Ancien Recteur, ancien numéro deux du ministère de l’Éducation sous Sarkozy où il présida aux suppressions de dizaines de milliers de postes d’enseignants, le ministre Blanquer, bien entouré par Axa et la Commission de Bruxelles, ne déroge jamais à la ligne euro-patronale dans l’Éducation.
Après Parcoursup et la réforme du bac et des lycées généraux technologiques et professionnelles, le coronavirus est l’occasion pour lui de pousser son avantage. Cela prend la forme notamment de l’injonction de « continuité pédagogique » auquel le ministre somme enseignants, élèves et familles avec l’idée sous-jacente que l’école pourrait continuer… sans école. Bien entendu, la continuité pédagogie sert les enfants accompagnés chez eux par des adultes disponibles mais pénalise les enfants des milieux populaires (suivre un cours sur un téléphone portable n’a jamais été facile, tandis que disposer d’un ordinateur portable, d’une chambre à soi, d’une imprimante, reste un bien très inégalement partagé) et aussi tout simplement les familles de ceux qui aujourd’hui sont en première ligne contre l’épidémie et qui ne pourront accompagner leurs enfants. Mais en outre, comme l’écrit la FSU 81, cela
« présuppose nécessairement qu’un.e élève.e peut acquérir des savoirs, sans la présence d’un.e enseignant.e, grâce à de simples documents papiers ou numériques. Cela voudrait-il dire qu’il suffirait de lire ou d’entendre le savoir pour qu’il s’imprime dans la tête de l’élève ? Tout.e enseignant.e sait bien qu’il s’agit bien là d’une illusion, que l’élève ne retient que ce qu’il ou elle peut comprendre, à sa façon, selon son histoire, son ressenti, et que l’esprit n’est pas une cire vierge où s’inscrirait, comme par miracle, les savoirs. De très nombreuses recherches, même anciennes, le montrent. Une telle injonction en dit long sur la conception du métier d’enseignant de notre haute hiérarchie ! ».
La continuité pédagogique est donc un piège, à la fois pour les familles et pour les enseignants « embarqués » vers un objectif non seulement impossible à atteindre mais qu’il serait dangereux de poursuivre. Car pour le ministre elle est surtout un levier afin d’avancer dans le vaste mouvement de « réformes » de l’Éducation dans les pas du pilotage européen dont le but affiché est de poursuivre la réduction drastique du budget de l’Éducation, et d’envisager le numérique, à distance, comme méthode générale d’enseignement. C’est ainsi que la « nation apprenante » lancée par le Ministère reprend le modèle de la « société apprenante » lancée en 2000 par l’European Rouan Table. Cette association des plus grandes sociétés privées de l’UE, directement connectée sur la commission de Bruxelles, avait alors établi une feuille de route pour l’école intitulée « Vers une Société Apprenante » visant à décloisonner l’école et l’entreprise, individualiser les parcours, développer l’employabilité, ouvrir les esprits à la concurrence, favoriser l’uberisation et faire de chacun un auto-entrepreneur de lui-même… Ce projet se déploie par ailleurs avec l’investissement massif de la commission de Bruxelles et du Ministère de l’Éducation, entourés d’une myriade de « start up », autour des « Blockchains ». Selon la définition proposée par le site BlockChain France, la « chaîne de blocs » est « une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle ». Ses promoteurs mettent en avant ses supposés avantages techniques afin de mettre en place une base de données européenne contenant toutes les informations scolaires vérifiées et fiabilisées d’élèves. Mais derrière ces objectifs affichés, il ne faut pas gratter beaucoup pour trouver le véritable enjeu : la mise en place du cauchemar capitaliste éducatif, chaque individu responsable de son CV et de son employabilité certifiée par des compétences (techniques, sociales, personnelles…) mettant fin aux diplômes nationaux pour ouvrir en grand la porte à tous les groupes privés dispensant et validant les compétences par des plate-formes numériques individualisant tous les parcours et rompant toutes les solidarités. Bref, l’individu hors du collectif, seul responsable de sa formation tout au long de sa vie et essayant de monnayer celle-ci dans une contractualisation permanente avec le patronat.
Après les « réformes » du collège, du baccalauréat et des lycées généraux, technologiques et professionnels qui vont tout à fait dans ce sens, le gouvernement profite de la crise pour faire avancer et nous faire tous reculer. De la « continuité pédagogique » aux blockchains en passant par la « société apprenante », leur projet est cohérent. À nous d’opposer notre cohérence à la leur en résistant et en dessinant à nouveau un projet éducatif émancipateur basé sur la coopération, la solidarité, les valeurs collectives de l’humain faisant société pour le bonheur commun.
À l’instar de toutes les périodes de «guerre» gérée par la classe de la Bourgeoisie, notamment en France, la période actuelle a donc conduit les Etats à affaiblir encore plus les droits fondamentaux, les droits des travailleurs, au nom de «l’union sacrée», sacrément pratique pour couvrir leurs décisions, leurs fautes. Depuis qu’elle a commencé, depuis qu’elle s’est concrétisée avec le confinement, Dr Jean-Michel a imposé une diète à Misteur Blanquer, par la répétition de déclarations enflammées envers les enseignants, envers les travailleurs de l’Éducation Nationale. Les mots, les expressions, les plus dithyrambiques et empathiques, sont prononcés. Il faut dire que, tout en étant confinés chez eux, les enseignants ont été sommés de continuer à travailler, pour assurer la «continuité pédagogique» : autrement dit, continuer les cours, sans classe physique, avec les moyens du bord. Les moyens se sont révélés faibles. Les connexions au réseau ENT étant massives et effectuées en même temps, les serveurs ont cédé. Professeurs et élèves ont été confrontés à des blocages. Celles et ceux qui ont voulu rester en contact avec les élèves, essayer de faire un cours, ont ou abandonné ou utilisé une énième application américaine, à propos de laquelle, des académies, des établissements, ont dit, d’un côté, qu’elle pouvait être utilisée, de l’autre, qu’elle ne pouvait pas être utilisée. L’annonce que le Bac va être construit sur le contrôle continu et un contrôle indéterminé de l’assiduité des élèves installe la réforme complète du lycée et du bac, un an avant de rentrer définitivement en vigueur, alors qu’elle fait l’objet d’un rejet, massif, majoritaire, de la part des enseignants. Pendant ce temps, Docteur Jean-Michel maintient son profit public, bonhomme, partout : des mots doux, de «la bienveillance». Mais Docteur Jean-Michel reste une marionnette de Misteur Blanquer. Pendant ce temps-là, il ne renonce à rien – ce que prouve la préparation de la mise en œuvre des dotations horaires par établissement, pendant cette période, dotations à la baisse qui conditionnent nécessairement une dramatique rentrée 2020/2021. Les précieuses manifestations publiques, à l’occasion desquelles les travailleurs se rencontrent, font entendre leur voix et leurs revendications, étant actuellement interdites et impossibles, nous nous retrouvons dans le meilleur des mondes de la bienveillance blanquérisée – où la novlangue devient réalité : «nous vous aimons» signifiant que nous continuons d’agir contre vous… Seul un renouveau communiste au sein du monde de l’Education Nationale et du monde enseignant sera à même de contribuer à ce qu’un rapport de force à notre avantage soit possible et réalisé. Le monde actuel fait la démonstration, en acte, que ce soit implicitement ou explicitement, que seule une politique communiste, en France, et dans le monde, nous permettra d’empêcher la spirale capitaliste de tous et toutes nous envoyer par le fond.
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