Au mois de juin dernier, les cheminots français ont mené une importante grève pour tenter de mettre en échec la réforme ferroviaire prévoyant un démantèlement rampant de la SNCF et de RFF – entreprises publiques appartenant à l’ensemble des Français – écrite par le pouvoir Hollande – MEDEF sous la dictée de l’UE. Car la privatisation des services publics ferroviaire, et des services et entreprises publics en général, est un des objectifs de l’UE du capital. Au nom de ce principe fondateur de l’UE de la « concurrence libre et non faussée » (présent dès l’origine en 1957 dans le Traité de Rome) qui signifie en clair que l’ensemble des secteurs économiques doivent pouvoir être accessibles à des entreprises détenues par les capitalistes et donc la fin des monopoles publics. Du reste, cette « concurrence libre et non faussée » n’interdit en rien les monopoles capitalistes privés qui savent comme on a pu le constater dans la plupart des secteurs parfaitement s’entendre pour faire les poches de consommateurs et des Etats.
La réforme ferroviaire n’est en fait que la transcription en droit français du dernier paquet de directives européennes imposant à tous les états européens la privatisation du rail.
Il est un pays européen qui a pris de l’avance en la matière, le Royaume Unis, démontrant par l’exemple la catastrophe économique et social pour tout le pays qu’est la privatisation et le démantèlement du monopole public du transport ferroviaire.
Le syndicat RMT dont www.initiative-communiste.fr vous avez rapporté la campagne pour la sortie de l’UE mène avec les usagers britanniques une campagne pour la renationalisation du rail.
Dans le même temps, les syndicalistes irlandais ont lancé et réussis une grève pour la défense des salaires. Salaires qui ont été diminués et qui sont menacés d’être encore diminuer en application de la politique d’austérité imposé par l’UE et l’Euro à l’Irlande. Ne nous trompons pas, alors que la crise systémique du capitalisme s’aggravent, l’UE capitaliste organise une large offensive contre la classe des travailleurs, mène la guerre contre nos salaires, contre les droits des travailleurs pour toujours augmenter les profits de la classe capitaliste. En supprimant de fait la souveraineté populaire, en divisant et opposant les peuples européens, l’Union Européenne et l’Euro désarme les travailleurs. Pour le progrès social, pour la démocratie, il faut sortir de l’UE et de l’Euro. C »est là un combat politique concret, pour défendre nos services publics (hôpitaux de proximité, écoles, transports…) pour défendre nos salaires, pour défendre nos droits (sécurité sociale, retraite, assurance chômage, code du travail…) autant de conquis sociaux obtenus par le dur combat des travailleurs.
Ci-après voici deux articles de nos camarades du blog solidarite-
Deux-tiers des Britanniques pour la re-nationalisation du rail, les manifestations se multiplient contre la hausse des tarifs
Nos commentateurs politiques avisés ont toujours un exemple étranger dans la poche pour nous vanter les mérites d’un ailleurs mythifié. Pour la libéralisation/privatisation du rail, il y a pourtant un précédent désastreux qui a soulevé la colère des usagers : la Grande-Bretagne.
Les travailleurs britanniques tirent la sonnette d’alarme. Ce 19 août, ils étaient plusieurs centaines – usagers et le syndicat RMT ensemble – à alimenter 50 piquets dans les gares de l’île pour protester contre la hausse vertigineuse des tarifs des trains de banlieue et des trains inter-cités.
La privatisation contre les usagers : + 60 % pour les tarifs vs – 6 % pour les salaires en cinq ans !
Le syndicat de classe RMT (Rail Maritime and Transport Union) proteste avant tout contre l’appel d’offres qui livrerait la « Northern line » à des opérateurs privés étrangers, remettant 10 000 cartes au Département du transport à Londres contre ce projet.
A Londres, comme à King’s Cross, les usagers mais aussi les syndicats étudiants étaient largement présents, protestant contre le fait que la hausse des tarifs « éloigne les étudiants des universités ».
Ainsi selon la présidente du syndicat de l’University of Arts of London, Shelly Asquith :
« de nombreux étudiants ont besoin des transports publics pour étudier. Nos revenus stagnent, mais les prix du transport ne cessent d’augmenter (…) Quand les entreprises font des profits colossaux, les étudiants ne peuvent plus étudier ».
