Depuis que le monarque « républicain » Macron a commencé, de façon insuffisante et très tardive, à prendre publiquement, à partir du 12 mars dernier, la mesure de la crise sanitaire majeure à laquelle la France (comme le reste du monde) est confrontée en raison de la pandémie du nouveau coronavirus, il ne cesse d’invoquer la science pour légitimer son discours. Qu’en est-il réellement ? Devrions-nous revoir notre jugement de décembre dernier selon lequel la contre-révolution euro-macronienne est aussi un obscurantisme anti-scientifique (https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/la-contre-revolution-euro-macronienne-est-aussi-un-obscurantisme-anti-scientifique/) ?
Politique euro-macronienne et recherche scientifique : entre schizophrénie et sabotage
De fait, l’apparente conversion de la macronie à la nécessaire prise en compte majeure des connaissances scientifiques dans les décisions politiques ne semble guère plus digne de crédit que les aveux, en pleine urgence sanitaire, du besoin de sortir quelques activités essentielles des lois du marché. La schizophrénie qui promeut en même temps un attachement de pacotille aux nouvelles technologies (surtout lorsqu’elles servent de prétexte à supprimer des emplois ou détourner des apories politiques majeures vers des palliatifs techniques…) qu’adorent les cadres sup’ « boboïsés » et une surdité remarquable aux alertes des scientifiques dans de nombreux domaines, comme celui de la crise environnementale (sur laquelle nous reviendrons ultérieurement) n’est pas nouvelle, elle est même constitutive de la forme macronienne de la dictature du capital.
Mais elle vient de connaître un développement, particulièrement manipulateur et abject dans le contexte actuel, lorsque Macron a annoncé le 19 mars vouloir consacrer un effort « inédit » à la recherche avec 5 milliards d’euros supplémentaires sur dix ans. Outre le montant pas spécialement impressionnant (que même le SGEN-CFDT a jugé décevant…) pour un effort inédit, de quoi s’agit-il ? De mettre en place sa LPPR (loi de programmation pluriannuelle de la recherche), qui a suscité et suscite toujours, dans le sillage de la lutte de classes générale pour la sauvegarde des retraites, un mouvement de protestation considérable des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche et des étudiants (voir par exemple https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/lppr-comprendre-et-faire-gagner-les-luttes-a-luniversite-dans-lenseignement-superieur-et-la-recherche/).
Même si ce n’est pas dit explicitement par le gouvernement, qui a promis de suspendre les « réformes » pendant la crise sanitaire, c’est bien la signification de cette annonce, puisqu’aucune mesure n’indique, bien au contraire, la fin (ni même l’infléchissement) des délétères contre-réformes précédentes du secteur généralisant précarité, financement sur appels à projets, localisme et autoritarisme, que la LPPR prévoit d’aggraver et pérenniser. Derrière l’annonce, qui pourrait sembler de bon sens, d’augmenter les moyens de la recherche, c’est son sabotage qui est prévu.
Même si nous revenons à la stricte gestion sanitaire de la crise en cours, la politique macronienne apparaît clairement comme un tissu de contradictions, d’imprudences flagrantes, de déni de toute approche rationnelle et scientifique – voir notamment cet article d’IC : https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/covid-19-la-strategie-francaise-en-question-tests-chloroquine/.
Sans en reprendre tous les aspects, rappelons que la stratégie qui a sous-tendu le retard incroyable à prendre des mesures vigoureuses – stratégie assumée ouvertement par le seul Royaume-Uni (qui commence lui aussi, contraint par la catastrophe en cours, à la revoir…), mais suivie de fait en filigrane, un temps, par la France et de nombreux autres pays européens, est celle de l’immunité collective : laisser le microbe se propager largement, arguant de son faible taux de mortalité, dans l’espoir que cela immunise les personnes en contact avec la maladie qui l’auront vaincue (puis protège collectivement l’ensemble de la population). Malgré son caractère toujours dangereux, et ce beaucoup plus particulièrement pour un virus nouveau, on ne peut pas balayer scientifiquement d’un revers de main cette stratégie.
