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www.initiative-communiste.fr vous propose de retrouver gratuitement l’entretien accordé par le directeur de la maison d’édition Delga – Aymeric Monville- à Initiative Communiste autour de la liberté d’expression et de la censure, paru dans le numéro 154 d’Initiative Communiste de mars 2015 !
Combat contre la censure perpétuelle
Entretien avec Aymeric Monville, éditeur, directeur des Editions Delga :
IC : Peux-tu nous présenter rapidement les éditions Delga et leur politique éditoriale ?
Nous avons fondé cette maison d’édition il y a une dizaine d’années, avec les « moyens du bord », car en tant que communistes nous nous sentions orphelins des Editions Sociales. La quasi-disparition de cette maison prestigieuse nous avait choqués, tant elle était symptomatique de la dérive du PCF depuis la « mutation ». L’absence d’autonomie théorique est une des causes premières de l’opportunisme social-démocrate et de la politique politicienne au jour le jour qui a suivi. Il fallait montrer que le marxisme-léninisme est une théorie vivante, apte à expliquer et à transformer notre temps. C’est pourquoi c’était un parti-pris de publier autre chose que les « classiques » du marxisme-léninisme, même s’il faudrait le faire aujourd’hui, vu qu’ils sont de plus en plus difficilement trouvables.
Nous avons donc publié des marxistes aussi incontournables que Georg Lukács, Tran Duc Thao, Lucien Goldmann, Jacques D’Hondt, Jean Salem, Annie Lacroix-Riz, Domenico Losurdo, Samir Amin. Et bientôt… Georges Gastaud !
IC : Quelles sont les dernières nouveautés des éditions Delga ?
Des ouvrages anti-impérialistes sur le coup d’Etat fasciste en Ukraine, sur l’assassinat de la Yougoslavie, mais aussi une série de livres sur l’histoire de l’URSS : Le Socialisme trahi de Keeran et Kenny (les causes internes de l’effondrement de l’Union soviétique sont liées à l’établissement d’un marché capitaliste et non dues au socialisme), Qui aidait Hiter ? de l’ambassadeur soviétique à Londres dans les années trente, Ivan Maïski, mais également Les Guerres de Staline de Geoffrey Roberts. Ce livre, d’un chercheur de renommée mondiale, démolit la thèse de l’impréparation de l’Union soviétique en 1941 ou encore certains ragots comme l’Armée rouge attendant patiemment l’arme au pied que les insurgés de Varsovie se fassent écraser par la Wehrmacht. C’est, aux dires de notre camarade Annie Lacroix-Riz le meilleur livre en français sur l’URSS en guerre. Livre qu’elle nous a d’ailleurs fait l’honneur de préfacer.
IC : Dans le livre Khrouchtchev a menti, que vous avez publié récemment, Grover Furr montre que Khrouchtchev a chargé Staline de nombreux crimes pour se dédouaner lui-même…
Ce livre, préfacé par Domenico Losurdo, ne prétend pas dire l’histoire mais montre qu’avec le rapport Khrouchtchev comme base d’explication, on ne peut bâtir que sur du sable. A la lecture, le Staline des années trente apparaît bien plus comme un acteur parmi d’autres d’une sorte de guerre civile au sein du Parti-Etat que comme un instigateur machiavélique d’une répression de masse. Il en sort grandi sur le plan personnel, mais ce n’est pas pour autant que les travers de l’époque sont ignorés.
Assimilation critique de l’héritage
A ce propos, j’avoue mal comprendre en quoi on peut se servir de ces livres pour argumenter contre la ligne du PRCF sur cette question, définie en 2010, et que je trouve pour ma part très pondérée : refus de la diabolisation de Staline qui sert l’anticommunisme mais en même temps droit de critique marxiste de la période. L’enjeu porte sur ce qu’on entend par démocratisation : le stalinisme a permis la préservation de la souveraineté et la prospérité d’un Etat sans lequel il n’y a pas de démocratisation possible. Mais la démocratisation et les Lumières (dont le marxisme est le plus beau fleuron) sont un processus perpétuel qui va de pair avec le socialisme. En ce sens, la période post-stalinienne, marquée par un indéniable assouplissement mais aussi par des compromis avec le capitalisme (voir le poids du second marché dans le livre Le Socialisme trahi) ne doit pas non plus être idéalisée, contrairement à ce qu’ont fait ces dirigeants qui aujourd’hui passent du révisionnisme à la social-démocratie.