Selon les chiffres du Trade union congress (TUC), les tarifs du train ont augmenté en moyenne de 60 % depuis 2008 sachant que – selon l’Institue for fiscal studies – les salaires réels ont baissé de 6 % dans le même temps.
Le désastre de la privatisation : hausse des tarifs, subventions publiques et profits privés !
Depuis la privatisation, il y a vingt ans, les usagers britanniques ont pu constater de leurs propres yeux les désastres de la gestion privée.
Le TUC l’avait constaté dans le rapport publié l’an dernier : « The great train robbery : les conséquences économiques et politiques de la privatisation du rail ».
Nous rappelons ici quelques données brutes, puisque nos libéraux sont aussi bornés que le Mr.Gradgrind de Dickens : ils ne veulent que des faits, des faits, des faits. Les voici, les faits.
les trains n’arrivent plus à l’heure : un train sur six circule avec plus de 10 minutes de retard (15 %), contre un sur dix en France (10 %) ;
le matériel roulant est de plus en plus vieux : depuis 1996 l’âge moyen du matériel a augmenté, de 16 à 18 ans en 2013. L’investissement dans le renouvellement de matériel a chuté de moitié ;
un système très coûteux par rapport au public : selon le rapport McNulty (2011), les coûts du système fragmenté britannique sont 40 % supérieurs à ceux du système nationalisé français ;
une ouverture à la concurrence … dominée par quelques monopoles : le britannique First Group contrôle 7 des 23 opérateurs, et l’Allemand Deutsche Bahn, l’Hollandais NS et enfin la SNCF (via Keolis) ont pris possession de 11 des 23 opérateurs du chemin de fer britannique. Quatre entreprises contrôlent donc 80% du rail britannique !
Investissements publics, dette publique, mais profits privés : l’Etat dépense aujourd’hui deux fois plus en subventions (6 milliards par an) que du temps du rail nationalisé, avec une dette de 40 milliards d’euros. Pendant ce temps, les opérateurs privés comme la Deutsche Bahn (1 milliard en 2012 sur le réseau anglais!) réalisent des profits colossaux
Les tarifs les plus élevés au monde : les tarifs du rail sont désormais, en moyenne, deux fois plus élevés qu’en France, dans le secteur nationalisé. Depuis 1996, l’augmentation des tarifs du train a été trois fois supérieure à celle de l’augmentation moyenne des salaires. La Grande-Bretagne dispose des tarifs les plus élevés du monde ;
Face à ce système inefficace, coûteux, ce « grand vol » organisé par les dirigeants conservateurs et travaillistes, les Britanniques réclament désormais d’une seule voix la re-nationalisation.
Cette majorité de Britanniques qui réclament la re-nationalisation
Selon un sondage « YouGov » d’octobre 2013, 66% des personnes interrogées pensent que « les compagnies du rail doivent être toutes publiques », contre 23 % qui préfèrent la gestion par le privé.
Un chiffre qui atteint les 79 % chez les électeurs travaillistes, 72 % chez les UKIP, mais qui était aussi majoritaire chez les électeurs libéraux-démocrates (62%) et même conservateurs (52%) !
63 % des sondés estiment même qu’ils sont prêts à voter pour le candidat qui leur promettra la re-nationalisation du rail.
Ce n’est pas gagné quand le « Labour » ne propose que la mise en place d’une forte entreprise publique du rail capable … d’être compétitive sur les appels d’offre face aux opérateurs privés !
L’exemple de l’East Coast Line : un modèle public plus efficace !
Face aux libéraux qui dépeignent la « nationalisation » comme irréaliste, ces partisans donnent un exemple qui parle de lui-même : la East Coast Main line.
Jusqu’en 2009, la ligne qui relie notamment Londres à l’Ecosse était gérée par l’opérateur privé « National express ».
En 2009, le bilan de la privatisation est désastreux, la piètre qualité du service et les tarifs prohibitifs avaient fait fuir les consommateurs, le faible taux de remplissage conduisant à des pertes se chiffrant à plusieurs centaines de millions de £, et finalement au départ de l’opérateur privé.
