Au final, l’Etat prendra donc une participation de 20% au capital d’Alstom tout en laissant Général Electric s’emparer de l’entreprise. Un beau cadeau de Montebourg à Bouygues.
Dans nos précédents articles, nous expliquions comment les actionnaires d’Alstom, Bouygues en tête, se sont gavés de profits pris sur le dos des travailleurs d’Alstom, mais également obtenus grâce aux commandes publiques qui sont le fond de commerce de cette entreprise.
Nationaliser Alstom, pour créer un grand pôle public de l’industrie et réindustrialiser le pays. Pour cela, sortir de l’UE !
Nous expliquions pourquoi il fallait refuser de laisser démanteler Alstom une industrie indispensable pour une politique souveraine, pourquoi pour cela il fallait nationaliser Alstom, pour créer un grand pôle public de l’industrie et ainsi réindustrialiser le pays. Nous expliquions également que cette solution politique, de bon sens est rendue impossible par les traités européens, comme l’épisode de 2006 l’a d’ailleurs prouvé. Nationaliser est de fait interdit par l’UE du capital qui au contraire organise la privatisation de l’ensemble des services et entreprises publiques soit disant pour organiser la concurrence libre et non faussée qui n’est que la consécration du pouvoir total des monopoles capitalistes servant l’intérêt privé de l’oligarchie capitaliste. Transport, Energie, Eau, Télécommunication et bientôt avec n’en doutons pas Santé ou Education avec le GMPT (TTIP/TAFTA) aucun secteur ne doit échapper à la curée, tout doit redevenir sources de profit pour la classe capitaliste, et ce d’autant plus que cette dernière est toujours plus confrontée à l’aggravation de la crise économique. Cette énième crise systémique du capitalisme – inévitable – et qui ne laisse d’autre choix aux capitalistes que de trouver de nouveaux marchés, par la privatisation et l’expansionnisme guerrier, et d’écraser les salaires et surmonter la baisse tendancielle du taux de profits.
Alstom : le cadeau de Montebourg à Bouygues
Hollande et son gouvernement de droite compléxée aux ordres de l’UE plutôt que de défendre les intérets des travailleurs de ce pays servent les intérêts du patronat, des marchés financiers, de l’oligarchie capitaliste. Il faut dire que sauf à sortir de l’UE, il n’y a guère d’autre choix que d’appliquer de façon plus ou moins zélée les directives de l’UE, d’obéir aux traités de Rome, de Maasticht ou au Traité de Lisbonne pourtant rejeté par un non massif de nos concitoyens lors du référendum de 2005…. Et donc ce gouvernement de préparer la privatisation de la SNCF en application du 4e paquet de directive ferroviaire imposant la mise en concurrence du transport de personne, de préparer la privatisation des grands barrages après la libéralisation du « marché de l’énergie », de la privatisation de la Poste après celle de France Télécom, de privatiser nos routes avec Ecomouv‘ et les déclinaisons de l’écotaxe ou en préparant l’extansion du réseau routier concédé. Ce gouvernement de s’attaquer au droit du travail avec l’ANI, ce gouvernement de tailler dans nos retraites. Ce gouvernement de faire exploser le droit des travailleurs précaires et des intermitents… Ce gouvernement de comprimer les salaires, notamment ceux de la fonction publique, où la casse de la Secu avec de nouveaux milliards d’euros d’exonération aux MEDEF… La liste est longue. Et la BCE et la Commission Européenne de rappeler à Hollande et Valls qu’il lui faut toujours plus d’austérité, toujours plus de « réformes structurelles » et toujours de « compétitivité ». Et ces derniers d’obéir avec ces jours prochains la mise en marche d’un nouveau pacte avec le MEDEF, le soit disant pacte de responsabilité..
