Ce 10 janvier, malgré les menaces des régimes à la botte de Washington menaçant de coup d’État le Venezuela, suite au vote démocratique et souverain du peuple vénézuélien, le président réélu du Venezuela Nicolas Maduro débutera son second mandat, conformément à la constitution du pays.
Le Parti Communiste Vénézuélien soutient Nicolas Maduro
Le Parti Communiste du Venezuela (PCV) condamne les agressions du soi-disant groupe de Lima contre le Venezuela. Les communistes réaffirment leur soutien à la défense de la souveraineté du Venezuela et à son Président Nicolas Maduro
« Le PCV rejette fermement le document publié par le soi-disant Grupo de Lima, un document qui viole toutes les règles du droit international de tous les pays », déclare Yul Jabour , chef du secrétariat propagande-agitation du Comité central du Parti communiste.
Vendredi dernier, le groupe de Lima, une coalition formée de gouvernements de droite d’Amérique Latine, a publié une déclaration dans laquelle ils rejettent le nouveau mandat du président Nicolás Maduro qui débutera le 10 janvier et exhortent à renverser ce dernier.
Yul Jabour souligne que face à ces attaques, le PCV « réaffirme son engagement à défendre la patrie pour œuvrer à la grande unité anti-impérialiste ».
Le Parti communiste accompagnera Nicolás Maduro, le 10 janvier, pour son serment qui ouvrira la nouvelle période constitutionnelle 2019-2025.
Interview de Tania Diaz vice-présidente de l’Assemblée Constituante par Radio France Internationale
RFI : Le président Nicolas Maduro va entamer ce jeudi son second mandat à la tête de la République vénézuélienne après avoir prêté serment devant le Tribunal suprême de justice. Mais sa légitimité est remise en question par une bonne partie de la communauté internationale, ainsi que par divers secteurs de la société vénézuélienne. Que leur répondez-vous ?
Tania Diaz : En tant que première vice-présidente de l’Assemblée constituante, je dois m’en tenir à ce que dit la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. Le président Nicolas Maduro a été élu avec la majorité du vote populaire. Au Venezuela, on respecte les règles en vigueur, on respecte la Constitution. Ce scrutin a bénéficié de la participation de divers partis, dont l’opposition – il y avait quatre candidats lors de ce scrutin- et Nicolas Maduro a obtenu plus de 67% des voix, raison pour laquelle il doit prêter serment Concernant la question de sa légitimité posée par une grande partie de la communauté internationale, je pense qu’il faudrait d’abord savoir ce que l’on entend par « communauté internationale ».
Pour l’instant on assiste à la prise de position d’un groupe qui se fait appeler le Groupe de Lima, qui n’est rien d’autre qu’un ensemble de gouvernements qui sont d’ailleurs discrédités dans leurs propres pays. Comme ils ne sont pas parvenus au niveau de l’OEA (l’Organisation des États d’Amérique) à faire passer des sanctions contre le Venezuela (l’activation de la charte démocratique interaméricaine de l’OEA), ils ont décidé de créer un groupe afin de s’en prendre au Venezuela. Pour moi, il ne s’agit pas de la « communauté internationale ». Ce n’est qu’un conglomérat de gouvernements de droite qui parle du Venezuela et qui n’a aucun lien avec des institutions internationales ou la vraie communauté des Nations. Personne, aucun pays, ni aucun gouvernement étranger (et j’imagine que c’est la même chose en France) ne peut remettre en question la légitimité du président du Venezuela. Seul le peuple vénézuélien a le droit de remettre en cause cette légitimité. Un peuple qui a élu Nicolas Maduro à deux reprises et qui en le choisissant, a décidé de poursuivre avec le plan de gouvernance mis en place par le commandant Hugo Chavez lors de sa dernière élection. Ce choix a été validé à l’occasion d’élections libres, démocratiques, ouvertes et légitimes par les Vénézuéliens et les Vénézuéliennes.
Je pense que ces attaques de la part de ces gouvernements s’inscrivent dans une stratégie qui vise à faire vaciller les institutions vénézuéliennes, pas seulement le président Nicolas Maduro, et dont le but final est d’intervenir dans le pays pour piller les immenses réserves en minerais du Venezuela. Ce pays est la première puissance pétrolière au monde, il dispose d’une réserve de 300 milliards de barils, c’est-à-dire du pétrole pour encore 300 ans. C’est aussi le cinquième pays en matière de réserve de gaz, le deuxième pour l’or, il y a de tout, des terres cultivables, de l’eau, du fer, des diamants. C’est ce qui explique ces attaques de la part de ces gouvernements.
RFI : Mais il n’y a pas que le Groupe de Lima. Cette semaine encore par exemple, l’Union européenne a réclamé l’organisation d’élections « libres et justes » au Venezuela estimant que celle qui a permis à Nicolas Maduro d’être élu pour un second mandat n’était pas « crédible » ?
C’est la même chose que les pays du Groupe de Lima ou que n’importe quel autre pays qui refuserait de reconnaître un scrutin que nous, Vénézuéliens, avons reconnu. C’est de l’ingérence ! Il s’agit d’ingérence dans les affaires internes d’une autre nation, ce qui contrevient à ce qui est stipulé dans la charte des Nations unies que ce soit pour le Venezuela ou n’importe quel autre pays du monde. Le président vénézuélien a tout de même obtenu un pourcentage de vote bien plus important que le président français. En ce moment les Français sont dans les rues, en train de manifester pour des raisons légitimes. La ville lumière qu’est Paris est à l’heure actuelle déstabilisée. On voit des scènes de violence, des personnes arrêtées, une répression de la part des forces de l’ordre et personne ne dit qu’Emmanuel Macron doit quitter la présidence. Expliquez-moi la différence ? Pourquoi permettrait-on aux Français de choisir leur destin et au Venezuela on essayerait de nous mettre d’une certaine manière sous tutelle ? Ici, nous avons connu l’indépendance, dirigée par Simon Bolivar qui a libéré cinq pays de ce continent. Personne n’a le droit de remettre en cause ce qui se passe au Venezuela. C’est ce que l’on appelle de l’ingérence. Il s’agit d’attaques contre notre pays pour venir nous piller, c’est de l’impérialisme, peu importe d’où cela provient.
Quelles sont les attentes de l’Assemblée constituante pour ce second mandat du président Nicolas Maduro ?
Tout d’abord nous attendons du respect. Que l’on respecte la souveraineté du Venezuela. Que l’on respecte le droit des Vénézuéliens à choisir le gouvernement qui nous convienne, celui que l’on souhaite. Qu’on respecte les lois de la République. Que l’on respecte la citoyenneté vénézuélienne au Venezuela ou dans n’importe quelle autre partie du monde. Car nous sommes victimes de harcèlement, de xénophobie, fruit d’une campagne que les pouvoirs factices mondiaux ont menée contre nous pour mettre la main sur les 300 milliards de barils de pétrole dont nous disposons. C’est ce qu’ils ont fait en Libye, c’est ce qu’ils sont en train de faire en Syrie. Voilà pourquoi ils tentent de déclencher une guerre au Venezuela. Quelle est la première option de cette Assemblée constituante : garantir la paix. C’est ce à quoi nous nous attelons depuis le début. Ensuite, nous allons suivre le « Plan de la Patrie », un programme pour un rétablissement de l’économie qui a été lancé l’année dernière par Nicolas Maduro. Un programme qui est en cours de développement et dont on va commencer à récolter les bénéfices cette année. Nous devons mettre en œuvre une planification de l’économie alors que nous sommes assiégés.
Je veux que les auditeurs européens comprennent que la situation économique au Venezuela est une conséquence des directives prises par Barack Obama et qui ont été maintenues par Donald Trump. Il y a par exemple des laboratoires pharmaceutiques qui refusent de nous vendre des médicaments parce que nous sommes sanctionnés par les États-Unis, ou encore des intermédiaires financiers qui ont confisqué de l’argent public vénézuélien (1,3 milliard de dollars par exemple confisqués par Euroclear). Des sommes destinées à l’achat de produits de première nécessité et de médicaments pour le peuple vénézuélien qui ont été confisquées, pour ne pas dire volées. C’est de l’argent public vénézuélien ! Autre exemple : une banque anglaise refuse de nous rendre l’or vénézuélien pour les mêmes raisons. Vous voyez : cette crise n’est pas le fruit d’une mauvaise gestion, mais la conséquence d’un blocage commercial et financier contre la République bolivarienne du Venezuela et contre son peuple. C’est une crise économique contre le peuple vénézuélien ! En agissant de la sorte, ils nous empêchent d’accéder au bien-être social que nous avions atteint durant la Révolution bolivarienne. Hugo Chavez a permis à des millions de Vénézuéliens de sortir de la pauvreté. Il leur a donné accès à une éducation totalement gratuite, à un système de santé gratuit. Et tout cela est bloqué en ce moment à cause du harcèlement dont nous sommes victimes, et des sanctions. C’est l’un des autres défis qui nous attendent. Nous disposons des moyens pour y parvenir. Nous avons un peuple formé, une jeunesse universitaire formée et nous avons également des alliés dans le monde, car la communauté internationale ne se résume pas à l’Union européenne et au Groupe de Lima. Enfin, nous avons aussi pour mission de transformer l’État, nous devons avancer vers un État plus révolutionnaire, mettre en œuvre un nouveau cadre législatif et rédiger une nouvelle Constitution. Voilà les défis qui nous attendent pour ce second mandat.
