« Bienvenue en France » : attirer les riches pour dégager les pauvres.
par les JRCF
Depuis plusieurs années, une tendance se dessine clairement dans l’enseignement public français. Le coût de la vie étudiante ne cesse d’augmenter, les budgets alloués aux établissements sont de plus en plus insuffisants, les pratiques managériales deviennent courantes, la sélection à l’université se concrétise. L’école française, toujours plus proche du patronat et toujours plus éloignée des milieux populaires, ne cesse de se rapprocher du modèle privé. Surtout, la casse de l’enseignement public est le meilleur moyen d’alimenter l’enseignement privé (ce fut l’effet concret de Parcoursup).
À nouveau, le gouvernement attaque l’université publique par « petites gouttes ». Cette fois-ci, la cible sont les étudiants étrangers non-européens. Édouard Philippe vient en effet d’officialiser la multiplication par 16 des frais d’inscription à l’université pour les étudiants extra-européens. Ces frais se hissent désormais à près de 2800 euros pour une année de licence, et 3800 euros en doctorat ou en master ! Les étudiants des pays en voie de développement et des catégories socio-économiques défavorisées, en particulier les Africains (qui représentent près de la moitié des étudiants étrangers), sont alors les grands perdants. Le gouvernement prétend compenser l’augmentation des frais en allouant davantage de bourses (dont le financement serait justement issu de l’augmentation des frais d’inscription). Mais Édouard Philippe n’a annoncé la création que de 14.000 bourses (en priorité pour les étudiants des pays en développement), alors que l’université française compte près de 115.000 étudiants africains, 10.000 étudiants sud-américains, 12.000 étudiants du Moyen-Orient, et plus de 30.000 étudiants d’Asie ou d’Océanie (à cela il faut rajouter les étudiants occidentaux). Ces chiffres étant en augmentation constante, le nombre de bourses créées ferait mieux d’être revu à la hausse ! Cette réforme ne fera qu’aggraver la situation des étudiants étrangers, qui sont déjà particulièrement soumis à la précarité : voyage et installation coûteux, procédures administratives laborieuses, barrière de la langue, discriminations raciales et difficulté d’accès au logement, ressources économiques limitées, etc. Comme ce fut le cas dans les autres pays ayant augmenté leurs frais d’inscription, l’arrivée d’étudiants étrangers va connaître une chute soudaine. Bien sûr, ce sont les plus pauvres qui seront dissuadés d’étudier en France. Mais cela est parfaitement assumé par les porteurs du projet… Le gouvernement l’avoue lui-même à demi-mot : les étudiants étrangers seraient moins attirés par la France par crainte que derrière le coût peu élevé de son éducation ne se cache un mauvais enseignement. On se demande bien quelle catégorie sociale pourrait se faire cette réflexion…
C’est cela, la fameuse « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », calquée sur le modèle anglo-saxon, et que l’on retrouve déjà au sein de nos très « chers » (comprenez- le comme vous le voudrez) instituts d’études politiques, dans nos écoles d’ingénieur ou encore à l’université Paris-Dauphine. Les étudiants étrangers rapportent à la France bien plus qu’ils ne lui coûtent, d’où l’intérêt de faire venir davantage d’étudiants aisés qui consommeront plus que les élèves victimes de leur catégorie socio-économique défavorisée (quant à eux obligés de s’alimenter aux « épiceries sociales »). Avec un soupçon de xénophobie, notre bourgeoisie et ses relais au ministère de l’Éducation espèrent attirer davantage les élites estudiantines des pays occidentaux au sein de pôles d’excellence sélectifs et onéreux.
Pourtant, avec tous les profits que nos entreprises font en exploitant les ressources et les hommes des anciennes possessions françaises, ce serait la moindre des choses que de tisser des liens étroits et mutuellement bénéfiques avec ces pays ! Mais cela n’est pour le moment qu’une vaine parole : tant que le capital sera au pouvoir, rien ne changera… Briller au classement de Shanghai pour gagner le « marché » des étudiants en mobilité internationale (mais surtout pas les pauvres!), et en profiter pour casser le modèle des services publics français (qui lui est radicalement opposé!) : voilà le dessein du gouvernement Macron. Au diable le bien de la nation et la solidarité internationale…
Ne nous laissons pas endormir par un raisonnement égoïste qui nous éloignerait de la cause de ces nouvelles victimes de la bourgeoisie macroniste. Parce que les étrangers représentent plus de 12 % (dont 80 % d’extra-européens) du total des étudiants sur le sol français, nous devons faire preuve d’une solidarité sans faille avec ces personnes pour qui la possibilité d’étudier en France est une aubaine. Il ne s’agit évidemment pas d’une bande de profiteurs comme le prétend la droite xénophobe. Personne n’a intérêt à quitter son pays pour s’isoler ailleurs dans des conditions difficiles. Au contraire, ces étudiants contribuent au bien commun (le tiers des étudiants étrangers reste travailler en France), ils apportent et diffusent un savoir (près de 50 % des doctorants sont étrangers!).
De plus, cette réforme est une porte ouverte à d’autres projets qui s’attaqueront à l’école dans son ensemble. Le sabotage de l’enseignement public passe par une stratégie de long-terme et par une multitude de réformes d’ampleurs variables qui atteignent des acteurs différents. Ne nous laissons pas isoler et diviser par cette stratégie : faisons front commun contre le projet capitaliste de casse de l’université française !
À l’investissement personnel et l’éducation élitaire pour le bénéfice de quelques-uns, opposons l’investissement commun et l’éducation publique pour le bénéfice de tous ! À la compétition entre puissances capitalistes pour attirer les étudiants les plus favorisés du monde bourgeois, opposons une coopération internationale fondée sur la solidarité !
La fracture de classe est de plus en plus visible dans le domaine scolaire. Mais cette dynamique n’est pas propre à l’enseignement. Les services publics français sont un à un dévoyés et dépecés. Si nous tenons à ce que nos trains, nos services postaux, nos écoles et nos hôpitaux fonctionnent au mieux et pour le bien de tous, nous devons construire une offensive de classe contre notre ennemi commun. Cet ennemi, c’est le capitalisme et tous ses avatars : l’État bourgeois français, l’UE, l’OTAN.