LETTRE OUVERTE aux CAMARADES « INSOUMIS(E)S » – Par Fadi Kassem, Gilliatt de Staërck, Georges Gastaud au nom du secrétariat national unanime du P.R.C.F
Chères et chers camarades, citoyennes et citoyens,
Un salutaire et méritoire sursaut de la militance progressiste, et notamment de la jeunesse populaire de France, a permis d’empêcher que le Rassemblement lepéno-bardelliste obtienne la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Tout en rappelant leurs positions propres et leurs réserves sur les graves biais programmatiques du « Nouveau Front Populaire » (notamment sur la question cruciale de la défense de la paix mondiale), les militants du PRCF ont milité d’arrache-pied pour amoindrir le score lepéno-bardelliste en milieu populaire. Ils ont appelé, non pas à perdre toute mesure en allant jusqu’à voter pour les indécents Borne, Attal, Hollande, Wauquiez ou Darmanin (avec pour piteux résultat le fait que les droites LR et macronistes gardent au Parlement la capacité de manœuvrer dangereusement, voire de s’allier au RN et aux LR pour torpiller toute avancée sociale…), mais à soutenir franchement au second tour les candidats PCF et LFI et à empêcher ainsi que notre pays se déshonore en ouvrant Matignon à un parti raciste, allié à l’agent patronal Ciotti et héritier de Vichy.
Les formations se réclamant d’un « nouveau front populaire » disposent désormais d’une courte mais réelle majorité relative à l’Assemblée nationale et sont en capacité, comme l’a rappelé J.-L. Mélenchon le 7 juillet au soir, en finissant son propos par une belle citation de Jean Ferrat, de former le gouvernement pour appliquer le programme du « Nouveau Front Populaire ». Il ne faut pourtant pas se cacher que les écueils sont nombreux sur la voie de l’alternative populaire. Non seulement la Constitution néo-bonapartiste de la Vème « République » permet au chef de l’Etat de choisir discrétionnairement le premier ministre proposé au vote de l’Assemblée ; non seulement E. Macron sera tenté de mettre en place un « gouvernement central de coalition » allant des éléments les plus droitiers du NFP aux LR en passant par les macronistes ; non seulement il va prendre appui sur l’Europe supranationale, laquelle vient de placer la France en « redressement pour déficit excessif », pour infliger à notre pays une purge euro-austéritaire sans précédent ; mais il va certainement accentuer, pour continuer d’exister politiquement, sa politique internationale ultra-atlantiste et « sans lignes rouges » visant à faire de la France l’ennemie déclarée n°1 de la Russie, voire de la Chine populaire : ce qui signifie autoriser Macron à expédier en Ukraine des armes françaises destinées à frapper le sol russe en profondeur quitte à encourir des représailles gravissimes de l’autre partie, et envoyer des soldats (des « instructeurs »…) français appelés à s’approcher de plus en plus près du front. Cela revient à soutenir là-bas un régime ignoble qui s’appuie sur les milices ouvertement néonazies Azov, Aïdar, Kraken et Cie, qui interdit les partis de gauche, qui persécute et torture les militants des Jeunesses communistes, qui supprime le Code du Travail dans les PME, qui abat les statues dédiées à l’Armée rouge victorieuse de Hitler, qui rend hommage au pogromiste ukrainien, antisémite et pronazi Stepan Bandera, qui accueille, forme militairement et encourage tous les fanatiques d’extrême droite d’Europe et qui soutient en outre la « théocratie fasciste » d’Israël (dixit le maire de Tel Aviv Ron Huldai) dans son entreprise génocidaire à Gaza. Tout cela, au risque de transformer la France en co-belligérante officielle et de faire ainsi un pas décisif proprement suicidaire dans la marche vers une guerre entre notre pays et l’une des principales puissances nucléaires du monde. Le président peut même être machiavéliquement tenté de nommer un Glucksmann à Matignon, c’est-à-dire à la fois, sous un visage de gauche usurpé, le chef de meute européen de l’entrée en guerre de l’UE-OTAN contre la Russie, un ennemi acharné de LFI et un digne héritier de son très belliciste, atlantiste anticommuniste géniteur, le défunt « philosophe » fanatiquement antisoviétique André Glucksmann.