Tout comprendre à la nouvelle offensive contre le Venezuela
L’investiture de Nicolas Maduro, ce jeudi 10 janvier, provoque déjà des remous politiques et médiatiques. Élu le 20 mai 2018, le président du Venezuela doit faire face à une opération concertée et planifiée des États-Unis et de leurs alliés. Prenant pour prétexte initial les conditions électorales qui ont permis la victoire de Mr Maduro, une poignée de gouvernements, repeinte pour l’occasion en « communauté internationale » par le truchement des transnationales de la communication, a décidé d’augmenter d’un cran la pression sur le Venezuela bolivarien.
Comme c’est devenu une habitude dans le cas du Venezuela, la plupart des médias dominants se vautre dans les infox et oublie jusqu’au sens même de la déontologie journalistique.
Il convient, pour le lecteur scrupuleux et avide de démêler le vrai du faux, d’exposer les faits, de revenir sur les conditions de l’élection de M. Maduro, et d’analyser la stratégie de Washington pour punir un Peuple jugé, depuis maintenant 20 ans, trop rebelle et encombrant.
Des prétextes fallacieux pour une nouvelle offensive politique
Dans ce nouveau scénario de déstabilisation du Venezuela, les justifications principales invoquées par les gouvernements opposés à Caracas tournent toutes autour des conditions de l’élection de Nicolas Maduro en mai dernier.
Afin de comprendre ces prétextes fallacieux, il nous faut revenir un peu en arrière.
En mai 2016, quelques mois après la victoire de l’opposition aux élections législatives, un processus de dialogue entre le chavisme et ses opposants a débuté en République Dominicaine. Une série de 150 réunions, sous l’égide de l’ancien président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, de l’ex président de la République Dominicaine, Leonel Fernandez et l’ex président du Panama, Martin Torrijos, a abouti en janvier 2018, à la rédaction d’un accord portant sur la convocation à une élection présidentielle anticipée ainsi que sur ses garanties électorales.
Or comme l’a souligné Jorge Rodriguez, chef de la commission de dialogue pour le gouvernement : «Tout était prêt [pour la signature de l’accord] jusqu’au pupitre où nous devions faire nos déclarations officielles. Et puis, dans l’après-midi, Julio Borges, l’ancien président de droite de l’Assemblée nationale, a reçu un appel téléphonique de la Colombie de l’ancien secrétaire d’État américain, Rex Tillerson (…) L’opposition nous a alors annoncé qu’elle ne signerait pas l’accord. De retour à Caracas, José Luis Rodriguez Zapatero a envoyé une lettre à l’opposition pour lui demander quelle était son alternative dès lors qu’elle refusait de participer à une élection présentant les garanties sur lesquelles elle avait elle-même travaillé” (1).
L’opposition vénézuélienne se scinde sur la stratégie à adopter. Alors que sa frange la plus radicale décide de ne pas participer, la partie de l’opposition qui n’a pas renoncé à reconquérir le pouvoir par la voie démocratique présentera un candidat, Henri Falcón. Deux autres prétendants participeront à cette élection (2). Il est donc tout simplement faux de prétendre que l’opposition a boycotté ce scrutin ou que Nicolas Maduro s’est présenté tout seul (3). Il s’agit là d’une story-telling obéissant à des desseins politiques bien peu démocratiques.
Un système électoral transparent et démocratique
Une des rengaines de Washington et de ses satellites latino-américains ou européens est d’affirmer que les élections au Venezuela ne s’alignent pas sur les standards internationaux en la matière. Ce qui est évidemment faux, mais nécessaire dans ce processus politico-médiatique visant à ne pas reconnaître la légalité de l’élection du 20 mai 2018, et la légitimité du résultat. Pour saisir l’hypocrisie de ces gouvernements sur le pied-de-guerre, attardons nous un instant sur les conditions électorales offertes au Peuple vénézuélien depuis l’approbation par référendum de la Constitution bolivarienne, le 15 décembre 1999. Notre lecteur pourra aisément se faire une idée de la transparence des élections au Venezuela en comparant ces mécanismes électoraux avec ceux à l’œuvre dans son propre pays.
Au Venezuela, pour éviter les fraudes, les élections ne sont pas organisées par l’exécutif via le ministère de l’intérieur. La Constitution de 1999, qui reconnaît l’existence de cinq pouvoirs indépendants – l’exécutif, le législatif, le judiciaire, le moral et le pouvoir électoral- laisse à ce dernier la tâche d’organiser les processus électoraux, en fonction de la Loi organique des processus électoraux.
Ce cadre légal, adopté en 2009, n’a pas été modifié depuis (4). Il a notamment permis l’élection de multiples représentants de l’opposition à des pouvoirs publics. Aucun d’entre eux n’a d’ailleurs jamais émis de doute sur le bon déroulement du suffrage qui l’a donné vainqueur, et l’opposition n’a elle-même jamais remis en cause le cadre légal des processus électoraux. Ce qu’elle aurait pourtant pu faire au moyen d’un référendum d’initiative citoyenne, prévu pour abroger des lois par l’article 74 de la Constitution. Elle s’est toujours contentée de dénoncer les résultats des élections lorsqu’elle perdait, ou préventivement lorsqu’elle savait qu’elle allait perdre.
En ce qui concerne le vote des citoyens (5), le Venezuela utilise un double système électronique et manuel. Lorsqu’on entre dans le bureau de vote, on s’identifie aux assesseurs avec sa carte d’identité et l’on active la machine à voter au moyen d’une reconnaissance biométrique. Il est donc impossible de voter deux fois. Après avoir choisi le candidat de son choix, la machine à voter émet un ticket avec le nom du candidat, que l’électeur place dans une enveloppe et dépose dans une urne. Pour finir, après avoir signé le registre électoral, il trempe son petit doigt dans de l’encre indélébile pour s’assurer une deuxième fois qu’il ne répétera pas son vote.
« Ces garanties pour blinder le résultat a conduit l’ancien président étasunien Jimmy Carter à définir le système électoral vénézuélien comme étant le meilleur du monde »
Dans les jours précédant l’élection, Le Centre National Electoral (CNE), organe recteur du pouvoir électoral, convoque tous les partis politiques participants à l’élection à une série de 14 audits préalables. Ainsi, sont mis à l’épreuve les listes d’électeurs, le logiciel utilisé pour la collecte des données électorales, les machines à voter ainsi que leur mode d’assemblage, le système biométrique de reconnaissance des électeurs, l’encre indélébile, le réseau de transmission des données électorales ainsi que le système de totalisation des données (6). Des observateurs de chaque parti politique participent à ces différents audits précédant le vote des citoyens. Chaque étape doit être approuvée préalablement par tous les participants pour assurer la plus grande transparence de l’élection. Et de fait, elles ont toujours été acceptées jusqu’à maintenant. Ajoutons à cela que tous les partis politiques en présence ont le droit de postuler leurs partisans comme assesseurs, ainsi que de faire participer les observateurs nationaux et internationaux de leurs choix à la surveillance des bureaux de vote.
Le soir des résultats, le CNE procédera à un nouvel audit où seront tirés au sort, devant les responsables des différents partis, 54.4% (au minimum selon la loi) des bureaux de vote où l’on vérifiera le résultat électronique. Il s’agira alors de comparer les résultats obtenus dans l’urne après dépouillement avec le résultat électronique. Jamais une erreur n’a été détectée au cours des multiples processus électoraux.
Ces garanties pour blinder le résultat a conduit l’ancien président étasunien Jimmy Carter à définir le système électoral vénézuélien comme étant « le meilleur du monde » (7). Ce sont les mêmes procédures qui ont assuré la transparence de toutes les élections au Venezuela, que ce soit par exemple, pour les élections législatives du 5 décembre 2015 (gagnées par l’opposition) ou pour l’élection présidentielle du 20 mai 2018 (gagné par le Chavisme).
Comme on peut le voir, le Venezuela apporte plus de garanties électorales que dans de nombreux pays occidentaux, pour ne pas parler des pays du groupe de Lima. La transparence de l’élection de Nicolas Maduro a d’ailleurs été validée par plus de 2000 observateurs internationaux provenant notamment de la Communauté Caribéenne (Caricom), de l’Union Africaine et du Conseil des Experts Électoraux Latino-Américains (Ceela).
