Par Georges Gastaud, Fadi Kassem, Aymeric Monville – 17 septembre 2021
Eté 2020 : que ce soit au large du Liban ou à proximité des côtés libyennes, les flottes française et turque se confrontent presque bord à bord et l’on frôle l’incident militaire grave. Au Tchad et ailleurs en Afrique, le sultan néo-ottoman Receipt Erdogan soudoie des milices, intégristes ou pas selon les cas, qui taillent des croupières à la « Françafrique » en difficultés. Paris appelle alors ses bons alliés, l’UE, l’Allemagne, l’OTAN et les Etats-Unis à faire acte de solidarité : mais tous « nos chers alliés » se taisent et, de fait, « couvrent » les agissements antifrançais caractérisés d’Erdogan. De la sorte, l’Oncle Sam inflige un camouflet sévère à Macron, pourtant si prévenant envers ses mentors états-uniens, bruxellois et berlinois.
Eté 2021 : alors que la France bourgeoise officielle s’imaginait être au mieux avec l’Australie capitaliste, à qui elle avait vendu 16 sous-marins conventionnels, le grand allié américain et le nouvel « ami » australien déchirent froidement le contrat franco-australien. Dans le dos de Paris, Washington s’est entendu avec Canberra pour l’équiper de sous-marins à propulsion nucléaire en lieu et place des 16 sous-marins conventionnels français. Immédiatement, Pékin et Moscou protestent en voyant dans le renforcement de l’axe Washington-Canberra un bond en avant du menaçant « containment » (refoulement) étatsunien de la présence chinoise dans l’océan austral.
Tout récemment on apprenait aussi, incidemment, que le Gabon, pays francophone s’il en est, et jusqu’ici enfant sage de la Françafrique, venait de décider d’adhérer… au Commonwealth. Bref, l’ « Entente cordiale » franco-britannique a encore frappé, et c’est une fois de plus la langue française, bien commun de la Francophonie internationale, qui paie la facture… Mais comment Macron, qui promeut le tout-anglais en France même*, pourrait-il réellement réagir à ce nouveau coup porté à la Francophonie internationale ?
Tout cela s’opère au moment même où Paris, cherchant à se désenliser de la nasse malienne, se tourne béatement – et combien dangereusement – vers l’insertion des armées française dans la marche au « conflit de haute intensité » avec la Chine et la Russie planifié par Washington : il n’est que de voir les déclarations bellicistes du nouveau chef-d’état major des Armées, le général Thierry Burckhard. Mais que sont donc récemment allés faire les croiseurs français en mer de Chine, à des milliers de kilomètres de nos frontières ?
Plus la France bourgeoise donne des gages de servitude volontaire à l’Empire euro-atlantique, plus elle s’engage dans la marche, au mieux irresponsable, au pire suicidaire, vers la guerre potentiellement paneuropéenne et mondiale avec la Chine et la Russie, et plus elle reçoit des rebuffades, des camouflets, voire des coups de poignard dans le dos de la part de ses bons « alliés » anglo-saxons ou allemands !
Comment est-il possible dans ces conditions de parler encore d' »Alliance » atlantique alors que dans cette affaire, tout va à sens unique ?
Bien entendu, il ne s’agit nullement pour nous de pleurnicher sur les mauvaises affaires des marchands de canon « français », ces Lagardère, Dassault, Bolloré et Cie qui, du même mouvement, avec l’appui de l’indéboulonnable Yves Le Drian (déjà rapporteur des lois de programmation militaire sous Mitterrand !), dépècent notre pays, servent la soupe aux marchands de canon hexagonaux et pillent les pays du Sud (le projet de « communauté francophone d’affaires » porté par le MEDEF accélérera cette prédation). Il s’agit encore moins pour nous, militants du Frexit progressiste, de réclamer une « Armée européenne » et une illusoire « diplomatie européenne » soi-disant indépendantes des Etats-Unis : nous constatons en effet que l’UE se dit clairement la « partenaire stratégique » de l’OTAN et que l’impérialisme allemand, surtout depuis que Biden est au pouvoir, se pense – pour le moment du moins – comme le fondé de pouvoir européen du grand superviseur yankee, pourtant en déroute à Kaboul. Berlin exige « seulement », que la France cède à l’UE (ce faux-nez de Berlin) son siège au Conseil de sécurité de l’ONU. En réponse, Paris propose… de mettre la force de frappe atomique française au service de la « défense européenne », en rupture totale avec la doctrine gaulliste de « défense tous azimuts » du seul territoire national.
