L’imbrication étroite entre la crise sanitaire que nous vivons et la crise environnementale dans laquelle nous plonge le système capitaliste est très largement constatée par les scientifiques et le camp du progrès, même non communiste (voir par exemple l’article La crise du coronavirus est une crise écologique, sur le site de Libération). Si la seule solution de fond pour résoudre positivement ces défis majeurs auxquels est confrontée l’humanité réside dans la révolution socialiste, nous esquissons ci-dessous plusieurs points de vigilance et revendications qui valent de façon immédiate et pourront constituer des appuis à nos luttes de classes dès la sortie de la phase aiguë de la crise sanitaire.
Si la pandémie du nouveau coronavirus plonge le libre-échangisme effréné et son cortège de transports parasitaires à très longue distance dans une crise salutaire, nous devons prendre garde qu’elle donne aussi du grain à moudre, sur certains aspects, aux pires obscurantismes anti-écologiques que le capitalisme (États-Unis de Trump et U.E. en tête) promeut, de façon ouverte (pour le premier) ou derrière une odieuse hypocrisie verdâtre (pour la deuxième). Ainsi, des industriels se sont engouffrés dans les préoccupations hygiéniques légitimes pour demander la pérennisation du plastique à usage unique : structurellement porteur de la délétère obsolescence programmée et du « tout-jetable », fort utiles pour alimenter des marchés nombreux et rentables dès le court terme, le capitalisme voit une occasion inespérée de continuer comme avant ce qui nous mène droit dans le mur, au motif louable de la santé publique. Certes, entendons-nous bien : le matériel jetable à usage unique est parfois indispensable pour des raisons de sécurité sanitaire (l’usage médical de seringues à usage unique, par exemple, constitue un acquis fondamental en la matière), mais cela ne saurait justifier en règle générale, quitte à y déroger ponctuellement en cas d’épidémie si cela s’avère pertinent, à l’élimination de ces paradigmes d’obsolescence qui représentent un gaspillage et des nuisances environnementales (et donc aussi, au moins sur le long terme, sanitaires) majeures. Toutefois, dans le présent article, nous nous concentrerons sur la question des transports.
Malgré l’affichage, le gouvernement soutient le développement irresponsable du transport aérien, même hors des très longues distances
Faisant mine de prendre en compte les impératifs de transition écologique, le gouvernement présente son plan de soutien de 7 milliards d’euros à Air France (voir par exemple cet article du Monde, ou cet article de Reporterre) comme conditionné à des mesures écologiques, sachant que le transport aérien, bien que collectif, est celui qui nécessite de très loin la plus grande quantité d’énergie pour parcourir une même distance, occasionnant au niveau mondial une source de pollution et une contribution au réchauffement climatique importantes, et en forte croissance. Qu’en est-il vraiment ?
Le ministre Bruno Le Maire, qui a écarté toute idée de nationalisalition de l’entreprise, laquelle seule pourtant permettrait à l’État de disposer du plein contrôle d’une politique de transport aérien en adéquation avec les besoins de transport et de sobriété écologique nationaux, a notamment déclaré :« Nous avons fixé des conditions à Air France. Des conditions de rentabilité, car c’est l’argent des Français donc il faut que [la compagnie] fasse un effort pour être plus rentable, et [aussi] des conditions écologiques. Air France doit devenir la compagnie la plus respectueuse de l’environnement de la planète. C’est la condition à laquelle je suis le plus attaché. »
et : «Dès lors qu’il y a une alternative ferroviaire à des vols intérieurs avec une durée de moins de 2h30, ces vols intérieurs devront être drastiquement réduits et limités simplement aux transferts vers un hub»
Ainsi, les conditions des aides sont d’abord des conditions de rentabilité : cela signifie que les travailleurs d’Air France devront faire des sacrifices. On s’en doutait, mais y aurait-il au moins un gain collectif avec les conditions environnementales ?
Eh bien non, si l’on lit correctement ce qui précède (et d’autres déclarations concordantes).