Un premier problème majeur provient de ce que, si l’exposition à une maladie infectieuse protège souvent d’une nouvelle infection par la même maladie, ce n’est pas systématique, et il n’existe aucune certitude à ce sujet pour le nouveau coronavirus. Bref, même si toute la population était exposée, rien ne garantirait que les survivants ne soient recontaminés et puissent développer une forme aussi grave (voire peut-être davantage) que la première fois. Bref, faire courir un tel risque à l’échelle d’une population entière pour une maladie dont le taux de mortalité, bien que faible, dépasse de loin celui d’une grippe, relève d’une inconscience possiblement criminelle.
De plus, pour vérifier ce qu’il en est en matière d’immunité et de recontaminations, il est crucial de tester massivement la population, y compris les formes bénignes de la maladie et de nombreuses personnes non suspectes a priori de l’avoir contractée. La France ayant opté pour la stratégie obscurantiste inverse (ne tester que les cas graves), toute tentative de vérification d’immunité collective est nulle et non avenue. Quant aux incertitudes, encore réelles, sur le taux véritable de mortalité de la maladie (sachant que, fort heureusement, de nombreuses personnes en contact avec le virus ne développent que des symptômes bénins – et non spécifiques), avancées par certains, la seule manière d’y voir plus clair est aussi de procéder à des tests massifs.
Enfin, l’aspect le plus malhonnête pour lequel la macronie a convoqué la science afin de justifier sa gestion de crise calamiteuse aux conséquences mortifères concerne la fragilité des preuves en faveur de traitements antiviraux (comme la chloroquine, mais aussi d’autres) utilisés par de nombreux autres pays (voir par exemple https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/covid19-cuba-a-lavant-garde-mondiale-de-la-mobilisation-contre-la-pandemie-de-coronavirus/) : pour réelle qu’elle soit, ce qui est structurel pour une maladie nouvelle, étant donné la complexité extrême de la mise au point et de la validation rigoureuses de traitements médicaux, elle ne motive en rien valablement le fait que de nombreux centres français se contentent de soins symptomatiques de la maladie !
En effet, devant l’urgence de la situation et l’effroyable tri des malades qui se met en place, tout doit être tenté tout de suite pour limiter l’ampleur de la catastrophe. Soulignons qu’il ne s’agit pas de tester de nouvelles molécules, dont les effets secondaires à terme pourraient être inconnus et désastreux, mais d’utiliser des médicaments connus, aux dosages et effets indésirables maîtrisés. Ou quand invoquer une vision particulièrement rigoureuse de la science (par ailleurs en totale contradiction avec la politique de recherche du gouvernement, qui multiplie les conflits d’intérêts structurels et jette donc un doute sur des essais cliniques menés avec plus de recul que dans l’urgence actuelle) sert de prétexte à une démarche irresponsable et anti-scientifique – ne rien tenter de réellement curatif sous couvert des nombreuses incertitudes qui demeurent… Dans ces conditions, il ne reste plus que la méthode la plus ancienne, très rudimentaire scientifiquement parlant (encore que l’équipement massif de masques de haute protection sophistiqués la rendrait beaucoup plus efficace… si la France en fabriquait assez), mais éprouvée, y compris pour le nouveau coronavirus, comme l’a indiqué l’OMS et comme le succès de la Chine populaire à arrêter l’épidémie sur son territoire l’a attesté, le confinement massif et rigoureux de la population.
Là encore, le gouvernement a bien tardé, et continue, notamment pour ne pas déplaire au patronat, à lui conférer toute la rigueur nécessaire vu la gravité et l’urgence de la situation sanitaire où l’on en est arrivé. Pourtant, il n’est pas vraiment loin le temps où les sarcasmes mâtinés de racisme, de néocolonialisme et d’anticommunisme des journalistes stipendiés raillaient une supposée nullité de la Chine populaire face à l’épidémie… Le macronisme, c’est en même temps la « supériorité » abjecte auto-proclamée de l’homme blanc occidental « branché » et l’impuissance obscurantiste à tenir compte rationnellement d’une approche scientifique de la situation, quelle qu’elle soit, couplée à l’impuissance industrielle à fabriquer des masques et des outils de dépistage rapide et massif !