Personne ne s’étonnera donc que ce gouvernement n’a jamais envisagé de nationaliser Alstom. Non, il s’est simplement contenté de faire monter un peu les enchères entre Général Electric et Siemens. Pour le plus grand profit de M Bouygues. Et d’indiquer qu’il allait acheter 20% du capital à M Bouygues, le richissime possesseur du groupe de BTP et de téléphonie éponyme ainsi que de la première chaine de télévision française… Et ce afin de permettre à Arnaud Montebourg une belle opération de communication lui permettant d’agiter les bras en faisant croire qu’ainsi l’état s’assurerait le contrôle du groupe. Pourtant, Bouygues actuel détenteur de 29% du capital estime être un actionnaire minoritaire non contrôlant. Au passage, notons que le gouvernement reconnait qu’Alstom est une industrie stratégique mettant en cause la souveraineté de l’Etat. Cette prise de participation n’est donc pas une réel garantie, pas plus que le decret sur le contrôle des investissements étrangers, mais une opération de communication permettant de sauver les apparences tout en satisfaisant M Bouygues.
De fait, l’acquisition de la branche energie (turbine) par GE promet un joli pactolede près de 2,5 milliards aux actionnaires actuels, soit près de 800 millions d’€uros pour Bouygues. Pas mal pour un investissement initial de… 2 milliards d’euros. Car l’Etat a accepter de différer à la fin de l’opération de vente son emprunt de titre. Ce privant du même coup du bénéfices de la vente mais également du pouvoir de défendre ses intérêts au moment de la mise en place de la nouvelle entreprise GE-Alstom.
Par ailleurs, l’Etat devra sans doute acheter les actions de Bouygues au prix fort. Jugez plutôt. Dans un article du 2 juillet, l’Humanité Dimanche, révèle ainsi :
Corruption
Le premier artisan du démantèlement d’Alstom est son PDG, Patrick Kron. Non seulement, il est personnellement intéressé à cette vente pour des raisons financières (voir HD 19/06), mais cette cession d’actifs à un groupe américain le protège des poursuites engagées par la justice américaine. Depuis juillet 2013, l’entreprise est accusée d’avoir versé des pots-de-vin à des hommes politiques indonésiens dans le cadre du contrat Taharan. Accessoirement la justice américaine poursuit d’autres investigations en Inde et en Chine. A l’instar de BNP Paribas, le groupe français est donc sous la menace d’une lourde amende qui pourrait se monter à 1 milliard d’euros ; Patrick Kron pourrait être personnellement poursuivi, comme l’ont déjà été ses collaborateurs. Selon un proche du dossier : « Ce risque a beaucoup pesé dans le choix du PDG d’Alstom à titre personnel, soucieux de réduire une amende qui sera beaucoup mieux gérée par une entreprise américaine » C’est peu de dire que Patrick Kron s’est battu pour que General Electric remporte la mise.
Manipulation ?
Pour vendre, il fallait d’abord convaincre les actionnaires. Comment ? En leur faisant miroiter une belle plus-value… Le 21 janvier 2014, à l’occasion de la publication des résultats du 3ème trimestre Patrick Kron lance un avertissement qui inquiète la communauté financière ; il annonce une « destruction de cash » au second semestre, un critère clef pour les analystes financiers. Une annonce d’autant plus troublante qu’il est inhabituel de communiquer sur ces résultats-là à l’occasion de résultats partiels. Conséquence immédiate : en deux semaines le cours chute de 33% et passe à 20 euros ! Quand GE promet de payer 33 euros l’action, cela assure un beau pactole aux actionnaires d’Alstom en cas de vente au groupe américain. Le 7 mai, le groupe publie ses résultats annuels et… surprise, il n’y a pas de destruction de cash sur ce fameux second semestre mais bien une création de cash de 340 millions d’euros ! Est-ce une simple erreur comptable arrivée fort à propos ? Interrogée pour savoir si le titre Alstom était sous surveillance et s’il y avait une enquête en cours, l’Autorité des marchés financiers (AMF) répond : « l’AMF fait son travail habituel de suivi et de surveillance en particulier sur les valeurs significatives ou dès lors qu’une valeur connaît un mouvement inhabituel. L’AMF ne communique jamais sur les ouvertures d’enquête. » Fermer le ban.
