De la casse anti-sociale à la casse anti-démocratique
Alors que la colère et la mobilisation populaires progressent dans le pays, que les luttes se multiplient depuis plusieurs mois dans la jeunesse, dans de nombreuses branches professionnelles et dans de nombreuses régions contre la casse économique et sociale imposée par le gouvernement, le MEDEF et l’UE, nous assistons à une dangereuse et rapide dérive autoritaire du pouvoir.
Non seulement celui-ci se sert comme d’habitude de son appareil médiatique et de ses journalistes aux ordres pour diviser une population récalcitrante et empêcher les mécontentements de converger (grévistes contre «usagers» (le terme d’usager n’est plus utilisé qu’en cas de grève, autrement, on parle de «clients»…) français contre étrangers, jeunes contre vieux, travailleurs «courageux» contre chômeurs «feignants», salariés du public contre salariés du privé, salariés contre petits commerçants ou petits artisans… alors que tous sont victimes de la même politique) mais il recourt de plus en plus durement à la criminalisation et à la répression des mouvements populaires.
C’est ainsi qu’après la désignation du danger terroriste représenté par une «ultra-gauche» inconnue jusque-là et le maintien au secret de deux personnes sans aucune preuve par le parquet «anti-terroriste», après la répression du mouvement lycéen et les sanctions contre les lycéens grévistes, les manifestants venus pacifiquement accueillir Sarkozy à Saint-Lô ont été brutalement réprimés par les «forces de l’ordre». De même, après la limitation du droit de grève des cheminots et des enseignants à l’été 2007, la grève des cheminots de Saint-Lazare contre la détérioration du service et le refus total de la direction de négocier avait déjà déclenché des campagnes anti-grévistes de grande intensité, avec comme toujours le jaunissant Chérèque dénonçant cette lutte «inadmissible». La grève de solidarité des cheminots contre l’agression, prévisible dans ce contexte, de l’un des leurs, a donné l’occasion à Sarkozy de poursuivre l’attaque contre les syndicats combatifs et le droit de grève : « Je ne peux pas accepter qu’une organisation syndicale irresponsable casse le service public et bafoue l’intérêt des usagers du service public en fermant la deuxième gare de France, sans prévenir personne ». On gage que Chérèque se gardera de le contredire, on attend toujours la réponse de Bernard Thibault, ancien cheminot. Et pourtant, est-ce un syndicat ou la politique euro-formatée des gouvernements successifs qui casse le service public et bafoue l’intérêt des usagers qui subissent au quotidien les suppressions de trains, les innombrables arrêts et retards entraînés par les suppressions de postes et le manque d’investissement dans le réseau ? Seraient-ce d’ailleurs aussi les syndicats qui ont fermé de nombreuses gares et de nombreuses lignes, et définitivement, ces dernières années ?
On pourrait crier à la bouffonnerie devant cette posture berlusconienne s’il ne s’agissait pas très sérieusement de restreindre encore davantage le droit de grève et d’accélérer la mise en place de mesures autoritaires dans le pays contre les travailleurs en lutte. A cet égard, la nomination d’Hortefeux au ministère du Travail et de la Famille est un signal explicite, lui qui s’est déjà occupé de la «Patrie» en expulsant les ouvriers immigrés et en organisant à Vichy (!) une réunion des ministres européens en charge de l’immigration.
Plus généralement, c’est l’ensemble des libertés démocratiques qui est aujourd’hui en danger, avec en outre la suppression du juge d’instruction, le contrôle total des grands moyens de communication, le fichage généralisé de la population (y compris des enfants dès l’âge de 3 ans !), la chasse aux «sans-papiers», la multiplication des syndicalistes traînés devant les tribunaux, la remise en cause de la laïcité constitutionnelle et la marche à la re-confessionnalisation de l’Etat, le contournement du Non souverain du 29 mai 2005 par l’adoption au forceps de la constitution européenne bis (dite «traité de Lisbonne»)… Ce faisant, le gouvernement agit totalement dans la ligne d’une UE qui criminalise le communisme et assimile désormais la grève à un acte potentiellement terroriste.
En réalité, les grands groupes capitalistes, poussés par leur «guerre économique» (qui se transforme de plus en plus rapidement en guerre «tout court» sur tous les continents) poussés par la recherche du profit maximum, ont décidé de reprendre aux travailleurs tout ce que ceux-ci avaient réussi à arracher par leurs luttes au cours des 19ème et 20ème siècles. Pour cela leur pouvoir doit réduire l’expression de la souveraineté populaire (en témoignent les directives européennes jamais soumises au peuple, l’adoption de force de la constitution européenne-bis, la casse du cadre national de souveraineté…) Pour cela leur pouvoir doit affaiblir la résistance des travailleurs et de plus bâillonner les libertés démocratiques les plus élémentaires. Comme l’expliquait avec une incroyable franchise le 17 décembre dernier devant une assemblée du MEDEF le patron des patrons allemands et sans que personne n’y trouve à redire : « Il est crucial de ne pas autoriser les gens qui ont des priorités politiques très différentes à exprimer leur opinion pour dire que «le capitalisme, c’est fini, le libre-échange, c’est fini» ». De telles paroles, révélatrices des aspirations proprement fascisantes du grand patronat, sont extrêmement graves, surtout quand les gouvernements sont à la botte de ceux qui les prononcent. Elles illustrent ce que les communistes et leurs alliés, durant les sombres années 30, appelaient fascisation, définie comme l’ensemble «des mesures réactionnaires de la bourgeoisie, dans les pays de démocratie bourgeoise, et qui écrasent les libertés démocratiques des travailleurs, falsifient et rognent les droits du parlement, accentuent la répression contre le mouvement ouvrier et révolutionnaire» (Dimitrov, 1935).
Face à cette menace, le PRCF appelle solennellement l’ensemble des communistes, des syndicalistes, des progressistes, des républicains, du monde du travail à s’unir pour dénoncer la casse sociale et démocratique et faire reculer ce pouvoir du grand capital qui attaque les intérêts, les droits et les libertés du peuple. Il invite tous les militants communistes à une intervention franchement communiste commune dans les luttes sociales, de manière à dé-légitimer clairement ce pouvoir fascisant, cette UE anti-populaire et ce système capitaliste porteur de régressions sans précédent.
Contre un gouvernement qui représente un danger pour tout le mouvement ouvrier et démocratique, c’est tous ensemble en même temps que nous parviendrons à gagner.
Le 29 janvier doit dans ce contexte prendre une ampleur exceptionnelle et ne pas être seulement un baroud d’honneur comme l’espèrent le gouvernement et ses alliés dans le mouvement syndical.