De nouvelles révélations mettent en cause les gendarmes et le procureur dans l’affaire Adama Traoré, jeune homme arrêtes vivant le 19 juillet à Beaumont sur Oise et ressorti mort de la gendarmerie. En effet, la publication par la presse des procès verbaux d’auditions des gendarmes qui ont arrêté Adama Traoré ainsi que les témoignages de témoins directs publiés permettent désormais de fixer la chronologie des terribles faits qui ont conduit à la mort d’Adama Traoré lors de son arrestation à Beaumont sur Oise le 19 juillet dernier. Mettant en lumière la communication confinant à la manipulation du procureur de la République ainsi que les possibles responsabilités des gendarmes. Et avec eux celles d’un gouvernement répressif, éloignant la France de l’Etat de droit en prolongeant sans cesse l’état d’urgence et avec un ministre de l’intérieur ayant depuis plusieurs mois laché la bride aux forces de police pour mieux réprimer le peuple s’opposant notamment à la Loi Travail.
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Les faits – terribles – posent la question de la responsabilité des gendarmes dans la mort d’Adama Traoré
La chronologie des faits :
- Mardi 19 juillet, vers 17 heures, des gendarmes de L’Isle-Adam (Val-d’Oise), une commune voisine de Beaumont-sur-Oise, partent interpeller Bagui Traoré, le frère d’Adama Traoré.
- A proximité des bars Le Balto et le Paddock, les gendarmes repèrent Bagui en compagnie de son frère Adama
- Deux gendarmes en civil sortent du véhicule et annoncent aux deux frères qu’il s’agit d’un contrôle : selon le témoignage des gendarmes, Bagui se laisse contrôler. Adama n’a pas ses papiers et tentent de s’enfuir pour éviter une longue garde à vue – punition habituelle. L’un des avocats de la famille Traoré dénonce une arrestation illégale « Il n’y a pas eu de notification de la raison de l’interpellation, ni notification des droits. On est face à une arrestation arbitraire ». Frédéric Zajac a demandé l’analyse des bandes des caméras de vidéosurveillance. Analyses qu’il n’a, à ce jour, pas encore reçues. le parquet se refuse à toute information à ce sujet
- Deux gendarmes poursuivent Adama, le rattrapent dans un parc et le menotte.
- A 17h15, Bagui est placé dans un véhicule de gendarmerie
- Pendant ce temps, selon le rapport des gendarmes, Adama Traoré – désormais avec un gendarme seul – s’échappe à nouveau en raison de l’intervention d’une tierce personne. Un appel radio est lancé pour le retrouver
- A 17h20, Adama Traoré poursuivit, essaye de se réfugier dans un appartement (situé à proximité des deux bars où ils se trouvaient initialement, au rez de chaussé)
- Grâce au signalement d’un habitant du rez de chaussé, trois gendarmes d’une autre patrouille retrouvent Adama Traoré. Selon leur PV d’audition ils indiquent pénétrer dans le logement « plongé dans l’obscurité, et distingué une personne « enroulée dans un draps ». « Nous nous jetons sur lui avec mes deux collègues ». « Nous contrôlons avec le poids de notre corps l’homme afin de l’immobiliser » « Il a pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation » précisent les gendarmes : «On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser». Un autre gendarme précise : « Il a commencé à se débattre et je lui ai fait une petite torsion de sa cheville gauche. Il a commencé à nous dire qu’il avait du mal à respirer. On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser. » « J’étais sur ses jambes. Mes deux autres collègues contrôlaient chacun un bras. » Le témoignage des gendarmes décrits précisément la technique du placage ventrale. Rappelons que l’ACAT qui a recensé plusieurs morts des suites de cette violente méthode a appelé à son interdiction
- Toujours selon le PV d’audition, Adama Traoré proteste qu’il a du mal à respirer. l’un des gendarmes précise qu’Adama Traoré n’opposait pas de résistance
- Mis debout et menotté, le jeune homme se lève difficilement et est embarqué pour la gendarmerie de Persan, un trajet de 3 à 4 minutes.
