Par Georges Gastaud
Mais que leur faut-il donc pour réagir un peu durement ? Blanquer est l’homme dont la contre-réforme du lycée a détruit le second degré public et le bac national anonyme, jusqu’alors premier grade universitaire, l’homme qui a ravagé l’enseignement des disciplines scolaires – français, maths, philo, LV 1 et 2, EPS, etc. – , l’homme qui a détruit l’unité du groupe classe en imposant des regroupements illisibles pour tous, l’homme qui, avec le sinistre Mathiot, a imposé Parcours Sup, voie royale pour une sélection sociale sans précédent à l’Université. Il est aussi l’homme qui a demandé l’interdiction d’un syndicat étudiant, l’UNEF, avec lequel on peut être en désaccord mais qui n’en est pas moins représentatif, alors que dans le même temps, le ministère de l’Éducation nationale subventionnait sur fonds publics un syndicat lycéen bidon émanation de la Macronie. Il est l’homme qui à tout propos, nourrit la stigmatisation des musulmans en chassant grossièrement sur les terres du Rassemblement lepéniste. Blanquer est enfin le ministre irresponsable qui a maintenu à tout prix les classes ouvertes sans prendre de mesures sérieuses pour protéger les élèves et les personnels, l’homme qui s’est réclamé de la honteuse théorie malthusienne de l’ « immunité de groupe » (= laissons faire le virus et que les forts survivent!), les professeurs français étant parmi les derniers enseignants vaccinés d’Europe occidentale. Blanquer est aussi l’ancien haut fonctionnaire de l’Éducation qui, bien avant qu’il ne fût devenu ministre, a installé un état d’esprit qui fait que Samuel Paty, et tant d’autres enseignants victimes de petites, de moyennes et d’énormes violences, se retrouvent seuls, lâchés ou au mieux, très mollement couverts par les hiérarchies rectorales quand ils subissent l’inacceptable, le pire, voire le franchement criminel. Et malgré ce bilan accablant, plus d’un syndicat représentatif de l’Éducation nationale refuse encore, sous couvert de prolonger un « dialogue social » mensonger, où le ministre décide et où les syndicats regardent passer le train en « déplorant », d’exiger la démission de cet Attila du système éducatif français! Certes, celui qui écrit ces lignes est un militant politique, qui plus est retraité de l’Éducation nationale: qu’il se taise, donc! Mais outre que l’auteur de ces lignes fut, durant près de quatre décennies, un professeur de philosophie, un militant syndical rigoureux et un élu du personnel actif sur tous les fronts, outre qu’il se désole de voir ses jeunes collègues quotidiennement humiliés et empêchés d’enseigner correctement leur discipline, outre qu’il s’indigne de voir la manière dont la philosophie est, comme d’autres matières, sacrifiée sur l’autel d’un alignement éducatif européen totalement contraire à l’esprit des lumières et de la laïcité républicaine véritable, l’auteur ne saurait, comme citoyen viscéralement attaché à l’avenir de l’école laïque, assister à son désossement et à sa blanquérisation sans réagir. Ni sans dire aux dirigeants syndicaux que, à force de dialoguer fictivement avec qui vous méprise ouvertement, à force de ménager la sacro-sainte « construction » européenne dont chaque avancée est un coup porté à l’Éducation NATIONALE, on finit par accompagner son propre abaissement si ce n’est à en devenir complice, y compris en discréditant ce mouvement syndical auquel l’auteur a, comme tant d’autre, dédié plus de la moitié de sa vie militante. Il est un moment où l’excès de prudence conduit au ridicule de ces gens qui sortent tout contents d’une partie de cartes dont ils sortent ruinés mais tout fiérots d’avoir sauvé leurs as! Alors, camarades, plutôt morts, déconsidérés et indécrottablement euro-complaisants que porteurs de revendications un peu radicales?