Cher Jean-Luc Mélenchon, chers camarades de la France Insoumise,
Le 24 août 2014 s’adressant par tract aux militants du Parti de Gauche rassemblés à l’occasion des « Remue-méninges » à Grenoble, le PRCF écrivait :
« La réalité politique incontournable est donc la suivante : si le PG veut, non pas en paroles mais en fait, construire une alternative indépendante du PS maastrichien, il ne faut pas seulement rompre avec la socialo dépendance directe, entendons par là, l’alliance en position de subordonné avec le PS. Il faut rompre aussi et surtout avec ce dont le PS « hollandien » est le nom : l’acceptation de principe de la funeste « construction européenne » sur la base des mots d’ordre mensongers de « l’Europe sociale » et de « l’euro au service des peuples ». Et pourquoi pas de l’OTAN au service de la paix. »
La France insoumise se trouve en 2018 devant le même dilemme de fond. La question européenne est centrale car elle implique la lutte contre l’austérité pour le monde du travail et pour nos conquêtes sociales et la souveraineté de notre peuple. L’analyse de classe, historique et factuelle de l’Union européenne, de l’euro et des institutions qui sont liées à la « construction européenne », ne peut qu’aboutir, surtout après la crise grecque et son génocide social, qu’à une seule conclusion : l’UE et son euro sont des armes de destruction massive, par nature et par destination de classe, des conquêtes sociales, des libertés démocratiques et des souverainetés populaires.
La FI et son représentant Jean-Luc Mélenchon ont eu raison de se qualifier « d’indépendantistes français ». Pour les communistes, comme le disait le grand Hô-Chi-Minh : « Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté ». La FI et JLM ont également dit « L’UE on la change ou on la quitte ». Pour nous cette position n’est pas satisfaisante. Mais elle permettait le débat sur l’UE et la question de la sortie de l’UE. Au plan A pouvait succéder un Plan B même si pour nous la Plan A n’avait aucune chance d’exister, car une voiture ne vole pas, elle n’a pas été faite pour cela ; de même qu’un tyrannosaure était un carnivore pas un herbivore.
L’UE ne peut pas devenir « sociale » puisque sa nature, sa vocation, sa finalité, de sa naissance à aujourd’hui n’a répondu qu’aux impératifs du grand capital. Comme la voiture ne volera pas, comme le tyrannosaure ne deviendra pas un doux diplodocus, l’UE ne sera pas sociale.
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme les nuées portent l’orage » s’exclamait Jean Jaurès.
Ne pourrait-on pas le paraphraser en disant « L’UE porte en elle la misère et la guerre comme les nuées portent l’orage » ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’UE est la forme que le grand capital donne à sa domination. Car le cadre national, outre l’aspect économique, présente pour lui un obstacle et un risque. La résistance à sa politique s’organise et se déploie au niveau national. En cassant la nation comme cadre de cette possible résistance, le capital brise le cadre même de la démocratie. Car qu’est-ce que la démocratie sinon l’expression de la volonté du peuple ? Or en cassant la nation on casse aussi le peuple. Car le peuple européen n’existe pas. Il existe un peuple français, italien ou grec mais pas de peuple européen. Détruire le cadre national c’est aussi détruire le peuple. L’empire remplace la République et la plèbe remplace le peuple.
Aussi quand on constate une dérive européïste chez nos camarades de la FI nous sommes en devoir de sonner le tocsin. Sous le prétexte bien connu de ratisser large à l’approche des élections européennes, le chant des sirènes se fait entendre et il semble que les compagnons d’Ulysse ont oublié de boucher leurs oreilles avec de la cire. On entend en effet de plus en plus une petite musique européïste se déployer dans la FI au risque que bientôt cela ressemble à une fanfare tonitruante.
Après Alexis Tsipras et son évolution nous ne pouvons faire preuve ni de naïveté ni même de faiblesse.
Nous avons le devoir de dire à nos amis de la FI que cette manie qu’ont tous les opportunistes de se renier pour élargir leur audience finit toujours en déconfiture. On ne peut être en même temps le nouveau Parti socialiste et un mouvement républicain, patriote et social. C’est antinomique.
Rappelons que la casse du code du travail, la casse de la SNCF et des statuts des cheminots, les menaces sur la Fonction Publique, les retraites, la Sécu, les allocations chômage, les privatisations, le gouvernement de la zone euro, la défense européenne intégrée à l’Otan, la souveraineté européenne… ce sont l’œuvre, les objectifs, les directives d’un état-major qui est l’Union Européenne et dont les gouvernements sont les exécuteurs zélés et créatifs.
Aussi lorsque nous entendons parler de « service public postal européen ouvrant la voie à un État européen », vous comprendrez qu’un tel raisonnement hors réalité, hors sol, hors rapports des forces, soulève notre vive inquiétude. Nous comprenons les nécessités tactiques. Mais quand celles-ci se traduisent par un contre-sens et une aberration stratégiques nous ne pouvons pas ne pas exprimer une critique de fond.