- Selon le témoignage des gendarmes, Adama Traoré présente « des signes de malaises ». Sans que les gendarmes ne préviennent alors les secours ou ne changent leur destination
- Sur le chemin, selon le témoignage d’un gendarmes : Adama Traoré « s’assoupit et a comme une perte de connaissance ». « Je croyais qu’il s’assoupissait, mais cela me paraissait étrange », indique lors de son audition le gendarme assis à côté d’Adama Traoré. Sans que cela le conduise à déclencher les secours. Son collègue confirme que « Quand on l’a sorti du véhicule, il était inconscient « . Au prétexte ridicule que « ne sachant pas s’il simulait ou pas » les gendarmes le laissent menotté plutôt que de lui porter secours. Pourtant les gendarmes, comme le mentionne les PV d’audition, ont constaté en le sortant du véhicule que Adama Traoré s’est uriné dessus, symptôme évident d’un risque de passage en coma et d’une situation d’urgence absolue
- Les secours sont appelés à 17 h 46. Les gendarmes indiquent qu’il respire encore.
- A 18h, les pompiers constatent à leur arrivée qu’Adama Traoré ne respire plus et tente les premiers actes de réanimation. Le SAMU est appelé dans les minutes qui suivent.Pendant environ une heure, les équipes tentent de le réanimer. A 19h05, le médecin du SAMU déclare la mort d’Adama Traoré. Pourtant, les gendarmes déclareront à la famille Traoré répondra plus d’une heure après qu’elle peut lui amener de la nourriture.
- Le frère d’Adama Traoré – Bagui – indique aux journalistes de France Télévision « Je l’ai vu par terre, mort, entouré par cinq ou six hommes et un gendarme avait du sang sur son polo. »
- A 21h la famille est prévenue par la police qu’Adama Traoré aurait fait un malaise, et elle se rend à l’hôpital. Puis à la gendarmerie
- A 23h, la gendarmerie reconnait auprès de la famille qu’Adama Traoré est mort pendant le transport
Les deux autopsies pratiquées confirment tant la mort par asphyxie que les symptômes, marques et contusions caractéristiques d’une amphimixie positionnelle liée à la violence et la méthode d’interpellation utilisée par la gendarmerie. Dès avant même les révélations des PV d’auditions des gendarmes, c’était la cause de la mort privilégiée par les experts. Infirmant les déclarations péremptoires du procureur de la République mettant en cause une prétendue infection ou une soit disant insuffisance cardiaque.
Les questions qui se posent :
A l’énoncé de ces faits – sur lesquels la justice doit enquêter de manière impartiale ce qui est loin d’être acquis au regard des déclarations du procureur – de nombreuses questions se posent :
- L’arrestation d’Adama Traoré était-elle légale ?
- La violence utilisée contre Adama Traoré lors de interpellation était-elle légitime et proportionnée ? La technique utilisée etait elle légale, et si elle l’est pourquoi n’a t elle pas encore était interdite ?
- Pourquoi et pendant combien de temps alors qu’Adama Traoré se plaignait d’asphyxie, les gendarmes ont ils continué à l’étouffer par une technique de placage ventral connue de longue date comme pouvant provoquer la mort ?
- Pourquoi alors qu’il montrait des signes de malaise n’ont ils pas déclenchés les secours et pourquoi ont ils préférés l’embarquer l’amener à la gendarmerie, puis le débarquer inconscient en lui laissant ses menottes, tout cela avant d’appeler les secours ?
Une information judiciaire a été ouverte.
Réclamant la justice pour Adama Traoré, leur avocat Yassine Bouzrou indique que « la famille d’Adama Traoré va déposer une plainte pour violence volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner »
La communication fausse du procureur de la république
Dès l’annonce du décès, le procureur de la République Yves Jannier visiblement soucieux de dédouaner la police déclare qu’Adama Traoré est mort «à la suite d’un malaise». Le 20 juillet, le procureur adjoint de Pontoise, François Capin-Dulhoste, affirme la même chose, assurant qu’«Adama s’est rebellé dans le chemin du fourgon» – ce qui est contredit par les auditions des gendarmes.
