D’après Telesur, traduction GD pour www.initiative-communiste.fr
Le chef de l’opposition, Leopoldo Lopez, dont l’histoire est marquée par la corruption, les tentatives de coup d’État et l’incitation à la violence, n’a été condamné qu’à la détention surveillée.
Leopoldo Lopez, un temps maire de Chacao, un riche district de Caracas, a fait les gros titres l’an dernier, les médias privés le décrivant comme l’une des figures majeures de l’aile la plus radicale de l’opposition au Venezuela.
Lopez a été arrêté et condamné par le bureau de la procureure générale Luisa Ortega pour avoir appelé, préparé puis encouragé de violents barrages dans le pays ; une violence qui a coûté la vie à 43 personnes, en a blessé des centaines et causé des milliards de dollars en dommages aux bâtiments et aux infrastructures publics.
Il est devenu depuis la figure célèbre de l’establishment politique de la droite latino-américaine. Récemment, un certain nombre de présidents à la retraite, y compris ceux qui ont laissé un héritage douteux dans leur pays, comme le Mexicain Felipe Calderon, le promoteur de la guerre contre la drogue qui a causé plus de 100.000 morts et le partisan milliardaire de Pinochet, Sebastian Piñera, sont sortis du bois pour exiger la libération de Lopez.
Sa femme, Lilian Tintori, est elle-même devenue une étoile montante de l’opposition, parcourant le monde pour rencontrer d’éminents alliés politiques, dont le président étasunien Donald Trump et le président de l’Organisation des États américains Luis Amalgro, appelant non seulement à la libération de son mari mais également à la destitution de Nicolas Maduro.
Lopez a été assigné à résidence par la Cour suprême, invoquant des complications de santé.
Au-delà des photographies et des discours creux sur les « droits de l’homme », Lopez a une histoire longue et sordide dans la politique vénézuélienne, qui contredit ceux qui le présentent comme un démocrate et encore plus comme un prisonnier politique.
Leopoldo Lopez vient d’une longue lignée de la classe politique au Venezuela. Parmi les nombreux membres de sa famille qui ont occupé de hautes fonctions, son grand-père a été pendant deux ans secrétaire à l’Agriculture dans les années 1940 et il est aussi l’arrière-arrière-arrière-petit-fils du premier président du pays, Cristobal Mendoza.
Lopez, âgé aujourd’hui de 46 ans, a étudié dans des écoles privées de la Ivy League aux États-Unis après avoir obtenu son diplôme comme interne dans l’école privée Hun School de Princeton dans le New Jersey, ainsi qu’à la Kennedy School gouvernementale de l’Université Harvard.
Selon ses dires, et à son crédit, longtemps avant que le mouvement Occupy ait popularisé le terme, Lopez a reconnu ses propres origines de classe. « J’appartiens au 1% de privilégiés, et avoir fait de bonnes études me permettra, j’espère, de faire quelque chose pour aider mon pays », déclarait Lopez à un journal étudiant alors qu’il étudiait à Princeton.
Pendant ses études aux États-Unis, Lopez a co-fondé Primero Justicia (Justice d’abord) en 1992, devenu un parti politique en 2000 et un bastion de l’opposition de droite, fournissant des dirigeants comme Julio Borges et Henrique Capriles Radonski.
Après avoir terminé ses études aux États-Unis, Lopez est retourné au Venezuela, occupant un poste lucratif d’analyste dans la compagnie pétrolière publique Petroleos, la PDVSA, entre 1996 et 1999. Durant cette période, la compagnie semi-privatisée était une aubaine pour des gens comme Lopez qui avaient des liens avec l’establishment politique vénézuélien. Une enquête a conclu que Lopez « a volé de l’argent et pratiqué le trafic d’influences », détournant des fonds pour son mouvement politique. Les actes de Lopez ont conduit à ce qu’il soit suspendu de son poste.
Mais avant sa suspension, Lopez a été élu maire de Chacao, la plus riche des cinq municipalités de Caracas. Dans une ville tentaculaire avec des constructions improvisées très denses, Chacao est un témoin de la division spatiale des classes, enregistrant un taux de pauvreté de 4.67% seulement, selon le recensement de 2011.
À cette époque, le regretté Hugo Chavez a été élu président, et des réformes, modestes mais significatives, ont commencé à se mettre en place. Depuis le tout début du processus bolivarien, Lopez a pris position contre le gouvernement de Chavez et les réformes redistributives qu’il avait lancées.