Court terme et bureaucratie pour la recherche, entre cynisme et parasitisme
Pour mesurer la bêtise et le cynisme dont font preuve nos gouvernants lorsqu’ils en appellent aux chercheurs contre le coronavirus, songeons à leur réponse du début de ce mois de mars 2020, où la très bureaucratique et « indépendante » ANR (Agence Nationale de la Recherche, outil essentiel pour dessaisir les scientifiques de leur liberté et de leur financement pérenne) a lancé un appel à projets « flash » COVID-19 (https://anr.fr/fr/detail/call/appel-a-projets-flash-covid-19/). Alors que le retard de la réaction française face au virus était déjà évident, et que nos « élites » méprisaient souverainement les approches préconisées par les scientifiques chinois (ce qui aurait au moins pu les convaincre de redoubler les efforts français…), plutôt que de donner aux chercheurs de notre pays tous les moyens pour développer en urgence leurs travaux, en toute sécurité sanitaire mais hors des lourdeurs administratives, on leur a demandé de continuer à s’épuiser à répondre à un énième appel à projets pour pouvoir se lancer dans la bataille !
Il paraît que les contraintes bureaucratiques sont l’apanage de la planification socialiste et de sa supposée rigidité : on en rirait presque, s’il ne s’agissait pas d’une réalité si tragique. Dans un communiqué du 19 mars (https://sncs.fr/portfolio/lagence-nationale-de-la-recherche-en-quarantaine-vite/), le SNCS-FSU a fort pertinemment demandé la mise en quarantaine de l’ANR pour l’avenir de la recherche scientifique et de notre santé. De fait, la politique de recherche gouvernée par appels à projets n’engendre pas seulement une bureaucratie parasitaire et une précarité croissante, elle affecte gravement toute vision de long terme indispensable pour une recherche réactive et efficace.
Ainsi, même si l’apparition du Covid19 constitue un événement imprévisible, l’émergence de nouveaux pathogènes a toujours accompagné l’humanité et l’accompagnera toujours. De surcroît, les alertes concernant la grande famille des coronavirus se sont multipliées en ce début de XXIe siècle où, avant le Covid19, ce sont deux nouveaux virus très pathogènes pour l’homme qui sont apparus : le SRAS en 2003 et le MERS en 2012 (avec des taux de mortalité encore beaucoup plus élevés que le Covid19, mais heureusement moins contagieux).
Pourtant, comme le dénonce un tract du SNTRS-CGT (https://sntrscgt.vjf.cnrs.fr/spip.php?article2848), les recherches autour de ces menaces sérieuses pour la santé humaine se sont vite éteintes faute de financement, une fois passé le gros de ces premières épidémies, car l’industrie pharmaceutique n’y trouvait plus guère d’intérêt, et l’« indépendante » ANR pas davantage. Pourtant, si la recherche fondamentale et clinique sur ces maladies en particulier et sur la famille des coronavirus (qui présentent suffisamment de similitudes pour qu’un traitement ou vaccin efficace pour un ou plusieurs d’entre eux ait des chances de se montrer utile en urgence face à un nouveau venu) en général s’était poursuivie, peut-être la catastrophe actuelle aurait-elle pu être, sinon évitée, au moins limitée.
Et peut-être conviendrait-il de se préparer, dès que la crise aiguë du Covid19 sera passée, à la future émergence d’un autre coronavirus dangereux pour l’humanité… en commençant par supprimer le Crédit Impôt Recherche (lire par exemple à ce sujet : https://universiteouverte.org/2020/03/19/5-milliards-des-effets-dannonce-mais-toujours-pas-de-moyens-pour-la-recherche/) qui engraisse les multinationales de l’industrie pharmaceutique, même quand elles sacrifient la recherche (comme Sanofi, qui a touché de l’argent public à ce titre, y compris lorsque l’entreprise a fermé son centre de recherche toulousain !) et en le réaffectant en totalité à la recherche publique, sans pilotage bureaucratique ni patronal. Devant le cynisme indécent de l’industrie pharmaceutique, aux taux de profits faramineux, et sa faillite à jouer son rôle en matière de santé publique, sa nationalisation immédiate sans aucune indemnité aux gros actionnaires s’impose bien sûr, accompagnée d’un plan de développement industriel national dans ce secteur stratégique.
