Les travailleurs des « Aciéries grecques » à Aspropyrgos, près d’Athènes, sont en grève depuis 3 semaines. Un torrent de solidarité a envahi samedi dernier la cour de l’usine. Des milliers de personnes sont venus soutenir les grévistes. L’aide financière et matérielle a dépassé tous les records et se poursuit sans relâche.
Les grévistes ont manifesté ce lundi 21 novembre dans le centre d’Athènes avec leurs épouses et leurs enfants ainsi que des délégations de solidarité de dizaines d’associations, des écoliers, des étudiants, etc. Une délégation du Parti communiste de Grèce (KKE) était à leurs côtés. Les manifestants sont arrivés en délégation devant le parlement avec l’intention de remettre une résolution aux partis politiques. Aucun représentant n’était présent à l’exception du KKE, malgré que les partis aient été avertis.
Ils se sont également rendus massivement dans les 45 entreprises de la région, avec des délégués syndicaux, afin d’inviter les ouvriers à s’unir et à soutenir leur lutte. Avec des mégaphones, ils ont invités les travailleurs à arrêter le travail pendant 3 heures pour participer à une assemblée générale le 24 novembre. Et le même jour à 18h, ils ont organisé une manifestation à Eleusis, à laquelle ont pris part des délégations d’une trentaine d’entreprises privées et publiques de la région.
Pour rappel, les sidérurgistes luttent pour la réintégration de 34 ouvriers licenciés et le retrait des mesures patronales. Le patronat veut imposer 5h de travail supplémentaire par semaine avec une réduction simultanée de salaire.
Mais revenons à ce qui s’est passé le samedi, car c’était exceptionnel. Peu après 16 heures ont commencé à arriver à l’usine des travailleurs, des étudiants, des femmes et enfants des dizaines d’industries et de régions de l’Attique. En quelques minutes, l’entrée de l’usine était remplie de gens. À 17 heures, la foule a commencé à déborder sur l’autoroute et une autre rue qui ont été fermées.
Le patron Manesis avait interdit par voie de justice l’entrée dans l’usine. Mais les gens ont continué à venir. Dans les haut-parleurs on a entendu la voix du président du syndicat de l’usine, Giorgos Sifonios: « Maintenant, tous les sidérurgistes vont rentrer à l’intérieur de l’usine. Nous briserons la terreur. »
Des kilomètres de solidarité
Des délégations de travailleurs ont parcouru des centaines de kilomètres pour témoigner leur solidarité aux sidérurgistes d’Aspropyrgos. Des étudiants étaient également présents. 2.500 euros d’aide financière ont été récoltés et une grande quantité de nourriture a été offerte aux grévistes. [Il faut savoir qu’en Grèce, les grévistes ne touche absolument aucune indemnité du syndicat. Trois semaines de grève, ce sont trois semaines sans aucun salaire.]
Un convoi de voiture de travailleurs indépendants et de chauffeurs de taxis, avec des drapeaux de PASEVE (Association antimonopoliste des travailleurs indépendants) et du PAME, le Front militant des travailleurs est venu aussi dès le matin témoigner sa solidarité. Le convoi a amené 530 euros aux grévistes, autant de dons de 5 euros récoltés. Fanis Lafis du secrétariat de PASEVE a déclaré : « Nous sommes ici parce que nous avons un adversaire commun. Car nous savons que sauvegarder les salaires des ouvriers, c’est en même temps préserver des milliers de petits commerces, de petites entreprises et d’artisans. »
A mesure que des centaines de gens se rassemblaient dans l’usine, les hauts-parleurs annonçaient les délégations présentes et les dons aux grévistes : « Fotis Krokos, agriculteur, avec venu avec des sacs de fruits pour les grévistes. » « En signe de solidarité de classe, des enseignants affiliés au PAME offrent des leçons gratuites aux enfants des grévistes. » « L’association des pharmaciens a apporté de la nourriture. » Etc. La foule est immense et la nourriture ne parvient pas à passer. Une chaîne humaine s’organise alors et les boîtes de lait, les jus, la nourriture passe de mains en mains. Les hauts-parleurs annoncent les dons : l’association de la presse d’Athènes – 1000 euros, le MAS (mouvement de lutte des étudiants) – 3.590 euros, l’Hôpital de Thriasio 500 euros, le PAME de Mesogeion 200 euros, etc.
Le syndicat de l’alimentation offre des boissons et un plat de lentilles aux grévistes et participants.
« Nous luttons avec vous pour la victoire », s’écrie la petite Eleni du haut de ses 5 ans. Elle est venue avec son papa et deux sacs de nourriture. Lui aussi est un ouvrier et il comprend bien, explique-t-elle.
« Le peuple est invincible »
Giorgos Sifonios, le délégué des travailleurs des Aciéries a pris la parole vers 19 heures. « Chers collègues, amis, travailleurs, chômeurs… Je me réjouis de ce rassemblement sans précédent pour la solidarité avec les sidérurgistes, qui luttent depuis 20 jours pour briser l’intransigeance patronale. Je vous dis que cette lutte dépasse les limites du territoire de la Grèce. Nous recevons chaque jour des messages de solidarité du monde entier. L’intransigeance du patron a maintenu ici toutes ces journées 400 sidérurgistes, qui luttent avec courage jusqu’à la victoire. Et quand le peuple lutte jusqu’au bout, il est invincible. La solidarité avec notre lutte est une preuve de la force des travailleurs qui produisent la richesse. Et ce mouvement qui vise à renverser la politique actuelle doit être étendu à d’autres usines. Parce que tous ensemble, nous le pouvons. Un pour tous, tous pour un. »
Le chanteur Vangelis Korakakis, son bouzouki et ses musiciens ont animé ensuite la scène : « Je déclare ma solidarité et ma sympathie avec la lutte des sidérurgistes, et je suis convaincu que leur lutte sera victorieuse. » La fête a commencé et a duré tard dans la nuit, chacun répétant : « Nous restons unis, rien ne peut nous vaincre ! »
Le dimanche, une série de personnes sont venues à la porte de l’usine témoigner leur soutien, donner quelque chose. Des marins sont passés en masse. Ainsi qu’un retraité qui a créé de l’émotion en apportant une tonne d’huile.
Des grévistes de l’usine sont partis vers l’autre usine du groupe à Volos afin d’inviter les travailleurs à donner une réponse commune aux attaques du patronat.
Solidarité des agriculteurs
A l’initiative du PASY, le front de lutte des agriculteurs, de la nourriture est rassemblée dans toutes les régions de la province de Larissa, au nord du pays. Des fruits et de la viande seront rassemblés par les agriculteurs pour les grévistes d’Aspropyrgos et leurs familles.
Maroudas, membre du secrétariat national du PASY déclare : « Les agriculteurs sont confrontés aux mêmes problèmes de survie, ils ont également mené une dure et longue lutte avec des barrages. Ils ont aussi bénéficié du soutien populaire moral et matériel et savent que le succès de la lutte dépend de sa continuation et de la solidarité. » Les syndicats du secteur ont offert 500 litres de lait aux sidérurgistes.
Une quinzaine de délégations syndicales et organisations d’Eubée ont également appelé à collecter de l’aide et visiterons les grévistes jeudi.