Bref, par diverses voies possibles, que ce soit par le maintien « technique » à Matignon de Gabriel Attal, par la nomination d’une personnalité dite « centrale » appliquant directement le programme socioéconomique de l’UE assortir du programme militaire de l’OTAN, ou par la nomination d’un membre hyper-européiste et hyper-atlantiste formellement issu du NFP (Jérôme Guedj, qui semble candidat, mais aussi Marine Tondelier?), le Macronat poussé par la droite et par le MEDEF veut obtenir la continuité de sa politique de « saut fédéral européen » antinational, de destruction sociale, de marche à l’Etat policier, de xénophobie d’Etat et de répression antisyndicale. Il faut donc absolument se donner ICI ET MAINTENANT les moyens et surtout, la ferme résolution politique, de bloquer cette issue gravissime, non seulement parce qu’elle achèverait d’écœurer les Français – notamment ces ouvriers que le désespoir et l’absence de perspective claire à gauche ont poussés à voter par millions pour le RN -, et qu’ainsi elle permettrait un raz-de-marée lepéniste à la prochaine présidentielle; mais aussi parce que cette pseudo-issue enterrant la volonté populaire de changement accélérait dès demain l’euro-servitude de la France, l’arasement des avancées sociales dues aux ministres communistes résistants de 1945, voire la marche à une guerre mondiale qui signifierait l’anéantissement probable de l’humanité et l’extermination quasi certaine de notre pays.
Pour cela, si l’on regarde un peu vers le passé proche et que l’on a le courage de procéder aux autocritiques nécessaires, force est de constater que le virage politique opéré par LFI en 2018-2019, et dont peu de militants insoumis semblent avoir pris pleinement conscience, s’est avéré très négatif pour la gauche populaire, pacifique et patriotique dont la belle expression « France insoumise » a d’abord laissé espérer l’émergence. En effet, avant 2017, Jean-Luc Mélenchon appelait ouvertement à sortir de l’OTAN (cf. le discours sur la paix qu’il a prononcé sur le Vieux Port de Marseille en 2017) ; il assumait alors ce qu’il appelait l' »indépendantisme français » et disait de l’Union européenne « l’UE, on la change ou on la quitte ! » ; il défendait la République une, laïque et indivisible héritée de Robespierre et défendait la langue française si chère à Aragon et à Jean Ferrat contre l’avancée fulgurante du tout-globish insidieusement promu par l’UE et par le MEDEF ; il assumait aussi la défense de Cuba socialiste contre le blocus US ; il assumait enfin l’idée de rompre avec les institutions de la mondialisation capitaliste – FMI, OMC et Banque mondiale. Et tout cela ne l’empêchait pas, bien entendu, de défendre la solidarité entre travailleurs français et immigrés et de combattre frontalement le RN et la Françafrique néocoloniale. Or, c’est à tout cela que l’état-major d’LFI a renoncé, y compris ceux qui le trahissent aujourd’hui pour tenter de ressusciter purement et simplement feue la « gauche plurielle », quand il a, de facto, renoncé à combattre l’OTAN, quand il a demandé que le drapeau jaune et bleu d’un régime honteusement belliciste et fascisant soit hissé sur toutes les mairies de France, quand il a soutenu avec Manon Aubry l’envoi à l’Ukraine de « toutes les armes nécessaires » – ce qui ouvre la voie à la fin de toute « ligne rouge », donc à la possible (et très sous-estimée à gauche) guerre mondiale avec les Russes ; quand il a renoncé, aussi, à l’articulation « plan A, plan B » qui permettait au moins, même si c’était encore bien timide, d’ouvrir un débat de masse sur la nécessité d’un Frexit progressiste sans lequel le socialisme serait à jamais prohibé dans notre pays puisque les traités européens constitutifs de l’UE que pourrait prochainement alourdir le « saut fédéral européen », sont intrinsèquement néolibéraux et prohibent de fait toute nationalisation non directement profitable au capitalisme. De ce fait, la radicalisation de LFI s’est déployée à faux ces dernières années: elle s’est engagée dans le cul-de-sac pseudo-écolo d’une mise à mort du nucléaire civil français; quant à la courageuse solidarité des militants et des élus LFI avec Gaza, elle n’a pas pu entrer en cohérence avec une dénonciation globale de la nocivité mondiale de l’UE-OTAN, soutien à la fois de la marche en avant de l’Occident hégémoniste vers la Russie, de l’écrasement militaire de Gaza par les armes américaines et européennes, et de la marche vers une forme de Gaza mondial sous pavillon euro-atlantique.