Risques microbiens : de l’euphorie des antibiotiques et vaccins à l’impasse du mécanisme biologique
Pour autant, nous ne devons pas oublier qu’au XXe siècle, y compris dans le cadre capitaliste, la santé publique a connu une avancée absolument gigantesque en matière de risques microbiens avec l’avènement des antibiotiques. Ils ont permis de sauver des millions de vie non seulement directement, en guérissant complètement (et avec peu d’effets secondaires) les victimes d’infections bactériennes graves, mais aussi indirectement en protégeant les patients affaiblis par d’autres problèmes de santé (interventions chirurgicales lourdes, cancers, virus qui tuent souvent par surinfection bactérienne…). En marxistes conséquents, nous devons examiner ces questions d’abord à l’aune de la science, avant d’en tirer les conclusions politiques qui s’imposent.
L’euphorie légitime a assez vite donné lieu à de premières alertes, avec l’apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques, parfois très virulentes et difficiles à combattre. Une partie de l’importance du développement de ces résistances vient d’une utilisation trop générale des antibiotiques dans la population (parfois utilisés pour des affections bénignes qui guérissent spontanément en quelques jours de repos) – certainement favorisée par la pression des industriels ayant trouvé avec ces médicaments une « poule aux œufs d’or » – mais aussi par l’agriculture industrielle, où l’utilisation systématique des antibiotiques permet à la fois de limiter les risques infectieux considérables des élevages intensifs et d’augmenter les rendements en accélérant la croissance des animaux.
De plus, les antibiotiques, et souvent la vaccination, un autre progrès médical majeur généralisé au XXe siècle contre les maladies infectieuses, sont impuissants contre d’autres menaces infectieuses. Le paludisme, dû à un parasite, constitue une cause de mortalité et de morbidité majeure dans le monde (mais surtout dans les pays pauvres, d’où le peu d’intérêt de l’industrie pharmaceutique). Les virus sont arrivés dramatiquement sur le devant de la scène infectieuse dans les années 1980 avec la découverte du VIH, virus responsable de la maladie alors émergente et mortelle qu’était le Sida. Si des progrès thérapeutiques majeurs ont été réalisés pour lutter contre le VIH ou les hépatites virales, beaucoup reste à faire pour la lutte générale contre les affections virales, et plus généralement infectieuses non bactériennes, en plus du fléau très grave des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques.
La négligence face à ces résistances a fait perdre à l’humanité un temps précieux dans la course sans fin (même dans un monde communiste avancé, où la prévention et la recherche seront extrêmement développés, cette bataille contre les pathogènes ne pourra jamais être définitivement gagnée) qui a à voir non seulement avec les intérêts sordides de l’industrie pharmaceutique, mais aussi avec une vision scientifique non dialectique des interactions entre l’homme et son environnement, macroscopique comme microscopique. Les méthodes de lutte antibactérienne à l’aide de virus (non pathogènes, eux !) bactériophages, développées largement en URSS et dans les pays socialistes européens, ont d’ailleurs, depuis quelques années, commencé à susciter l’intérêt des scientifiques du « monde libre », qui les avaient souvent ignorées ou méprisées. En effet, bien que plus complexes et coûteuses à mettre en place qu’une thérapie antibiotique, ces approches antibactériennes n’engendrent pratiquement aucun risque de résistance en raison de leur caractère très ciblé.
Des maladies infectieuses (bactériennes, virales, parasitaires…) de plus en plus complexes à comprendre et à traiter émergent et risquent d’émerger de plus en plus vite : telle est l’une des dures lois, parfaitement matérialiste et dialectique, que nous enseigne, entre autres, Darwin – immense savant qu’admirait Marx et qui, contrairement à des propos assez récents du PDG du CNRS à propos de la LPPR (dénoncés par exemple dans cette pétition : https://www.petitions.fr/recherche__non_a_une_loi_inegalitaire), n’avait rien d’un promoteur du mal nommé « darwinisme social ». Une loi que les gestionnaires d’un capitalisme de plus en plus pourrissant et exterministe ne comprennent que dans l’urgence, quand la réalité devient tellement énorme qu’ils ne peuvent plus la nier, et qu’ils commencent à avoir peur pour eux (plusieurs membres du gouvernement et parlementaires sont atteints du Covid 19), car tous les gaz lacrymogènes, LBD, et au besoin fusils ou armes de destruction massive qui les protègent des protestataires de tout poil ne peuvent rien contre les microorganismes.