Au vu de ce système, on comprend aussi pourquoi une partie de l’opposition a refusé de se présenter à une élection qu’elle aurait perdue. Accepter de participer aux élections revient à s’associer aux audits et à valider la transparence du système électoral vénézuélien. Ce refus de prendre part au processus démocratique a ouvert la voie à la tentative de déstabilisation que nous voyons aujourd’hui.
Au soir de l’élection présidentielle
Au-delà des garanties électorales, les pays qui contestent la légitimité du président vénézuélien s’emploient à critiquer les résultats de l’élection présidentielle. Une fois encore, il ne s’agit que d’un prétexte pour légitimer la déstabilisation du Venezuela. Attardons nous un instant sur ces résultats.
L’élection présidentielle au Venezuela est une élection au suffrage universel direct à un tour. Le président est élu non pas en fonction d’accords parlementaires ou par le choix de “grands électeurs” mais directement par le Peuple.
Le 20 mai 2018, 9.389.056 électeurs se sont exprimés dans les urnes, soit 46,07% des citoyens inscrits sur les listes électorales. Le taux d’abstention élevé est encore aujourd’hui utilisé par les adversaires de la Révolution Bolivarienne pour disqualifier la victoire de Nicolas Maduro. Bien évidemment aucun de ces critiques ne mentionnera les dizaines de sanctions financières et de rétorsions à l’économie du pays depuis 2014 (8). Une persécution qui a fortement découragé nombre de vénézuéliens, et a augmenté leur défiance face à une solution électorale de sortie de crise. De plus, l’appel au boycott des urnes par plusieurs partis de l’opposition a eu aussi une conséquence sur le taux de participation.
Malgré cela, 30,45% des électeurs inscrits ont voté pour Nicolas Maduro au premier tour. Soit un résultat supérieur à ceux du président chilien Sebastián Piñera (26,5%), du président argentin Mauricio Macri (26,8%) ou du président Donald Trump (27,20%). Sans parler des scores réalisés au premier tour par le président colombien (21%) ou par le président Emmanuel Macron (18,19%). Personne évidemment ne conteste la légitimité de leurs élections malgré la faible proportion d’électeurs qui les a choisis.
Une stratégie coordonnée et planifiée depuis Washington
Dès l’élection de Nicolas Maduro, les Etats-Unis vont renforcer la coalition contre le Venezuela dans la région. Le 27 juin 2018, le vice-président étatsunien, Mike Pence, annonçait déjà la couleur depuis le Brésil : “La liberté et la démocratie seront restaurés au Venezuela. Les États-Unis demande au Brésil d’adopter une attitude ferme contre le régime de Nicolas Maduro” (9). Lui faisant écho, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, affirmera, le 21 septembre 2018, que les Etats-Unis “continueront d’accroitre le niveau de pression” contre le pays bolivarien. Ce même Pompeo réalisera plusieurs rencontres avec les responsables des gouvernements brésiliens, péruviens et colombiens afin de préparer l’opération du 10 janvier.
« Le document approuvé à Lima est une véritable déclaration de guerre »
Mais c’est la réunion du Groupe de Lima, tenue le 4 janvier 2019, qui va véritablement définir le scénario. Au cours de ce cénacle, les gouvernements membres de cette internationale anti-bolivarienne (10), se sont accordés sur une série d’actions à mener contre Caracas. Notons que le gouvernement mexicain, désormais dirigé par le président progressiste Andrés Manuel López Obrador, n’a pas souscrit à ce document et a réaffirmé la volonté de son pays de ne pas s’immiscer dans les affaires internes d’une autre nation, tranchant avec les positions bellicistes du gouvernement précédent et du groupe de Lima.
Le document approuvé à Lima est une véritable déclaration de guerre (11). En présence du secrétaire d’État des États-Unis (par visio-conférence), les gouvernements opposés à la Révolution Bolivarienne se sont entendus pour augmenter la pression diplomatique contre le Venezuela, et persévérer dans leur intention de faire ouvrir une enquête à la Cour Pénale Internationale contre l’État vénézuélien. Une demande soutenue d’ailleurs par la France (12).
Les membres du groupe de Lima condamnent la crise économique au Venezuela mais adoptent une résolution pour renforcer le blocus financier contre ce pays. Le texte adopté prévoit d’établir des listes de personnalités juridiques avec lesquels ces pays « ne devront pas travailler, devront empêcher l’accès à leur système financier, et si nécessaire congeler leurs actifs et ressources économiques ». De même, la résolution oblige les pays membres du groupe de Lima à faire pression sur les organismes financiers internationaux auxquels ils appartiennent pour empêcher l’octroi de nouveaux crédits à la République Bolivarienne du Venezuela.
Plus surprenant encore, cette déclaration commune exige que le gouvernement « de Nicolas Maduro et les Forces Armées du Venezuela renoncent à tous types d’actions qui violeraient la souveraineté de ses voisins ». Cette accusation se base sur une réaction récente du Venezuela à une exploration pétrolière autorisée par le Guyana dans une zone territoriale réclamée par les deux nations voisines (13). Il s’agit là encore d’un prétexte qui fait écho à des faits dénoncés par le président du Venezuela, le 12 décembre 2018.
Lors d’une allocution télévisée, Nicolas Maduro avait dévoilé la présence de 734 mercenaires sur les bases militaires d’Eglin en Floride et de Tolemaida en Colombie. Leur but étant d’agresser le Venezuela ou de préparer une attaque sous faux drapeau dans l’objectif de justifier une intervention militaire contre la nation bolivarienne. Mr Maduro révèlera aussi que le conseiller national à la sécurité des États-Unis, John Bolton a incité le nouveau vice-président brésilien, Hamilton Mourão, à organiser des provocations militaires à la frontière avec le Venezuela (14). La déclaration du Groupe de Lima semble donc renforcer les suspicions d’agression émises par l’État vénézuélien.
Après avoir rappelé que l’élection de Nicolas Maduro était illégitime, le groupe de Lima exhorte le président vénézuélien à ne pas assumer la présidence et à « transférer le pouvoir exécutif, de manière provisionnel, à l’Assemblée nationale ». Peu importe que Nicolas Maduro ait été élu grâce au même système électoral qui a permis l’élection du pouvoir législatif. Le but recherché par Washington et ses alliés n’est pas d’ordre démocratique, il est politique : remettre l’opposition à la tête du pays pétrolier.
Cette tentative de coup d’État institutionnel, déjà mise en œuvre dans d’autres pays de la région (15), s’inscrit dans une stratégie de substitution des pouvoirs politiques légitimes. Dès juillet 2017, en toute illégalité, l’opposition a créé un Tribunal Suprême de Justice « en exil » basé au Panama, ainsi qu’un poste de Procureur Général de la Nation « en exil » depuis Bogota. Ces instances fantoches essaient depuis de se substituer aux pouvoirs légitimes vénézuéliens.
En lien avec une Assemblée Nationale, elle-même déclarée en outrage judiciaire en mars 2017 (16), ces parodies de pouvoirs publics réaliseront un simulacre de procès depuis le siège du Parlement colombien (sic), et condamneront le président vénézuélien Nicolas Maduro à une peine de 18 ans et 3 mois de prison (17).
Pour illustrer cette situation saugrenue, imaginons un instant qu’un groupe de gilets jaunes français désigne un Garde des Sceaux et une Cour de Cassation « en exil » et que, celles-ci organisent un simulacre de procès pour condamner Emmanuel Macron à 18 ans de prison depuis la Douma russe. Cela prêterait à sourire, mais que se passerait-il si plusieurs États de par le monde reconnaissaient comme légitimes ces pouvoirs judiciaires « en exil » ? Il y a fort à parier que l’on entendrait un grand nombre de voix crier, à juste titre, à l’ingérence étrangère voire à la tentative de coup d’État. L’exemple que nous venons de mentionner peut paraître ridicule mais c’est bien ce qui est en train de se dérouler au Venezuela.
« Le but recherché par Washington et ses alliés n’est pas d’ordre démocratique, il est politique : remettre l’opposition à la tête du pays pétrolier ».
Il ne faut pas prendre ces manœuvres à la légère. L’attentat manqué au moyen d’un drone chargé de C4, qui a eu lieu le 4 août 2018, ne visait pas seulement à éliminer Nicolas Maduro mais tous les pouvoirs publics de la Nation, dans le but de leur substituer leurs homologues fantoches et illégaux (18). La constitution de pouvoirs parallèles n’est pas un cirque politico-médiatique mais fait partie intégrante d’un coup d’État institutionnel en préparation.