Tout d’abord, l’exigence de rentabilité n’est généralement pas compatible avec l’exigence environnementale : les liaisons les plus rentables sont celles reliant les villes les plus importantes, les plus touristiques ou les plus névralgiques pour l’économie, aussi bien pour le chemin de fer que pour l’avion. Ainsi, le trafic ferroviaire est très développé entre Paris et Marseille, mais le trafic aérien l’est également sur cet axe. La volonté de réduire considérablement les vols lorsqu’existe une alternative ferroviaire va évidemment dans le bon sens, tous les écologistes et progressistes ne cessent de l’exiger depuis longtemps (rappelons que des députés de la France Insoumise ont, avec d’autres parlementaires, déposé en juin 2019 un projet de loi en ce sens ) mais elle est assortie de deux conditions drastiques et d’un mensonge par omission qui la rendent quasiment inopérante :
- le trajet ferroviaire doit avoir une durée inférieure à 2h30 : dans de tels cas, les liaisons aériennes sont déjà souvent réduites ! Par comparaison, le projet de loi de l’insoumis Ruffin préconisait la suppression des vols lorsque la durée du trajet ferroviaire est inférieure à 2h30 de plus que le trajet aérien, soit une durée en chemin de fer d’environ 3h30, ce qui change considérablement la donne : les liaisons à très fort trafic, avec une rude concurrence rail/fer, comme entre Paris et Marseille ou Montpellier, entrent dans ce cadre, et pas dans les 2h30 de trajet ferroviaire seul. Autrement dit, la clause d’alternative ferroviaire indiquée par le ministre condamne à un report modal vers le rail très limité. De plus, l’indication de durée, même portée autour de 3h30 en train, ne prend pas en compte une autre alternative ferroviaire fondamentale : le train de nuit, saboté avec constance par les gouvernements successifs (avec l’aide active de la direction de la SNCF, contre les cheminots), permet des liaisons très performantes là où la durée du trajet en train est importante (soit à cause de la distance, soit de l’absence de ligne rapide) : ainsi, le train de nuit a longtemps constitué le mode de transport dominant pour relier Nice à Paris, mais aussi à Metz ou Strasbourg, plus aucune de ces relations n’existe !
- Le ministre ne parle que de vols intérieurs. Pourtant, de nombreuses liaisons avec des pays voisins de la France sont effectuées de façon très efficace en train (vers le Benelux, Londres, l’Ouest de l’Allemagne etc.) mais subissent souvent une forte concurrence aérienne. C’est par exemple le cas de la liaison Paris-Genève, réalisée en quelque 3h en TGV, et qui mériterait une suppression au moins quasi-totale des vols ! Et là encore, pour des distances plus importantes, le rétablissement de trains de nuits transfrontaliers (comme Paris-Berlin et Paris-Barcelone, supprimés il n’y a pas si longtemps) et leur développement devrait permettre de concentrer l’essentiel des vols européens sur les très longues distances, et donc d’en réduire massivement le nombre total au profit du train, pour un gain en consommation énergétique très important.
- Le mensonge par omission fondamental tient au développement de l’alternative ferroviaire : nous l’avons souligné pour les trains de nuit, dont le rétablissement et le développement massifs devraient constituer une priorité absolue en matière de transport longue distance – et d’aménagement du territoire (les trains de nuit peuvent facilement s’arrêter dans des villes moyennes où l’avion ne va jamais ou presque), mais cela vaut aussi pour les trains de grande ligne (TGV ou pas) diurnes, qu’on pourrait et devrait développer, en (re)créant de nouvelles relations (beaucoup de TGV province-province – Nantes/Lille ou Nancy/Marseille, par exemple – ont été réduites ces dernières années) et en améliorant l’infrastructure pour réduire les temps de trajets. Or la politique du gouvernement en la matière est claire ; le président de la SNCF Farandou l’a indiqué explicitement à l’occasion de la crise sanitaire, qui fait perdre beaucoup d’argent à la SNCF, démembrée et devenue société anonyme au 1er janvier 2020 sous injonction euro-macronienne, malgré la grève cheminote de 2018 (la plus longue, en jours cumulés, depuis très longtemps) contre la contre-réforme : il va falloir faire des sacrifices, supprimer encore des postes (voir par exemple cet article) et au moins « rephaser » les bien maigres projets de rénovation ou de développement ferroviaires… Bref, on l’a compris, le gouvernement n’a nulle intention de favoriser le rail pour donner réellement corps au report modal de l’air vers le fer qui s’imposerait pourtant.