Plus globalement, LFI, qui aurait pu porter à la fois, à l’instar du grand PCF du Front populaire antifasciste, de la Résistance patriotique et des luttes anticoloniales, le drapeau rouge de la classe ouvrière internationale et le drapeau tricolore de la Révolution française, a involontairement abandonné un terrain politique et symbolique énorme au RN qui feint de défendre la France alors même qu’il accepte totalement l’euro, l’UE et l’OTAN à l’exemple de Meloni en Italie.
De tout cela, et pour le bien de tout le camp populaire, le PRCF a plusieurs fois tenté de parler fraternellement à la direction de LFI, comme à celle du PCF de plus en plus dérivant de F. Roussel, mais toutes les lettres du PRCF signée notamment du grand résistant Léon Landini, figure de proue des anciens FTP-MOI et président du PRCF, n’ont même pas reçu de LFI un accusé de réception. Le résultat, c’est que la poussée du NFP se fait aujourd’hui sur des bases extrêmement précaires et ambiguës puisque le PCF continue de s’affaisser et que le PS additionné aux Verts et courtisé par une partie de la Macronie a largement rééquilibré la gauche au profit de sa politique notoirement euro-soumise, euro-atlantique et fortement MEDEF-compatible comme on l’a vu sous Hollande, désormais cyniquement de retour dans l’hémicycle.
C’est pourquoi camarades, nous nous adressons aujourd’hui avant tout à vous, militants insoumis de base et pourquoi pas à vous, anciens et nouveaux députés de LFI qui avez désormais une écrasante responsabilité à assumer devant l’histoire. Notre but est de vous adjurer d’être plus que jamais « fermes sur les prix » dans la période qui va s’ouvrir. Même si le PRCF reste une force modeste, quoiqu’en dynamique croissante, nous sommes sûrs d’exprimer les exigences de millions de gens, y compris de millions d’ouvriers, d’employés, de jeunes et de paysans qui se sont abstenus aux européennes ou aux législatives parce qu’aucune offre ne leur correspondait, lorsque nous vous disons :
aucune négociation avec les macronistes dans la période de formation du nouveau gouvernement !
aucune acceptation pour premier ministre d’un personnage issu de la « droite de la gauche » à la Guedj, à la Glucksmann, à la Hollande, à la Martine Aubry, etc.; car sous couvert de « réalisme », un tel personnage n’aurait de cesse de courber l’échine de-vant l’UE, il avalerait allègrement le « saut fédéral européen » – c’est-à-dire la mise à mort de la patrie indépendante – , il accepterait de discuter, comme l’a honteusement fait naguère le premier ministre grec « de gauche » Alexis Tsipras, du méga-plan d’austérité préparé par l’UE pour la France et qui accentuerait derrière Macron la course à la co-belligérance atlantiste en Ukraine, au Proche-Orient, en Corée, en Iran, dans l’Indopacifique ou ailleurs ! Cette perspective est d’autant plus grave que l' »hégémon » étatsunien du monde occidental est entré dans une période chaotique. A l’inverse, la Chine ne cesse de faire des propositions de désescalade sur tous les fronts et de remplacement de l' »unilatéralisme » américain caduc par un multilatéralisme faisant place à une coopération à égalité de tous les peuples du monde rendus à leur souveraineté.