Catastrophes sanitaires et environnementales
Une vision dialectique de la biologie impose également de lier les risques microbiens aux modifications et risques environnementaux majeurs causés par l’impérialisme. On lira avec profit à ce sujet le tout récent article du Monde Diplomatique « Contre les pandémies, l’écologie » (https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/SHAH/61547). Sur ce point, le mépris de nos dirigeants, proprement irresponsables pour l’avenir de l’humanité, face aux alertes scientifiques, malgré les discours manipulateurs pernicieux d’un Macron et de la sinistre « Union européenne » (dont les actions objectives en matière d’écologie se rapprochent de celles du « beauf » ouvertement climato-sceptique Trump), est au moins aussi grand que celui que nous avons rappelé en début d’article à propos de la crise sanitaire.
Quand le monde est en feu, y compris au sens propre du terme, que ce soit au Brésil ou en Australie, que les climatologues prévoient pour la fin du siècle des catastrophes bien plus gigantesques que tout ce que nous avons connu ces derniers temps (coronavirus compris), avec une terre littéralement invivable sur une grande part de sa surface, si l’on continue sur la trajectoire actuelle, rien que des palabres hypocrites sortent des bouches des politiciens au service du capital. Pire, pour la tendance macroniste, ils en profitent pour favoriser (à grand renfort d’aides au patronat…) des « solutions » pires que le mal, comme la voiture individuelle électrique, plutôt que le développement des transports en commun, la relocalisation des activités industrielles, le retour de services publics de proximité et la fin de l’étalement urbain.
En matière agricole, malgré les promesses régulièrement faites de diminuer l’usage des pesticides, très nocifs pour l’environnement et pour l’homme, les multinationales de l’agroalimentaire telles Monsanto conservent de fait le pouvoir et dictent leur politique mortifère. Un exemple particulièrement cynique dans le contexte d’urgence sanitaire actuel est la toute récente saisine par la société Dow AgroSciences, (filiale de la multinationale DowChemical) de la Cour administrative d’appel de Marseille afin d’obtenir l’annulation de l’interdiction de deux insecticides néonicotinoïdes, dont la toxicité dramatique pour les pollinisateurs est avérée (voir https://reporterre.net/La-firme-Dow-AgroSciences-veut-annuler-l-interdiction-de-deux-insecticides). Là encore, le problème est aussi d’ordre scientifique : le paradigme mécaniste de la lutte par des toxiques contre les insectes potentiellement ravageurs de cultures, en lieu et place de la vision dialectique d’une prise en compte globale des fragiles équilibres du vivant, mène l’agriculture à une impasse à terme, après les premiers « miracles » de la bien mal nommée « révolution verte » imposée largement au monde par l’impérialisme états-unien après la seconde guerre mondiale (voir à ce propos les deux ouvrages du biologiste marxiste Guillaume Suing parus chez Delga).
Mais revenons au risque microbien. À défaut d’analyse exhaustive, qui mériterait un long article séparé, soulignons brièvement quatre aspects :
- Le changement climatique, même s’il ne semble rien avoir à voir avec l’émergence des nouveaux coronavirus, constitue un risque sanitaire majeur en lui-même. La prolifération sur de plus vastes parties du globe des moustiques (on l’a déjà vu avec le moustique tigre, maintenant présent dans toute la France métropolitaine, et qui, contrairement aux moustiques « autochtones », peut véhiculer de graves affections) et autres vecteurs de maladies graves très présents dans les pays tropicaux va avec le réchauffement. De plus, les catastrophes « naturelles » décuplées (inondations, sécheresses etc.) par le changement climatique (qui ne se résume pas au seul réchauffement) favoriseront encore plus ces invasions. La fonte massive des pergélisols du grand nord pourrait libérer des virus conservés depuis extrêmement longtemps par la glace et dont on ne connaît rien… Si l’on laisse le réchauffement climatique hors de contrôle, il tuera massivement non seulement directement par des canicules et incendies effroyables, mais indirectement aussi par des catastrophes agricoles et microbiennes.
- Le ralentissement très brutal de l’économie mondiale engendré par le confinement actuel devra être étudié, politiquement mais d’abord scientifiquement, hors de tout préjugé. La diminution considérable de la pollution qu’il a déjà entraînée en Chine et va entraîner sans doute à bien d’autres endroits, comme en France, aura certainement des conséquences sanitaires importantes. Il se peut que cette baisse de la pollution, fût-elle temporaire, sauve un grand nombre de vies (son effet sur la production de gaz à effet de serre sera pour sa part trop bref pour avoir une influence climatique notable, mais de possibles effets ponctuels mériteront d’être examinés). S’il ne s’agit évidemment pas de préconiser la mise à l’arrêt de toutes les activités non vitales comme solution aux problèmes écologiques, il est indispensable de se pencher rationnellement sur ses conséquences objectives, pour réfléchir à une politique industrielle progressiste, planifiée, réfléchie, à la fois productive et attentive à éviter les productions inutiles ou aux conséquences collectives néfastes disproportionnées par rapport au gain procuré.