De même, déclarer Nicolas Maduro illégitime est un message virulent pour les principaux partenaires économiques de Caracas (la Chine, la Russie ou la Turquie) leur notifiant que les accords signés avec le gouvernement bolivarien ne seront pas reconnus dès lors que Nicolas Maduro aura été renversé. Un conflit avec le pays caribéens pourrait avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières. Sergueï Riabkov, le vice-ministre des affaires étrangères russe a, en ce sens, averti “les exaltés de Washington à ne pas tomber dans la tentation d’une intervention militaire” au Venezuela (19).
D’autre part, c’est aussi un message destiné aux forces armées nationales car, si le président Maduro est illégitime, cela revient à décapiter le pouvoir militaire de son commandant en chef.
C’est dans cette optique qu’il convient de décrypter le scénario élaboré par les États-Unis et ses alliés. En conformité avec la résolution du Groupe de Lima, l’Assemblée Nationale du Venezuela, en outrage judiciaire et dont les décisions sont nulles et non avenues (20), a déclaré que la prise de fonction de Nicolas Maduro est une « usurpation de pouvoir ». En conséquence, elle s’apprête illégalement à assumer le pouvoir exécutif durant « une période de transition ». Le 8 janvier, une Loi sur la transition a été discutée au sein de l’hémicycle vénézuélien dans le but de s’emparer du pouvoir exécutif à partir du 10 janvier.
Durant les discussions, le député Americo de Grazia a appelé tous les secteurs à s’aligner sur les autorités parallèles créées par l’opposition et appelées à prendre la rue pour “harmoniser les actions internationales, nationales et institutionnelles” (21).
Quant au nouveau président de l’instance législative, Juan Guaidó, il a appelé les militaires vénézuéliens à renverser le gouvernement à partir du 10 janvier (22).
Le décor est planté. L’épreuve de force imminente. Reste à savoir quelles personnalités politiques et médiatiques justifieront la violation de la souveraineté du Venezuela et le non-respect de ses institutions.
Article initialement paru sur le site de RT France
Notes:
(1) Cathy Dos Santos, “Venezuela. «Il faut diversifier notre économie sans toucher au social »”, L´Humanité, 03/04/2018,https://www.humanite.fr/venezuela-il-faut-diversifier-notre-economie-sans-toucher-au-social-652993
(2) Bertucci, pasteur évangélique mouillé dans le scandale des Panama Papers se présentera en candidat indépendant, ainsi que Reynaldo Quijada, soutenu par une fraction du trotskysme vénézuélien. Ils réaliseront respectivement 10,82% et 0,39% des voix.
Notons ici que le score de Bertucci s’explique plus par la nouveauté de cette offre électorale dans un climat de méfiance face aux partis politiques que par une percée de l’évangélisme politique au Venezuela. En effet, le vote des évangélistes est lui-même divisé. Le parti évangéliste Organisación Renovadora Auténtica (ORA) soutenait Nicolas Maduro.
(3) À propos de la fake new sur l’interdiction des partis politiques au Venezuela, lire Thierry Deronne, “L’interdiction d’un parti qui n’existe pas”, Venezuela Infos, 29/01/2018, https://venezuelainfos.wordpress.com/2018/01/29/venezuela-linterdiction-dun-parti-qui-nexiste-pas/
(4) Cette loi complète la loi Organique du Pouvoir électoral approuvée en 2002.
(5) L’auteur de ces lignes a déjà participé aux élections municipales et régionales de 2013.
(6) Lire la liste des audits sur le site du Centre National Electoral, http://www.cne.gov.ve/web/sistema_electoral/tecnologia_electoral_auditorias.php
Nous invitons les lecteurs courageux à se plonger plus en profondeur dans ces systèmes d’audit en lisant les longs rapports techniques du CNE (en espagnol) http://www.cne.gov.ve/web/media/biblioteca/AUDITORIAS/libro-auditorias-del-sistema-automatizado-de-votacion.pdf
(7) “Jimmy Carter: « El sistema electoral venezolano es el mejor del mundo », RT, 20/09/2012, https://actualidad.rt.com/actualidad/view/54145-jimmy-carter-sistema-electoral-venezolano-mejor-mundo
(8) Romain Migus, « Chronologie des sanctions économiques contre le Venezuela »,Venezuela en Vivo, actualisé le 07/01/2019, https://www.romainmigus.info/2019/01/chronologie-des-sanctions-economiques.html
(9) « Mike Pence : La libertad será restaurada en Venezuela », El Nacional, 27/06/2018, http://www.el-nacional.com/noticias/latinoamerica/mike-pence-libertad-sera-restaurada-venezuela_241757
(10) Les gouvernements membres du groupe de Lima sont ceux d’Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Guyana, Honduras, Panama, Paraguay, Pérou et Sainte Lucie. Ainsi que celui du Mexique qui a refusé de signer la dernière déclaration.
(11) Document disponible sur https://www.gob.pe/institucion/rree/noticias/24270-declaracion-del-grupo-de-lima
(12) Palais de l’Élysée, « Communiqué relatif à la situation au Venezuela », 30/09/2018, disponible sur https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/09/30/communique-relatif-a-la-situation-au-venezuela
(13) Manuel Palma, “Los buques de la discordia: Venezuela y Guyana reavivan la disputa por su diferendo territorial”, RT, 28/12/2018, https://actualidad.rt.com/actualidad/300448-buques-discordia-venezuela-guyana-reavivar
(14) Luigino Bracci, “Maduro denuncia: Más de 700 paramilitares entrenan en Colombia para ejecutar golpe de Estado en su contra”, AlbaCiudad,12/12/2018, http://albaciudad.org/2018/12/maduro-golpe-de-estado-john-bolton/
(15) Notamment au Honduras (2009), au Paraguay (2012), au Brésil (2016) ou en Équateur (2017).
(16) Après l’élection des députés en décembre 2015, une plainte a été déposée par les candidats du Psuv dans l’État d’Amazonie pour achat de voix de la part de leurs opposants élus. Le tribunal judiciaire ayant sanctionné par la suite cette malversation, le tribunal du pouvoir électoral a exigé que l’élection de ces trois postes de députés soit à refaire. La présidence de l’Assemblée Nationale ayant refusé de se plier aux pouvoirs judiciaire et électoral, l’Assemblée Nationale a été déclarée en outrage judiciaire. Les décisions et votes qui émanent du pouvoir législatif sont donc nuls et non avenus tant que la présidence de l’Assemblée Nationale n’autorise pas le retour aux urnes. Précisons que l’opposition détient une majorité absolue de 122 députés sur 167 postes.
(17) “TSJ en el exilio condenó a Maduro a 18 años y 3 meses de prisión”, El Nacional, 15/08/2018, http://www.el-nacional.com/noticias/crisis-humanitaria/tsj-exilio-condeno-maduro-anos-meses-prision_248160
(18) Romain Migus, ”Le drone médiatique explose en plein vol”, Venezuela en Vivo, 08/08/2018, https://www.romainmigus.info/2018/08/le-drone-mediatique-explose-en-plein-vol.html
(19) “El Gobierno ruso advirtió a Estados Unidos contra una posible intervención militar en Venezuela”, SputnikNews, 09/01/2019, https://mundo.sputniknews.com/politica/201901091084610873-politica-de-eeuu-respecto-venezuela/
(20) Voir explication en point 16.
(21) Maritza Villaroel, “Asamblea Nacional arranca proceso para Ley de Transición”, Site de l’Assemblée Nationale du Venezuela, 08/01/2019, http://www.asambleanacional.gob.ve/noticias/_asamblea-nacional-arranca-proceso-para-ley-de-transicion
(22) “El golpismo venezolano no descansa”, Pagina12, 05/01/2019, https://www.pagina12.com.ar/166485-el-golpismo-venezolano-no-descansa?fbclid=IwAR3-4Oe_vnJzRq_FCnpTW0sbBoFUmWispXhMDOk0PxwTt82jbXm2sT2eHdM(traduction française disponible sur http://venesol.org/2019/01/07/juan-guadio-president-du-parlement-venezuelien-appelle-a-un-coup-detat-contre-nicolas-maduro/)
Comprendre le blocus contre le Venezuela, les explications de Romain Migus
Le vécu
Au mieux la guerre économique et le blocus financier contre le Venezuela sont généralement invoqués comme un détail sans importance ou une invention du gouvernement, au pire, et dans l’extrême majorité des cas, elle est complètement passée sous silence. Il ne s’agit pas ici de faire une révision exhaustive des politiques économiques de la Révolution Bolivarienne. Si la majorité d’entre elles ont eu un apport bénéfique pour le pays, certaines ont pu être ponctuées d’erreurs, et ont pu avoir des conséquences dans la crise économique que traverse actuellement le pays.
Cependant, il est indéniable que les manœuvres et les sanctions contre l’économie vénézuélienne ont un impact prédominant dans la situation économique actuelle. Et aujourd’hui, il est impossible d’analyser objectivement la situation au Venezuela sans passer par une étude minutieuse du blocus financier et de la guerre économique.