refus absolu du « saut fédéral européen » et des exigences austéritaires léonines que ne vont pas manquer de présenter à la France, dès le 20 septembre prochain, les « experts » mandatés par l’odieuse Troïka, Commission européenne, BCE et FMI !
abrogation immédiate, suspension sine die, et/ou déconstruction, dès votre arrivée au pouvoir, de l’ensemble des délocalisations, des plans de licenciements, des privatisations, des contre-« réformes » permises et/ou exigées par l’UE en tous domaines : retraites, Sécu, école, hôpital, SNCF, EDF, Poste, etc.
réaffirmation au minimum des « lignes rouges » de la France en matière de soutien à Kiev : pour le moins, aucun soldat français sur le sol ukrainien, aucune arme française autorisée à frapper le sol russe, appel immédiat de la France à la négociation et au cessez-le-feu, prise en compte de tous les plans de paix mis sur la table de tous côtés, rôle actif de la France pour la paix et la désescalade avant que n’éclate la catastrophe sans précédent d’une guerre nucléaire mondiale !
reconnaissance immédiate de l’Etat palestinien, arrêt immédiat de toutes les livraisons d’armes françaises et européennes à Israël, engagement pour un cessez-le-feu définitif et inconditionnel à Gaza, pour le retrait de toutes les « colonies » israéliennes en Cisjor-danie et pour le jugement du méga-criminel de guerre Netanyahou ;
abrogation immédiate des lois xénophobes et/ou liberticides des Sarkozy, Valls-Hollande, Macron, Darmanin, Dupont-Moretti et Cie, amnistie pour les militants syndi-caux sanctionnés ;
blocage des prix, augmentation substantielle immédiate des petits et moyens salaires avec péréquation entre grosses et petites entreprises, rétablissement de l’échelle mobile des prix et des salaires supprimée par Delors en 1983 en vue de la mise en place de la socialement très funeste monnaie unique européenne ;
l’argent que la France donne à l’UE doit directement aider à reconstruire l’agriculture paysanne et la pêche artisanale en France ;
des moyens massifs immédiats pour l’hôpital public et pour l’école publique.
Tout ce qui est proposé ici n’aurait absolument rien d' »extrémiste : c’est un seuil archi minimal pour que les forces populaires s’inscrivant dans le NFP ne se discréditent pas d’emblée en déroulant le tapis bleu marine au RN, à Macron et à l’UE-OTAN qui supervise de très près tout ce petit monde;
Tout cela permettrait en outre de créer un immense élan dans la classe ouvrière et les couches populaires qui sont, quoi qu’elles aient voté dans le climat de désorientation actuel, le socle réel d’un véritable Front populaire digne de celui de 1936. Un Front qui ne peut pas prendre corps « à froid » en laissant du champ à une social-démocratie rompue aux trahisons et prête d’avance à passer sous les fourches de l’UE, du MEDEF et de l’OTAN comme le prouve toute l’histoire du XXème siècle.
Chers camarades, à tous niveaux, nous sommes prêts à vous rencontrer et, pourquoi pas, à appeler avec vous à la mise en place partout, quartiers et entreprises notamment, de Comités d’action populaire. Il faut en effet mettre l’alternative populaire sous la protection de ce que Jean Ferrat, opportunément cité par JLM dans son dernier discours appelait super-bement « la France des travailleurs » dans sa chanson « Ma France » : telle est la seule issue pour stopper la marée montante du lepénisme et pour bloquer toutes les manoeuvres antipopu-laires auxquelles ne vont pas manquer de se livrer de concert Macron, les LR et la fausse gauche. Ainsi ouvrirons-nous vraiment la voie pour une France Franchement Insoumise (FFI !) solidement porteuse d’espoir pour notre pays, pour les travailleurs du monde et pour tous les amis de la paix et de l’insoumission des peuples.