En deux minutes et en vidéo comprendre pourquoi la réforme du lycée et la réforme du BAC c’est dangereux et pourquoi les enseignants font grève ce 17 juin
Dossier spécial avec les analyses du principal syndicat enseignants des collèges et lycées qui appelle à la grève du bac pour le premier jour du Bac 2019. Outre le combat pour le bac national et l’Éducation Nationale, les enseignants sont également mobilisés contre la loi Dussopt qui organise la destruction des statuts de la Fonction Publique et la précarisation des agents publics, préparant la privatisation massive des services publics et un vaste plan de suppression de postes (on parle de 120 000 destructions d’emplois).
Quelques explications détaillées sur ce qui se cache derrière la réforme du Bac :
- un bac local, mettant fin au diplôme national, supprimant l’égalité de chaque lycéen dans l’accès à l’Université
- un bac compliqué, retour en arrière vers les vieille séries A, B, C, D, E…. pour toujours plus de sélection
- la création d’une jungle d’options incompréhensible pour les enfants de classe populaire pas rompus aux codes des filières sélectives du supérieur
- une réforme dictée par une logique d’économie à tout prix, pour un examen au rabais
- une réforme du lycée qui permet de réduire drastiquement les heures d’enseignement, pour un enseignement au rabais. Sauf pour ceux qui paieront des cours complémentaires dans le privé. Bref la privatisation En Marche…
SNes reforme du bac réforme du lycée
Le futur calendrier des épreuves du bac en question
Le ministère organisait ce mercredi 12 juin une audience pour présenter ses pistes de réflexion concernant le calendrier du bac dans le cadre de la réforme, pistes de réflexion consistant essentiellement à foncer droit dans le mur en klaxonnant pour qu’il se pousse… Cela pourrait être drôle s’il ne s’agissait pas de l’avenir des élèves, et des personnels. Vous trouverez ci-dessous un compte-rendu des principales « pistes de réflexion » du ministère. Vous y trouverez surtout des raisons supplémentaires de faire grève le 17 juin prochain
Coincé entre les exigences du calendrier de Parcoursup et l’affichage d’une réforme du bac qui se voulait simplificatrice, le ministère a actuellement plusieurs scénarios en tête pour établir l’organisation des futures épreuves.
Un calendrier qui plombe les enseignements de Terminale et toute l’organisation des lycées
Un premier scénario où toutes les épreuves terminales -enseignements de spécialité (EdS), Philosophie, « grand oral »- seraient renvoyées au mois de juin, avec maintien de la 3ème session d’épreuves communes de contrôle continu (E3C) au deuxième trimestre. Mais ce scénario, qui n’a « pas la préférence » de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), empêcherait d’intégrer les résultats des EdS dans la procédure Parcoursup, alors qu’il s’agit justement d’un objectif de la réforme.
Un deuxième scénario, « qui a la préférence de la Dgesco », reposerait sur l’organisation suivante :
-les épreuves d’EdS auraient lieu « avant les vacances de printemps,
aux alentours de fin mars ». Leurs résultats pourraient être intégrés
dans Parcoursup ;
-la dernière session d’E3C serait reportée à « après les vacances de printemps, fin mai, début juin ».
Dans le cadre de ce scénario, en ce qui concerne les épreuves d’EdS :
-les épreuves auraient lieu au cours d’une session de 6 jours (2 disciplines différentes et une par demi-journée), fin mars ;
-dans les établissements centre d’examen, les cours seraient suspendus,
mais les établissements ne seraient pas fermés, puisque par exemple les
élèves de 2nde et de 1ère pourraient dans la même période bénéficier
d’actions autour de « l’orientation » ;
-pour éviter une trop forte pression sur le « bouclage » des
programmes, et en même temps permettre de maintenir l’attention des
élèves après les épreuves, il est envisagé d’indiquer dans les
programmes quels seraient les éléments exigibles à l’écrit ; les autres
éléments de programmes pourraient être évalués dans le cadre du grand
oral, en fin d’année ;
Une absence de cadrage érigé en principe d’organisation
En ce qui concerne les E3C, la Dgesco précise qu’il n’y aura pas de
cadrage national ou académique définissant des périodes de passation
pour tous les établissements. Il y aura « simplement » une date limite
pour la remontée des notes pour harmonisation au niveau académique.
