Notre camarade Aymeric répond à Russia Today international à propos de la censure de France 3 (qui a effacé le mot « dégage » sur une pancarte d’un gilet jaune à l’adresse de Macron) et fait le point sur les pressions exercées en France sur le journalisme, notamment au sujet de la loi sur lesdites « fake news » (fausses nouvelles).
Cette censure, cette manipulation, effectuée par la rédaction de France 3 car c’est de cela qu’il s’agit s’inscrit dans une pratique plus large, et sans doute moins grotesque que la retouche d’une photo. Si france 3 reconnait une erreur, c’est celle d’avoir diffusé ce grossier photomontage dévoilant le fond du parti pris de la rédaction. Ce 15 décembre par exemple, l’ensemble des chaines de télévision ont directement repris les chiffres de nombre de manifestants donnés par le ministre de l’intérieur. Sans aucune vérification de terrain. Ils apparaissaient pourtant démentis par les images, y compris celles tournées par les chaines de télés. Rien qu’à Marseille c’est un minimum de 10 à 20 000 manifestants qui ont participé à une grosse mobilisation unitaires, CGT FSU, SUD, partis politiques dont le PRCF, et gilets jaunes ensemble. Silence radio ou un entrefilet parlant de 1000 manifestants… A Paris, alors que près de 50 stations de métro et RER étaient fermées, alors que l’accès aux Champs Elysées était fermés, alors que de nombreux gilets jaunes étaient interdits par les policiers de se rendre à Paris, les rédactions glosaient sur le moindre nombre de gilets jaunes sur les manifestants. De pareilles méthodes malheureusement participent directement de décrédibiliser l’ensemble de la profession de journaliste. On est bien loin des cris de putois et des appels à une justice expéditives à l’encontre par exemple d’un Mélenchon lorsque ce dernier a osé mettre en cause les méthodes d’une partie de la rédaction de l’audiovisuel public dans le traitement de l’affaire lancée contre lui concernant ses comptes de campagnes.
transcription et traduction de l’entretien
Interviewer : Rejoignons maintenant l’éditeur et écrivain Aymeric Monville. Aymeric, merci de nous rejoindre à cette émission.
Donc, suite à des protestations, France 3 a reconnu sa faute et admis une erreur humaine. Quelle est votre version de cette histoire et de son exploitation par la chaîne?
AM : Bien sûr tout est possible avec un gouvernement qui manque de marge de manœuvre et est empêtré dans une telle situation, mais je pense qu’il s’agit plutôt d’autocensure, une sorte d’intériorisation de la censure, plutôt qu’une censure venue d’en haut. C’est typique de ce journalisme de révérence, obséquieux avec les pouvoirs en place. Dans le passé, un journal célèbre supprimait par exemple les poignées d’amour de Nicolas Sarkozy faisant du kayak torse nu. Quoi qu’il en soit, cela en dit long sur la situation actuelle et cette pression exercée contre le journalisme. Nous allons sans doute bientôt parler de la loi dite anti-« fake news » (fausses nouvelles), que le gouvernement est en train de mettre en oeuvre dans ce pays et qui entrera en vigueur l’année prochaine.
Interv : Si ce n’était pas une erreur et si c’était délibéré, que pensez-vous de la narration de cette chaîne, que savez-vous de sa ligne éditoriale?
AM : Plus généralement, il est vrai que ce que les médias dominants essaient de cacher, c’est que les gilets jaunes veulent la démission de Macron. Macron symbolise la mondialisation. Vous ne savez pas exactement pour quelles raisons les gilets jaunes sont contre la mondialisation, s’il s’agit d’un point de vue de droite ou d’un point de vue de gauche. Mais samedi dernier, ils portaient tous ce type de pancartes. C’est sûr que sur ce sujet, Macron ne peut pas effectuer un tournant à 180 degrés, il se ridiculiserait. Il est contrait de faire des réformes de façade. Mais les gens veulent qu’il parte, parce qu’ils ne peuvent plus vivre dans un tel désespoir. Que vous aimiez cela ou non, le régicide, même s’il est ici symbolique, fait partie de la culture française, de l’histoire française. Macron a dit que la culture française n’existait pas, mais il va être surpris.
Interv : La chaîne a parlé d’une erreur humaine et il faut en tenir compte. Mais il y a eu surtout une réaction sur internet qui ont révélé l’affaire. La chaîne aurait-elle reconnu son erreur s’il n’y avait pas eu cela?
AM : Ils ont reconnu leur erreur parce qu’il y a un contre-pouvoir sur internet. Mais je ne suis pas sûr que lorsque la loi sur lesdites « fake news » entrera en vigueur l’année prochaine, ce type de contre-pouvoir pourra jouer son rôle actuel. A partir des prochaines élections en mai 2019, le CSA aura par exemple le droit d’interdire à une chaîne étrangère d’émettre en France, et de contrôler les sources sur internet. Bien sûr toujours dans le même sens. Car je doute que le CSA enquête sur ce cas récent de traficotage de photo. Quand un gouvernement décide ce qui est bon ou mauvais, vrai ou faux, c’est comme créer un ministère de la Vérité, c’est le début de la tyrannie.
Interv : C’était Aymeric Monville, éditeur et écrivain. Merci beaucoup de nous livrer vos opinions pour notre émission.