La politique que nous revendiquons, au contraire, reposerait sur un développement impétueux du rail, en donnant la priorité à l’amélioration des infrastructures existantes, avec une renationalisation complète (imposant de sortir de l’U.E., ou au moins de lui désobéir !) de la SNCF incorporant les entreprises ferroviaires nationales concurrentes et un vaste plan pluri-annuel de créations d’emplois dans le secteur. Cela permettrait aussi de favoriser une restructuration favorable aux salariés du secteur aérien, compatible avec les impératifs écologiques (et sanitaires ! Faire exploser les déplacements aux quatre coins de la planète n’est pas anodin en matière de brassage microbien, comme le coronavirus nous l’a rappelé…) de réduction de l’activité aérienne : un reclassement à la SNCF, sur la base du volontariat, de travailleurs d’Air France pourrait constituer un pan d’une telle politique progressiste de transports. Il s’agit aussi de mener une autre politique d’aménagement du territoire, là où le transport aérien ne profite qu’aux plus grandes métropoles et sacrifie les villes moyennes, dont la desserte ferroviaire est ou pourrait être (en remettant en état le réseau là où il a été largement fermé ou dégradé – par exemple dans un large Massif Central, où l’agonie industrielle et démographique d’une ville comme Montluçon (*) est consubstantielle de l’abandon de son étoile ferroviaire) très efficace.
Et les transports de proximité ?
N’oublions pas qu’une large majorité des déplacements effectués par les Français ne dépassent pas quelques kilomètres, même hors de toute période de confinement ! Une grande part des nuisances liées à la circulation (encombrements, pollutions diverses, accidents…) provient de ce que le transport routier individuel domine largement ces petits (en distance, mais pas toujours en temps…) trajets du quotidien. Un danger collatéral de la crise sanitaire actuelle pourrait être de pousser nos compatriotes à délaisser les transports en commun, par crainte de la contagion en cas de nouvelle épidémie, et à utiliser encore davantage la voiture individuelle perçue comme une bulle protectrice. Et l’ultra pro-automobile Macron saura sans doute tirer partie d’une telle tendance pour accentuer son soutien à l’industrie automobile et aux délétères programmes de « relance » autoroutière, et revenir sur les très timides et insuffisants engagements pris par-ci par-là en faveur des transports collectifs, sauf bien sûr si le peuple se mobilise pour qu’il en soit autrement. En Chine, qui pourtant développe beaucoup plus le chemin de fer et les transports urbains que la France (sans être exempte d’un fort développement du réseau et du trafic routiers qui témoigne des tendances de son « économie socialiste de marché » à céder, quoique de façon atténuée, aux paradigmes destructeurs du capitalisme pourrissant mais dominant qui a fait le choix, derrière les États-Unis et l’U.E., d’hypertrophier les transports collectifs au profit de l’automobile, cette tendance à la désaffection des transports publics et à un usage plus massif de l’automobile, consécutive à l’épidémie, semble déjà s’observer, comme le note cet article dont nous partageons également la volonté de contre-offensive à l’aide de la revendication de gratuité des transports, notamment.