Les notes ne devront pas compter dans les moyennes trimestrielles et la
dématérialisation des copies devra permettre un « brassage » des copies
entre établissements. La Dgesco insiste surtout sur le fait que ces E3C
n’ont pas particulièrement vocation à prendre la forme de « sessions »,
puisqu’elles peuvent, par leur format (épreuves de 2h), avoir lieu sur
les plages de cours de 2h.
Une usine à gaz qui entérine la fin de l’examen national
On rappellera que le but officiel de cette réforme est de
« simplifier le baccalauréat » et de lutter contre le « bachotage du
mois de juin ».
En guise de simplification, le ministère cherche à faire tenir ensemble
des enjeux parfaitement contradictoires, et invente une nouvelle règle à
chaque fois que la précédente pose problème. On souhaite par avance bon
courage à toutes les familles qui ne sont pas familières du
fonctionnement du système scolaire pour essayer de comprendre les
nouvelles règles du baccalauréat « simplifié ». Mais sans doute que ces
familles ne sont pas au cœur des préoccupations de ce ministre.
Quant au « bachotage », l’organisation proposée consiste à consacrer
l’intégralité du 3ème trimestre de terminale à passer des épreuves de
bac : de fin mars à fin juin, les élèves enchaîneront deux épreuves de
spécialité, 4 épreuves d’E3C (sur le programme de l’année complète), et
enfin une épreuve de philosophie et un grand oral (dont on ne sait
toujours pas où et quand ils le prépareront). Un tiers de l’année à
passer les examens, voilà un beau progrès…
On pourra remarquer aussi que, telles que décrites par la Dgesco, les
E3C ressemblent de plus en plus à la généralisation des épreuves en
cours d’année (ECA) déjà en vigueur pour les langues vivantes ou bien à
des sortes de contrôles continu en cours de formation (CCF). Quant à la
dématérialisation des copies censée permettre le « brassage » entre
plusieurs établissements, on aimerait bien comprendre comment cela
serait possible quand chaque établissement organisera les épreuves à la
date qu’il souhaite…
Improvisation ? Réaction bureaucratique classique, consistant à répondre aux problèmes posés par des règles absurdes en inventant de nouvelles règles encore plus absurdes ? Provocation ? Incompétence et méconnaissance complète du terrain ? Ou simplement une nouvelle expression du mépris de ce ministre pour les élèves et les personnels ? Et en fait, faut-il vraiment choisir entre ces hypothèses ?
Retour vers le futur ?
Le SNES-FSU a pu réaliser une enquête sur les choix d’orientation des élèves actuellement en 2nde GT. On trouvera dans le document en fin d’article des résultats beaucoup plus détaillés et complets. Un constat massif s’impose : la réforme Blanquer ne remet absolument pas en cause les inégalités sociales de parcours scolaires et les hiérarchies entre ces parcours.
La dernière réforme des lycées généraux et technologiques , en date de 2010 et pilotée par JM Blanquer alors directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), a créé bien plus de problèmes qu’elle n’en a résolus. La réforme que le ministre Blanquer veut imposer aujourd’hui prétend donner plus de « liberté » aux élèves. Elle consiste en grande partie en la suppression des trois séries générales, et leur remplacement par un choix « libre » de disciplines de spécialité dès la 1ère. En cela, c’est une réforme qui place l’enjeu de l’orientation des élèves en son centre.
Pour le SNES-FSU, le principal problème, en termes d’orientation, réside dans le poids de certains déterminismes sociaux (inégalités liées à l’origine sociale, au genre, au niveau scolaire, aux contraintes géographiques…) sur les scolarités, dans un système marqué par des hiérarchies de prestige entre voies et séries. Une réforme pertinente du lycée devrait donc cibler ces problèmes.
Retour du refoulé ?
Les trois spécialités les plus demandées sont les trois disciplines
centrales de la série S. Elles sont suivies par deux disciplines qui
sont au centre de la série ES (SES et Histoire-géographie, géopolitique
et science politique), elles-mêmes suivies par deux disciplines typiques
de la série L. On retrouve donc assez nettement, dans la fréquence des
vœux de spécialités, les déséquilibres actuels entre les séries S, ES et
L. L’absence des mathématiques dans le tronc commun de 1ère se traduit
par une très forte demande de cette discipline en spécialité – mais en
l’état, un tiers des élèves du lycée général ne recevrait plus
d’enseignement dans cette discipline.
