Le 17 avril 1943, « l’accord du Perreux », du nom de cette ville du Val-de-Marne, ouvre la voie à la réunification de la CGT.
Accord signé sous l’occupation par Robert Bothereau et Louis Saillant pour les ex-confédérés (CGT), Henri Raynaud et André Tollet pour les ex-unitaires (CGT-.U)
Accords qui reconstituant la CGT « en respectant la physionomie qui était la sienne en septembre 1939 » ne fut couché sur le papier qu’à la Libération le 5 octobre 1944.
Accord conclu donc sans déclaration écrite , initié par un dialogue entre Benoit Frachon et Léon Jouhaux.
Outre la défense immédiate des intérêts des travailleurs il indique la volonté de rassembler l’ensemble des forces de la résistance à l’occupant et sera en quelque sorte le prélude au programme du Conseil national de la Résistance (CNR).
Sur le plan syndical il ne s’agit pas d’une simple unité d’action mais d’une visée à la réunification à l’instar de 1936.
Au-delà de la conjoncture de l’époque cet accord illustre la profonde volonté unitaire des syndicalistes se référant à la lutte de classes qu’exprime le sigle lui-même choisi au moment de la scission de 1921 : CGT- Unitaire.
Ces derniers considérant que face au patronat, au capital, aux exploiteurs le pluralisme, la division sont des facteurs d’affaiblissement et de défaite dans le combat de classe.
Quel sens donner à cet anniversaire en 2013?
Impossible de comprendre le sens profond de cet accord sans en référer à un personnage majeur de la période : Benoit FRACHON !
L’homme a connu 3 scissions syndicales (1921 et la création de la CGTU, 1939 le bannissement et la clandestinité, 1947 et l’ingérence américaine dans le cadre de la guerre froide).
Il a connu aussi et a été un acteur essentiel de 2 réunifications : celles de 1936 et du congrès de Toulouse et précisément celle de la clandestinité en avril 1943 avec les accords du Perreux.
En conséquence il a la passion de l’unité, de l’unité organique de la classe ouvrière, passion chevillée au corps !
C’est ainsi que dans son ouvrage « Au rythme des jours » il peut dire
« la lutte pour l’unité c’est en fin de compte le fil conducteur de toute l’action de la CGT, car c’est aussi la question primordiale pour changer réellement la situation et conduire les travailleurs au succès ».
La volonté unitaire est en effet profondément ancrée dans l’aspiration des travailleurs eux-mêmes.
On est plus fort face à un patronat lui-même coalisé pour revendiquer, pour se défendre.
Et d’ailleurs les moments de grande victoire ouvrière et de grandes conquêtes sociales coïncident avec les moments de lutte, d’unité et d’afflux massif des travailleurs dans l’organisation syndicale comme en 1936 et en 1945 en particulier (des millions de syndiqués).
Il est donc parfaitement légitime de commémorer ce moment historique de rassemblement de la classe ouvrière et des travailleurs en soulignant cette constante de l’aspiration ouvrière et des considérables efforts unitaires de la CGT pour parvenir à cette réunification.
La recherche de l’unité des travailleurs, de l’unité d’action, de leur rassemblement dans une seule centrale syndicale est en effet un des traits identifiants de la CGT qui parcoure toute son histoire.
Mais cette recherche passionnée et ces efforts ce n’est pas le syndicalisme rassemblé !
Car dans le même mouvement de recherche unitaire, dans le contexte de l’époque où il s’exprime (les années 50 après la scission qui a vu naître FO et se reconstituer la CFTC et la CGC) Frachon indique :
« L’unité ne se gagne pas seulement. Il faut la défendre en permanence contre ceux qui sont toujours tentés de servir les manœuvres de division de l’ennemi de classe. Chaque tentative de nuire à l’unité, surtout au cours d’une action ou de sa préparation, doit être immédiatement et publiquement démasquée, soumise au jugement des travailleurs intéressés , des adhérents et des militants des organisations de base dont les dirigeants trahissent les engagements pris. C’est là une des conditions importantes nous permettant de consolider l’unité ».
C’est que pour Benoît Frachon et la CGT dans son ensemble, l’unité n’est pas une alliance de sommet où l’on édulcore les différences d’orientation et de revendication comme a pu le faire Thierry Lepaon au 50e congrès minimisant gravement le désaccord avec les dirigeants de la CFDT sur l’ANI (flexibilité de l’emploi et des travailleurs), couvrant ainsi une grave atteinte au code du travail et à la protection des travailleurs.
Les désaccords doivent en effet être traités en bas, sous l’arbitrage et le jugement des travailleurs, sans quoi comme en 2003, comme en 2010 on permet le sabotage des luttes et on recouvre d’un voile pudique une véritable trahison des intérêts des travailleurs !
C’est essentiellement que pour Benoit Frachon comme pour la CGT dans son ensemble à l’époque le caractère de masse de l’organisation, la recherche permanente de l’unité des travailleurs, de l’unité d’action sans renoncer à la réunification se fonde sur des conceptions de classes, de lutte des classes.
Car à y regarder de près toutes les scissions et les divisions ont pour fondement essentiel au-delà des arguments invoqués (l’indépendance syndicale, le pacte de non-agression Hitler/Staline, le plan Marshall) l’attitude à l’égard d’un positionnement de classes sans compromission : les partisans de la collaboration de classes et de l’accompagnement du système épaulé par les classes et les médias dominants masquant leur orientation et leurs pratiques sous des accusations diverses selon les périodes, mais qui toutes éludent la question centrale !
Et ce sont toujours les réformistes qui ont pris l’initiative des scissions et qui virent les tenants d’un syndicalisme sans compromission des organisations comme malheureusement on peut encore le constater actuellement dans de trop nombreuses fédérations de la cgt, et notamment celle du commerce !
L’objectif unitaire ne se sépare par du contenu des revendications sur lesquelles il faut rassembler qui correspondent aux aspirations des travailleurs et à la nécessité de s’unir contre la classe capitaliste par-delà les opinions politiques, les origines, la religion.
La division, les scissions sont organisées par les ennemis de la classe ouvrière pour imposer une politique au service exclusif des possédants et du patronat.
Mais renoncer à mener le combat pour un contenu conforme aux intérêts des travailleurs, renoncer aux objectifs transformateurs anticapitalistes, c’est à coup sûr préparer la défaite.
Et dans la situation présente marquée par la crise la plus grave et la plus durable du système, par l’offensive globale de l’oligarchie, de l’Union européenne pour nous imposer des reculs sans précédents comment poursuivre des objectifs unitaires sans dénoncer les trahisons des dirigeants de la CFDT aujourd’hui sur le code du travail et demain sur les retraites ?
Sans en appeler au jugement des travailleurs eux-mêmes , sans l’activité indépendante de la CGT sur des bases de classes et sans compromission avec le capital ?
Sans conteste cette exigence est celle de nombreuses bases et de nombreux militants de la CGT.
C’est donc cette orientation qu’il convient de faire triompher et de mettre en œuvre contre la tendance conciliatrice de la direction confédérale figée sur le syndicalisme rassemblé, le dialogue social et l’intégration dans la Confédération Européenne des Syndicats.
L’unité c’est en bas, dans les entreprises, dans les branches en s’adressant sans sectarisme à tous les salariés, sur des revendications précises, ne laissant la place à aucune manœuvre et aucun reniement, au quotidien et dans la durée.
Et ça nous fait belle jambe que les dirigeants de la CFDT signataires d’un accord scélérat ne manifestent pas avec nous le 1er mai !
Le Front Syndical de Classe – 15 avril 2013