Tout d’abord, il importe de souligner que, si on peut la comprendre à titre individuel (surtout en l’absence d’équipement massif de la population en masques…) et transitoire, le recours à l’automobile plutôt qu’aux transports collectifs ne peut être considéré comme acceptable au titre de lutte contre l’épidémie pour les raisons suivantes :
- pour qu’elle s’avère protectrice à titre sanitaire, la voiture (dans lequel l’air est confiné et l’espace très limité) doit être utilisée par une seule personne, ce qui la rend particulièrement encombrante et polluante : si une proportion non négligeable des usagers des transports en commun des plus grandes agglomérations françaises se tourne vers la voiture en solo, ces agglomérations seront totalement bouchées par le surcroît de circulation et asphyxiées de pollution. Quand la situation sanitaire rend nécessaires des mesures de restriction d’usage des transports en commun, la seule solution raisonnable collectivement est de limiter drastiquement les déplacements globaux pour qu’aucun surcroît de circulation routière ne s’ensuive. Et de préparer en période de risque intermédiaire un usage irréprochable des transports collectifs : fourniture gratuite de masques adaptés, désinfections rigoureuses et fréquentes, éducation au civisme des usagers dans laquelle les communistes, comme pour toutes les mesures « barrières » justifiées, fussent-elles contraignantes (et susceptibles d’attenter aux libertés individuelles si elles se prolongeaient en situation normale), se doivent de montrer l’exemple. Signalons d’ailleurs que le Japon, pays densément peuplé où la fréquentation des chemins de fer et des transports publics est l’une des plus importantes au monde, est peu touché par la pandémie de coronovirus (et ce sans désertion des transports collectifs) : cela tient à de nombreux facteurs, mais illustre que les transports en commun ne sont pas à bannir en cas d’épidémie et que les pratiques de port du masque généralisé dans ceux-ci et de civisme (gestion très disciplinée des impressionnantes queues dans le métro de Tokyo, n’engendrant aucune cohue majeure) sont efficaces.
- La pollution atmosphérique, dans laquelle la circulation routière joue un rôle majeure, tue bien plus encore que le coronavirus, et fragilise les voies respiratoires, rendant la population (notamment celle déjà affaiblie, dont les risques de présenter une forme grave de la maladie sont importants) plus vulnérable aux virus respiratoires comme le Covid-19. De surcroît, les particules fines produites en grande quantité par les moteurs des automobiles, pourraient constituer des vecteurs pour les particules virales aggravant la circulation du virus. Ainsi, même à titre strictement sanitaire, général comme immédiat, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus, limiter la circulation automobile constitue un impératif vital ! (Pour plus de détails à ce sujet, on pourra par exemple lire cet article.) On pourrait ajouter, toujours pour rester dans le registre sanitaire, que les nombreux morts et blessés causés par la circulation routière massive, mais aussi la sédentarité que le tout-automobile favorise à outrance, et qui tue elle aussi (y compris dans le cadre du coronavirus : diabète et surpoids, dont la forte incidence est largement due à la sédentarité, sont reconnus comme facteurs de risque importants pour le Covid-19), font incliner dans la même direction.
- Les nuisances collectives non sanitaires majeures : changement climatique, artificialisation de terres, étalement urbain, atteintes à la biodiversité etc. causées par le développement excessif du trafic routier sont beaucoup trop importantes pour être contre-balancées par un hypothétique gain sanitaire, dont nous venons de voir qu’il est lui-même totalement illusoire (au moins collectivement).
Le @valdemarne_94 a présenté un plan ambitieux de #pistescyclablestemporaires🚲 pour préparer le déconfinement. Bravo !