Ces sanctions ne sont pas propres au Venezuela. Elles proviennent d’un arsenal de mesures économiques déjà mis à l’épreuve dans le Chili d’Allende mais aussi actuellement à Cuba, en Russie ou en Iran pour ne citer que quelques exemples. Même s’il existe quelques rares articles en français sur ce sujet, ils sont assez complexes et ne parviennent que trop rarement à expliquer une situation difficile à s’imaginer pour tout un chacun.
C’est ce que nous tenterons de faire ici. C’est pourquoi, cher lecteur, j’ai décidé exceptionnellement de te tutoyer. Parce que je vais parler de toi. Ou plutôt, je vais prendre un exemple de ta vie quotidienne pour essayer de t’expliquer ce que représente la guerre économique contre le Venezuela. La première partie de cet article (« Le vécu ») tente de te faire imaginer ce que serait ta vie si les mesures prises contre le Venezuela s’appliquaient à ton quotidien. Ensuite, dans une deuxième partie (« les faits ») nous établirons une chronologie du blocus contre le Venezuela pour imposer des faits aux opinions particulières.
Alors ferme les yeux et imagine-toi dans la peau d’un pays en guerre économique (c’est une invitation à te transposer, rouvre les yeux sinon tu ne pourras pas lire le texte).
Cher lecteur,
Comme chaque français, ta journée commence par l’achat d’une baguette de pain. À peine réveillé, tu fonces à la boulangerie pour acheter le sésame qui marquera véritablement le lancement d’une nouvelle aventure quotidienne. Tu le fais même avant de dire bonjour à tes enfants, car tu sais très bien que le bisou matinal de tes gosses n’est pas le même s’il est, ou non, accompagné de la bonne odeur du pain chaud.
Un matin, tu te lèves comme tous les autres jours, et tu vas à la boulangerie en bas de chez toi. Un rituel habituel. Cela va de soi.
« Bonjour Sylvie. Comment vas-tu ? » Après tant d’années, tu la connais bien ta boulangère. Elle fait presque partie de la famille. Mais aujourd’hui, en regardant son visage lorsque tu es rentré dans son commerce, tu sens qu’il y a quelque chose qui cloche.
« Écoute, je suis très embêtée, mais je ne vais plus pouvoir te vendre du pain.
Surpris et interloqué, tu réponds du tac au tac : « Comment ça ? C’est une blague ?
– Non, désolé. Les fournisseurs de farine nous ont prévenus. Si nous te vendons du pain, ils ne nous livreront plus de farine. Tu comprends que ce n’est pas négociable.
– Eh bien tu perds un client et un bon ».
Très énervé, tu sors de ta boulangerie. Qu’à cela ne tienne, tu iras dans une autre. Ce ne sont pas les boulangeries qui manquent dans le quartier.
Sauf que tu vas déchanter très vite. Tous les vendeurs de pain du quartier te tiennent le même discours, et toutes celles de ton arrondissement. Le premier jour tu rentres chez toi, sans pain.
« Papa, tu n’as pas acheté de pain aujourd’hui » te demande le plus jeune de tes enfants.
– Non, pas aujourd’hui, grommelles-tu avant de disparaître dans ta chambre.
Le lendemain et les jours suivants, tu te rends compte que la chose est sérieuse. Non seulement aucune boulangerie de la ville ne veut te vendre du pain, mais ce refus est tout aussi catégorique dans les boulangeries du département et de la région. Assez rapidement, tu comprends que les 35.000 établissements de vente de pain présents sur le territoire national ont répondu aux exigences des fournisseurs de farine et de leurs actionnaires. Aucun d’eux ne te vendra de pain. Pour trouver une baguette, il va falloir désormais te lever tôt car même au niveau de l’Union européenne, impossible de trouver une boulangerie qui accepte de te vendre directement ses produits. C’est quand même le comble, tu as de l’argent pour acheter mais personne ne veut te vendre.
Évidemment, c’est toute ton organisation quotidienne qui va s’en trouver chamboulée. Après de grandes recherches, tu as réussi à trouver une boulangerie qui fait des bonnes baguettes. Elle veut bien te vendre du pain. Petit problème, elle est au Vietnam. Avec le coût du transport, ça te revient plus cher. En plus, la baguette, n’est pas la même que chez nous. Comment y remédier ?
Pour essayer de contourner ce système, tu avais dégoté un importateur qui achète du pain dans une boulangerie en Pologne et le transporte jusqu’à chez toi. Mais cette solution n’est pas idéale. D’abord, le type se sucrait une bonne commission au passage, mais en plus les fournisseurs de farine et leurs actionnaires ont fini par repérer son manège, et l’ont sanctionné. Désormais, il pourra toujours continuer à faire son métier mais ne pourra plus importer du pain. Quant à toi, c’est retour à la case départ. Tu dois encore chercher un autre importateur, qui vus les risques encourus, va prendre une commission encore plus grosse. Cela ne peut pas être une solution quotidienne et tu ne l’utilises que vraiment exceptionnellement. En plus, pour les payer il fallait inventer tout un tas de stratagèmes, car les virements d’argent pour payer l’importateur étaient, soit refusés par les banques, soit l’argent transféré était congelé pendant des mois, et nombreux étaient les importateurs qui se fatiguaient de travailler dans ses conditions.
Chez toi, comme tu peux l’imaginer, l’ambiance est délétère. Tout le monde souffre de la situation et aimerait un retour à la normale, pouvoir faire un petit déjeuner avec du pain et des croissants…comme avant.
L’autre jour tu t’es engueulé avec ton fils cadet. Il t’a accusé de ne pas te remuer assez pour ramener du pain. Toi, évidemment ça t’a énervé, vu que tu passes le plus clair de ton temps à essayer d’en trouver. Ça déteint sur ton travail d’ailleurs. Car, ne pouvant te dédoubler, tu peines à concilier ton activité professionnelle d’artisan avec des recherches qui empiètent sur ta routine quotidienne. Du coup, tu es moins efficace. C’est un cercle vicieux.
Ta fille aînée en a eu ras le bol. Elle est partie vivre à Montréal dès qu’elle a eu obtenu son diplôme d’ingénieure agronome. Chez nos cousins québécois, il y a beaucoup de boulangers et de fils de boulangers français. Elle trouve du pain. De temps à autre, elle t’en envoie par la Poste. Quand il arrive, il est souvent rassis et dur comme de la pierre. Tu en fais du pain grillé et lui envoie une photo de ton petit déjeuner par WhatsApp. Tu souris sur la photo, mais c’est un peu forcé. L’autre jour, par téléphone, tu lui as fait remarquer que tu ne cherches pas l’aumône mais juste pouvoir acheter ton pain normalement.
« Tu comprends rien, papa. Je fais tous les efforts pour vous envoyer du pain. Je ne travaille pas comme ingénieure ici, je fais des petits boulots. Même moi, je ne mange pas de baguette tous les jours car j’ai plein d’autres choses à payer.
– Si tu ne manges pas de pain tous les jours, pourquoi tu ne reviens pas ? lui as-tu répondu.
Elle t’a raccroché au nez. Décidément, vous n’êtes plus sur la même longueur d’ondes. Chacun voit la difficulté de sa réalité quotidienne depuis ses propres perspectives. Le dialogue est difficile, conséquence tragique de la pression exercée par les producteurs de farine et leurs actionnaires.
Face à la complexité de la situation, tu décides de changer ton fusil d’épaule. Si c’est si difficile d’acheter du pain, alors tu vas le faire. Tu te décides à acheter un terrain où tu feras pousser du blé en quantité suffisante, tu le récolteras, le transformeras en farine, et tu feras ton pain.
Sauf que, si tu avais suffisamment d’argent pour acheter une baguette par jour, c’est toute une autre affaire pour te lancer dans cette aventure. Il va falloir que tu demandes un prêt. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas la première fois. Ta voiture, ta maison, la construction de ta cuisine, tu as fait tout cela à crédit. Mais alors que tu les as toujours remboursés rubis sur l’ongle et dans les temps, tu apparais dans le Fichier National des Incidents de Remboursement des Crédits aux Particuliers. Il n’y a aucune explication rationnelle, à moins de suspecter que les producteurs de farine et leurs actionnaires soient de mèche avec ceux qui établissent ce fichier. Tu as beau démontrer que tu n’as jamais eu de retard de paiement, aucune banque ne veut te prêter de l’argent. C’est rageant.
Quand finalement tu réussis à trouver un établissement bancaire qui veut bien t’octroyer un crédit, les taux d’intérêts qu’il te propose sont ahurissants. Tu te dis, encore une fois, que ce n’est pas juste. Ton voisin, qui vit à crédit, et a remboursé les banques exactement dans le même temps que toi, bénéficie lui de l’autorisation de prêts à des taux d’intérêts abordables.