Le 21 janvier, prétendant exploiter les premiers résultats de l’enquête médico-légale, Yves Jannier déclare que Adama Traoré souffrait d’une «infection très grave touchant plusieurs organes» et qu’aucune «trace de violence significative» n’a été relevée sur son corps. Le rapport mentionne fait pourtant alors déjà référence à un « syndrome asphyxique aspécifique ». De fait, le procureur semble alors utiliser de façon sélective le rapport d’autopsie choisissant de communiquer sur les « lésions d’allure infectieuse » plutôt que sur l’asphyxie qui est la cause de la mort identifiée par l’autopsie. En langage médical, il y a pourtant loin entre « allure infectieuse » et « infection très grave ». Il pointe également une « pathologie cardiaque ».
Les incohérences dans les déclarations du pouvoir, les contradictions avec les témoignages des témoins faisant état d’une violente interpellation, alors qu’un jeune homme est mort, sont alors directement responsable de la montée de la tension à Beaumont sur Oise. Et la responsabilité des autorités dans les violences ne peut donc être minorée.
A la demande de la famille de la victime et de ses avocats, une seconde autopsie est menée le 28 janvier. Immédiatement Yves Jannier déclare que « la nouvelle expertise ne fait état d’aucune trace de violence susceptible d’expliquer le décès » excluant à nouveau a priori toute violence policière. De fait, le second rapport d’autopsie exclue que les lésions traumatiques relevées soient la cause directe de la mort : en clair Adama Traoré n’est pas mort des coups portés. Cependant elle n’exclue en rien la violence policière des causes possibles de la mort d’Adama. Au contraire, elle pointe à nouveau et comme la première autopsie l’asphyxie comme cause possible de la mort. Censure totale par le procureur de la République de cette information pourtant majeure qui préfère insister lourdement sur le fait que « l’explication de la cause du décès ne pourra être apportée qu’avec l’ensemble des analyses [bactériologie, toxicologie, anatomopathologie] » mettant ainsi à nouveau en cause la constitution du jeune homme pourtant connu de tous comme en bonne santé. Soulignons ici que la seconde autopsie souligne et l’absence d’infection et l’absence de pathologie cardiaque, deux explications de la morts que le procureur a délibérement choisi de mettre en avant dans les médias. Pourtant le procureur a déjà accès aux rapports détaillés de l’enquète et notamment aux PV d’audition des gendarmes qui pointent manifestement vers un possible lien entre la violence utilisée par les gendarmes lors de l’interpellation et la mort d’Adama Traoré par étouffement.
Dans ces conditions, les avocats de la famille exigent de façon tout à fait légitime le dépaysement de l’affaire. « Nous allons faire une demande de dépaysement, compte tenu du fait que le procureur communique des éléments contraires aux constatations. » indique Me Bouzrou, soulignant que l’enquête sur la mort d’Adama Traoré est toujours conduite dans le domaine juridictionnelle de la gendarmerie et du procureur mis en cause. C’est à dire sans aucune indépendance, bien au contraire. La communication tant de la gendarmerie que de la justice a ici totalement décrédibilisé ces institutions de la République. Par ailleurs, la famille soupçonne les forces de l’ordre de harcèlement sur Adama depuis plusieurs années.« Ils le connaissaient, on est dans un petit village ici mais, malgré ça, ils l’emmenaient en garde à vue s’il n’avait pas ses papiers sur lui », explique Lassana, le grand frère d’Adama. Bagui Traoré va même plus loin. Il accuse : « Je suis persuadé qu’ils avaient mis un contrat sur sa tête ». La piste du règlement de compte n’est d’ailleurs pas écartée par Frédéric Zajac. L’avocat a demandé à la juge d’instruction l’étude de tous les dossiers de la gendarmerie impliquant Adama Traoré, dans le but de vérifier l’identité des gendarmes impliqués et pour voir si certains noms ne reviennent pas régulièrement.