— MDB (@MDBIDF) April 22, 2020
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Le développement de la marche à pied et du vélo, tout à fait pertinent, ne saurait toutefois suffire s’il n’est pas pensés en complémentarité d’une relance et d’un développement des transports collectifs urbains et d’une politique d’urbanisation et d’organisation générale du territoire progressiste, planifiée, pour mettre fin à l’étalement urbain et à la désertification des campagnes, interdire l’implantation d’immenses centres commerciaux en périphérie des agglomérations (presque toujours accessibles uniquement en voiture), mettre fin à la déségrégation de classe dans l’habitat, et réindustrialiser le pays et installer les grandes zones d’activité (industrie, services, commerces, établissements scolaires etc.) à proximité des axes lourds de transport collectif. Il s’agit d’un vaste programme dont la réalisation complète nécessitera du temps et un rapport de forces bien plus favorable au monde du travail qu’aujourd’hui, mais d’ores et déjà la revendication de gratuité totale, inconditionnelle de tous les transports collectifs de proximité partout en France nous semble utile à mettre en avant. Elle peut de plus favoriser les convergences entre les luttes de classes (celles des travailleurs des transports et celles, interprofessionnelles, pour le niveau de vie des travailleurs, qui dépensent beaucoup pour les transports du quotidien) et les luttes écologistes. Indiquons quelques aspects importants à préciser dans cette revendication pour lui permettre de se déployer pleinement et d’ouvrir des perspectives progressistes de plus long terme :
- cette gratuité ne doit bien sûr pas se faire au détriment de la qualité ou de la quantité de l’offre de transports : elle ne doit en rien diminuer le financement des transports collectifs. Au contraire, elle doit s’accompagner d’un programme de développement pour faire face à un accroissement prévisible de fréquentation, et pour desservir efficacement les trop nombreuses zones du territoire dépourvues ou quasi dépourvues de transports collectifs.
- Elle ne doit pas non plus s’effectuer au détriment des salariés concernés : les contrôleurs ou agents de vente de titres de transports doivent être reconvertis de façon progressive vers d’autres fonctions, sans perte de salaire ni d’aucun avantage, avec formation et pleine implication des syndicats du secteur. De manière générale, le nombre d’employés du secteur devrait d’ailleurs croître malgré la disparition du paiement : pour ne pas déshumaniser les transports, il faudra maintenir des agents destinés à l’information des voyageurs, l’assistance aux voyageurs vulnérables, et au respect des règles de sécurité et de civisme dans les transports en commun. Et le développement des transports collectifs induira de nouveaux besoins en personnel.
- Les sociétés privées ou semi-privées d’exploitation des réseaux de transport en commun devront être nationalisées sans indemnités aux grands actionnaires (et unifiées quand il y a lieu : la concurrence qui se profile en Ile de France entre RATP et SNCF, entre autres, en vue du démembrement des monopoles publics d’exploitation imposée par l’U.E., est absurde et nocif pour l’avenir des transports de la région), et un statut protecteur, aligné vers le haut, pour les salariés devra être exigé. Le financement par cotisation sociale, à l’aide d’une généralisation et d’une augmentation du « versement transport », à intégrer à terme pleinement à une sécurité sociale réunifiée et gérée par les représentants des travailleurs, constitue un horizon de socialisation prometteur, dont la crise sanitaire actuelle montre aussi la pertinence. En effet, les aides massives aux entreprises, la réquisition temporaire de capacités de transport collectif pour les besoins de la période (réseaux rendus gratuits pour les soignants, transport sanitaire par la SNCF…), illustrent la faillite des lois du marché pour adapter le secteur vital du transport aux imprévus.
- En parallèle des mesures précédentes, et dans la perspective des mesures structurelles (urbanisme etc.) indispensables à terme mentionnées ci-dessus, il faut dès l’immédiat penser la gratuité et le développement des transports collectifs en complémentarité du développement de l’usage du vélo et de la marche, qui constituent à la fois des alternatives ponctuelles en cas d’imprévu (sanitaire ou autre) bien meilleures que l’automobile et un moyen de décupler l’efficacité du réseau de transports urbains, notamment en zone pas très densément peuplée (rabattement du vélo vers les transports collectifs…), et limiter de façon réfléchie mais volontariste la place de l’automobile (tout en en préservant un usage raisonnable pour les déplacements pour lesquels celle-ci est structurellement indispensable… mais qui ne représentent qu’une faible minorité de la circulation routière actuelle). En effet, il est illusoire de penser étendre largement les modes de déplacement non motorisés sans leur attribuer une place beaucoup plus importante dans l’espace public, dont l’invasion par l’automobile dissuade cyclistes et piétons, et il est illusoire de penser développer de façon massive l’usage des transports en commun sans changer les habitudes (surtout au vu du réflexe – qui est très compréhensible individuellement, répétons-le ! – de méfiance vis-à-vis des transports collectifs où la distanciation physique est très difficile) ni adapter l’espace public, actuellement dédié en masse au transport individuel motorisé, à des pratiques de transport plus rationnelles, écologiques et progressistes.
