« Je n’ai jamais souhaité la mort d’un homme, mais j’ai lu des nécrologies avec grand plaisir », déclara Mark Twain. Rien de plus vrai pour ce qui concerne le pape de l’extrême droite nationaliste et nostalgique de Pétain qu’était Jean-Marie Le Pen, mort ce mardi 7 janvier 2025.
Évidemment, le chagrin accompagnera sa famille biologique, mais aussi politique et idéologique, au même titre que des travailleurs qui, pour nombre d’entre eux, auront été trompés par la prétendue « authenticité » ou le « bon sens » de celui « qui osait dire tout haut ce que nombreux pensaient tout bas », comme se plaisait à le dire le père de l’actuelle prêtresse du prétendu « Rassemblement national ». Trompés par les mensonges parce que trahis par ceux qui ont offert, par leurs reniements et leurs capitulations, un boulevard à partir des années 1980 à un tribun faussement patriotique et populaire, mais réellement raciste, anticommuniste et défenseur de la « civilisation occidentale » ou de « l’Europe boréale ».
Le chantre de la haine du genre humain
Incontestablement, Jean-Marie Le Pen aura été le représentant de tout ce qu’il y a de nuisible et de néfaste pour le genre humain :
- l’apologiste du racialisme, réduisant les individus à leurs origines ;
- le diffuseur du racisme, insultant à longueur de temps les étrangers ET les Français d’origine extra-européenne – comme lorsqu’il affirma avoir acheté « une maison de campagne pour permettre à ses enfants qui habitaient dans le 15e de voir des vaches, au lieu de voir des Arabes » ;
- le chantre de l’antisémitisme, qui se distingua par ses « jeux de mots » sur « Durafour crématoire » ou sur le « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale » qu’a été la mise à mort des juifs par le gazage massif dans les centres de mise à mort ;
- le pourfendeur des homosexuels et des féministes, employant un langage martial comme à Mantes-la-Jolie en 1997 au cours d’une altercation avec des travailleurs hostiles à sa venue.
Ni « dérapage », ni « provocation » : la simple expression de sa famille politique – que Marine Le Pen tente, par tous les moyens, de « dédiaboliser » et de « banaliser », à savoir celle de la haine du genre humain. Une haine qui, politiquement, se traduisait par :
- son inlassable « croisade contre le communisme », qu’il présenta comme pire que le nazisme – banalisant, au passage, ce dernier dans de grandes proportions ;
- sa nostalgie de « l’Algérie française », le poussant à nier catégoriquement – du moins explicitement – ses exactions et crimes (notamment l’usage de la torture) contre des civils et des combattants algériens, mais aussi contre des communistes français hostiles à la guerre d’Algérie ;
- son admiration pour le régime de Vichy et le maréchal Pétain, vilipendant à l’inverse le général de Gaulle et, par là-même, réhabilitant la Collaboration avec le nazisme ;
- ses insultes permanentes envers les immigrés, accusés de tous les maux – et déjà du chômage à travers ses absurdes et mensongères affiches qui proclamaient à la fin des années 1970 : « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop ! ».
Pouvait-il cependant en être autrement pour celui qui prit la tête du prétendu « Front national » en 1972 pour réhabiliter le « Front national » du milieu des années 1930 qui cherchait à faire converger l’ensemble des ligues fascistes et réactionnaires hostiles au Front populaire ? Un « Front national » comprenant des partisans de l’Algérie française, des royalistes de l’Action française, des catholiques intégristes, des poujadistes, des pétainistes, des fascistes (Roland Gaucher), d’anciens Waffen SS (Léon Gauthier), des négationnistes pur jus, etc., le tout sur fond d’anticommunisme viscéral.
