Mais que nous faut-il donc, à nous enseignants et à nos syndicats représentatifs, pour réagir un peu durement aux humiliations répétées de Blanquer ?
Blanquer est l’homme dont la contre-réforme du lycée a détruit le second degré public et le bac national anonyme, jusqu’alors premier grade universitaire; il est l’homme qui a ravagé l’enseignement des disciplines scolaires – français, maths, philo, LV 1 et 2, EPS, etc. – , l’homme qui a détruit l’unité du groupe classe au profit de regroupements illisibles, l’homme qui a imposé Parcours Sup et ouvert la voie à une sélection sociale sans précédent à l’Université.
Il est aussi l’homme qui a demandé l’interdiction d’un syndicat étudiant, l’UNEF, avec lequel on peut être en désaccord mais qui n’en est pas moins représentatif, alors que dans le même temps, le ministère de l’Éducation nationale subventionnait sur fonds publics un syndicat lycéen bidon émanation de la Macronie. À tout propos, ce personnage stigmatise les musulmans et chasse grossièrement sur les terres du Rassemblement lepéniste.
Blanquer est enfin le ministre irresponsable qui a maintenu les classes ouvertes sans prendre de mesures sérieuses pour les protéger, l’homme qui s’est réclamé de la honteuse théorie malthusienne de l’ « immunité de groupe » (= laissons faire le virus et que les forts survivent!), les profs français étant parmi les derniers enseignants vaccinés d’Europe occidentale!
Blanquer est aussi l’ancien haut fonctionnaire de l’Éducation nationale qui a cultivé un état d’esprit tel que Samuel Paty, et tant d’autres enseignants victimes de petites, de moyennes et d’énormes violences, se retrouvent ou se sont retrouvés seuls, lâchés ou très mollement couverts par leur hiérarchie quand ils sont ou ont été aux prises avec l’inacceptable, si ce n’est avec le franchement criminel.
Et malgré ce bilan accablant, plus d’un syndicat représentatif de l’Éducation nationale refuse encore, sous couvert de prolonger un « dialogue social » inexistant et mensonger, où le ministre décide et où les syndicats regardent passer le train en « déplorant le mépris » dont ils sont l’objet, d’exiger la démission de cet Attila du système éducatif français!
Certes, celui qui écrit ces lignes est un militant politique, qui plus est retraité de l’Éducation nationale: qu’il se taise, donc !
Mais outre que l’auteur de ces lignes fut, durant quatre décennies, un professeur de philosophie et un syndicaliste actif, outre qu’il se désole de voir ses jeunes collègues quotidiennement humiliés et empêchés d’enseigner correctement leur discipline, outre qu’il s’indigne de voir la manière dont la philosophie est, comme d’autres matières, sacrifiée sur l’autel d’un alignement éducatif européen con-traire aux lumières et à la laïcité républicaine véritable, l’auteur ne saurait, comme citoyen attaché à l’avenir de l’école publique, assister à son désossement sans réagir.
Ni sans dire aux dirigeants syndicaux que, à force de dialoguer fictivement avec qui vous méprise ouvertement, à force de ménager la « construction » européenne dont chaque avancée est un coup porté à l’Éducation NATIONALE, on finit par accompagner discréditer ce mouvement syndical indispensable auquel l’auteur a, comme tant d’autres, dédié une bonne partie de sa vie militante.
Alors, chers dirigeants syndicaux, plutôt morts roses, rouges pâles ou verts-pomme, et indécrottablement euro-complaisants que porteurs de revendications tant soit peu radicales ?
Le Livre scolaire au service de la propagande européiste?
« Tous les 9 mai depuis 1986, la date anniversaire de la Déclaration Schuman est l’occasion de célébrer la Journée de l’Europe. Voici notre sélection de ressources pédagogiques pour proposer à vos élèves des supports variés qui offrent des clés de compréhension de ce qu’est l’UE ».
« Manuel collaboratif co-écrit par une communauté de 4 000 professeurs », le Livre scolaire expédie sa « publicité » sur les boîtes courriels académiques des enseignants d’histoire-géographie-enseignement moral et civique (EMC) en toute impunité, en proposant des sites dont les « vertus pédagogiques » confinent à la célébration fanatique. Et d’orienter les enseignants vers des « ressources pédagogiques» comme :
• « L’Europe, c’est pas sorcier », joliment magnifiée : « Fidèle à la philosophie de l’émission ‘’C’est pas sorcier’’, Graine d’Europe a créé, en partenariat avec France 3, le site ‘’L’Europe c’est pas sorcier’’ pour expliquer l’UE à tous. »
• « Explique-moi l’Europe », dont on apprend que « Cette série de podcasts est coproduite par le site Toute l’Europe et l’agence Bulle Media, chaque épisode prend la forme d’une conversation entre deux journalistes et aborde en 7 à 8 minutes le fonctionnement de l’Union européenne et ses princi-paux enjeux. »
• « Le Laboratoire d’innovation pédagogique sur l’Europe (LIPE) » : « Créé en 2017, le LIPE est une initiative du Centre de Re-cherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) de l’Université de Nantes en association avec le LabEx EHNE qui met à disposition des ressources pédagogiques, le tout en accès libre. »
Confirmation est ainsi apportée de la mobilisation des médias aux ordres afin d’imbiber de propagande européiste les têtes des élèves, tandis que le LabEx EHNE développe le projet d’« écrire une histoire nouvelle de l’Europe ». Une vision qui correspond aux objectifs fixés par Blanquer qui, le 16 mai 2018, déclarait aux députés :
« Il est totalement priori-taire d’ancrer l’idée européenne chez les jeunes, en faisant bien com-prendre qu’il s’agit de leur avenir ».