Une fois acheté le terrain, il faut encore investir dans des semences, de l’engrais, du matériel agricole, des moissonneuses-batteuses, des aspirateurs, des sasseurs, des trieurs, des broyeurs, des mélangeuses. Il te faudra des pièces de rechange aussi, si ça pète. Et puis, une fois que tu auras ta farine, pour faire ton pain, il te faudra un four, une couche, un pétrin (et pas celui dans lequel tu te trouves).
C’est un gros investissement. En plus, les producteurs de farine et leurs actionnaires veillent scrupuleusement à ce que tu ne rentres pas dans cette activité et font pression sur tous les vendeurs de matériels agricoles et de boulangerie.
Mais le plus difficile, c’est que tu n’as jamais fait ça de ta vie. Pour avoir ton pain, il faut te lancer dans une aventure qui t’est complètement étrangère. Ta fille aurait pu t’aider, elle est ingénieure agronome. Mais elle est partie à Montréal. Il faudra donc que tu commences de zéro, tout seul, et tu feras certainement toutes les erreurs que commettent les novices en la matière. Bref, tu décides malgré tout de te lancer mais le résultat ne sera certainement pas palpable demain.
Comme si la situation n’était pas assez complexe, un matin tu vas au travail et tu découvres que plusieurs de tes clients habituels ont annulé leurs commandes. Tu leur téléphones. Ils te disent tous la même chose. Les producteurs de farine et leurs actionnaires les ont menacés de sanctions et de représailles, s’ils continuent de travailler avec toi. Non content de t’empêcher d’acheter ton pain, ils veulent désormais te ruiner pour être sûr que tu n’arriveras pas à contourner leur manœuvre.
C’est dans ces moments-là que se retrouver entre amis permet de décompresser. Ah les amis, parlons-en ! La plupart d’entre eux venaient prendre le petit-déjeuner chez toi depuis des années. Au début de ton calvaire, certains ont continué à venir. Mais la première fois, tu leur as servi de la cervelle avec le café. Ils ont quand même goûté en esquissant plein de grimaces. La deuxième fois, ils sont venus mais n’ont pas mangé. Et puis, avec le temps, ils ne viennent plus. Les rares copains qui ne t’ont pas lâché t’ont informé que plus personne ne parle de toi dans le groupe. Tu es devenu un tabou. Quand certains ex-amis parlent de toi en mal, qu’ils soutiennent que tu es un abruti, incapable de fournir une baguette de pain à tes gosses, un murmure traverse systématiquement les copains présents. S’ensuit un silence gêné et tout le monde passe à autre chose. Tu es devenu gênant pour l’harmonie du groupe. À la trappe, on n’en parle plus.
Tu te dis qu’ils pourraient agir, que cette situation pourrait leur tomber sur le coin du nez un jour ou l’autre. Ils pourraient organiser un boycott des producteurs de farine, faire connaître ta situation, peser de tout leur poids pour que l’on te ré-autorise à acheter du pain. Et puis, à quoi bon ? Tu as juste désormais beaucoup plus d’estime pour ceux qui continuent à te rendre visite pendant le petit-déjeuner.
L’autre jour, quelqu’un a sonné chez toi. C’était tard le soir. Tu es sorti pour voir de qui il s’agissait. Un type était planté devant toi. La lune éclairait sa silhouette, laissant deviner un homme assez grand. Tu n’as pas distingué son visage, caché sous une capuche. À ses pieds, était posé un gros sac.
« Bonsoir. On m’a dit que vous cherchiez à acheter du pain, te dit-il en te révélant le contenu de son sac qui regorgeait de baguettes, de pains de campagne et autres viennoiseries.
Ton visage s’est illuminé. « Combien la baguette ? » lui demandes-tu en essayant de ne laisser transparaître aucune émotion.
« 90 euros. Pour le pain, c’est 130 euros. 25 le croissant, et…. »
Tu le coupes d’un ton sec et d’un geste de la main : « C’est bon, ça ne m’intéresse pas, c’est trop cher »
Le type a remballé sa marchandise et s’en est allé dans la nuit en te glissant : « Je repasserai ».
Ta première réaction a été de vouloir lui mettre ton poing dans la gueule. Et puis, tu es revenu à la raison. Non seulement le type semblait être plus fort que toi, mais en plus peut-être qu’un jour tu seras quand même contraint de lui acheter une baguette. Donc tu t’es ravisé. À chaque fois que tu y repenses, ton sang bouillonne. C’est révoltant, c’est injuste. Mais pourquoi donc la police n’arrête-t-elle pas ce délinquant ?
En y pensant bien, peut-être que si tu étais policier, tu négocierais une baguette de pain pour fermer les yeux sur son trafic. Peut-être même que si tu étais directeur d’un hôpital ou d’un établissement scolaire, tu détournerais le pain des patients et des enfants pour le bouffer ou pour le vendre à ton tour. Peut-être, peut-être…ou peut-être pas, parce que tu crois encore dans certaines valeurs morales et solidaires, mais tout le monde n’est pas comme toi.
Quoi qu’il en soit, cette situation t’a changé, tu ne penses plus pareil. La volonté de sortir de cette galère quotidienne t’amène à imaginer des scénarios que tu n’aurais jamais conçus avant. C’est même devenu obsessionnel. Tu commences à concevoir tes relations avec les autres et avec le monde alentour au prisme de la situation délicate que tu dois affronter. Les répercussions que cela engendre sont terribles et contribuent à déstructurer la qualité de ta relation aux autres et à la société. Elles influent aussi sur ta manière de voir le monde extérieur à laquelle tu t’étais habitué.
Ta situation n’étant pas « normale », il t’est difficile de penser un ensemble de solutions qui s’avéreraient de bon sens ou rationnel dans une situation courante. Il te faut sans cesse inventer, contourner les règles et normes établies. Comme tu avances en territoire inconnu, tu commets quelques erreurs. Les réparer fait surgir d’autres obstacles.
Tu es beaucoup plus à fleur de peau, et tu réagis au quart de tour. Tu es un peu parano aussi, tu as l’impression que la terre entière t’en veut. Ce qui n’est que partiellement vrai car seulement une partie de la terre t’en veut, mais alors elle t’en veut à mort. Elle t’en veut pour être ce que tu es. Elle t’en veut plus pour l’identité que tu dégages fièrement que pour tes actes en soi. Donc tu es devant un dilemme, soit tu jettes l’éponge mais ça, ce n’est pas toi. Soit tu persistes à reconstruire une normalité depuis une situation anormale, et cela n’a rien d’aisé.
Pour te détendre un peu, tu décides de regarder la télé. Ô surprise, toutes les chaines parlent de toi. Tu as beau zapper, elles racontent toutes la même chose, tout comme la presse, les magazines et les radios. Des dizaines d’experts se succèdent à l’écran pour dire que « tu es un incapable », se lamentent sur le sort de tes « pauvres gosses qui ne peuvent pas manger de pain ». « Salaud » te crie un professeur d’Université que tu n’as pourtant jamais vu ni connu, « si tu n’as pas de pain, achète de la brioche ».
Bien évidemment, aucun de ces commissaires médiatiques ne mentionne la guerre que te livrent les fournisseurs de farine et leurs actionnaires. La seule fois où tu as entendu un éditorialiste la mentionner du bout des lèvres, c’était pour ajouter dans la foulée que « cette soi-disant guerre te sert de prétexte pour justifier ton incapacité à donner une tartine à ses gosses ». Tu as manqué de t’étrangler de rage. Si tout ce que font les producteurs de farine et leurs actionnaires pour te nuire ne fait que t’avantager, pourquoi donc n’arrêtent-ils pas leur manège ?
Ceux qui osent encore venir prendre le petit-déjeuner avec toi et ta famille sont systématiquement dénigrés, vilipendés et insultés dans les médias. Ceux qui ne viennent plus aussi, ce qui, il faut l’avouer te fait bien rire.
Dans le quartier, tout le monde regarde la télé, mais tu n’es pas devenu totalement un paria. La majorité des gens s’en foutent de ta situation car ils sont déjà préoccupés par la leur, certes différente mais néanmoins difficile. S’ils connaissaient ton cas, tu es sûr que cela les révolterait. Surtout que ceux qui s’acharnent sur toi font partie de la même caste à qui on a rendu la vie compliquée.
Beaucoup dans ta situation, se seraient arrêtés pour pleurer sur le bord de la route. Mais ce n’est pas ton genre. Avec le temps, toutes ses attaques te renforcent dans tes convictions, ta dignité n’est pas négociable, tu ne lâcheras rien.