Comment oublier que l’éminence grise de Le Pen fut, dans les années 1970, un certain François Duprat, idéologue fasciné par Mussolini et Hitler niant l’existence des chambres à gaz ? Comment oublier que le FN fut le repère de tous les « nationalistes révolutionnaires » des années 1960-1970, les membres d’Occident, d’Ordre nouveau et de tous les groupuscules voulant prendre leur revanche contre le « marxisme » et les peuples décolonisés ? Et comment oublier qu’encore aujourd’hui, dans les rangs du Rassemblement lepéniste, les descendants de tous ces courants nauséabonds sont encore actifs, comme l’ont montré nombre de candidats RN à l’occasion des législatives de l’été 2024 ?
Complicité de la droite, fautes impardonnables de la « gauche » établie
Cependant, rien ne prédisposait Le Pen à connaître une fulgurante ascension à partir des années 1980 s’il n’avait pas bénéficié de circonstances et de hasards heureux pour lui, dans un contexte où la France basculait progressivement dans la crise économique et le choix de l’euro-austérité. Outre l’héritage du cimentier Hubert Lambert – qui transforma la famille Le Pen en rentière politique, aux antipodes de la fausse image d’ « hommes du peuples » –, Jean-Marie Le Pen put compter sur la surmédiatisation à l’excès, Le Pen assurant des succès d’audience par ses diverses déclarations.
Plus encore, Le Pen a pu compter sur sa banalisation par la droite dite « républicaine » dès septembre 1983, lors de la partielle de Dreux où le FN s’allia à l’UDF giscardienne et au RPR chiraquien pour combattre le « socialo-communisme » ; car Le Pen fut en réalité un défenseur de l’« union des droites » à laquelle aspire Éric Zemmour. Et si Jacques Chirac s’opposa – en partie – à Le Pen, il lui emprunta déjà son vocabulaire – « le bruit et l’odeur » – ou ses thématiques comme lors de la campagne pour la présidentielle 2002. Au point que, à partir du délinquant Sarkozy, les rapprochements idéologiques et politiques se sont accrus, jusqu’à ce que l’idée d’un prétendu « barrage républicain » s’établisse de Macron à Le Pen fille contre… « l’extrême gauche » que serait le NFP ! Il n’y a qu’à voir les hommages de Bayrou, Retailleau et toute la clique des macrono-LR presque attendris de la mort de Le Pen.
Mais tout ceci n’aurait pas été possible sans les IMMENSES TRAHISONS de la « gauche » établie. En effet, comment ne pas voir que le succès du FN à Dreux en septembre 1983 intervint six mois après qu’en mars 1983, le gouvernement Mauroy fit le choix définitif du « tournant de la rigueur » pour ancrer la France dans le système monétaire européen ?! Comment ne pas voir que la qualification de Le Pen au second tour de l’élection présidentielle en 2002 vint de la faillite de la « gauche plurielle », son principal candidat Lionel Jospin – qui appliqua le traité de Maastricht, battit le record de privatisations et soutint le bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN – ayant déclaré que « son programme n’était pas socialiste » (on s’en était d’ailleurs allègrement aperçu !) ?! Comment ne pas voir que l’application d’une politique AUX ANTIPODES des intérêts des travailleurs, et spécialement de la classe ouvrière – au demeurant, tout autant trahie par les directions euro-mutantes du P« C »F démarxisé et déléninisé –, à savoir le choix de l’UE du Capital comme lors du référendum de 2005, ont servi la soupe à Le Pen ?!
Enfin, comment ne pas voir la faute majeure du PS – et de ses satellites – d’avoir choisi sciemment de substituer la lutte antiraciste, certes indispensable mais insuffisante, à la lutte des classes, au lieu de l’associer à cette dernière ?! C’est exactement le choix opéré dans le cadre de la création de SOS Racisme en 1984, qui n’a pu empêcher la montée progressive de Le Pen. Or, les travailleurs – et particulièrement les ouvriers subissant de plein fouet l’euro-austérité –, plaçant la question sociale au cœur de leurs préoccupations, ont tiré les leçons des reniements du PS et de ses satellites pour opter, pour une partie d’entre eux, pour Le Pen – et fort heureusement, pour l’abstention pour la majorité.