Et forcément, l’avenir ne peut être que radieux, comme le présentent les chapitres aussi bien en histoire (« La construction européenne ») qu’en géographie (« L’UE, un nouveau territoire d’appartenance ») et en EMC (« La citoyenneté européenne ») de l’édition 2021 du Livre scolaire pour le niveau de Troisième. Naturellement, le propos est « adapté » afin de mettre plein d’étoiles jaunes dans la tête peinte en bleue des futurs « citoyens européen » : aucune mention de la victoire du NON au référendum du 29 mai 2005 n’apparaît ; comment pourrait-il en être autrement puisque l’UE est « un territoire d’appartenance auquel les Européens s’identifient » – et tant pis si le drapeau de l’UE a été remplacé par celui de la Chine populaire le 13 mars 2020, cette dernière se révélant nettement plus efficace pour lutter contre le coronavirus que la maléfique UE.
Le panégyrique européiste ne saurait d’ailleurs tolérer les brebis galeuses : le Brexit apparaît comme une grosse tache regrettable, tandis qu’un extrait d’un article publié sur le site viepublique.fr (site du gouvernement…) regrette que « certains États sont neutres et souhaitent le rester (Autriche, Finlande, Irlande, Malte, Suède) » vis-à-vis de l’OTAN, ce que le Livre scolaire déplore dans son langage très « neutre » : « Le renforcement de l’intégration se heurte à l’affirmation des souverainetés nationales ».
Et l’engagement concret du futur « citoyen européen » et l’exercice de l’autonomie étant des caractéristiques fondamentales de l’« école de la confiance », le travail demandé en EMC parachève la mutation en Homo europeanus : « A l’occasion de la Journée de l’Europe (9 mai), créez une affiche sur le citoyenneté européenne » ; et la consigne d’insister sur le soin à apporter au coloriage : « votre affiche doit être attrayante ! » Il faut bien cela pour compenser l’euro-dissolution de la République indivisible et de la France, l’euro-démantèlement des services publics (dont l’Éducation de moins en moins « nationale » et qui propose désormais un « baccalauréat européen » distinct d’un bac national voué à disparaître…), l’euro-destruction des conquêtes sociales et l’euro-arasement des libertés sous les coups d’une euro-fascisation galopante.
Face au massacre de l’Éducation « nationale », il est temps de promouvoir les Lumières communes ancrées dans un matérialisme dialectique situé aux antipodes de l’hagiographie qui a colonisé l’enseignement avec le concours des euro-gouvernements appliquant les « feuilles de route » bruxelloises. L’Alternative Rouge-Tricolore portée par Fadi Kassem et le PRCF ne sera pas donc pas seulement politique : elle sera également culturelle et scientifique
GENTIL NAPOLÉON, AFFREUX ROBESPIERRE ?
Rien ne montre mieux l’hypocrisie du 6 mai 2021, où Macron fit l’éloge de Napoléon, que l’asymétrie qui caractérise les traitements respectifs réservés, d’une part à Robespierre, que l’oligarchie bourgeoise contre-révolutionnaire actuelle, héritière du coup d’Etat droitier de Thermidor (qui conduisit à l’assassinat extrajudiciaire des dirigeants jacobins), voue toujours à la « damnatio memoriae », d’autre part à Napoléon Bonaparte. Non ce n’est pas l’ « horreur du sang » qui porte Macron à vilipender Robespierre ou à diffamer les Communards puisque Bonaparte a fait en Europe, sans être menacé par la guerre civile et par l’invasion étrangère, cent fois plus de morts que la Terreur: rappelons que Robespierre avait tout fait au contraire pour conjurer la guerre en 1792 (« les peuples n’aiment pas les missionnaires armés », objectait-il aux bellicistes girondins) alors que Napoléon fit de la conquête permanente un moyen d’appesantir sa tyrannie sur le peuple français. Et puisque ce n’est nullement l’horreur du sang qui écarte nos bons bourgeois actuels de l’Incorruptible et qui les jette dans l’admiration énamourée d’un « empereur » belliciste, il faut chercher ailleurs l’explication: dans le fait, inexpiable, que Robespierre incarne l’alliance démocratique de la bourgeoisie jacobine avec le peuple insurgé, ce jacobinisme honni qui préfigure la Commune de Paris, première incarnation historique de la dictature du prolétariat, alors que Napoléon incarne l’aile droite ambitieuse et cupide de la grande bourgeoisie qui rêvait de dévoyer l’élan populaire victorieux de 1793 vers la conquête l’oppression d’autres peuples. Quitte à liquider la République et à établir une noblesse impériale de pacotille, ces « Napoléonides », ces parvenus de la famille impériale qui mettaient l’Europe en coupe réglée et qui tentaient d’imiter le faste du « sacre » impérial ruineux de 1804 ?
Décidément, elle répond toujours des noms lugubres de Thermidor, du 18 Brumaire et de Versailles cette bourgeoisie renégate actuelle qui, faute de pouvoir encore dominer l’Europe, et tout en continuant à piétiner l’Afrique, se couche servilement devant ses suzerains falots de Bruxelles, Berlin et Washington. A l’inverse, comme le chantait Jean Ferrat, « elle répond toujours du nom de Robespierre, ma France ». Pas celle de Macron et du CAC-40, certes, mais celle de la Marseillaise insurrectionnelle, du Temps des cerises et de Germinal !