de l’armée des insurgés?
C’est la population locale, les bénévoles, les inter-brigades. Notre organisme public l' »Autre Russie » est en train de former une inter-brigade, et il y a déjà plusieurs milliers de personnes qui se sont inscrites, y compris de la Lettonie, de la Chine, de la France, de la Serbie, de différentes régions de la Russie, du monde entier. De l’Afghanistan, du Brésil et de l’Espagne. Ces bénévoles supportent la gauche et s’opposent à l’impérialisme euro-américain.
Les Européens sont généralement favorables à l’indépendance nationale. Par exemple, lorsqu’on a autorisé l’Écosse à tenir un référendum, l’Angleterre n’a pas envoyé de troupes, elle n’intimidait personne. Même si l’Ukraine affirme adhérer aux standards européens, elle agit de manière complètement opposée en violant ces normes européennes. Et l’Europe ferme les yeux sur cette violence.
Comment, à votre avis, le conflit dans le Donbass va-t-il se développer?
Je suis sûr que dans le futur, Kiev, qui s’est empêtré dans des contradictions de classe, ainsi que dans des contradictions sociales et politiques insolubles, devra lâcher ces territoires. Et il y aura alors un Donbass indépendant et une Nouvelle Russie indépendante. Les Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk auront des relations économiques développées avec la Russie, à l’exemple de l’Ossétie et de l’Abkhazie.
Je crois que pour tenir le coup et devenir un État riche et prospère, une nationalisation est nécessaire. Je suis marxiste-léniniste et je crois que nous devons construire ici une société socialiste. Les gens à qui je parle regrettent tous l’effondrement de l’URSS et disent qu’à l’époque, ils vivaient en bonne entente, qu’il n’y avait pas de guerre. Les Ukrainiens, les Juifs et les Russes étaient frères pour toujours. Après l’effondrement de l’Union, le pouvoir est passé aux mains des groupes nationalistes dont le but était le pouvoir, et l’ennemi le peuple. Certes, l’avenir appartient au socialisme, le programme maximum est la restauration de l’URSS. Je suis sûr qu’à terme, le socialisme gagnera dans toutes les républiques, y compris en Russie. Idéalement, par la voie pacifique, si possible. Plusieurs mines et usines dans le Donbass sont détruites et abandonnées par leurs propriétaires. Elles doivent être toutes nationalisées, comme cela a été fait en Corée du Nord au début des années 1950. Les impérialistes japonais et américains y avaient tout détruit, et il fallait restaurer toute l’industrie en partant de zéro. Je pense qu’ici, ce sera pareil.
En Russie, l’idée de Nouvelle Russie est principalement soutenue par le mouvement nationaliste. En tant que socialiste de gauche, approuvez-vous un tel « voisinage »?
Il faut faire la différence entre les patriotes de Russie et les nationalistes. Moi, je suis un patriote russe qui veut que la Russie soit un État fort et indépendant, capable de faire face aux grandes puissances occidentales mais qui soit, en même temps, en bonnes relations avec les travailleurs de l’Amérique ou de la Grande Bretagne. Mais je suis contre les méthodes de violence, de racisme ou de fascisme.
Nous sommes des patriotes. Tout comme dans l’article de Lénine « Sur la fierté nationale des Grand-Russes » où il disait être fier du fait que c’était le peuple russe qui fut le premier à vaincre les seigneurs et les popes et de construire le premier État socialiste au monde. On ne peut quand même pas qualifier Lénine de nationaliste? Non, c’est le patriotisme russe. L’idée russe c’est, sûrement, la lutte de libération qui a un caractère anti-impérialiste et même anti-colonial. Comme Lénine disait, nous soutenons toujours la libération d’une nation quelconque de l’oppression, de l’exploitation et de la discrimination de la part des grandes puissances. En même temps, notre lutte n’est pas dirigée contre un seul pays colonisateur, mais contre tout le système colonial. Nous ne luttons pas contre l’Ukraine, mais contre les pays de l’Occident qui financent ce régime.
Peut-on parler de la confrontation de deux idées nationalistes — russe et ukrainienne — sur le territoire de l’Ukraine?
Non, je ne le crois pas. Il ne faut pas confondre: de la part de l’Ukraine — c’est le fascisme et le nazisme, et de la part de la Russie — la lutte populaire de libération.
1. Article très riche en éléments de réflexion.
2. « Ekaterina ignore manifestement tout de l’horreur des répressions staliniennes et notamment de la famine organisée au début des années trente ». Peut-être ; mais il est un peu trop tôt pour se prononcer sur le rôle et les responsabilités de Staline (et du Bureau politique : Staline n’était pas tout seul). Les historiens ne sont pas unanimes (voir Annie Lacroix-Riz sur l’holodomor, et Grover Furr (fort mal traduit et présenté) sur le rapport Khouchtchev)