- Prenons un exemple qui, à défaut de constituer la question la plus importante sur le sujet, s’avère significatif : le déploiement de la téléphonie 5G, qui aurait dû être imminent en France. Il sera nécessairement retardé par la crise actuelle, mais ne serait-il pas plus pertinent de procéder de façon beaucoup plus prudente et éventuellement, à l’issue d’un vrai débat scientifique et démocratique, de l’abandonner purement et simplement ? Il ne s’agit pas de refuser toute innovation technique, mais de noter que cette technologie implique une forte augmentation de la consommation énergétique liée à la téléphonie, pas vraiment bienvenue en pleine urgence climatique, et que les effets sur la santé (voire sur d’autres dispositifs technologiques, par de possibles interférences) des ondes de la 5G, différentes de celles des réseaux actuellement utilisées, n’ont fait l’objet d’aucune étude scientifique sérieuse…
De plus, augmenter le débit de nos télécommunications, déjà considérable, constitue-t-il vraiment une priorité alors que l’actualité nous rappelle de façon dramatique l’urgence d’investir massivement dans les services publics de santé et de recherche et de réindustrialiser la France dans des secteurs « classiques » pour éviter la pénurie en cas de crise mondiale imprévue, quelle qu’en soit la cause, et montre la faillite du « libre-échangisme » fanatique consubstantiel en même temps de l’explosion des télécommunications, de la surexploitation des travailleurs, de la dégradation à grande vitesse de l’environnement… et de la propagation à grande vitesse des microbes ? - Nous ne pouvons non plus ignorer que la majorité des microbes dangereux pour l’humanité (et ce de tout temps) provient du franchissement de la barrière d’espèce à partir de différents animaux. Pour le Covid19, même si l’hypothèse de la transmission par le pangolin reste à confirmer, l’origine animale est quasi-certaine, comme elle l’est pour un grand nombre de tueurs microbiens, apparus récemment ou pas. Les élevages intensifs font courir un risque majeur par le nombre et la concentration gigantesque d’animaux qu’ils abritent (et par l’usage d’antibiotiques), mais ils ne sont pas seuls : la consommation de viande de brousse est probablement à l’origine du passage à l’espèce humaine du terrible VIH. Le trafic d’animaux sauvages constitue à l’échelle planétaire le commerce illicite le plus développé avec celui des armes et des stupéfiants, et ses conséquences en matière de biodiversité mais aussi de santé humaine sont particulièrement dramatiques.
La question de la végétalisation massive de l’alimentation (et d’autres productions associées comme celle du cuir, produit à partir de peaux animales à l’aide de procédés polluants et toxiques pour les travailleurs concernés) se pose ainsi de manière urgente pour l’avenir écologique mais aussi sanitaire de l’humanité. Une telle végétalisation, outre la diminution directe des risques infectieux transmis par les animaux par la réduction de l’élevage et de la chasse, est unanimement reconnue par les scientifiques comme un levier essentiel pour limiter l’emprise de l’agriculture sur la terre sans compromettre la sécurité alimentaire de l’humanité (voir par exemple le dossier « Comment réconcilier notre alimentation avec le climat » dans La Recherche : https://www.larecherche.fr/dossier/comment-r%C3%A9concilier-notre-alimentation-avec-le-climat, ou l’article du Monde Diplomatique sur « Le coût de la viande bon marché » https://www.monde-diplomatique.fr/2013/04/STIENNE/48972), avec des bénéfices écologiques considérables, donnant la possibilité de mettre fin à la déforestation et à l’altération d’habitats d’animaux sauvages.
