Le monde de l’Éducation nationale est en deuil depuis le suicide de Christine Renon le lundi 23 septembre 2019. Cette directrice d’école maternelle à Pantin, odieusement présentée par certains « journalistes » (mais méritent-ils encore ce qualificatif ?) comme une personne « instable » ou « fragile »[1], a accompli son ultime geste comme un cri de rage et du cœur, celui d’une directrice d’école « épuisée » (c’est le terme utilisé en signature de sa lettre adressée aux directeurs et au recteur de l’Académie de Créteil[2]) comme tant d’autres enseignant(e)s, directrices et directeurs, responsables d’éducation, conseillers principaux d’éducation (CPE), médecins et infirmiers/infirmières scolaires, sans compter les agents techniques subissant la sacro-sainte « externalisation » des services et autre « ouverture à la concurrence » si chères au MEDEF, à Macron et à l’UE[3]. Fort heureusement, de nombreux témoignages contredisent fermement l’image que les « médias », et probablement le sinistre Blanquer et l’ensemble de ses sbires, voulaient donner au sujet de Christine Renon[4] – quand ce n’est pas totalement ignorer le sujet en se rabattant sur l’hommage national rendu à Jacques Chirac…
Déjà, un rassemblement a été organisé en hommage à Christine Renon jeudi 3 octobre à 13h30 à Bobigny, rassemblement auquel étaient présents des enseignants membres du PRCF et de syndicats enseignants et qui a réuni 3000 personnes, parfois venues de province (jusque de la Guyane !) ; plus de 200 écoles étaient fermées et près de 65% du personnel enseignant de Seine-Saint-Denis étaient en grève. L’intersyndicale réunissant toutes les sections départementales des syndicats d’enseignants a publié un communiqué commun avec de nombreuses revendications, parmi lesquelles « la création de postes d’aide à la direction pour toutes les écoles » et des « moyens pour investir dans le matériel indispensable au bon fonctionnement de nos écoles », sans compter « le développement d’une réelle médecine scolaire pour nos élèves » et « le respect de la souveraineté du conseil des maître-sses et de ses décisions »[5]. Puis une marche blanche a été organisée ce samedi 5 octobre à Pantin, avec un cri du cœur malheureusement déjà tant entendu dans d’autres circonstances : « Plus jamais ça ! ».
Autant de revendications et d’alertes qui démontrent, s’il en est encore besoin, la réalité de « l’école de la confiance » du sinistre Blanquer, qui n’a pas manqué l’occasion macabre d’expliquer qu’il fallait dès lors « améliorer la situation des directeurs d’écoles » qui n’est « pas satisfaisante » … en se référant à sa loi dite de « l’école de la confiance ». Mais comment croire un ministre qui, jusqu’à présent, a refusé tout dialogue avec les enseignants au sujet de sa loi[6] – au point de déclencher un mouvement de grève assez inédit lors de la rentrée scolaire, comme à Vaulx-en-Velin et Irigny[7] –, qui a menacé de poursuites des enseignants refusant de remettre les notes des copies de baccalauréat[8] – ultime recours pour des professeurs sans cesse méprisés et rabaissés par le ministre –, qui ose affirmer sans aucun scrupule que sa loi, « profondément sociale », vise à « assurer la justice sociale » et « élever le niveau général »[9], alors même qu’elle entérine l’existence d’un « baccalauréat européen » dispensé par les établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI) – financés par l’UE ! –, et qui enfin annonce fièrement au sein de l’Assemblée nationale – sans que cela choque particulièrement les députés… – qu’« il est totalement prioritaire d’ancrer l’idée européenne chez les jeunes en faisant bien comprendre que c’est leur avenir », quitte à édifier un homo europeanus de manière totalitaire et au mépris des faits historiques[10] ?! Et ce sans compter la promotion du tout-anglais comme langue d’enseignement privilégiée au sein des EPLEI, qui détruit encore plus la langue française ciment de l’unité et de l’indivisibilité de la République…
Il serait toutefois erroné de ne cibler que Blanquer, dernier avatar de l’ordre capitaliste et euro-atlantique, qui poursuit « l’œuvre » de destruction de l’Éducation nationale en se pliant volontiers d’une part aux doléances du MEDEF désireuse d’exploiter dès le plus jeune âge les futurs travailleurs, en appliquant d’autre part le programme de son mentor Macron… le tout en acceptant le projet d’embrigadement européiste qui met sur le même plan nazisme et communisme[11] ainsi que les « contraintes budgétaires » de l’Union européenne, notamment la sacro-sainte règle des 3% de déficit budgétaire. Transformer l’école en un centre de recrutement pour une « armée de réserve des travailleurs » exploitables pour une « économie flexible et compétitive » comme l’exigent le processus de Bologne de 1998 et la stratégie de Lisbonne de 2000 ; abandonner le projet d’émancipation individuelle et intellectuelle au profit de « l’esprit d’entreprise » et de la « flexibilité » basée sur des (fausses) « compétences », jusque dans les universités ; détruire le statut de la fonction publique en accentuant le recrutement de contractuels corvéables à merci[12] ; soumettre le monde enseignant à un « devoir d’exemplarité »[13] ; lutter contre la « désinformation » en sommant les professeurs – notamment ceux d’histoire-géographie-« enseignement moral et civique » (tout un programme !) – de diffuser la propagande capitaliste et euro-atlantique : tel est le grand projet d’embrigadement du ministre, qui n’en a cure des légitimes revendications du monde enseignant.