Pourtant, contrairement aux fausses images véhiculées, Le Pen est un ennemi de la France des travailleurs. Non seulement parce qu’il a toujours opté pour le soutien aux grands groupes capitalistes et a souhaité appliqué le modèle reaganien en France – Reagan qu’il rencontra à l’occasion de la campagne pour la présidentielle de 1988 ; non seulement parce que ses « mesures sociales » visaient à démanteler la Sécurité sociale, le statut de la fonction publique ou encore les retraites par répartition ; non seulement parce qu’il combattait le droit de grève et, plus généralement, les droits syndicaux et des travailleurs.
Mais aussi parce qu’il a toujours affirmé son ancrage euro-atlantique, et ce dès sa première campagne présidentielle en 1974 où il affirmait, dans sa profession de foi, souhaiter « assurer la paix et l’indépendance nationale par la fidélité à nos alliances européennes et atlantiques : la France, dans le monde actuel, est étroitement solidaire des nations libres. Face à l’impérialisme soviétique qui n’a pas renoncé à ses desseins de domination politique et idéologique, l’indépendance de notre pays est liée à celle de l’Europe et de l’Occident. » Loin d’être un « patriote » qui aurait « servi son pays » (comme l’affirment ses fans rendant hommage à son engagement dans… la guerre d’Algérie !), il était surtout un euro-atlantique, favorable à une « Europe blanche » en projet depuis au moins 100 ans. Dès lors, faut-il être surpris de voir que la dynastie Le Pen – mais aussi ses satellites de type Zemmour – ne souhaite ni sortie de l’euro, ni sortir de l’UE, ni sortir de l’OTAN – et encore moins du capitalisme.
Pour tuer les idées de Le Pen et de ses descendants, en finir avec l’UE-OTAN et le capitalisme !
Au moins Le Pen avait-il compris que les idées d’indépendance nationale et de progrès social étaient les moteurs de la classe ouvrière – en plus de celle de la paix et de la démocratie. Il sut profiter des fautes et trahisons de la « gauche » établie pour imposer ses thèmes et ses formules mensongères – notamment celle associant insécurité et immigrés – tout en s’affirmant en héraut de la lutte contre la délinquance. Délinquant qu’il aura pourtant été lui-même au même titre que sa fille poursuivie pour détournement de fonds publics européens et soupçon d’emplois fictifs. Et ceci, tout en s’engageant à ne pas rompre avec l’Axe UE-OTAN.
Combien une gauche réellement populaire et patriotique, associant le drapeau rouge de l’Internationalisme prolétarien ET de la Révolution de 1793 (que Le Pen exécrait), aurait pu empêcher la « lepénisation des esprits » et la progression de la droite réactionnaire et fascisante ! Il n’est certes pas trop tard, mais le mal est bien avancé, comme l’a prouvé la double qualification de son héritière pour le second tour des présidentielles de 2017 et de 2022.
C’est pourquoi une seule voie politique peut assécher le Rassemblement lepéniste : le Frexit progressiste. Ne comptons cependant pas sur Fabien Roussel, humilié par un inconnu RN dans une circonscription que contrôlait le PCF depuis… 1962, qui préfère s’acoquiner avec le patronat à l’université d’été du MEDEF et qui verse dans l’autophobie permanente, pour mener ce combat ; ni sur l’état-major de LFI qui a abandonné la dialectique « plan A plan B » au sujet de l’UE du Capital – et qui soutient l’envoi d’armes au régime pronazi de Kiev – pour s’allier avec le PS et EELV, pourtant hautement responsables de la montée du RN.
Œuvrons plutôt, comme le font le PRCF et son mouvement de jeunesse la JRCF, à reconstruire un vrai Parti communiste seul à même d’impulser une Alternative Rouge et Tricolore afin de reconstruire une France libre, forte, indépendante, démocratique et souveraine. Soit le projet du Conseil national de la Résistance que Le Pen et ses amis ont toujours combattu, et qui auront bénéficié de la complicité de toute la droite et des politiques menées par la fausse « gauche » pour prospérer.
Déclaration du Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) et de la Jeunesse pour la Renaissance communiste en France (JRCF) – Mercredi 8 janvier 2025