Enjeu pour limiter la catastrophe climatique, mais aussi les interactions entre hommes et animaux sauvages (qui gagnent de plus en plus les champs cultivés voire les villes, multipliant les risques de transmission de pathogènes). Impossible de ne pas prendre en compte une telle donnée dans un programme communiste ou simplement progressiste pour aujourd’hui et pour demain, où l’agriculture et l’alimentation mêlent des enjeux de classe, culturels, géostratégiques, mais aussi sanitaires, écologiques et scientifiques, sur lesquels les marxistes doivent s’appuyer.
En finir avec le capitalisme mortifère !
Si la priorité absolue actuelle demeure le strict respect des mesures de sécurité sanitaire et la mobilisation pour les personnels soignants ou d’autres secteurs vitaux, nous devons préparer l’avenir armés d’une réflexion marxiste, scientifique, de long terme : contrainte par la terrible réalité, la bourgeoisie commence à comprendre que les conditions matérielles de production et d’organisation sociale devront changer après la crise, faisons en sorte qu’il ne s’agisse pas d’un ravalement cosmétique ou, pire, d’une plongée dans le fascisme (de l’état d’urgence sanitaire à l’état d’urgence permanent…), mais au contraire une crise dont la classe laborieuse sortira plus expérimentée pour préparer la révolution socialiste.
Adrien Delaplace pour www.initiative-communiste.fr 23 mars 2020
RECHERCHE Une prescription totalement inadaptée au diagnostic ! le communiqué de la CGT SNTRS
Se saisissant du moment exceptionnel dans la vie de la nation que représente l’épidémie de Covid-19, le président de la République et avec lui le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation annoncent, sans autre forme de concertation, la mise en oeuvre d’un ensemble de mesures dont la plupart étaient déjà contenues en germe dans les documents préparatoires de la Loi de Programmation Pluriannuelle, pour la Recherche (LPPR) et qui avaient déjà valu une véritable levée de boucliers de la part de la profession.
Tels les médecins de Molière qui, après avoir multiplié purges et saignées, constatent que le malade est de plus en plus faible et mal en point, ils font le constat, aujourd’hui, que la recherche est au plus mal, qu’elle nécessite une intervention forte et sans précédent.
Pour autant, une fois le diagnostic posé, la prescription reste très
en deçà des enjeux et ne fait que prolonger, sans rien y changer, les
politiques en cours. Alors que depuis plus de 20 ans l’objectif de 1 %
du PIB consacré à la recherche publique est affiché et proclamé, ils
nous annoncent que celui-ci est renvoyé à l’horizon 2030.
Alors que la recherche souffre d’une précarisation galopante de ses
emplois, d’une perte de repères de ses équipes sur le sens de leur
travail, d’un sous dimensionnement permanent de ses moyens humains et
financiers, ils nous proposent de poursuivre sur la voie qui, depuis
plus de deux décennies, conduit la recherche française dans l’impasse.
Au regard de l’évolution attendue du PIB, avec une progression de 5
milliards en 10 ans, le budget en 2030 sera au mieux, en euro constant,
de 0,85 % du PIB et une part importante de ces crédits viendra abonder
le budget de l’ANR, alors que cette agence n’est certainement pas la
solution à la crise de la recherche en France mais, en l’état, bien plus
un symptôme du malaise de celle-ci.
La Recherche, en France, n’a pas besoin de faux-semblants et d’effets d’annonce mais d’un véritable choc d’investissement, de financements pérennes, d’emplois supplémentaires stables, statutaires et aux salaires attractifs dans toutes les catégories de personnels (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, métiers supports, etc.). L’épidémie que nous vivons démontre dramatiquement le besoin d’une recherche forte dont les financements sont assurés dans le temps, pour répondre aux besoins à venir, tant sociaux que sociétaux et environnementaux. Pour cela il faut, dès 2021, que 1 % du PIB soit consacré à la recherche publique.
Précisons tout de suite qu’il n’est, pour la CGT, pas concevable que l’objectif des 5 milliards manquants pour atteindre le 1 % consacré à la recherche publique en référence au PIB d’avant la crise sanitaire soit revu à la baisse, dans le cadre d’une réduction prévisible de la croissance.
Une loi de programmation devrait en tout état de cause, en plus de ces 5 milliards, planifier une augmentation substantielle et progressive des engagements financiers pour la recherche. La BCE vient, quant à elle, de décider un plan d’urgence en débloquant 750 milliards d’euros. De quel financement disposeront la recherche publique et la R&D ?