Une gratuité qui en appelle d’autres… si l’on n’oublie pas les fondamentaux !
Aller au-delà de la revendication, qui peut être fédératrice de manière rapide, de gratuité des transports collectifs ne concerne pas que la politique de transports, qui appelle d’autres mesures de fond : il s’agit de promouvoir la gratuité dans une acception communiste, qui unifie les aspirations des travailleurs et les usagers (conçus comme des citoyens, et travailleurs au moins potentiels, et certainement pas comme des « consommateurs ») dans une optique émancipatrice (et non compassionnelle), pose le problème crucial de la propriété et de la gestion selon l’intérêt général, dans la perspective d’une économie planifiée où la cotisation sociale retrouverait toutes ses lettres de noblesse, et avec une attention permanente, sur des bases de classes rationnelles et scientifiques, des combats « sociétaux » (écologie, santé, mais aussi anti-racisme, anti-sexisme etc.). La crise sanitaire, avec la situation dramatique des travailleurs les plus précaires qui peinent à se nourrir, montre aussi l’urgence d’un service public des produits alimentaires de première nécessité, et bien sûr la nécessité d’une vraie gratuité de la santé (avec une industrie pharmaceutique nationalisée), sans jour de carence pour quiconque (sa suppression temporaire dans le cadre de l’urgence sanitaire sonne comme un aveu forcé de la nocivité de cette mesure anti-ouvrière pour la santé publique). Dans aucun domaine, malgré la démonstration objective accablante de la débâcle du capitalisme et de son U.E. de malheur à l’occasion de la crise sanitaire, il n’y aura d’amélioration spontanée : les « néo-libéraux » ont déjà préparé leur contre-offensive sur le thème de l’impuissance d’un État hypertrophié et pour mobiliser tous les réflexes individualistes, de façon primaire ou plus subtile. Seules nos luttes de classes donneront les conditions subjectives indispensables à la résolution progressiste des contradictions explosives de l’impérialisme en fin de vie. La gratuité des transports en commun constitue un exemple important de levier dont nous pouvons nous emparer immédiatement pour promouvoir notre contre-offensive.
Toutefois, comme toute avancée dans le cadre du capitalisme, la gratuité des transports et les autres gratuités que nous pourrions arracher doivent être vues avant tout comme des étapes de mobilisation. Nous ne devons pas oublier qu’elles ne constituent que des leviers – certes importants – parmi d’autres dans notre combat politique, dont la visée principale est celle de l’expropriation des expropriateurs capitalistes (qui suppose les trois autres sorties pour lesquelles milite le PRCF : U.E., euro, OTAN) : ceux-ci n’accepteront jamais durablement des gratuités généralisées mettant en danger ses profits, il fera tout pour les détruire ou les rendre inopérantes, comme il n’a cessé, depuis l’après-guerre, de mettre à mal la sécurité sociale hautement émancipatrice conçue par le ministre communiste Ambroise Croizat. Nous ne devons pas non plus oublier l’importance de la réindustrialisation de notre pays : le communisme ne sera jamais atteint sans passer d’abord par le socialisme, qui repose sur le primat donné au travail, sans lequel la gratuité progressiste n’est qu’utopie.
(*) Cette ville emblématique du déclin des villes moyennes a fait l’objet d’un pertinent article du Monde Diplomatique en mai 2018.