Martin Bouygues et le royaume d’Ubu
Après l’avertissement du 21 janvier le groupe Bouygues, actionnaire majoritaire d’Alstom à hauteur de 29,4%, avait été obligé de déprécier d’1,4 milliard la valeur de son portefeuille Alstom dans ses comptes. Une dépréciation virtuelle puisque comme le dit l’adage : « pas vendu, pas perdu. » Mais depuis trois ans, Martin Bouygues souhaitait vendre cette participation qu’il avait achetée à l’Etat en 2006 pour une valeur d’environ 2 milliards d’euros contre 20% d’Alstom. L’arrivée de GE dans le jeu représente une aubaine pour lui. Il négocie donc en catimini avec le groupe américain la vente de toutes ses actions pour un montant de 3,6 milliards d’euros (voir HD 19/06). En huit années d’actionnariat Martin Bouygues aurait donc gagné une belle plus-value, à ajouter aux 500 millions de dividendes déjà perçu. Une très belle affaire.
Mais voilà que l’Etat décide, sans crier gare, d’entrer à nouveau au capital d’Alstom et de racheter les actions qu’il lui avait vendues quelques années plus tôt ! Un vrai jeu de bonneteau. Problème, Arnaud Montebourg ne peut pas se permettre d’offrir le même prix que GE, il veut acheter au prix du marché soit 28 euros l’action. Après un week-end de bras de fer en coulisses, les deux hommes sortent de leur bataille à fleuret moucheté avec la décision la plus abracadabrantesque possible. Bouygues prête ses actions à l’Etat en attendant que ce dernier les lui rachète au fil de l’eau et au prix fort, c’est-à-dire au prix offert par GE soit 35 euros l’action ! Bouygues a gagné d’autant plus facilement que le Ministre de l’Economie a oublié de négocier avec le patron de TF1 avant d’annoncer le rachat des actions par l’Etat… Une situation ubuesque qui montre le degré d’improvisation du Gouvernement et sa méconnaissance des arcanes boursiers. En prime, le Conseil d’Administration d’Alstom au sein duquel siègent un certain nombre de Bouygues boys, s’apprête à distribuer généreusement des dividendes avec les 7,3 milliards d’euros de la vente. Question à plusieurs millions, qui devrait recevoir les dividendes ? L’Etat heureux propriétaire momentané des actions Bouygues ou le groupe Bouygues à qui les actions n’ont pas encore été payées ? Selon l’AMF : « l’emprunteur dispose de l’attribut de la propriété, sauf disposition contraire. » En clair, l’Etat devrait percevoir les dividendes sauf si ces fameux dividendes ont fait partie de la négociation et que Bouygues ait encore gagné cette partie. Pour l’instant, ce point n’a pas été rendu public. Affaire à suivre…
Pour qui sonne le glas ?
Le principal négociateur de ce dossier chargé de défendre les intérêts de l’Etat est David Azema, le patron de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Cette agence est placée sous l’autorité conjointe du ministre de l’Économie et du ministre des Finances. Or David Azema, vient de signifier à Bercy qu’il souhaitait quitter son poste actuel pour aller diriger le bureau français de Bank of America et prendre la place de Laurence Boone qui est, elle, devenue conseillère économique de François Hollande. Or, cerise sur le gâteau, Bank of America est une des banques conseil d’Alstom ! C’est ce qu’on appelle un conflit d’intérêt majeur ; pourtant Michel Sapin comme Arnaud Montebourg, qui ne peuvent ignorer cette situation, n’ont pas jugé bon de la dénoncer. Vous avez aimé l’affaire Bygmalion, vous allez adorer l’affaire Alstom…
Et cela ne s’arrête pas là. Dans cette affaire Alstom, le festival continu.
Car il semble que Bouygues soit pret à vendre les 9% qui lui reste, notamment afin de permettre d’affaiblir la position de l’Etat au sein d’Alstom… Sans compter la scandaleuse et mirobolante augmentation de la rémunération des dirigeants d’Alstom, sans que ce gouvernement de droite complexée, sans que le moulin à vent Montebourg n’y trouve à redire.