Selon la journaliste d’investigation Eva Golinger, Lopez a commencé en 2002 à faire de fréquents voyages à Washington, D.C., pour « se rendre au siège de l’International Republican Institute (IRI – Institut républicatin international) et y rencontrer des fonctionnaires de l’administration Bush ». L’IRI, l’une des trois fondations du mal nommé National Endowment for Democracy (NED), a injecté des dizaines de millions de dollars au profit des groupes d’opposition au Venezuela, y compris Justice d’abord.
Un dirigeant potentiel de l’opposition pro-US
En avril 2002, Lopez faisait partie de ceux qui dirigeaient une marche d’opposition qui a été déroutée sur le Palais Miraflores de Caracas, où manifestaient également des milliers de partisans du président. Des douzaines de gens ont été tués dans les affrontements qui ont suivi, dont il a été démontré que c’était un massacre prémédité et orchestré pour justifier le coup d’État et l’enlèvement du président Chavez.
Les jours suivants, Lopez a participé à une chasse aux sorcières parmi les fonctionnaires du gouvernement Chavez, jusqu’à détenir illégalement le ministre de l’Intérieur et de la Justice, Ramon Rodriguez Chacin. Il est étonnant de se rappeler que Lopez a fait cela tout en occupant sa fonction de maire. En outre, Lopez a joué un rôle déterminant avec ses complices conspirateurs du coup d’État, par exemple Capriles, dans la préparation et la perpétration de violentes attaques contre l’ambassade cubaine.
S’il n’avait pas bénéficié de l’amnistie accordée par le président Chavez lui-même, Lopez aurait été condamné à purger une longue peine d’emprisonnement.
Roberto Lovato, écrivant dans le magazine Foreign Policy, a relevé : « En 2005, une enquête du contrôleur général a découvert que la mère de Lopez (Antoinette Mendoza) avait acheminé en 1998 US$120.000 de dons de l’entreprise PDVSA au profit de Justice d’abord au moment même où elle et Lopez travaillaient dans la société, en violation des lois anti-corruption. » Justice d’abord est un parti d’opposition de droite auquel Lopez a appartenu jusqu’en 2007. Au terme de l’enquête, Lopez a été suspendu de son poste entre 2005 et 2008.
Une autre enquête a déterminé que Lopez était coupable de mauvaise gestion de fonds pendant son mandat de maire de Chacao. Ces deux éléments ont interdit à Lopez d’occuper un poste politique, mais seulement jusqu’en 2014 – de nouveau une peine légère, en comparaison de la plupart des autres.
À ce stade, même ses alliés à Washington ont commencé à exprimer des réserves, selon des câbles publiés par WikiLeaks. Le personnel de l’ambassade des États-Unis à Caracas a qualifié Lopez d’« arrogant, rancunier et assoiffé de pouvoir », ce qui faisait de lui « un personnage controversé de l’opposition ».
Peu après sa suspension, Lopez a rompu avec l’opposition, fondant un nouveau parti d’opposition, La Volonté du peuple.
Radicalisation à droite
En 2011, Lopez s’est présenté comme candidat à la présiden-ce avant de retirer son nom de la liste puisqu’il était encore inéligible en raison des accusa-tions de corruption contre lui. Son parti, lancé en grande fanfare, est arrivé à la quatrième place dans la coalition d’opposition.
Cette même année, il a rencontré à de nombreuses reprises l’ancien président colombien Alvaro Uribe, prétendument pour lui demander des « conseils » sur la « sécurité ». Uribe, qui avait reconnu ouvertement travailler à l’échelle du continent contre les gouvernements de gauche, a été interrogé par le Sénat colombien pour ses liens présumés avec des groupes paramilitaires accusés d’atrocités de masse. La propre administration d’Uribe était entachée de violations des droits de l’homme, y compris le tristement célèbre scandale des « faux positifs », ainsi que de violations de droits humains tels que l’espionnage de juges, de politiciens de l’opposition et d’autres.
Après de nombreuses tentatives de renverser le gouvernement bolivarien, la « soif de pouvoir » de Lopez, comme disait le personnel diplomatique étasunien, l’a peut-être emporté.
Après la victoire électorale de Nicolas Maduro en avril 2013, les membres de l’opposition ont de nouveau commencé à planifier d’autres voies pour s’emparer du pouvoir.
En octobre 2013, Lopez est retourné sur ses anciens terrains aux États-Unis, où il a discuté avec des expatriés vénézuéliens et a remis à Jose Colina un prix pour sa prétendue activité en faveur des droits de l’homme. Colina est recherché au Venezuela, où il est accusé d’avoir placé des bombes dans différents bâtiments à Caracas, y compris dans les consulats de Colombie et d’Espagne, pendant le coup d’État de 2002 auquel Lopez avait aussi participé.