Voilà, maintenant que tu t’es mis dans la peau de ce personnage, que tu te l’es approprié, que tu as commencé à te demander comment tu ferais concrètement pour avoir du pain, alors maintenant seulement, on peut commencer à parler du Venezuela.
Les faits
La chronologie qui suit nous permet de répondre à trois questions essentielles pour comprendre le blocus contre le Venezuela : « Qui impose le blocus ? À qui l’imposent-ils ? Et pourquoi ? » (1).
À la lecture des mesures prises, la réponse à la première question saute aux yeux : ce sont les États-Unis, suivis par leurs vassaux latino-américains ou européens. Les faits parlent d’eux-mêmes. Cela se passe de commentaires ou d’interprétations douteuses.
La réponse à la deuxième question coule aussi de source. Alors que certains commentateurs s’évertuent à relayer les éléments de langage de l’administration étasunienne faisant croire qu’il ne s’agit que de sanctions ciblées sur des personnes, la lecture de ce document nous amène à une conclusion logique. C’est bien le Peuple vénézuélien tout entier qui est visé. Ce qui est d’ailleurs explicitement revendiqué par le pouvoir des États-Unis
C’est d’ailleurs pourquoi nous ne mentionnons pas les sanctions contre des membres de l’État vénézuélien (sauf dans le secteur de l’alimentation). Démarré en 2008, ces sanctions individuelles touchent aujourd’hui 51 citoyens vénézuéliens.
Quant à la réponse à la dernière question, elle est la conséquence de la deuxième. Il y a d’abord une réponse en terme géopolitique. Le Venezuela dispose des premières réserves de pétrole au monde, des quatrièmes réserves d’or, son sous-sol regorge de minerais (coltan, thorium, bauxite, fer) et c’est un pays riche en eau douce, en gaz et en diamants. Nous comprenons que cela ouvre l’appétit de certains prédateurs.
Mais pourquoi donc vouloir affamer et martyriser un Peuple dans son ensemble ? Tout simplement parce que ce Peuple de combattants refuse systématiquement depuis 1998 de voir sa souveraineté piétinée par un empire aux services des transnationales. Et ce Peuple à la tête dure a déjà résisté à plusieurs tentatives pour le faire revenir dans le droit chemin des intérêts des dominants.
Le peuple vénézuélien a non seulement démontré qu’une autre voie était possible face au néolibéralisme, mais il a donné des leçons de résistance à bien d’autres peuples de par le monde. C’est donc lui qui doit désormais payer cet affront.
Aux opinions politiciennes biaisées, il faut systématiquement opposer les faits. Toutes discussions ou débats sur le pays caribéen doit nécessairement passer par une analyse des mesures de rétorsion contre l’économie du Venezuela.
Après, seulement après, on peut parler de l’effectivité ou pas des politiques du gouvernement, des options économiques, ou des conséquences sociales de la situation actuelle.
Voici donc une chronologie sommaire des attaques financières, bancaires et économiques contre la Révolution Bolivarienne. Elle ne prend pas en compte les autres dimensions de la guerre hybride menée contre le Venezuela tels que les fronts diplomatique, militaire, médiatique, juridique ou institutionnel.
Avant de parler de l’économie, parlons du blocus.
14 avril 2013 : Nicolas Maduro est élu président de la République Bolivarienne du Venezuela avec 50,61% des voix. Son principal opposant, Henrique Capriles Radonski ne reconnaît pas sa défaite, et appelle ses partisans à prendre la rue. Bilan : 11 chavistes assassinés, 65 blessés.
12 février 2014 – mai 2014 : L’opposition tente de renverser le président par la force. Bilan : 42 morts. 850 blessés. Face à l’échec de ce coup d’État et considérant les déroutes électorales, une stratégie économique et financière va être mise en place pour étrangler la population du Venezuela et la retourner contre le gouvernement de la Révolution Bolivarienne.
Décembre 2014 : Le Congrès des États-Unis approuve la loi 113-278 intitulée « Loi publique de défense des droits de l’Homme et de la Société Civile au Venezuela ». Cet instrument juridique dicte la ligne d’action politique du gouvernement des États-Unis et de ses vassales contre le Venezuela. La loi 113-278 établit la possibilité de prendre des mesures unilatérales coercitives contre le Venezuela dans les domaines économiques, financiers et commerciales. De plus, elle stipule de « travailler » dans ce sens avec ses partenaires membres de l’Organisation des États Américains (OEA) et de l’Union Européenne.
08/03/2015 : Le président des États-Unis, Barack Obama, signe l’Ordre exécutif 13692 (le « décret Obama »). Ce dernier se base sur la Loi des Pouvoirs Économiques en situation d’Urgence Nationale, sur la loi d’Urgence Nationale et sur la Loi 113-278 pour déclarer le Venezuela « une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis ». Ce décret va permettre l’élaboration légale des attaques économiques que subit le Venezuela depuis cette date.
Avril 2016 : Le blocus financier commence. À partir de cette date, les institutions vénézuéliennes titulaires de comptes bancaires à l’étranger se voient stipuler des restrictions pour la réalisation de paiement en dollars.
Mai 2016 : La Banque Commerzbank (Allemagne) ferme les comptes de plusieurs institutions vénézuéliennes dont ceux des banques publiques vénézuéliennes et ceux de Pdvsa, l’entreprise pétrolière.
Juillet 2016 : La banque étatsunienne Citibank interdit á son réseau d’intermédiaires bancaires d’opérer des transactions avec les institutions vénézuéliennes, dont la Banque Centrale du Venezuela.
Août 2016 : La fermeture unilatérale des comptes d’intermédiaires bancaires oblige le Venezuela à opérer à partir d’autres monnaies alors que la plupart des devises obtenues par la vente de Pétrole sont en dollars. Le pays subit de grosses pertes dues aux nouveaux coûts des transactions, de change et de coûts opératifs.
Août 2016 (bis) : La Banque Novo Banco (Portugal) informe l’État vénézuélien qu’elle ne réalisera plus d’opération en dollars avec des banques ou des institutions vénézuéliennes, à cause de la pression exercée par ses intermédiaires bancaires.
Juillet 2017 : L’entreprise Delaware (qui gère des portefeuilles de titres de Pdvsa) informe Pdvsa que sa banque intermédiaire (PNC Bank) n’acceptera plus de fonds de l’entreprise pétrolière.
Juillet 2017 (bis) : La banque étasunienne Citybank refuse de recevoir un paiement de l’État vénézuélien destiné à l’achat de 300.000 doses d’insuline.
21/08/2017 : La Bank Of China basé au Panama informe le Venezuela, que suite à des pressions reçues de la part du Département du Trésor des USA ainsi que du gouvernement du Panama, elle ne réalisera plus aucune transaction en dollars de ou à destination du Venezuela.
22/08/2017 : Plusieurs banques russes informent le Venezuela de l’impossibilité de réaliser des transactions avec des banques vénézuéliennes en raison de la restriction imposée par les banques intermédiaires des États-Unis et de plusieurs pays européens.
23/08/2017 : La banque intermédiaire de l’institution bancaire BDC Shandong stoppe une transaction de la Chine vers le Venezuela d’un montant de 200 millions de dollars. Il faudra plus d’un mois pour que le Venezuela puisse récupérer cette somme d’argent.
24/08/2017 : Donald Trump signe l’ordre exécutif 13808 intitulé « Imposition de sanctions additionnelles à propos de la situation au Venezuela ». Ce décret interdit toute une série de transactions avec l’État vénézuélien, et notamment avec Pdvsa, et toute autre entité détenue par l’État vénézuélien. Est établie une liste de restrictions aux opérations financières :
- L’État vénézuélien et Pdvsa sont interdits d’émettre de nouveaux titres de leur dette
- Interdiction de réaliser des transactions sur les titres émis par le gouvernement avant l’entrée en vigueur de ce décret.
- Le versement de dividendes ou de bénéfices au gouvernement du Venezuela de la part d’entités résidant aux USA est interdit. Cela affecte avant tout Citgo, entreprise appartenant à Pdvsa, et qui compte 3 raffineries et 6000 stations d’essence sur le territoire des États-Unis.
- L’achat de certains bons du trésor vénézuélien et de la dette vénézuélienne est interdit.
La Maison Blanche déclare que cet ensemble d’interdictions a « été soigneusement pensé pour refuser à la dictature de Maduro une source non négligeable de financement »
Le décret 13808 vise à systématiser les attaques contre les entreprises publiques et les opérations commerciales et financières de l’État vénézuélien afin de déstructurer l’économie du pays. À ce sujet, l’ancien ambassadeur des États-Unis au Venezuela et en Colombie, Wiliam Brownfield a déclaré : « La meilleure résolution est de précipiter l’effondrement du gouvernement vénézuélien même si cela implique des mois et des années de souffrance pour les Vénézuéliens ».