Pour « assurer la continuité du service », l’Etat décide alors contre son gré de récupérer la ligne, gérée par la bien-nommée « Directly operated railways ».
Depuis, le contraste est saisissant : la ligne nationalisée est redevenue la plus fréquentée (36 % de plus que la deuxième ligne!), elle bat des records de satisfaction parmi les usagers (91 % en 2013), elle est une source de revenus pour le contribuable (1 milliard de £ depuis 2009, 235 millions cette année).
Et enfin elle est l’entreprise la moins coûteuse pour le contribuable britannique selon l’Office for rail regulation, puisqu’elle reçoit sept fois moins de subventions que Virgin sur la West Coast Main Line !
Les appels d’offre pour les lignes du Nord et de l’Est : la SNCF acteur numéro 1 de la concurrence britannique
Et pourtant, ce bel exemple de réussite de la « nationalisation » du rail risque de faire long feu.
Ce pactole attire en fait les convoitises des opérateurs privés bien décidés à privatiser les profits après avoir socialisé les pertes (et les investissements).
Ainsi, le gouvernement conservateur prévoit la re-privatisation de la ligne en 2015. L’appel d’offres a déjà reçu trois candidats : les Britanniques StageCoach, First (détenus à 50 % par Keolis-SNCF !) et … la filiale de la SNCF, Keolis bien sûr.
Autrement dit, la SNCF met deux billes dans le même panier espérant gagner le jackpot de la re-privatisation de la première ligne de chemin de fer britannique !
Et ce n’est pas fini, le gouvernement britannique a décidé de renouveler la concession sur deux entrprises privées opérant dans le Nord du pays : la « Northern Rail » et le « TransPennine Express », assurant des services sur Manchester, Leeds, Liverpool ou encore Newcastle.
Là encore, trois candidats, tous étrangers, tous liés à des grands groupes publics européens :
le néerlandais Abellio (branche internationale de la NS), l’allemand Arriva (filiale de la Deutsche Bahn) et le franco-britannique Govia (détenu à 65 % par Go-Ahead et à 35 % par l’omniprésent Keolis!).
Il n’est hélas plus surprenant de voir la SNCF saborder le chemin de fer français pour mieux aller jouer les rapaces sur les chemins de fer ravagés par la privatisation de nos voisins.
En tout cas pour nous, l’exemple britannique est toujours parlant : il faut lutter maintenant contre la privatisation de la SNCF, à laquelle emmène la « réforme ferroviaire ». Avant qu’il ne soit trop tard.
Succès de la grève de 48 h des cheminots irlandais contre la baisse de leurs salaires
Les cheminots irlandais ont lancé ce week-end une grève de deux jours contre les coupes budgétaires de l’ « Irish Rail » se traduisant par des baisses de salaire, après des années de modération salariale. Un scandale dans un pays qui a renfloué ses banques en 2008.
Ce dimanche 24 et lundi 25, le réseau de bus et de train irlandais a été fortement perturbé par une grève de 48 heures lancée à l’appel de deux syndicats, le NBRU (National bus and rail union) et SIPTU (Services, industrial, professional and technical union).
La grève est montée en puissance sur les deux jours, avec 60 000 passagers touchés le premier jour, et plus de 100 000 le second jour.
Le mouvement lancé par les cheminots est une réaction aux coupes budgétaires prévues par l’ « Irish Rail » (IR), entreprise publique des transports ferroviaires, qui a annoncé la nécessité de dégager 17 millions de $ d’économies en deux ans.
Ces coupes se traduiront dans l’immédiat par une baisse de 1,7 à 6,1 % des salaires des employés. Un plan accepté par trois syndicats, refusé par NBRU et SIPTU.
Il faut rappeler que depuis 2008 ces mêmes syndicats avaient accepté un gel des salaires qui s’est traduit – inflation prise en compte – par une baisse des salaires réels d’au moins 5 %.
La raison avancée par la direction de l’IR pour légitimer ces coupes est le déficit de l’entreprise. La direction pointe des dépenses trop élevées pour les salaires des employés, les syndicats dénoncent la chute des subventions publiques : 74 millions d’€ perdus sur les 108 millions entre 2008 et 2013.
Les usagers pris en otage en Irlande … par les banques après le « hold-up » de 2008 !
