« Nous sommes prêts » : Jean-Michel Blanquer ne cesse de répéter que « tous les élèves peuvent continuer à travailler, à consolider leurs acquis » en cette période de coronavirus, que tout est prêt pour assurer le fonctionnement de « l’école en ligne » et garantir la « continuité pédagogique », qu’aucun élève ne sera laissé sur le chemin et qu’il n’y aura pas de décrochage scolaire. Multipliant les vidéos de propagande, le ministre de l’(In)Éducation de moins en moins « nationale » se veut rassurant, affirmant qu’il y aura « une adaptation des pédagogies » quand s’effectuera le retour en classe. Le 4 mai ? C’est ce qu’a annoncé l’improvisateur Blanquer, qui avait annoncé le jeudi 12 mars à 15h37 que les établissements scolaires ne fermeraient pas… avant d’être lamentablement désavoué à 20h07 par le Tartuffe de la République Macron.
Alors peut-on croire Jean-Michel Blanquer ? Nombre de parents et d’enseignants ne cessent de pointer du doigts les dysfonctionnements des cours en ligne, la difficile connexion, le suivi délicat d’élèves ne pouvant être aidés par leurs parents, etc. Et le ministre de reconnaître qu’il y a « la diversité des équipements, la diversité des environnements familiaux, la diversité des contextes en général » ; traduisez : les inégalités. Car la terrible crise sanitaire que traverse la France met en exergue, plus que jamais, la ségrégation socio-spatio-scolaire croissante depuis que les euro-gouvernements successifs appliquent dogmatiquement la stratégie de Lisbonne de 2000 fixant pour objectif que l’UE ait « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » d’ici… 2010 (on apprécie le résultat en cette année 2020…). S’est progressivement imposée une vision de l’école misant sur « l’autonomie » des élèves, les « projets d’établissement », la primauté des « compétences » (tant pis pour la culture et la connaissance, reléguées comme des vestiges du passé humaniste… qu’il faut pourtant enseigner aux élèves !), la « diversité des parcours » et la nécessaire « adaptation pédagogique » ; sans compter la « mobilité » et la prétendue « formation » des enseignants, de plus en plus baladés d’un établissement à l’autre. L’évolution actuelle de l’(In)Éducation « nationale » se retrouve dans la loi dite de « l’école de la confiance » promulguée en 2019 et qui marque de facto la fin de l’Éducation nationale : la création des « établissements publics locaux d’enseignement international » (EPLEI), préparant « soit à l’option internationale du diplôme national du brevet et à l’option internationale du baccalauréat, soit au baccalauréat européen » (article 6).
Fin d’un seul baccalauréat, voici les deux bacs : l’un pour les classes populaires et une bonne partie des classes moyennes (qui pourront espérer intégrer une « option internationale ») ; l’autre pour les enfants aisés et dont les parents connaissent les mécanismes et rouages du système scolaire, et intégreront les EPLEI dont le budget « peut comprendre des concours de l’Union européenne ou d’autres organisations internationales ainsi que des dons et legs ». Le rêve du MEDEF de sélectionner directement à la sortie des écoles pourra être exaucé… Une nouveauté ? Certainement pas. Proviseur du Lycée franco-allemand (LFA) de Buc (Yvelines), Alain Houille se vantait des mérites d’une telle scolarité dans Le Figaro mi-mars 2020 : les élèves sont sélectionnés et testés « en français et en mathématiques », bénéficient par la suite d’un « programme plus dense » dispensé par des professeurs qui « font l’objet d’une sélection selon le profil du poste ».
Généreux, Blanquer ouvre la voie au recrutement… dès le premier degré. Bien entendu, le ministre a voulu contourner les contestataires potentiels en précisant que l’État veillera « à la mixité sociale des publics scolarisés » : nous attendons d’en savoir plus sur les « publics scolarisés » (ou plutôt : LE public scolarisé) du LFA…
La crise du coronavirus ne fait qu’exposer au grand jour l’ensemble de la politique profondément inégalitaire et destructrice de la République une et indivisible (qui elle-même n’existe plus depuis le 12 juillet 2018 et l’introduction du « droit à la différenciation » des « territoires » dans la Constitution…) menée par le ministre de l’Embrigadement européiste, politique fièrement revendiquée le 16 mai 2018 à l’Assemblée nationale, quand il affirma qu’« il est totalement prioritaire d’ancrer l’idée européenne chez les jeunes, en faisant bien comprendre que c’est leur avenir ».
« L’école de la confiance », c’est en réalité l’école de la défiance (permanente) à l’égard des enseignants – qui ne travaillent pas selon Sibeth Ndiaye – et l’école de la concurrence, les établissements scolaires pouvant mener des « expérimentations pédagogiques » concernant « l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement » ou encore « la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire dans le respect des obligations réglementaires de service des enseignants ». Annualisation, contractualisation, sélection, autonomisation, différenciation (pédagogique) : les maîtres mots/maux de Blanquer et de tous les euro-gouvernements précédents.
Plus que jamais, pour en finir avec l’école-marchandise qui sert les intérêts du MEDEF et (dé)forme de manière totalitaire des homo europeanus décérébrés par les programmes capitalistes, européistes, atlantistes et anticommunistes, avec « l’école de la confiance » qui asservit les enseignants, accroît exponentiellement les inégalités socio-spatio-scolaires (tel le LFA) et détruit une Éducation nationale une et indivisible, il est vital de sortir de l’euro, de l’UE, de l’OTAN ET du capitalisme exterministe.