Comment en effet se référer, avec courage, à l’indépendantisme français et (presque) en même temps exprimer le souhait d’un État européen ? La contradiction est explosive, à moins de confondre le supranationalisme du capital avec l’internationalisme populaire, ce qui serait encore plus préoccupant.
N’oubliez pas, camarades de la FI, l’expression de classe du référendum de 2005 dans le cadre du suffrage universel. Selon les instituts, entre 76 et 81 % des ouvriers ont voté Non et chez les jeunes (18-25 ans) entre 59 et 62 % ont voté Non. Entre 55 et 57 % des employés ont également voté Non.
Quant aux élections européennes de 2014 l’abstention a été de 69 % chez les chômeurs, 65 % chez les ouvriers et 68 % chez les employés. En outre, 70 % d’abstention dans les foyers où le revenu est inférieur ou égal à 20 000 euros annuels.
Il n’y a pas photo camarades ! Le peuple travailleur, les classes et couches populaires rejettent l’Union Européenne. Certes dans les centres de Paris, Lyon ou Dijon ce n’est pas la même chose. Mais cela ne fait que confirmer ce que veut le peuple, ce qu’il dit. Ce n’est pas une position de l’avant-garde c’est la position majoritaire des masses populaires. Or ce sont elles que nous sommes censés servir.
« La souveraineté populaire est notre boussole absolue » a dit un député de la FI. Alors soyez cohérents avec vous-même. Ne craignez pas Benoît Hamon, digne continuateur du parti de Guy Mollet, de Mitterrand et Hollande, ou les bureaucrates européïstes du PCF-PGE qui vous traitent de « nationalistes ou chauvinistes ».Ces gens dépourvus de colonne vertébrale éthique et politique pataugent dans le supranationalisme qui est le faiseur du nationalisme. Ils insultent le patriotisme républicain qui est, avec l’internationalisme, le meilleur rempart au nationalisme. Ces gens-là n’offrent aucune perspective à qui chercherait à céder à leur discours ou se les concilier. Ce serait s’enfermer dans un vote petit-bourgeois, un vote de classe qui éloignerait les ouvriers, les chômeurs, les employés et les maintiendrait dans une abstention qu’il faut savoir comprendre et régler politiquement. Ce ne sont pas les tentatives de rassembler dans l’ambiguïté qui peuvent résoudre le problème mais au contraire un choix clair sur la question européenne porté par l’alliance du drapeau tricolore et du drapeau rouge, la souveraineté populaire et nationale contre « les abstractions de papier, les vœux sans moyen, les projets sans force, littéralement : les jeux de mots. Et aussi la transfiguration des queues de cerises » comme l’écrit justement Frédéric Lordon.
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, parle d’or : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
Si la conclusion de cela n’est pas qu’il faut sortir de ce carcan capitaliste, si la conclusion de cela n’est pas le FREXIT progressiste par la porte de gauche, n’attendez pas qu’un ouvrier, un chômeur, que la France populaire qui souffre et se bat n’ait le moindre regard pour ceux qui veulent concilier l’inconciliable. Isoler l’ennemi principal ne se fait pas avec les planches pourries mais avec les masses.
Camarades, cher Jean-Luc Mélenchon,
Les communistes du PRCF se battent pour un vaste FRont Antifasciste, Populaire, Patriotique et Écologique, le FRAPPE. Un Front implique diverses composantes. Diverses approches. Diverses stratégies. Mais il implique un débat franc et fraternel entre ses composantes et cela devant les travailleurs et notre peuple. Afin que la résultante qui se dégage nous permette de mobiliser notre peuple. Adrien Quatennens a récemment déclaré que sans la candidature de JLM à la présidentielle « on aurait eu un vrai risque d’un paysage à l’italienne où tout disparaît ». Nous partageons le constat et c’est pourquoi nous avons soutenu cette candidature de façon critique, c’est-à-dire sans jamais cacher nos propres positions, et que pas un instant nous n’avons regretté notre choix qui a permis de préserver un espace politique progressiste dans notre pays, ce qui influe bien évidemment sur les luttes sociales qui ne s’engagent pas hors-sol.
C’est aussi pourquoi nous vous exprimons de nouveau notre position sur cette question européenne qui est centrale à nos yeux. Et nous pensons en agissant ainsi aider toutes les composantes du Front en gestation.
Salut et fraternité !
Le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF)
10 août 2018
Bonjour,
Ce courrier je l’ai adressé au groupe de François RUFFIN sur Facebook et comme tous les articles intéressants du PRCF que j’ai tentés de publier sur leur page ont été censurés ! Je lis leurs publications et c’est d’une médiocrité affligeante et les commentaires des adhérents encore plus affligeants ! Bref, 7 millions de voix se sont portées sur JLM et au lieu de s’en servir en acceptant les critiques justifiées du PRCF en particulier sur l’UE, ce microcosme préfère s’en tenir à feu « le front de gauche » et sa « haine » de ceux qui sont franchement communiste.