Bien entendu, comme toujours, les médias, le gouvernement ont feint l’indignation. Le dirigeant de l’Irish Rail Brian Kenny a évoqué une « folie » (insanity), la députée de la majorité gouvernementale Olivia Mitchell un « exercice futile ».
Les chiffes ont fusé : l’IR a évoqué un manque à gagner de 2 millions d’€ par la grève, l’association des enteprises de Dublin « Dublin Town » a parlé de 25 millions d’€, tandis que les reportages se sont multipliés sur les banlieusards de Dublin « pris en otage » par les grévistes.
Or, qui est réellement pris en otage en Irlande depuis 2008 ?
Un petit rappel : le gouvernement irlandais a renfloué en 2008 les banques du pays à hauteur de 64 millions d’euros (plus de quatre fois la somme initialement prévue !), soit 30 % du PIB du pays. Une aide providentielle qui a fait bondir la dette publique de 25 à 125 % du PIB entre 2008 et 2014.
Ce plan de renflouement pour les banques a été couplé à un « plan de renflouement » du FMI, de l’UE de 85 milliards d’€ à l’État irlandais en échange de coupes budgétaires drastiques qui se sont traduits en autant de sacrifices pour les travailleurs irlandais :
baisse de 10 % du salaire minimum, de 20 % du salaire des fonctionnaires, hausse de la TVA, des taxes indirectes (alcool, tabac, eau, électricité), coupes de 25 % des budgets des services publics, hausse du temps de travail de 35 à 37,5 heures dans le public.
Les travailleurs irlandais travaillent plus pour gagner moins, c’est ce qu’a révélé une étude publiée par le Central statistics office (CSO). Entre 2010 et 2014, le salaire nominal a baissé de 2% tandis que le temps de travail a augmenté dans le même temps.
Une seule donnée n’a pas été touchée, sanctuarisée : l’impôt sur les sociétés reste toujours un des plus bas d’Europe, à 12,5 %.
Des sacrifices pour les travailleurs, toujours plus de cadeaux pour les entreprises et les banques, voilà de quoi s’indigner !
On perçoit également toute l’hypocrisie des baisses des subventions publiques à l’IR : 74 millions d’€ de moins pour les chemins de fer, 64 milliards d’€ de plus pour les banques entre 2008 et 2013.
Les « sacrifices nécessaires » pour le rail, c’est 1 000 fois moins que la somme donnée sans contrepartie aux banques en 2008 !
Un début : vers une grève reconductible ?
Le succès de la grève a pris de court la direction de l’IR, dont le PDG David Franks en vacances à l’Ile Maurice (sic). Le porte-parole de l’entreprise Barry Kenny a déclaré « ne pas être fermé aux négociations » tant qu’elles déboucheront sur la confirmation « des baisses de salaire » (re-sic).
Pour les deux syndicats grévistes prévoient deux nouvelles journées de grève dans le mois de septembre – le 7 et le 21 – pour tenter d’intensifier le mouvement.
Selon le coordinateur de la SIPTU, Paul Cullen : « Si la direction continue dans cette voie, la lutte s’intensifiera bien au-delà de ces deux journées de grève ».
Le secrétaire-général de la NBRU Dermot O’Leary pose la suite plus clairement : « Nous allons faire un bilan le 23 septembre, mais nous avons un mandat pour une grève illimitée. Si l’entreprise persiste dans ces coupes salariales, nous allons obéir à ce mandat ».
Encore une fois, la grève des cheminots irlandais est révélatrice d’un ras-le-bol général en Europe dans le secteur face aux coupes budgétaires et salariales, le sous-investissement chronique, les processus de libéralisation-privatisation dont l’Union européenne est à la fois l’instrument et le prétexte.
Après les mouvements en France, en Suède mais aussi en Belgique, en Allemagne ou Grande-Bretagne, cela pose encore des questions sur l’action de la CES, prompte aux « euro-manifestations » à Bruxelles mais absente dès qu’il s’agit de coordonner la moindre lutte.
Les cheminots français suivent avec le plus grand intérêt le développement des luttes dans les autres pays européens, conscients que la meilleure des solidarités réside dans l’action, ici et maintenant contre les suites de la « réforme ferroviaire ».