En somme, pour satisfaire ces dernières et aller au-delà vers une éducation en rupture avec la logique euro-atlantique et capitaliste, il est plus que jamais fondamental d’en finir avec l’UE, cette entreprise d’asservissement idéologique et de domestication à grande échelle des travailleurs du continent, entièrement tournée vers « l’ouverture à la concurrence » des services publics de plus en plus réduits à néant, au même titre que la SNCF, France Telecom, les barrages hydroélectriques, les retraites ou encore le code du travail – rappelons que Juncker lui-même se félicitait d’être l’inspirateur de l’infâme loi El-Khomri-Valls-Macron[14]. Car ce qui est visé est ni plus ni moins la destruction définitive de toutes les conquêtes sociales et démocratiques favorables à l’émancipation de l’esprit humain et des travailleurs, comme le rappelait sans complexe ni ambiguïté Denis Kessler – l’ancien numéro 2 du MEDEF – dans Challenges en octobre 2007 au sujet de l’action de Sarkozy et de ses valets : « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »[15].
Face à Macron-MEDEF-UE, tous ensemble en
même temps et dans le même sens, stoppons la destruction de l’Éducation !
[1] Voir le lien suivant : https://www.liberation.fr/france/2019/09/27/directrice-d-ecole-a-pantin-non-ce-n-etait-pas-une-personne-fragile-ce-n-est-pas-ca_1754004
[2] La lettre peut être visionnée au lien suivant : https://twitter.com/PlusjamaiscaT/status/1176917691862540288/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1176917691862540288&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.bfmtv.com%2Fsociete%2Fqui-etait-christine-renon-directrice-d-ecole-a-pantin-qui-s-est-suicidee-dans-son-etablissement-1779978.html
[3] Voir le lien suivant : http://cd78.reference-syndicale.fr/files/2018/04/INFO-CGT-SEMOP-COLL%C3%A8GES-16-avril-2018.pdf
[4] Voir le lien suivant : https://www.bfmtv.com/societe/qui-etait-christine-renon-directrice-d-ecole-a-pantin-qui-s-est-suicidee-dans-son-etablissement-1779978.html
[5] L’ensemble des revendications se retrouve notamment au lien suivant : https://93.cgteduccreteil.org/Souffrances-au-travail-STOP-Mobilise-es-pour-nos-conditions-de-travail
[6] Pour rappel sur ce sujet, voir le lien suivant : https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/blanquer-casse-leducation-nationale-les-professeurs-defendent-les-eleves-et-le-service-public/
[7] Voir le lien suivant : https://www.bfmtv.com/societe/greve-a-la-rentree-scolaire-la-colere-des-professeurs-a-venissieux-et-irigny-1761766.html
[8] Pour rappel sur ce sujet, voir le lien suivant : https://www.initiative-communiste.fr/articles/le-p-r-c-f-solidaire-des-professeurs-en-lutte-contre-la-casse-du-bac-5-juillet-2019/
[9] Voir le lien suivant : https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/projet-de-loi-pour-une-ecole-de-la-confiance-pourquoi-tant-de-defiance-jean-michel-blanquer-est
[10] Pour rappel sur ce sujet, voir le lien suivant : https://www.marianne.net/politique/video-jean-michel-blanquer-juge-prioritaire-d-ancrer-l-idee-europeenne-chez-les-jeunes
[11] Voir notamment le lien suivant : https://www.initiative-communiste.fr/articles/combattons-la-fascisation-et-le-negationnisme-historique-de-lunion-europeenne/
[12] Voir le lien suivant : http://www.slate.fr/story/181626/education-nationale-profs-non-titulaires-contrat-statut-fonctionnaire-enseignement
[13] Voir notamment le lien suivant : http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2019/06/14062019Article636960941482090128.aspx
[14] Pour rappel sur ce sujet : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/05/26/31001-20160526ARTFIG00104-l-union-europeenne-assume-la-loi-el-khomri-c-est-elle.php
[15] Voir le lien suivant : https://blogs.mediapart.fr/republicain/blog/191211/denis-kessler-il-sagit-de-defaire-methodiquement-le-programme-du-cnr