Chroniques Latines
Jean Ortiz
Dimanche, 26 Juillet, 2015 – 10:38
Le crime se prépare, comme en 1973 au Chili de l’Unité Populaire. La campagne de discrédit, de déstabilisation, contre Caracas, s’accélère avec le déchaînement, l’activisme des vraies droites, des fausses gauches, et des médias « libres » internationaux.
Pour le chef d’orchestre, les Etats-Unis, il faut reprendre la main en Amérique latine, notamment afin de mettre en place les Zones de libre-échange transatlantique et transpacifique, vastes entreprises de recolonisation. Cela passe par le renversement, « électoral » et/ou insurrectionnel de la révolution vénézuélienne, pièce maîtresse du puzzle émancipateur continental, et dont la chute provoquerait, selon le gouvernement étatsunien, des « effets domino », des réactions en chaîne. Caracas est en effet l’architecte du système souverain d’intégration continentale, insupportable pour les intérêts géo-économiques de Washington, dans une région qu’il dominait sans partage depuis le 19ième siécle et la « doctrine Monroe » (1823). « L’empire » voudrait en finir avec les « restes du chavisme » : Petrocaribe, l’Alba, l’Unasur, la Celac, les président(e)s Correa, Kichner, Dilma, Morales et Maduro, ces empêcheurs d’impérialiser en rond.
Le crime se prépare contre Caracas, la nouvelle opération « Sortie » se met en place, et la solidarité gronde peu. Rappelons qu’au Venezuela l’essentiel de l’économie est encore aux mains du secteur privé et 80% des médias à l’opposition, que la droite relaie toutes les ingérences extérieures (le néo-franquiste parti Populaire espagnol a proposé que le prix Sakharov 2015 soit attribué à cette droite putschiste vénézuélienne…à défaut de Franco, déjà décédé). Ingérences et provocations s’accélèrent à l’approche des législatives du 6 décembre, notamment en utilisant le différend territorial entre le Venezuela et la Guyana (ex Guyane britannique), au sujet de l’Esequibo. Le gouvernement de la Guyana et son nouveau président David Granger, manipulés, refusent de reconnaître l’accord de Genève de 1966, qui déclare « zone en litige » l’Esequibo.
La campagne d’intox est grassement et salement financée par le lobby pétrolier yankee, par la multinationale pétrolière Exxon Mobil, qui a obtenu de la Guyana des concessions juteuses (« Bloque Starbroke ») dans la zone en litige, et opère, exploite le brut, sans précautions et en toute illégalité.
Caracas s’en tient à une « attitude diplomatique de paix », soutenue par le Mercosur lors de sa récente réunion au Brésil, tout en revendiquant « ses droits historiques » ; mais l’occasion est trop belle pour Washington qui tente de transformer en conflit bilatéral le différend territorial. La sous-secrétaire américaine pour l’hémisphère sud, Roberta Jackson, jette de l’huile sur le feu. Le décret du président Obama considérant le Venezuela comme une « menace pour la sécurité des Etats-Unis », couvre tous les mauvais coups.
La guerre économique (pénuries, accaparement, stockage, détournements, corruption grandissante, spéculation sur la monnaie, inflation importante) se poursuit de plus belle et fatigue la population. Les groupes paramilitaires se préparent... Lorsque le gouvernement se défend, que la justice arrête et juge ceux qui confondent opposition et sédition, la révolution est accusée par les « troïkistes » de là-bas (et d’ici), de « totalitarisme », de « violation des droits de l’homme ». Les séditieux deviennent des « martyrs », des « dissidents », des « prisonniers politiques ». Henry Kissinger reçut le Nobel de la paix après le crime commis au Chili... Un grand classique. Pas de liberté hors du marché. Pas touche au capitalisme, indépassable et bienfaiteur de l’humanité. Les mêmes je vous dis, FMIisés, Merkélisés, qui n’aiment les peuples qu’enchaînés, soumis, bien saignants…
Si nous ne réagissons pas à la hauteur des enjeux, si nous cédons au pilonnage, j’ai peur que demain nous disions : « Qu’elle était belle cette révolution ».