En résumé, une chose est de prendre toute la distance qui s’impose avec les forgeries de Khrouchtchev (et a fortiori, avec le prétendu Livre noir du communisme), une autre de s’interdire une approche marxiste critique de la période stalinienne, comme de toute autre période de l’histoire complexe et mouvementée de la construction du socialisme : c’est ce que Lénine appelait l’assimilation critique de l’héritage. Au lieu de se focaliser sur un individu, l’histoire doit aider à tirer leçon du passé, de ses ombres comme de ses grandes lumières (comme Marx le fit à propos de la Commune de Paris), pour que notre lutte pour le socialisme et le pouvoir populaire « parle » à nouveau à la classe ouvrière et à la jeunesse.
IC : Furr affirme aussi que le culte de la personnalité de Staline s’est établi malgré lui, ce qui selon lui prouverait que Staline n’était pas autoritaire, sinon il aurait interdit son propre culte. N’est-ce pas un peu paradoxal ? Par ailleurs, cela peut sous-entendre que Lénine, qui a empêché le culte de sa personnalité tant qu’il était en vie, était plus autoritaire que Staline. Il affirme aussi que Staline n’était que le modeste disciple de Lénine, et que tout ce que l’on pourrait être tenté de reprocher au disciple serait en fait imputable au maître. Qu’en penses-tu ?
Le culte de la personnalité fut imposé par les circonstances, différentes de l’époque de Lénine : nécessité de ressouder la société après trois guerres civiles (celle proprement dite mais aussi la collectivisation et les conflits meurtriers au sein du Parti en 37-38 principalement). C’était la seule façon de se préparer à la guerre avec ce handicap initial.
Il n’existe pas de « marxisme-stalinisme »
Staline n’était lui-même pas dupe de cela. Ce serait donc une impasse que de revenir au « culte ». On peut lui savoir gré d’avoir édifié le premier Etat socialiste et terrassé le fascisme sans pour autant passer ses journées à faire tourner les moulins à prière. Si Staline est un théoricien intéressant, notamment du fait national, il n’y a pas pour autant de marxisme-stalinisme. Le stalinisme est un phénomène complexe, mais très conjoncturel, il ne nous définit pas, contrairement au marxisme-léninisme qui reste un guide pour l’action.
Il est d’ailleurs curieux, à ce propos, que certains groupes dogmatiques qui se réclament de Staline ne voient qu’opportunisme dans la stratégie, chère au PRCF, des « deux drapeaux » et de « Front antifasciste, patriotique et populaire« . Ce sont plutôt les trotskistes qui, traditionnellement, diabolisent le patriotisme populaire et abandonnent ce terrain crucial aux fascistes.
IC : Les éditions Delga sont actuellement victimes d’une censure dans les bibliothèques universitaires. Peux-tu nous en parler ?
En réalité, nous sommes victimes d’une censure perpétuelle, tant l’anticommunisme est virulent. Mais cette fois, elle a été révélée au grand jour à Paris 1-Sorbonne tant l’arrogance de nos censeurs n’a plus de limites. Il s’agit d’un refus écrit non seulement du livre Les Guerres de Staline et de tout notre catalogue. Dans le même temps, il s’avère que la bibliothèque universitaire possède des ouvrages négationnistes comme ceux de Nolte et n’a même pas des classiques comme ceux d’Alexander Werth. Je vous invite à signer la pétition contre la censure maccarthyste et contre le négationnisme sur le site de notre camarade Annie Lacroix-Riz, www.historiographie.info