L’analyse des « triplettes » demandées par les élèves renforce le sentiment de permanence des séries. On trouvera des données plus détaillées en ligne, mais on peut dire ici que n’en déplaise au ministre, les élèves reconstituent par eux-mêmes les trois séries du lycée actuel – et faut-il le leur reprocher ? Ainsi, alors que les combinaisons possibles sont en très grand nombre, il y a une forte concentration des choix : sur 54 triplettes par lycée en moyenne, seules 10 sont choisies par au moins 10 élèves dans le lycée (et accueilleraient à elles seules 68 % des élèves). Les 44 autres accueilleraient entre 2 et 3 élèves chacune… Quelqu’un croit-il sérieusement que de telles contraintes, pour si peu d’élèves, pourraient « tenir » dans les emplois du temps ?
Choix des spécialités en fonction des résultats
Hiérarchies et déterminismes à l’œuvre.
On reproche souvent aux séries du lycée actuel d’être hiérarchisées en
termes de « prestige ». Visiblement, la réforme Blanquer ne remet pas en
cause ce mécanisme : il suffit, pour le voir, de s’intéresser aux choix
des meilleurs élèves, et des élèves les plus faibles, en supposant que
plus une discipline est demandée par les meilleurs élèves, plus cela
prouve qu’elle bénéficie d’un prestige important. Résultats ? D’un côté,
des disciplines fortement demandées par les meilleurs élèves, et
délaissées par les plus faibles (les disciplines scientifiques). De
l’autre côté, les disciplines littéraires ou de sciences humaines,
nettement plus demandées par les élèves les plus faibles que par ceux
aux meilleurs résultats.
Sans surprise également, le genre continue de faire des différences dans les vœux des élèves. Par exemple, 29 % des filles demandent Humanités, littérature et philosophie, contre seulement 11 % des garçons. A l’inverse, 56 % des garçons demandent Physique-Chimie, contre seulement 42 % des filles… Enfin, le lycée du « libre choix » perpétue le poids des contraintes géographiques : si 15,3 % des élèves demandent la spécialité NSI lorsqu’elle est offerte dans leur lycée, ce chiffre tombe à 2,8 % lorsque la spécialité n’est pas offerte.
Quant aux hiérarchies entre les triplettes, elles sont là encore sans surprise. D’abord, la triplette Maths+PC+SVT se détache de toutes les autres, en étant demandée par 25 % des élèves à elle seule (voir le site). Plus largement, les triplettes « sciences » (3 spécialités parmi maths, PC, SVT, SI, NSI) sont demandées par 30% des meilleurs élèves, contre seulement 6 % des élèves les plus faibles. Les triplettes « sans-sciences » sont, elles, demandées par 14,7% des meilleurs élèves, et 30% des élèves les plus faibles. Derrière la diversité des parcours, un lycée de plus en plus binaire ?
Choix de combinaison de spécialités
Statu quo ou restauration ?
Des séries rendues invisibles, et pourtant toujours là : ce résultat ne
laisse-t-il pas entendre que le principe des séries reste le moins
mauvais, lorsqu’il s’agit de combiner culture commune et
spécialisation ? Ce qui n’interdit pas de faire évoluer ces séries. Mais
alors, cette réforme serait-elle inoffensive, puisqu’apparemment elle
ne change rien ? Au-delà du fait qu’une réforme devrait, en
l’occurrence, changer ce qui pose problème, on ne peut oublier que la
réforme Blanquer modifie en profondeur le fonctionnement du lycée (en
généralisant la concurrence entre disciplines et en affaiblissant la
voie technologique) et dégrade les conditions d’enseignement comme la
diversité de l’offre de formation (par l’autonomie locale de la gestion
de la pénurie – cf le non-financement des options, par exemple).
Si donc la réforme Blanquer ne règle aucun problème, et aggrave ceux qui existent déjà, elle donne cependant le sentiment étrange de restaurer, sans le dire, les anciennes séries générales A, B, C, D, E. Celles qui avaient été supprimées en 1993 pour cause de hiérarchisation trop forte. Voilà donc une réforme qui pourrait permettre au lycée général de faire un bond de 25 ans. En arrière.
