Le 16 avril dernier, nous analysions en détail les chiffres de l’abstention, mettant en évidence la signification très politique de la vague d’abstention aux européennes :
Le Monde Diplomatique de Mai 2014 dans un article signé par Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen (auteurs d’un livre sur l’abstention) revient également sur le sujet dans un article au titre on ne peut plus explicite : « Une autre forme d’expression politique, Ce que s’abstenir veut dire ». Même si les deux auteurs s’intéressent plutôt aux résultats des dernières municipales, il est intéressant de confronter leur réflexion à celles que nous vous soumettions, notamment vis à vis de notre campagne pour l’abstention citoyenne et le boycott militant de l’élection européenne.
Ils apportent quelques chiffres très intéressants, en tout cas bien plus que le poncif éculé et surtout faux comme nous l’avons démontré que « à chaque consultation l’abstention bat un nouveau record » qui est malheureusement une nouvelle fois véhiculée ici. Manquant au passage de révéler les spécificités de l’abstention massive aux européennes.
D’abord, l’article rappelle que c’est près de 7% de la population qui n’est pas inscrite sur les listes électorales.
Ensuite, il rappelle que l’abstention concerne un corps électoral spécifique assez différents de l’ensemble de la population.
A travers notre analyse, nous mettions en évidence l’existence d’une abstention « socle » que nous l’on peut estimer à près de 20%
Cela confirme bien un taux d’abstention nominal résultat à la fois de la difficulté pour une partie de la population de voter et également du refus de l’élection ou du désintérêt pour la chose publique. On peut ici donner l’exemple de l’abstention des 18-30 ans qui, bien souvent, sont encore inscrits dans la commune de leur parents alors qu’ils travaillent ou étudient ailleurs.
Le Monde Diplomatique revient plus en détail sur ce point, rappelant les fortes contraintes de la procédure d’inscription, qui au passage démontre que derrière le campagne de pub pour la participation, le système se préoccupe fort peu du droit de vote des précaires, intérimaires et étudiants qui sont obligés de se déplacer aux quatre coins du pays. Ils soulignent ainsi que c’est près de 15% des inscrits soit six millions d’électeurs – essentiellement parmi les plus jeunes – qui ne résident pas à l’adresse où ils sont censés voter. Ils confirment ainsi sur ce point tout à fait notre argumentation : C’est près de 40% des électeurs qui font d’ores et déjà le choix civique, démocratique, conscient et totalement politique de refuser de prendre part à la farce électorale des européennes.
S’agissant de notre campagne pour le boycott des élections européennes, nous avons déjà pu démontrer dans un texte du 7 avril dernier que l’abstention citoyenne ce n’est pas faire le jeu du FN. Bien au contraire c’est le combattre !, battant en brèche la fausse croyance que « l’abstention ferait le jeu du FN » distillé en boucle par des médias tout occupé à faire la promotion de ce troisième parti du système.
Marine Le Pen elle même, d’autant plus fine connaissance de l’opinion publique qu’elle peut s’appuyer sur la fratrie Philippot spécialiste des sondages (Florian Philippot est passé par la SOFRES, quand Damien lui est de l’IFOP…), estime ainsi que son principal ennemi est l’abstention
Ce que confirme l’article du Diplo : « Contrairement à un préjugé largement répandu, le FN réalise d’ailleurs ses meilleurs résultats lors des scrutins les plus mobilisateurs, en particulier l’élection présidentielle« .
Si Madame Le Pen ne cesse de dénoncer l’abstention c’est en effet qu’elle en a peur, car seule l’abstention, en tant qu’acte politique fort et signifiant, est en mesure de l’affaiblir. D’autant qu’aucune force de gauche, aucune, ne se présente devant les citoyens pour proposer une sortie par la voie progressiste de l’euro, de l’UE et de l’OTAN.
Le boycott c’est briser l’alternative Charybde ou Scylla, de la peste ou du choléra, c’est à dire : pour protester contre l’euro et l’UE, je n’ai qu’une solution, voter pour des fascistes ou, pour voter contre eux, je vote pour ceux qui sont pour l’euro et l’UE. L’abstention citoyenne, le boycott engagé, motivé et même révolutionnaire est le moyen de refuser les deux mâchoires du piège. Et c’est cela qui fait peur à Le Pen comme à l’UMP, au PS, à EELV ou aux sections du PGE.