Alors que les jeunes de nos familles des milieux populaires sont ceux qui sont le plus privés – pour des motifs financiers – d’accès aux études supérieures, Macron en un signal donné à ses amis milliardaires vient de confirmer qu’il souhaite accélérer la privatisation des universités. En faisant payer des droits d’inscriptions très élevés à l’entrée, comme aux États-Unis. Une contre-réforme dans la droite ligne des attaques menées de façon continue par sa comparse Valérie Pécresse lorsqu’elle était ministre de l’Enseignement supérieur, puis par Vidal. Une attaque qui s’inscrit dans l’accélération de la mise en œuvre de la stratégie de l’Union Européenne pour transformer en un marché et privatiser l’ensemble de l’éducation, au profit d’un « secteur d’économie de la connaissance » fixé depuis le mi-temps des années 1990 dans la stratégie de Barcelone et de la déclaration de Lisbonne en 2000. Alors que par dizaines de milliers les étudiants font la file devant les banques alimentaires, le ventre aussi vide que leurs poches, les jeunes communistes des JRCF mettent les points sur les i :
Les derniers propos de Macron sur les études qui devraient être payantes ont choqué, à juste titre, de nombreux jeunes Français. En effet, le projet viendrait attenter au droit des jeunes à étudier sans s’endetter. Pourtant est-ce que le projet est si surprenant ? Il a été assez peu fait état que dès 2017, les Macronleaks avaient révélé un texte dans ce sens. Dans le cadre de l’élaboration du programme de Macron en matière universitaire, l’économiste Robert Gary-Bobo avait réalisé en 2017 un rapport d’une dizaine de pages où le projet était déjà annoncé.
Nous en avions rédigé un article en 2017 dont nous vous partageons les grandes lignes :
« Pour l’économiste ce sont les frais d’inscription qui doivent être le moyen pour l’université de se rémunérer. Il propose d’augmenter les droits d’inscription à environ 1000 euros (en master cela pourra être plus), ce qui doit nécessairement passer par la mise en place d’un système de crédit aux étudiants supervisé par l’État et passant par les grandes banques commerciales (« les mieux placées pour développer le crédit aux étudiants »). Quels sont les prêts recommandés ? Les crédits sont à remboursement contingent au revenu : « les étudiants ne remboursent, une fois leurs études terminées, que si leurs revenus passent un certain seuil (…) et les amortissements peuvent être progressifs. Donc pas d’étudiants au chômage contraints de rembourser, pas de faillite personnelle due aux dettes étudiantes (sauf cas extrêmes). » Ce sera au moment de l’inscription que l’étudiant choisira une banque prêteuse (un droit en première année), et dans le même mouvement il signera un chèque à son université.
« Comment on fait passer ça ? On commence par le crédit bien sûr ! Selon l’économiste, il faut assurer le développement d’un large accès à un crédit à remboursement contingent pas cher et distribué par les banques. C’est possible selon l’économiste si le taux d’intérêt est très bas : « Avec le prêt à remboursement contingent l’étudiant(e) devra ne rembourser que s’il (elle) trouve un travail assez rémunérateur ». Et essayer à tout prix de faire passer l’étudiant par les banques, même s’il est riche !
« Revenons un moment sur le prêt. « Que » signifie bien qu’il ne remboursera exclusivement que s’il trouve un travail dit « rémunérateur », et donc à l’inverse, s’il n’en trouve pas, la dette ne sera pas payée. Alors certes, un crédit de 1000 euros cela reste moins cher qu’au Royaume-Uni, mais on peut penser qu’il va se passer deux choses :
1) les étudiants voyant le trop grand risque financier pour eux n’iront pas à l’université et le système marchera;
2) soit – et c’est plus probable- les étudiants iront tout de même à l’université et prendront le crédit.
« Le problème c’est qu’un nombre important d’étudiants français ont du mal même à manger à cause de leur situation financière ou du mal à se loger, sans compter les 46% qui cumulent travail et études (un énorme facteur d’échec). Ces jeunes-là n’auront sans doute pas les moyens même à la fin de leurs études de rembourser et on verra s’accumuler plusieurs petites dettes qui à la fin mènera à une crise comme cela risque de se passer en Angleterre et aux États-Unis, ce qui est intéressant à noter car l’économiste, comme il le dit lui-même, ne fait que transcrire le modèle anglais en France.
« Ensuite sur la notion de salaire rémunérant, il faudrait savoir de quoi il parle. On s’en doute, salaire rémunérant c’est au-dessus de 1000 euros. Mais dans une conjoncture où l’on veut diminuer le SMIC et où même l’équivalent du SMIC ne suffit pas à vivre décemment dans une grande ville (où se trouve la majorité des universités), il est risqué de croire que les étudiants, ces « futurs riches », auront tous à la fin un salaire rémunérant leur permettant de rembourser. Bref, cette politique nous mène à une crise certaine.
« À côté de ces écoles payantes, l’auteur signale l’importance stratégique de garder des formations quasi-gratuites à côté du nouveau système avec une capacité minimum, comme « droit opposable » à tous les bacheliers à s’inscrire à l’université, avec pour but que ces formations soient bientôt désertées, « sauf par les militants de l’UNEF, qui mettent 6 ans à faire une licence. »
« Sur la sélection, il insiste sur le fait de s’attaquer au diplôme national : les licences doivent ensuite être transformée en « bachelors » qui pourront sélectionner à l’entrée à leur guise et faire payer des droits d’inscription. Le « bachelor » ne valant que par rapport à la renommée de l’établissement, idéalement, Gary-Bobo entend que cela soit un facteur pour obliger les universités à changer, dans le sens du tout-compétitifs et tout-ouvert aux entreprises.
« Je ne résiste pas et je retranscris le paragraphe en entier tant il est révélateur de la fourberie du projet : « On pourra même exiger dans un premier temps que les universités maintiennent ouvertes au moins quelques formations de licence selon le mode ancien : au nom de la « défense du service public contre la marchandisation », mais en même temps, on doit permettre aux universités d’innover et d’affronter la concurrence internationale en Europe, etc., etc. »
« Dernière recommandation de Gary-Bobo : ne plus parler de concurrence et d’excellence, mais d’ouverture et de diversité. Changement nécessaire selon lui car il permettra d’éviter la grogne des syndicats de professeurs et d’étudiants. »