Et quand bien même l’Europe pilotée par Berlin finirait par se découpler des Etats-Unis, nous n’aurions pas la sottise, nous militants franchement communistes du PRCF, de nous réjouir que la France s’affranchisse de l’Aigle américaine pour se mettre totalement à merci de l’Aigle bicéphale germanique : on ne s’affranchit pas d’un bandit lointain en faisant allégeance à un gang rival encore plus proche!
Il ne s’agit certainement pas non plus de soutenir « notre » impérialisme qui fait un avec l’oligarchie hexagonale liquidatrice de notre pays, de ses acquis sociaux, de sa République une, laïque et indivisible, de son « produire en France », de sa souveraineté nationale, et même de sa langue sacrifiée au tout-anglais impérial. Bref, ce n’est pas ce genre de forbans que nous supplierons jamais de rétablir l’indépendance nationale, de restaurer la dignité de notre pays et de sauver la paix mondiale : autant demander aux émules de Joe Biden de soutenir Cuba socialiste !
Décidément, il n’y a pas d’avenir pour la France, de quelque manière qu’on le conçoive, dans une « Alliance » atlantique où chacun des « partenaires » de l’OTAN cherche fraternellement à « plumer le coq gaulois ». Car reconnaissons-le une fois pour toutes : la « construction » euro-atlantique et maastrichtienne a fait de notre pays l' »homme malade de l’Europe » en lieu et place de cet Empire ottoman décadent que les puissances impérialistes cherchaient avidement à se partager en 1914. Quarante ans de politiques maastrichtiennes, initiés notamment par le « tournant » mitterrandien de la « rigueur » et du « franc fort » (prémices de l’alignement du franc sur la zone euromark en gestation, 1983), ont DELABRE notre pays menacé à la fois d’euro-dislocation et de fascisation de moins en moins rampante.
N’en déplaise aux sociaux-impérialistes de la fausse gauche partisans de l’« Europe sociale », l’UE n’est pas et n’a jamais été un endroit DECENT pour un patriote français, et encore moins pour un militant tant soit peu conscient de la classe laborieuse. La grande bourgeoisie monopoliste française, celle qui trône sur le CAC 40 et sur les ventes d’armes, est définitivement devenue incapable d’accoucher d’un nouveau de Gaulle expulsant les troupes américaines de France en 1966 avec le soutien du Parti Communiste Français.
Pour la paix du monde, pour la sécurité des Français, cette oligarchie destructive doit donc au plus tôt céder la place au monde du travail et à ses alliés si nous voulons que notre pays, tenaillé par une crise existentielle qui frappe toutes les dimensions de sa vie nationale, industrie, agriculture, recherche, université, SNCF, EDF, école, etc., ne subisse pas à terme, voire à court terme, un irrémédiable naufrage historique.
Souvenons-nous de l’appel lancé au prolétariat allemand par l’immortel Karl Liebknecht à l’orée du premier conflit mondial : « l’ennemi principal est DANS ton propre pays » (« der Hauptfeind steht in eignem Land ») ; et combattons le mot d’ordre secret que nos oligarques hexagonaux, continentaux et transcontinentaux voudraient nous voir adopter pour notre plus grand malheur et pour leur plus grand profit à court terme : « l’ennemi principal est TON propre pays » !
Bref, si l’on veut que la France n’ « y reste pas », sortons au plus tôt, par la porte à gauche, de cette mortifère UE arrimée à l’OTAN! FREXIT PROGRESSISTE, VITE !
*Les deux dernières conférences internationales convoquées à Paris par Macron s’appelaient « Choose France! » et « One Planet Summit ». Sans commentaire, ou plutôt, « no comment »…