La liberté de choix est une fiction !
mercredi 29 mai 2019
Le gouvernement a opportunément ressorti le VRP de la réforme du lycée et du bac, P. Mathiot, qui se félicite publiquement que 50 % des élèves de 2nde fassent des vœux qui « sortent du carcan des séries », les autres ayant besoin de plus de temps pour s’affranchir de ce cadre. On trouvera ci-dessous des résultats d’une enquête du SNES-FSU (annexe méthodologique en fin de note), qui montrent à quel point le discours du ministère, et de P. Mathiot, est fragile, pour ne pas dire à la limite du mensonge.
« 50 % des élèves sortent du carcan des séries »… Ou pas ?
Au 2ème trimestre, les « triplettes » choisies par les élèves de 2nde faisaient apparaître, sous une diversité artificielle, une inertie certaine des séries actuelles du lycée (ce qui est sans doute une bonne nouvelle), mais aussi une permanence des hiérarchies qui structurent le lycée (ce qui n’est pas une bonne nouvelle). Ainsi, deux tiers des élèves se concentrent sur un quart des « triplettes » demandées, ce petit nombre de combinaisons reproduisant massivement les actuelles séries ES, L et (surtout) S. Ces tendances ont-elles des chances d’évoluer à moyen terme ? L’exemple britannique, qu’on trouvera dans la note en ligne ci-dessous, laisse dubitatif.
Diversité des parcours… ou pas ?
La géométrie variable.
A court terme, il est probable que les pressions de l’administration,
et les « contraintes d’organisation » des lycées, aient un effet très
fort sur les vœux des élèves de 2nde, comme les premières remontées des
lycées le laissent penser.
Dans tel lycée, par exemple, on découvre déjà que certaines spécialités
pourtant affichées seraient sacrifiées sur l’autel de la pénurie de
moyens, les combinaisons concernées ne regroupant que trop peu
d’élèves ; dans tel autre on restreint les possibilités de combinaisons à
un répertoire imposé d’une dizaine et ailleurs, on les élargit à la
trentaine. Parfois même, on avertit qu’il faut hiérarchiser les vœux,
l’ordre devenant déterminant dans la formation des groupes… et le chef
d’établissement ayant « la main » pour décider du « libre choix » des
élèves.
Malheur à celui qui n’est pas inscrit au bon endroit ! Pourra-t-il
changer d’établissement ? Rien n’est moins sûr car c’est en fonction des
places disponibles et au risque de se trouver dans un lycée très
éloigné, « sans possibilité de retour », va jusqu’à affirmer un
proviseur de Chelles dans une note aux parents.
Petits arrangements avec la règlementation
On avertit parfois de l’incompatibilité de certains assemblages ou au
contraire, on les impose. « Au vu des compétences nécessaires et des
effectifs prévisionnels, les spécialités physique-chimie et NSI ne
pourront être proposées sans mathématiques » est-il précisé dans un
courrier d’un proviseur aux parents.
Dans de nombreux lycées, il est aussi demandé aux élèves de conserver 4
voeux et de les hiérarchiser dans le but de laisser une marge de
manoeuvre au chef d’établissement et au conseil de classe dans la
constitution des groupes de spécialités de Première et parfois même
d’anticiper le choix de l’abandon d’un enseignement pour la Terminale.
Rappelons ici que ce n’est pas réglementaire car les notes de service
d’octobre puis de mars dernier précisent les conditions du choix des
spécialités qui doivent être laissées entièrement à la main des élèves
et de leur famille à partir du moment où il y a passage dans la voie
générale.
Comment maintenir la diversité de l’offre de formation ?
Par ailleurs, le cumul de deux spécialités linguistiques est
considéré partout comme interdit mais on découvre c’est parfois
possible ! Grâce à la mobilisation locale des enseignants, le SNES-FSU a
en effet pu obtenir la mise en œuvre d’une expérimentation pour trois
ans dans l’académie de Rennes, autorisant le cumul de spécialités
linguistiques étrangères et régionales.
Une chose est certaine, donc, le champ des possibles est à géométrie
variable… Et se réduit. Que penser d’une réforme où le local dicte
des règles inventées au gré des besoins et du rapport de force, sinon
qu’il est urgent de l’abandonner ?