Dans un contexte où la recherche fonctionne sur la base d’appels à
projets, chacun s’accorde sur le fait que les financements de base sont
aujourd’hui tombés si bas qu’ils remettent en cause la capacité des
équipes à bien y répondre. De ce fait, leur capacité à anticiper le
temps plus long des défis qui nous attendent est remise en
cause. Effet de mode oblige, la diminution des crédits par appels à
projets, pour les recherches sur les coronavirus entre la crise de 2003
et celle de 2020, démontre suffisamment que seuls les financements
pérennes permettent aux équipes de poursuivre des chantiers essentiels,
même lorsque le « pilotage » par agence perd le fil.
Ce plan, enfin, reste muet sur ce qui pourtant sera à l’origine de la
recherche de demain : l’enseignement supérieur. C’est, en effet, au sein
de celui-ci que doivent être formés les futurs chercheurs, que doivent
se forger les vocations pour la recherche de demain et les consciences
et compréhensions citoyennes des enjeux à venir.
L’enseignement supérieur, haut lieu de formation et de recherches, est le grand oublié de ces annonces.
Frédérique Vidal, ministre de la Recherche, propose un « réarmement de
notre recherche qui paie les conséquences d’un sous-investissement
chronique ». Or, ce réinvestissement présenté comme massif s’inscrit de
nouveau dans des choix stratégiques qui ont déjà fait la preuve de leur
inefficacité.
Pour notre organisation, hormis la nécessité d’une augmentation des moyens pérennes de la recherche fondamentale, sans laquelle toute velléité de R&D ou d’innovation est vaine, il faut créer les conditions de transfert qui soient profitables à l’ensemble de l’économie sans pour autant léser le secteur public garant de l’intérêt général.
De ce fait, la CGT propose que :
les pouvoirs publics arrêtent de s’entêter à faire perdurer des
dispositifs d’interfaces qui, non contents d’accaparer bon nombre de
financements publics, restent d’une efficacité très limitée et
complexifient le paysage de la recherche ;
soit questionné et réorienté, tant sur la forme que sur le fond, tout
le système d’aide publique dédié à la recherche privée dans le cadre de
négociations entre organisations syndicales et patronales et du
gouvernement. Celles-ci doivent porter sur l’efficacité des modalités
des aides, sur l’élaboration de critères d’attribution liés aux
résultats des entreprises, en termes d’accroissement de l’investissement
en Recherche et Développement (R&D) et d’insertions
professionnelles mais aussi sur les modes de contrôle a priori et a
posteriori. Parmi ces critères, celui sur la finalité des recherches
financées par l’argent public devrait être introduit, celles-ci devant
nécessairement répondre aux besoins des populations, comme par exemple
la nécessité de recherche sur les maladies infectieuses pour l’industrie
pharmaceutique ;
soit impulsé, au travers des organismes nationaux de recherche dont
dispose le pays (EPIC, EPST, Université, etc.) un plan de recherche
public ambitieux de grands programmes ayant pour vocation d’aborder
l’ensemble des défis sociétaux que nous devons relever.
La CGT entend permettre aux salariés et à leurs représentants
d’intervenir sur les choix scientifiques et technologiques et les
stratégies à mettre en oeuvre sur le long terme. Ces stratégies
déterminent le contenu de la recherche et de l’aval industriel.
L’emploi, la formation, le contenu du travail de centaines de milliers
d’individus sont en cause.
La CGT entend prendre toute sa place quand de tels enjeux dépendent des
choix qui vont être faits. Elle est aussi consciente du rôle du
syndicalisme face aux défis de notre temps.
Le sursaut collectif ne se fera pas sans le syndicalisme car celui-ci
porte l’expérience plus que centenaire de la construction du rapport de
forces pour défendre, préserver et améliorer un environnement vulnérable
depuis longtemps : celui du travail. Nous savons, désormais, que les
choix stratégiques au profit du capital qui rendent la vie au travail
invivable ont entrepris de rendre la vie insupportable. Ces luttes sont,
désormais, indissociables :
la survie des équilibres écologiques ne se fera pas sans la libération
du travail, sans l’émergence de nouvelles formes de gouvernance et de
décision, rendant leur voix à celles et ceux qui entendent prendre soin
de leur environnement au sens le plus riche de ce terme : environnement
social, humain, naturel, celui d’aujourd’hui et celui des générations à
venir.
Montreuil, le 23 mars 2020