Août 2017 : Suite à des pressions du Département du Trésor des États-Unis, l’entreprise Euroclear, une filiale de la banque américaine JP Morgan, congèle les opérations de transaction sur la dette souveraine du Venezuela. Euroclear retient ainsi, depuis lors, 1 milliard 200 millions de dollars appartenant á la République Bolivarienne du Venezuela.
Août 2017 (bis):La Bank of China de Francfort refuse d’émettre une transaction de 15 millions de dollars, dus par le Venezuela à l’entreprise minière Gold Reserve.
05/09/2017 : Le Canada et les États-Unis s’associent pour « adopter des mesures économiques contre le Venezuela et contre les personnes qui contribuent activement à la situation actuelle dans le pays ».
Octobre 2017 : La Deutsche Bank informe la banque chinoise Citic Bank de la fermeture de ses comptes chez ses intermédiaires bancaires pour avoir accepté des paiements de Pdvsa.
Octobre 2017 (bis) : Le Venezuela achète des vaccins et des médicaments á l’Organisation Panaméricaine de la Santé, filiale de l’Organisation Mondiale de la Santé, et donc sous l’égide de l’ONU.
En vertu de l’extraterritorialité des lois étasuniennes, la banque suisse UBS rejettera le paiement, provoquant un retard de 4 mois dans la livraison des vaccins et déstructurant complètement le système public de vaccination gratuite du ministère de la santé vénézuélien.
03/11/2017 : Le président Maduro annonce que le Venezuela a remboursé plus de 74 milliards de dollars à ses créanciers sur les quatre dernières années. Malgré cela, les agences de notation font augmenter le risque-pays du Venezuela, rendant plus difficile l’obtention de crédits sur les marchés financiers.
09/11/2017 : EEUU sanctionne un groupe de fonctionnaires vénézuéliens au motif de « piétiner la démocratie et administrer les programmes gouvernementaux corrompus de distribution d’aliments ». Les fonctionnaires responsables de l’importation d’aliments dans le pays ne peuvent plus signer d’accords commerciaux favorisant la politique alimentaire du gouvernement.
13/11/2017 : L’Union européenne interdit la vente de matériel de défense ou de sécurité intérieure au Venezuela.
14/11/2017 : L’agence de notation Standard and Poor’s déclare un « défaut partiel » du Venezuela malgré les paiements réguliers de la dette par le Venezuela.
15/11/2017 : La Deutsche Bank, principal intermédiaire de la Banque Centrale du Venezuela ferme définitivement les comptes de cette institution, mettant en danger toutes ses opérations bancaires.
Novembre 2017 : Le Venezuela achète des médicaments anti-malaria (primaquine et cloroquine) au laboratoire colombien BSN Medical. Le gouvernement de Colombie empêche la livraison sans aucune justification.
Novembre 2017 (bis):Les transnationales pharmaceutiques Baster, Abbot, et Pfizer refusent d’émettre des certificats d’exportation à destination du Venezuela, rendant impossible l’achat de médicaments produits par ces entreprises, notamment dans le domaine oncologique.
Novembre 2017 (ter) : Les banques intermédiaires refusent plusieurs transactions du Venezuela à hauteur de 39 millions de dollars. Cette somme était destinée à 23 opérations d’achats alimentaires pour les fêtes de fin d’année.
29/01/2018 : Le département du Trésor des États-Unis affirme « la campagne de pression contre le Venezuela porte ses fruits. Les sanctions financières que nous avons imposées ont obligé le gouvernement de ce pays à commencer à entrer en défaut de paiement, tant pour sa dette souveraine comme pour celle de Pdvsa. Et nous pouvons assister (…) à un effondrement économique total du Venezuela. Donc notre politique fonctionne, notre stratégie fonctionne et nous la maintiendrons. »
12/02/2018 : Le département du Trésor des États-Unis élargit les sanctions financières contre le Venezuela et les entreprises vénézuéliennes. La renégociation et la restructuration de la dette vénézuélienne et de celle de Pdvsa émise avant le 25 août 2017 sont interdites.
Mars 2018 : 15 boxeurs vénézuéliens n’ont pas pu participer aux qualifications pour les Jeux d’Amérique Centrale et des Caraïbes 2018 parce qu’ils n’ont pas pu arriver à un accord avec les agences qui ont mis diverses limites parmi lesquelles le prix du billet qui est passé de 300 à 2 100 dollars par personne quand l’entreprise a appris qu’il s’agissait du transport de la Fédération Vénézuélienne de Boxe.
Lorsque, ensuite, une compagnie privée a proposé un vol charter pour transporter l’équipe, la Colombie et le Panamá n’ont pas autorisé le survol de leurs espaces aériens et le Mexique a fait la même chose.
02/03/2018 : Les États-Unis renouvellent, pour un an, les décrets 13692 (Obama) et 13808 (Trump). Le décret 13808 impose six nouvelles mesures coercitives pour attaquer la stabilité financière du Venezuela. Le Bureau des Crimes Financiers des États-Unis (FinCEN) alerte les institutions financières mondiales que les transactions avec des entités publiques vénézuéliennes sont suspectées de corruption. Cette accusation sans fondement ni preuve a pour conséquence de freiner le paiement à des entreprises d’alimentation et à des laboratoires pharmaceutiques, rendant difficile l’importation de ces biens. De même, cela aura pour conséquence le gel d’1 milliard 650 millions de dollars appartenant à l’État vénézuélien.
19/03/2018 : Le président Trump signe l’ordre exécutif 13827 qui interdit à tout citoyen et institutions d’effectuer des transactions financières avec la cryptomonnaie vénézuélienne « Petro » avant même que celle-ci puisse se négocier sur les marchés de cryptomonnaie. Cette décision est la première du genre dans la courte histoire des cryptomonnaies.
27/03/2018 : Le gouvernement du Panama publie une liste de seize entreprises vénézuélienne suspectées sans preuve de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
19/04/2018 : Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor des USA se réunit avec des représentants d’Allemagne, d’Argentine, du Brésil, du Canada, de Colombie, d’Espagne, de France, du Guatemala, d’Italie, du Japon, du Mexique, du Panama, du Paraguay, du Pérou, et du Royaume-Uni pour leur demander des « actions concrètes afin de restreindre la capacité des fonctionnaires vénézuéliens corrompus et de leurs réseaux de soutien ». Il affirmera que le Président Nicolas Maduro ne possède aucune légitimité pour demander des crédits au nom de son pays. L’objectif est d’assécher financièrement le Venezuela.
Mai 2018 : 9 millions de dollars de l’État vénézuélien sont congelés. Ils étaient destinés au traitement de la dialyse. 20.000 patients en seront privés.
Mai 2018 (bis) : La banque italienne Intensa Sanpaolo bloque l’argent destiné à la mise en place du pavillon du Venezuela à la XVI° Biennale d’Architecture de Venise.
21/05/2018 : En raison de la réélection de Nicolas Maduro à la présidence, Donald Trump renforce les sanctions. Il sera désormais interdit à tout citoyen et entreprises des États-Unis d’acquérir des propriétés appartenant au gouvernement du Venezuela sur le territoire des États-Unis.
25/06/2018 : Le Conseil européen adopte la décision 2018/901 sanctionnant des membres de l’administration vénézuélienne dont ceux opérant dans le secteur de l’alimentation. Cette mesure fait écho à celle prise un an plus tôt par les États-Unis (le 9 novembre 2017) afin de rendre impossible l’achat d’aliments par le gouvernement vénézuélien.
01/11/2018 : Le président Trump signe un nouveau décret autorisant le Département du Trésor à confisquer des propriétés à des opérateurs du secteur aurifère au Venezuela, sans que des accusations pénales ou civiles soient nécessaires. Le but recherché est d’empêcher la récupération par l’État vénézuélien du bassin minier de l’Orénoque, 4e réserve d’or au monde.
Le Secrétaire adjoint du Trésor des États-Unis, Marshall Billingslea dans un cynisme absolu, déclarera à ce sujet : « Nous devrions manifester plus d’indignation face aux dommages infligés à l’environnement et aux populations indigènes ».
09/11/2018 : La Banque Centrale du Royaume-Uni refuse de restituer au Venezuela 14 tonnes d’or appartenant à ce pays. Il s’agit ni plus ni moins d’une spoliation d’une valeur de 550 millions de dollars.
Voilà, maintenant on peut parler du Venezuela et confronter les points de vue.
Romain MIGUS
Note :
(1) J’emprunte ces questions pour leur grande pertinence à Carlos Mendez Tovar, écrivain vénézuélien, interviewé par Viktor Dedaj au sujet du blocus contre….Cuba.
Voir Viktor Dedaj, « Sin Embargo – Paroles cubaines contre le blocus », LeGrandSoir, disponible sur https://www.legrandsoir.info/IMG/pdf/sin_embargo_paroles_cubaines_vikt…