Lors de la rencontre, Lopez a parlé de la « sortie » du gouvernement élu, trois mois avant que les membres de l’opposition ne lancent des manifestations violentes à Caracas sous le même slogan.
« Nous devons accélérer la sortie du gouvernement […] Nicolas Maduro doit quitter tôt ou tard le gouvernement vénézuélien. Nicolas Maduro et tous ses partisans », a dit Lopez. « De mon point de vue, la méthode est secondaire, l’important est notre détermination à atteindre nos objectifs, à n’importe quel prix. »
En décembre 2013, les candidats de l’opposition ont subi une défaite décisive aux élections municipales, les candidats socialistes et leurs alliés obtenant plus de 75% des municipalités, ainsi que 55% au vote global.
Piqué par une nouvelle défaite dans les urnes, Lopez a commencé à répéter son appel à la « sortie » du gouvernement élu. Son alliée et rivale dans l’opposition (compte tenu de la lutte pour le commandement qui se joue au sein de l’opposition dont les divisions sont célèbres), a elle aussi rejoint le chœur demandant la « sortie » du gouvernement Maduro.
À la fin de janvier, la mort d’un étudiant à Merida – tué par des bandes criminelles – a été l’excuse pour des barrages de l’opposition exigeant plus de sécurité sur les campus universitaires. Quelques personnes ont attaqué la maison du gouverneur chaviste de Merida alors que lui et sa famille étaient à l’intérieur, provoquant des arrestations.
Lopez et Machado ont sauté sur l’occasion, appelant la jeunesse à prendre les rues pour exiger la libération des « étudiants » arrêtés. Le 12 février, des milliers de gens, dont des étudiants, sont descendus dans les rues de Caracas et d’autres villes, à la fois pour et contre le gouvernement. Les protestations de l’opposition sont cependant devenues violentes, des manifestants attaquant des bâtiments publics officiels, dont le Ministère public, où ils étaient censés terminer leur marche.
Dans la mêlée, un étudiant a été tué par un membre des forces de sécurité, bien que celles-ci aient reçu l’ordre de ne pas s’en prendre aux manifestants.
Les jours suivants, Lopez a réclamé avec encore plus d’insistance une « sortie » du gouvernement, exhortant à la « résistance » contre ce dernier, une résistance qui à ce stade commença à prendre la forme de « Guarimbas », ou de barricades violentes dans les rues.
Sur ces barricades, souvent construites avec du matériel provenant des infrastructures publiques détruites, comme les feux de signalisation ou des arbres, les manifestants attaqueraient les officiers et les agents de police ainsi que quiconque tenterait de traverser ou d’enlever les barricades. Dans certains cas, un fil était placé aux carrefours à hauteur du cou afin de viser les motocyclistes, un moyen de transport courant au Venezuela. Un motocycliste a été tué après que le fil lui a tranché le cou.
Malgré le nombre croissant de morts et la violence persistante, Lopez a insisté pour que les gens poursuivent leur effort pour chasser Maduro. Lors d’une interview à l’époque, alors qu’on lui demandait quand les manifestations de l’opposition cesseraient, Lopez a répondu : « Lorsque nous réussirons à chasser ceux qui nous gouvernent. »
La plupart des 43 personnes mortes dans les violences qui ont suivi les appels de Lopez à manifester ont été tuées sur les guarimbas, ou les barricades, y compris par des tireurs isolés.
Depuis lors, des victimes de violence dans les manifestations, dont les membres des familles de certains tués, se sont organisées pour attirer l’attention sur ceux qui restent sans visage et sans nom après ces exactions.
Jusqu’ici, elles ont été largement ignorées par ceux qui estiment que c’est Lopez – que les chavistes considèrent comme un croisé de la démocratie réservée au 1% du Venezuela – qui est la victime dans cette affaire.
Au milieu d’une nouvelle vague de violentes protestations de la droite, qui a tué plus de 90 personnes, les responsables ont déclaré qu’ils espèrent que la condamnation de Lopez à une assignation à résidence sera un motif pour l’opposition de lancer des appels à la paix et au dialogue. Étant donné cependant les nouveaux visages du radicalisme dans la coalition de la MUD (Table de l’unité démocratique) et leurs appels stridents à créer le chaos jusqu’à la chute de Maduro, seul le temps dira si ce n’est qu’un vœu pieux.
Cet article est la version mise à jour d’un texte publié à l’origine en 2015.